Ordonnance Télécom CRTC 99-741

Ottawa, le 29 juillet 1999

BELL CANADA - ASSISTANCE-ANNUAIRE AVEC ÉTABLISSEMENT AUTOMATIQUE DES COMMUNICATIONS SUR DEMANDE D'ASSISTANCE-ANNUAIRE

No de dossier : Avis de modification tarifaire 6276

Introduction

1.Le 4 septembre 1998, Bell Canada (Bell) a déposé une demande en vertu de l'avis de modification tarifaire (AMT) 6276, modifié par l'AMT 6276A du 25 septembre 1998, en vue de faire approuver des révisions tarifaires prévoyant l'introduction d'un service restructuré d'assistance-annuaire (AA) avec établissement automatique des communications sur demande d'assistance-annuaire (EACDAA).

2.Le 4 novembre 1998, le Conseil a amorcé une instance dans l'avis public Télécom CRTC 98-32 et a sollicité des observations sur la demande de Bell.

3.Des observations ont été reçues de Paytel Canada, Inc., Clearnet Communications Inc., AT&T Canada Services interurbains, le Centre pour la défense de l'intérêt public, pour le compte de l'Association des consommateurs du Canada, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et l'Organisation nationale anti-pauvreté, M. Chris Wong, Call-Net Enterprises Inc., l'Association canadienne des individus retraités et le Comité des responsables des télécommunications de centres hospitaliers du Québec.

4.Pour en arriver aux conclusions ci-dessous, le Conseil a tenu compte des mémoires de toutes les parties.

Sommaire de l'AMT 6276A

5.En vertu de la demande de Bell, le service d'assistance-annuaire locale (AAL) et le service d'assistance-annuaire interurbaine (AAI) seraient intégrés, ce qui permettrait aux abonnés de composer uniquement 4-1-1 pour demander n'importe quel numéro au Canada. Bell continuerait de soutenir les appels d'AAI 1-(IR)-555-1212, mais, dans le cas des indicatifs régionaux (IR) canadiens, il acheminerait ces appels venant de ses abonnés interurbains (c.-à-d., les abonnés dont Bell est l'entreprise intercirconscription de base (EIB)) aux mêmes postes de téléphonistes de Bell que pour les appels 4-1-1.

6.Bell a proposé de maintenir à 0,75 $ les frais par appel d'AA.

7.Les frais de 0,75 $ ne s'appliqueraient pas dans les cas suivants :

(1) personne qui ne peut consulter l'annuaire en raison d'un handicap permanent ou du fait qu'elle est analphabète, à condition que la personne soit inscrite comme telle auprès de la compagnie;

(2) personne de 65 ans et plus inscrite comme telle auprès de la compagnie;

(3) personne utilisant le service de relais Bell.

8.Selon la demande de Bell, les exemptions suivantes aux frais d'AA seraient supprimées du tarif :
personne appelant du service de téléphone public;
personne appelant du service de téléphone semi-public;
personne appelant du service de téléphone mobile;
personne appelant du service radiomaritime ou radioaérien;
personne appelant du service Téléforum;
personne appelant d'un téléphone interurbain;
personne appelant d'un hôpital inscrit ou d'un hôpital géré par le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial;
personne qui avise Bell d'un handicap ou d'une incapacité temporaire l'empêchant de consulter l'annuaire;
demande de numéro pour tout service lorsque l'appelant déclare qu'il s'agit d'un cas d'urgence;
demande de numéro dans le cas du service spécial à frais virés;
inscription omise de l'annuaire à la demande de l'abonné, ou inscription non trouvée.

9.Bell a également proposé d'intégrer l'option actuelle d'EACDAA dans le tarif du service d'AA proposé. L'EACDAA serait offert sans frais supplémentaires. Le tarif actuel de l'EACDAA est de 0,35 $ par appel.

10.L'établissement de l'appel serait offert pour les numéros de téléphone locaux et interurbains provenant du territoire de Bell, lorsque les appels proviennent d'un téléphone Touch-Tone et lorsque les numéros de téléphone sont fournis par un système automatisé de communication du numéro. Ces appels seraient acheminés sur le réseau de Bell.

11.L'établissement de l'appel n'est pas offert dans le cas des appels en provenance de téléphones payants, des appels à destination de numéros de téléphone fournis aux É.-U. et des appels à destination de numéros d'appel sans frais.

12.Les abonnés auraient le loisir de bloquer l'EACDAA. Ceux qui sont déjà bloqués continueraient de l'être avec l'introduction de ce service.

Suppression des exemptions

13.Le Conseil estime que, pour examiner la demande de Bell, il faut peser les motifs sous-jacents à chaque exemption par rapport aux avantages, sur le plan du choix pour les consommateurs, qui résulteraient de l'établissement de marchés concurrentiels dans la fourniture de services d'AA.

14.La concurrence dans la fourniture de services d'AA serait favorisée si les exemptions étaient supprimées, mais le Conseil fait remarquer que les exemptions actuellement en vigueur le sont généralement pour des motifs de politique publique valables et que la plupart des exemptions sont uniformes pour les compagnies de téléphone autrefois membres de Stentor.

15.Le Conseil juge que Bell n'a pas adéquatement tenu compte des incidences de sa demande sur le plan de la politique publique et n'a pas invoqué de raison contraignante de supprimer les exemptions et exceptions actuellement en vigueur, qui reposent sur des motifs de politique publique.

16.Pour ce qui est de l'exemption des frais d'AA lorsque Bell est incapable de fournir une inscription, le Conseil constate que Bell engage des frais lorsqu'elle traite les demandes d'AA dans les cas où un numéro ne peut être fourni.

17.Une demande d'AA peut être infructueuse lorsque le numéro demandé n'est pas inscrit ou n'existe pas, ou lorsque la demande n'est pas suffisamment précise. Selon le Conseil, il est raisonnable que les frais engagés à l'égard des demandes infructueuses soient assumés par ceux qui utilisent le service.

18.En outre, le Conseil estime que la suppression de cette exemption se veut un facteur important pour l'optimisation du service d'AA de Bell.

19.Par conséquent, le Conseil estime qu'il convient de supprimer cette exemption du tarif de Bell, mais d'en conserver les autres.

Intégration de l'AAL et de l'AAI

20.Le Conseil juge que l'intégration de l'accès à l'AAL et à l'AAI en composant le « 4-1-1 » convient, du fait que cela simplifiera l'accès à l'AA. Il prend note que Bell continuera de soutenir les appels 1-(IR)-555-1212.

Intégration de l'EACDAA dans le service d'AA

21.Le Conseil estime que l'intégration proposée de l'EACDAA dans le service d'AA, sans frais d'établissement d'appel, équivaut à une réduction tarifaire, ce qui exige un test d'imputation prouvant que le tarif proposé est compensatoire.

22.Le Conseil estime aussi que la proposition de Bell d'éliminer les frais d'établissement d'appel de 0,35 $ pourrait être perçue comme financée par l'élimination des exemptions relatives à l'AA.

23.Compte tenu des conclusions ci-dessus concernant les exemptions, le Conseil n'est pas convaincu que le service intégré, y compris l'EACDAA, réussirait le test d'imputation.

24.En outre, le Conseil estime que l'EACDAA est un service optionnel dont les frais devraient être assumés par ceux qui l'utilisent, non pas par la masse des utilisateurs de l'AA.

Ordonnance

25.Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne ce qui suit :

(1) les exemptions et exceptions actuellement en vigueur resteront dans le tarif, sauf que l'exemption des frais d'AA pour les inscriptions omises de l'annuaire conformément à la demande de l'abonné ou pour celles qu'on ne trouve pas parce qu'elles n'existent pas ou que la demande n'est pas suffisamment précise en sera supprimée;

(2) l'accès à l'AAL et à l'AAI sera intégré dans l'accès par composition de « 4-1-1 », tel que Bell l'a proposé; et

(3) l'option d'EACDAA actuelle ne sera pas intégrée dans le service d'accès « 4-1-1 » intégré approuvé.

26.En outre, le Conseil ordonne à Bell d'aviser ses abonnés, au moyen d'un encart de facturation, des modifications à l'AA établies dans la présente ordonnance. L'encart de facturation doit identifier les exemptions et expliquer que les appelants se verront désormais facturer des frais pour les demandes lorsqu'un numéro ne peut être fourni.

27.Le Conseil ordonne à Bell de publier des pages de tarifs révisées reflétant les décisions exposées dans la présente ordonnance. Ces pages de tarifs révisées ne doivent pas entrer en vigueur avant que les abonnés aient reçu l'avis exigé au paragraphe 26.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

Je suis en désaccord avec les paragraphes 16, 17, 18 et 19 de la décision majoritaire concernant cette demande. J'estime que les conclusions de la majorité relatives au caractère raisonnable de facturer pour des services non rendus établissent une norme de qualité du service trop basse pour les fournisseurs de services d'assistance-annuaire. En outre, on pourrait les interpréter comme une indication que le Conseil est favorable à la notion de facturation en double. Ni l'un ni l'autre ne sont souhaitables.

Cette demande, que Bell Canada (Bell) a déposée le 4 septembre 1998, visait à faire approuver des frais de 0,75 $ pour les demandes d'assistance-annuaire (AA) présentées dans 11 cas où les abonnés jouissaient depuis toujours d'une exemption de frais de service. Si la demande de Bell avait été intégralement approuvée, le nombre de ces exemptions pour ses abonnés serait passé de 14 à trois. Or, selon la décision de la majorité, le nombre total d'exemptions est réduit à 13.

Au nombre des appels d'AA pour lesquels Bell voulait supprimer l'exemption se trouvaient ceux de personnes appelant d'un hôpital, de personnes affligées d'un handicap ou d'une incapacité temporaire et de personnes ayant besoin d'aide en cas d'urgence : les personnes malades, handicapées et en détresse. Déclarer, comme la majorité l'a fait, que « ( Bell n'a pas adéquatement tenu compte des incidences de sa demande sur le plan de la politique publique », c'est bien le moins que l'on puisse dire!

Cette demande a été mal conçue et très mal appuyée à tous égards, y compris celui qui fait principalement l'objet de la présente opinion minoritaire. Je parle de la proposition de Bell de facturer 0,75 $ pour les demandes d'AA même dans les cas où l'information ne peut être fournie à la personne qui l'a demandée à cause d'une « inscription omise de l'annuaire à la demande de l'abonné, ou inscription non trouvée ». Autrement dit, lorsqu'une personne demande un numéro non inscrit et qu'il est ainsi impossible de le lui fournir à cause d'une entente de suppression d'inscription conclue entre Bell et un abonné, ou lorsque le téléphoniste ne trouve pas l'information demandée, le consommateur demandeur se verrait quand même facturer 0,75 $. Dans le cas de numéros non inscrits, ces frais feraient double emploi. Dans celui des inscriptions non trouvées, ils pourraient être déraisonnables. Dans les deux cas, il s'agit d'un dangereux précédent. Je ne l'autoriserais pas.

Les personnes qui recherchent l'intimité et l'anonymat que procure un numéro non inscrit paie pour ces avantages. En Ontario, par exemple, les abonnés de Bell paient des frais mensuels de 2 $. Jusqu'au 4 février 1998, date où les frais ont été fortement réduits, les frais mensuels étaient de 4,45 $. L'abonné dont le nom est supprimé de l'annuaire paie pour moins (pas d'inscription dans son annuaire téléphonique local) et pour plus (l'entente selon laquelle le système d'AA de Bell agira comme un bouclier plutôt que comme un conduit entre lui et les appelants indésirables). Le coût de fourniture du service de suppression d'inscription doit ou devrait être inclus dans ces frais mensuels. Exiger des frais supplémentaires de chaque personne qui demande un numéro qu'elle ne sait pas non inscrit, c'est facturer deux fois pour le même service. C'est inacceptable.

La situation dans laquelle un numéro ne peut tout simplement pas être fourni crée un problème plus difficile que lorsque l'information n'est pas inscrite. La question qui se pose, c'est qui devrait payer pour les efforts déployés, l'utilisateur ou Bell? Il ne fait pas de doute que, comme la décision majoritaire le signale dans le paragraphe 16, « Bell engage des frais » dans de telles situations. De même, la majorité a raison de dire que, dans des cas où « la demande n'est pas suffisamment précise », il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que l'utilisateur imprécis paie. Toutefois, les simples faits que des frais sont toujours engagés et que les utilisateurs de l'AA sont parfois imprécis ne suffisent pas pour qu'on supprime l'exemption actuelle de frais quand des demandes ne sont pas remplies.

On n'a pas à se creuser bien longtemps les méninges pour trouver d'autres cas où des demandes ne sont pas remplies, des cas qui n'ont pas grand chose, sinon rien, à voir avec la précision de la demande. Il peut y avoir une erreur dans les dossiers de Bell, par exemple. Ou encore, il se pourrait que le nom d'un abonné ait été mal orthographié ou qu'un récent changement d'adresse n'ait pas été consigné. Le téléphoniste de Bell, automatisé ou en direct, qui prend la demande d'AA peut avoir mal entendu la demande ou sauter par inadvertance l'inscription demandée. Il se peut que le téléphoniste connaisse simplement une mauvaise journée et ne veuille pas faire l'effort supplémentaire requis pour remplir une demande difficile, par exemple, un nom difficile à prononcer, ou un nom de famille dont les initiales des prénoms sont inversés par inadvertance. Un petit effort supplémentaire de la part du téléphoniste lui permettrait de remplir la demande, mais, si Bell est remboursé pour les échecs comme pour les succès, où se trouve l'incitatif pour ses employés de redoubler d'efforts?

Dans le paragraphe 18 de sa décision, la majorité parle de l'importance de « l'optimisation du service d'AA de Bell ». Comment? En approuvant une norme de l'industrie qui facture tant pour services rendus que pour services non rendus? Voilà une méthode efficace d'accroître les revenus de la compagnie, certes, mais qui ne donne pas grand chose à l'autre bout de l'équation, soit la compensation qui caractérise l'industrie des services en général. Il suffit d'appliquer ce modèle de paiement pour services non rendus à d'autres industries des services pour se rendre compte combien il est déraisonnable. Pensons, par exemple, à un contrat d'entretien d'un terrain conclu avec une entreprise de paysagement qui facture un tarif forfaitaire pour tondre le gazon, peu importe que le gazon soit tondu ou non.

Sur le plan financier, Bell a les reins plus solides que la grande majorité de ses abonnés. Il faut reconnaître que des demandes d'AA sont imprécises et que certaines sont même répétitives et viennent d'abonnés trop paresseux pour tenir un registre des numéros souvent composés. Certaines, mais pas toutes, et il est impossible de le prouver de toute façon. Tant que Bell n'aura pas fait la preuve qu'elle peut établir clairement la distinction entre les non-réponses attribuables à l'abonné et celles qui sont attribuables au système, elle doit conserver les exemptions actuelles, qui sont toutes raisonnables. Elles font partie du coût normal des affaires, le genre de dépenses frustrantes que toutes les industries des services doivent assumer. J'aurais rejeté cet aspect de la demande en 11 points de Bell, de même que les 10 autres.

Opinion minoritaire du conseiller Andrew Cardozo

Bien que je sois d'accord avec la décision majoritaire dans une large mesure, je suis en désaccord avec la question de l'exemption de frais d'assistance-annuaire lorsque Bell est incapable de fournir des inscriptions (paragraphes 16, 17, 18, 19 et 25).

Mes raisons sont simples. Il ne convient pas de facturer pour un service non rendu.

Bell a demandé l'autorisation de supprimer l'exemption de frais d'assistance-annuaire dans le cas de numéros « non trouvés », c.-à-d., lorsqu'un numéro n'est pas fourni parce que le numéro n'est pas inscrit ou qu'il n'existe pas ou ne peut être trouvé. Bell facturera pour ce service qui constitue essentiellement un service non rendu. Je suis conscient que les téléphonistes de Bell passent plus de temps à répondre à une demande de numéro qui peut être fourni qu'à une demande de numéro qui ne peut l'être, mais, au total, il n'en reste pas moins qu'ils consacrent beaucoup moins de temps aux appels de cette dernière catégorie. Il semble que cela fasse partie du coût normal des affaires. En comparant avec d'autres secteurs d'activités, s'il fallait payer pour fureter dans une librairie ou chez un concessionnaire d'automobiles, ces entreprises courraient rapidement à la faillite. Il est plutôt chose courante chez les entreprises de consacrer sans compter du temps à des clients, que ceux-ci achètent ou non un bien ou un service.

Cette partie de la demande ne tient pas compte, non plus, du fait que certaines personnes peuvent techniquement avoir droit à une exemption de frais, mais qui répugnent à exposer ce qu'elles considèrent peut-être comme leur vulnérabilité - incapacité, analphabétisme ou malvoyance.

La concurrence dans la téléphonie est censée aider le consommateur et faire baisser les prix. C'est effectivement ce qui s'est produit dans l'interurbain, mais, dans le cas du service local, je crains qu'on ne « rogne sur » les abonnés en leur imposant des frais de service qui peuvent soit annuler tout avantage pour eux, soit entraîner un lourd fardeau. Le Conseil doit, dans ses décisions sur les questions de prix, établir un équilibre entre l'équité pour les exploitants et pour les consommateurs. J'estime que ces frais servent uniquement l'intérêt de l'exploitant, au détriment du consommateur.

C'est pourquoi je suis respectueusement en désaccord avec la décision majoritaire.

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