ARCHIVÉ - Décision CRTC 2000-340

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

  Décision CRTC 2000-340
  Ottawa, le 21 août 2000
  Jan Pachul
Toronto (Ontario) – 199812524

  Audience publique du 6 décembre 1999
Région de la capitale nationale

  Résumé

  Le Conseil, par vote majoritaire, refuse la demande présentée par Jan Pachul en vue d’exploiter à Toronto une nouvelle entreprise de télévision de langue anglaise de faible puissance. La station proposée aurait fourni un service destiné aux résidents d’un secteur de Toronto appelé « The Beaches ». Cependant, la proposition du requérant, même avec les modifications apportées à l’audience, repose sur le fait que le signal de la station serait distribué par câble de façon obligatoire dans des secteurs du Toronto métropolitain situés bien au-delà de la zone de desserte envisagée par le requérant.

  Pour les motifs détaillés plus bas, incluant le manque de cohérence qui semble exister entre le service de programmation proposé, fortement centré sur la vie locale, et le plan d’affaires du requérant qui est basé sur une distribution par câble obligatoire bien au-delà de la zone à laquelle le service est destiné, le Conseil a refusé la demande.

  La demande

1.

Le requérant, M. Jan Pachul, a proposé d’établir au canal UHF 15 une station de télévision de faible puissance axée sur la collectivité afin de desservir quatre quartiers de la ville de Toronto. Ces quartiers comptent environ 129 000 foyers et couvrent surtout le secteur de Toronto appelé « The Beaches ».

2.

M. Pachul a décrit la station proposée comme [traduction]
 

…un service de radiodiffusion axé sur la collectivité, réellement accessible à tous, mais pouvant aussi générer des revenus lui permettant d’assurer la permanence des services. La collectivité participerait pleinement aux activités d’exploitation et elle en serait la force motrice.

3.

Le requérant a indiqué qu’au moins 75 % de sa programmation proviendrait de sources locales. Un fort pourcentage d’émissions serait directement lié à la collectivité, l’important étant de donner l’accès aux producteurs indépendants et aux résidents locaux intéressés à produire des émissions de télévision. M. Pachul a aussi proposé un haut niveau de contenu canadien – au moins 80 % durant la journée de radiodiffusion et 100 % en soirée pendant la période de pointe de 19 h à 23 h. Le personnel de la station proposée serait composé de neuf personnes appuyées par une équipe de bénévoles.

4.

M. Pachul a indiqué que son plan d’affaires reposait sur la vente aux entreprises locales de temps de publicité à des tarifs modestes. Il estimait que ces entreprises locales le paieraient aussi pour produire leurs messages publicitaires. Le requérant prévoit des recettes totales de 478 000 $ et 451 000 $ en frais d’exploitation la première année, atteignant respectivement 1 223 000 $ et 1 086 000 $ la 7année. Ces prévisions reposent sur une distribution en clair par câble, essentiellement dans tout le Toronto métropolitain.
  Interventions
  Les parties favorables

5.

Quarante-trois intervenants ont appuyé la demande, notamment les parties intéressées à produire des émissions, des bénévoles éventuels, des représentants d’organismes communautaires et sociaux, deux membres du conseil municipal, ainsi que des particuliers intéressés à la programmation proposée par le requérant.
  Les parties défavorables

6.

Cinq parties se sont opposées à la demande de M. Pachul : l’Association canadienne de télévision par câble (ACTC), Rogers Cablesystems Limited (Rogers), l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), CHUM Television (CHUM) et CTV Inc. (CTV). Ces parties ont soulevé de nombreuses questions, mais leurs préoccupations peuvent être partagées en deux grandes catégories : l’incidence de la distribution prioritaire du signal de la station proposée par des entreprises de câblodistribution, conformément au Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement); et le cadre réglementaire à utiliser pour examiner la demande.
  Distribution par câble

7.

Bien que le requérant propose de ne desservir qu’un petit secteur de Toronto, il a supposé, en élaborant son plan d’affaires, que la station serait traitée, aux fins du Règlement, comme une station de télévision conventionnelle « de grande puissance », et que son signal pourrait donc être distribué par câble dans une zone beaucoup plus grande.

8.

Suivant le Règlement, le service proposé par le requérant correspondrait à une station de télévision locale pour les câblodistributeurs desservant le Toronto métropolitain. Tout particulièrement, les câblodistributeurs dont les zones de desserte incluent du territoire situé dans un rayon de 15 kilomètres de l’émetteur du requérant seraient obligés de distribuer les émissions de la station au service de base. Le service de base est offert à des canaux que les abonnés du câble peuvent capter sans l’aide d’un décodeur et ce, à un tarif mensuel unique; les stations de télévision locales sont généralement distribuées prioritairement sur la bande analogique de base (canaux 2 à 13) lorsque c’est possible. Cependant, les intervenants défavorables estimaient que si le Conseil attribue une licence à la station proposée, les entreprises de distribution ne devraient pas être obligées d'en distribuer le signal.

9.

En réplique aux préoccupations concernant l’obligation de distribuer son signal, M. Pachul a proposé une solution de rechange à deux volets. Dans un premier temps, il s’est dit disposé à céder son droit de distribution sur la bande de base (canaux 2 à 13) ainsi qu’à accepter d’être placé à n’importe quel canal plus élevé non codé, comme le canal 67. Ensuite, au lieu de la distribution obligatoire par tous les systèmes de câble dont les zones de desserte incluent du territoire situé dans un rayon de 15 kilomètres de son émetteur, il accepterait une distribution par tous les systèmes dont les zones de desserte incluent du territoire situé dans un rayon de 12 kilomètres de son émetteur. Le Conseil fait remarquer que selon ce scénario, le signal serait quand même distribué obligatoirement bien au-delà du secteur  « The Beaches ».

  Considérations relatives au cadre de politique

10.

Dans leurs interventions, les parties défavorables ont cité la politique du Conseil relative à la télévision de faible puissance dans les localités éloignées énoncée dans la section IV de l’avis public CRTC 1987-8 intitulé Règlement concernant la télédiffusion. Par cette politique, le Conseil a voulu encourager le développement des stations de télévision de faible puissance, appelées « stations périphériques », dans des régions éloignées où il n’y a pas de service de télévision local. Selon les intervenants défavorables, cette politique ne s’applique pas au projet de M. Pachul, et ils ont fait observer qu’il n’existe pas de cadre de politique pour l’attribution d’une licence à ce genre de station.

11.

Des intervenants ont estimé que, compte tenu du fait que le service proposé pourrait éventuellement rejoindre un grand nombre de téléspectateurs, la demande de M. Pachul devrait être évaluée selon les mêmes critères que ceux qui serviraient à examiner une demande visant une nouvelle station de télévision conventionnelle à Toronto. Ils soutiennent donc que le Conseil aurait dû publier un appel de demandes concurrentes, et qu’une étude de marché et d'auditoire aurait dû accompagner la proposition pour prouver qu’il y a une demande pour le service. Ils ont également soutenu que la distribution par câble prioritaire dans une grande partie du Toronto métropolitain, comme le demande M. Pachul, ne va pas dans le même sens que ses engagements en matière de programmation.

  Conclusion du Conseil

12.

Le Conseil reconnaît que les stations de faible puissance comme celle que propose M. Pachul pourraient occuper une niche importante en offrant des émissions communautaires axées plus directement sur les quartiers dans les grandes zones métropolitaines.

13.

Le Conseil se préoccupe toutefois des répercussions qu'aurait le fait d'accorder à la station proposée par M. Pachul une distribution prioritaire sur les systèmes de câble. Suivant le Règlement, le signal de la station proposée serait distribué dans une zone qui s’étend bien au-delà du secteur de Toronto prévu dans la demande du requérant. Les intervenants ont indiqué que le signal de la station serait capté dans près d’un million de foyers à Toronto. De plus, en raison de l’interconnexion des systèmes de câble, le signal pourrait aussi être reçu dans des zones aussi éloignées de « The Beaches » que Mississauga et Brampton, cette dernière se trouvant à plus de 35 kilomètres.

14.

À l’audience, le requérant a soutenu que pour réaliser son plan d’affaires, il était essentiel que son signal soit obligatoirement distribué par câble à un canal non codé dans tout le Grand Toronto. Lorsque le Conseil lui a demandé à l’audience s’il accepterait un arrangement avec Rogers et Shaw qui les exempterait de l’obligation de distribuer son signal, M. Pachul a répondu :

 

[ traduction] Nous perdrions environ les deux tiers de nos revenus si nous le faisions, si nous n’étions qu’un service en direct.

15.

Lorsque le Conseil lui a demandé si son plan d’affaires reposait sur la distribution par câble, il a affirmé :

 

[ traduction] Y a-t-il une autre façon de faire?... Évidemment, si nous éliminons tout cet argent du système, quelle valeur aurait notre programmation?

16.

À la période de réplique de l’audience, lorsque le Conseil lui a demandé s’il accepterait une licence non assortie d’une distribution par câble obligatoire, M. Pachul a répondu :

 

[traduction] J’accepterais la licence de diffusion strictement en direct, mais je ne crois pas que je pourrais atteindre les divers objectifs que je me suis fixés, ceux-ci étant basés sur un canal ayant une certaine priorité.

17.

M. Pachul cible dans sa demande des quartiers de Toronto. Il propose un service de programmation locale fortement ciblée, d’un intérêt particulier pour ce secteur, comparativement à la région métropolitaine plus vaste qu’il dit nécessaire d’atteindre par la distribution par câble. Dans les circonstances, et compte tenu des pressions exercées actuellement sur la disponibilité des canaux analogiques sur la plupart des systèmes de câble, le Conseil estime qu’il n’y a pas lieu d’exiger la distribution par câble du service proposé.

18.

De plus, le Conseil est préoccupé par le manque de cohérence qui semble exister entre le service de programmation proposé, fortement centré sur la vie locale, et la demande du requérant qui est basée sur une distribution par câble obligatoire bien au-delà de la zone à laquelle le service est destiné. Il y a lieu de s’inquiéter du risque que l’orientation des émissions dérive de la collectivité visée par M. Pachul et s’éloigne du concept d’un [ traduction] « émetteur de faible puissance enraciné dans un lieu géographique », qui était avancé dans la demande.

19.

Le Conseil fait remarquer que, même avec la distribution par câble, les pourcentages de revenus et de dépenses de programmation que M. Pachul propose sont très modestes. M. Pachul a déclaré que ses revenus seraient réduits des deux tiers si la distribution par câble ne lui était pas accordée. Le Conseil convient que, sans la distribution par câble, il ne pourrait offrir le service qu’il propose dans sa demande. Si le Conseil approuvait la demande sans distribution par câble, il est peu probable, selon les dires mêmes de M. Pachul, qu’il puisse remplir ses engagements, et donc peu probable que le public reçoive un service qui ressemblerait à celui qui est proposé dans la demande et qui a été discuté à l’audience. Le Conseil a donc refusé la demande, par vote majoritaire.

20.

Néanmoins, le Conseil estime que les stations communautaires de faible puissance, exploitées en parallèle avec les stations de télévision en direct qui sont en place dans des zones urbaines ou de plus petites localités, pourraient contribuer à atteindre les objectifs établis dans la Loi sur la radiodiffusion, surtout en ce qui a trait à la fourniture d’émissions locales axées sur la collectivité. Il estime aussi que dans un proche avenir, le déploiement de la technologie numérique par les câblodistributeurs pourrait bien permettre une distribution mieux ciblée de ce genre de service par les systèmes de câblodistribution.

21.

Le Conseil publiera prochainement un avis public dans lequel il amorcera un processus d'examen de la politique concernant la télévision communautaire de faible puissance dans les zones urbaines et les plus petites localités, là où le cadre de politique établi dans l’avis 1987-8 ne s’applique pas. Il invitera le public à présenter des observations sur diverses questions, y compris les exigences en matière de distribution qui s’appliquent à ces stations.

  Secrétaire général
  La présente décision est disponible, sur demande,en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

Opinion minoritaire du conseiller David McKendry
J’accorderais à M. Jan Pachul une licence de station de télévision de faible puissance afin de desservir la collectivité de l’est de Toronto, y compris les quartiers Beaches et Riverdale, à Toronto (Ontario).1 Je soustrairais les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) à l’obligation, aux termes du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, de distribuer le service de programmation de M. Pachul.2

M. Pachul a démontré, dans une phase expérimentale, son aptitude à exploiter une station de télévision de faible puissance de type communautaire dans l’est de Toronto. La station qu’il propose respecte la politique de radiodiffusion énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion. La politique stipule que le système de radiodiffusion comprend un élément communautaire et que la programmation devrait comprendre des émissions communautaires.3 La station proposée par M. Pachul accroît la programmation locale, en particulier l’expression communautaire, dans la radiodiffusion canadienne, à une ère caractérisée par la diminution des émissions locales autres que les nouvelles et la consolidation des canaux communautaires par câble au sein de services régionaux.

Je soustrairais les EDR à l’obligation de distribuer la station de M. Pachul parce que la notion de station de télévision de faible puissance qui dessert une communauté géographique distincte dans une grande région urbaine est profondément modifiée lorsqu’une station est distribuée dans toute la région urbaine. Par exemple, la station de télévision de faible puissance serait fortement incitée à adapter ses émissions aux exigences d’une grande collectivité urbaine, afin d’accroître ses tarifs et ses recettes publicitaires. J’autoriserais les EDR à distribuer le service de M. Pachul sur une base négociée entre ce dernier et chaque EDR.

Absence de stations urbaines de télévision de faible puissance au Canada

La télévision de faible puissance a été établie aux États-Unis en 1982 par la Federal Communications Commission (FCC), qui a déclaré :

[traduction]
La télévision de faible puissance représente une façon moins coûteuse et très souple de distribuer des émissions adaptées aux intérêts des téléspectateurs dans de petites localités et d’offrir un moyen d’expression locale. Elle a aussi créé de nombreuses occasions d’accès à la télédiffusion par de nouveaux concurrents et elle a permis d’optimiser l’utilisation du spectre des fréquences de radiodiffusion.4

Bien que l’on trouve de nombreuses stations urbaines de télévision de faible puissance aux États-Unis,5 il n’y en a aucune au Canada. Une station urbaine de télévision de faible puissance, CHOY-TV (Télévision Communautaire de Saint-Jérôme Inc.), a été exploitée à Saint-Jérôme, au Québec, du milieu des années 1970 à la fin des années 1980.

On trouve des stations de télévision de faible puissance dans le Canada rural. Bon nombre de ces stations ont pour rôle de rediffuser les signaux de stations conventionnelles dans des régions où les gens ne peuvent pas recevoir directement ces signaux. Certaines stations rurales de télévision de faible puissance diffusent des émissions originales.6

Politique sur la télévision de faible puissance

CHUM Television (CHUM), Rogers Cablesystems Limited (Rogers), l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), l’Association canadienne de télévision par câble (ACTC) et CTV Inc. (CTV) s’opposent à la requête de M. Pachul. Leurs préoccupations incluent notamment une allégation voulant que la requête de M. Pachul ne soit pas conforme aux politiques officielles du Conseil relatives à l’autorisation des stations de télévision de faible puissance.7

En 1987, le Conseil a énoncé une politique sur la télévision de faible puissance dans les collectivités éloignées.8 Bien que le Conseil n’ait pas établi une politique explicite sur la télévision de faible puissance dans les collectivités urbaines, la politique prévue pour les collectivités éloignées précise clairement que les stations de télévision de faible puissance dans les régions urbaines ne sont ni touchées ni interdites par la politique sur la télévision de faible puissance dans les collectivités éloignées :

La politique soulignée dans la présente s’applique aux services de télévision de faible puissance dans des collectivités éloignées ou mal desservies, plutôt qu’à la « télévision communautaire » comme il était fait état dans l’avis public CRTC 1986-176. La politique ne doit donc pas s’appliquer à un service de télévision communautaire en direct adjacent à un centre urbain important, comme celui de CHOY-TV (Télevision Communautaire de Saint-Jérôme Inc.) qui exerce ses activités à Saint-Jérôme (Québec).9

Un concept intéressant

L’idée que le Conseil n’ait pas voulu que l’absence d’une politique explicite sur la télévision de faible puissance dans les régions urbaines fasse obstacle à l’établissement de stations urbaines de télévision de faible puissance a été répétée en 1997. Le Conseil a répondu à une demande présentée par M. Pachul en vue d’obtenir une ordonnance d’exemption relative à un essai d’une station de télévision de faible puissance devant desservir la collectivité du secteur Beaches à Toronto. Le Conseil a refusé la demande, mais a toutefois déclaré ce qui suit :

[traduction]
Le Conseil a longuement étudié votre proposition et il conclut qu’il s’agit d’un concept intéressant pour combler les besoins de quartiers et de petites collectivités.

Toutefois, comme le précise la politique du Conseil sur les ordonnances d’exemption (avis public 1996-59), l’approche générale du Conseil consiste à autoriser, au lieu d’exempter, les entreprises de programmation. Le Conseil estime que votre proposition pourrait apporter une contribution au système de radiodiffusion. Toutefois, dans certaines circonstances, elle pourrait avoir des conséquences sur l’aptitude des titulaires existants à satisfaire à leurs exigences réglementaires.

En conséquence, le Conseil ne donnera pas suite à votre demande d’exemption relative à un essai. Toutefois, il sera heureux d’étudier une demande de licence portant sur un service communautaire comprenant un contenu canadien explicite et qui contribue à la poursuite des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

Afin de vous aider à ce sujet, nous avons joint des exemplaires vierges de formulaires de demande de nouvelle entreprise de programmation. Vous pouvez m’envoyer les formulaires dûment remplis.10

Compte tenu de ce qui précède, je rejette les objections à la requête de M. Pachul faites par CHUM, Rogers, l’ACR, l’ACTC et CTV, qui allèguent que la demande n’est pas conforme aux politiques officielles du Conseil relatives à l’autorisation des stations de télévision de faible puissance.

Les stations de télévision de faible puissance pourraient devoir changer de canal ou mettre fin à leurs activités

Industrie Canada gère le spectre des radiofréquences. Ce ministère a établi une hiérarchie des quatre catégories d’entreprises de télédiffusion. Chacune d’elles a une priorité différente en matière de protection contre le brouillage.11 Les stations de priorité 1 ont le niveau de protection le plus élevé, et les stations de priorité 4, le niveau le moins élevé. Les stations conventionnelles ont la priorité 1; les stations de télévision de faible puissance ont le niveau de priorité 2. Selon Industrie Canada :

Si un système de transmission établi conformément aux présentes lignes directrices causait du brouillage à la réception à l'intérieur de la zone de desserte protégée de stations de radiodiffusion d'une catégorie supérieure ou de la même catégorie mais ayant été autorisée plus tôt, le titulaire de la licence de ce système devrait prendre les mesures voulues pour corriger ce brouillage, allant même jusqu'à cesser l'exploitation de son système s'il ne peut utiliser un autre canal convenable. Ces mesures de protection s'appliqueraient aussi aux futures stations de radiodiffusion de catégories supérieures établies dans cette région si aucun autre canal appropriée n'est disponible.12

Influence d’un avenir incertain sur les plans d’entreprise

En raison de la priorité 2 accordée aux stations de télévision de faible puissance, l’avenir d’une station de télévision de faible puissance demeure incertain, ce qui, en revanche, offre plus de certitude aux radiodiffuseurs conventionnels nouveaux et existants qui sont protégés contre le brouillage par des stations de télévision de faible puissance.13 L’importance accordée au plan d’entreprise d’une station de télévision de faible puissance, en particulier dans les régions urbaines où l’on trouve déjà des radiodiffuseurs conventionnels, doit tenir compte de la possibilité que la station de télévision de faible puissance puisse être obligée de trouver un autre canal ou de mettre fin à ses activités. Compte tenu de l’incertitude entraînée par la priorité 2 accordée à une station de télévision de faible puissance, le propriétaire de cette station peut avoir de la difficulté à trouver des capitaux. De plus, le Conseil peut conclure que l’incertitude ne lui permet pas d’accorder autant d’importance au plan d’entreprise et à la grille-horaire du requérant d’une licence de station urbaine de télévision de faible puissance qu’à celui d’une station conventionnelle.

Rôle des stations urbaines de télévision de faible puissance

La station urbaine de télévision de faible puissance proposée par M. Pachul jouerait un rôle vital dans la politique canadienne de radiodiffusion, en ce qui concerne le secteur de l’est de Toronto. L’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion définit la politique de radiodiffusion du Canada. L’alinéa 3(1)b) déclare que le système de radiodiffusion canadien est composé d’éléments publics, privés et communautaires; l’alinéa i) déclare que la programmation devrait inclure des émissions communautaires. C’est justement ce que M. Pachul veut faire :

[traduction]
Notre station offre à une collectivité bien définie (secteur est de Toronto) un avantage important : s’actualiser en tant que groupement civique. (…) Au stade de l’évaluation des besoins, de la planification et de l’expérimentation, notre station a fait une vaste campagne de sensibilisation et a maintenant obtenu le soutien explicite de particuliers et d’organismes bénévoles qui représentent des organisations d’immigrants, des groupes religieux, des organisations sportives et culturelles, des personnes âgées, des groupes d’écologistes et beaucoup d’autres encore. (…) Notre station ouvrira ses portes aux groupes et particuliers qui sont actifs à l’échelle locale, non pas sur une base « ponctuelle » et non pas simplement dans des reportages de la section magazine d’une émission de nouvelles, mais de façon constante, en assurant une couverture depuis les premiers instants jusqu’au règlement des grandes questions de l’heure, et ce, pendant des mois et des années. (…) La station proposée sera unique parce qu’elle sera près des gens, dans les coopératives d’habitation, les centres communautaires, les lieux de culte, les théâtres, les logements publics et les collectivités locales. (…) Une grande partie de notre programmation a été conçue au terme de nos activités de sensibilisation de la collectivité en cours depuis 2 ans.14

Le Ashbridge Bay Watershed Council a comparu à l’audience tenue par le Conseil afin d’appuyer la requête de M. Pachul et il a notamment déclaré ce qui suit :

[traduction]
Ce que je veux dire par « accès facile à la télévision »? Simplement que la personne qui exploite l’entreprise vit, travaille et se divertit dans la collectivité locale, qu’elle fait preuve d’ouverture dans sa programmation et que toute l’entreprise est ce que nous appelons, dans le mouvement environnemental, une entreprise localisée. (…) Finalement, je crois qu’il est question avant tout d’intégration aux médias, c’est-à-dire celle des producteurs indépendants, des besoins des téléspectateurs handicapés et des personnes non abonnées au câble, comme moi-même.15

Émissions communautaires en double

CHUM, Rogers, l’ACR, l’ACTC et CTV s’opposent à la requête de M. Pachul au motif que la station de télévision de faible puissance qu’il propose n’offre pas des émissions sensiblement différentes de celles qui sont déjà diffusées dans le marché de Toronto. Si l’on suppose, pour les fins de la discussion, que CHUM et les autres intervenants ont raison, il est difficile de comprendre pourquoi les téléspectateurs de l’est de Toronto, en particulier ceux qui ne sont pas abonnés à la télévision par câble, seraient désavantagés par un plus grand nombre d’émissions communautaires accessibles en direct. Je constate aussi que CHUM, CTV et les autres membres de l’ACR n’ont pas à craindre un brouillage, maintenant ou à l’avenir, par la station proposée par M. Pachul, puisque, comme je l’ai mentionné, les stations de télévision de faible puissance ont une priorité moins élevée que les stations de priorité 1 pour l’utilisation du spectre des radiofréquences.

Le canal communautaire du câble est-il la solution?

Rogers offre un canal communautaire à ses abonnés, dans le cadre du service de base de télévision par câble.16 Le canal communautaire de Rogers rend compte principalement des activités de la région métropolitaine de Toronto, plutôt que de l’est de Toronto. Certaines émissions communautaires de Rogers à Toronto, comme Car Guys et Milkbone’s Dogs We Love, ne visent pas uniquement le marché de la région métropolitaine de Toronto. Ces émissions et d’autres sont également diffusées au canal communautaire de langue anglaise de la même entreprise à Ottawa.

Un intervenant qui appuyait la requête de M. Pachul a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Il y a 20 ans, entre huit et dix entreprises de câblodistribution établies dans des collectivités définies [de Toronto] offraient un accès local; aujourd’hui, en raison de la fusion et du regroupement des installations des entreprises de câblodistribution, il n’y a pas plus de deux ou trois studios accessibles par la collectivité, soit un point de service par million de personnes.17

Différences dans l’enracinement

La programmation communautaire de Rogers est bien enracinée dans la région métropolitaine de Toronto et dans d’autres régions. La programmation communautaire proposée par M. Pachul puise ses sources dans les quartiers de l’est de Toronto. Il s’agit d’une différence importante, une différence dont les téléspectateurs de l’est de Toronto auraient pu profiter si M. Pachul avait obtenu une licence de station de télévision de faible puissance à Toronto.

Je ne conteste pas le fait que le canal communautaire de Rogers propose des émissions intéressantes et pertinentes aux abonnés du câble de la région métropolitaine de Toronto. Toutefois, pour utiliser l’expression employée par le Ashbridge Bay Watershed Council et que j’ai déjà citée, les émissions ne semblent pas, règle générale, être « localisées » dans l’est de Toronto, et seuls les abonnés du câble y ont accès.

Des émissions communautaires seulement pour les abonnés du câble?

Certaines émissions proposées par M. Pachul ne sont peut-être pas très différentes des émissions de Rogers, en particulier la diffusion des réunions du Conseil municipal.18 Toutefois, il faut payer l’abonnement au câble pour profiter des avantages du canal communautaire de Rogers. Le service de diffusion en direct de M. Pachul serait disponible sans frais aux propriétaires de téléviseurs de l’est de Toronto. Les trois personnes qui ont comparu pour appuyer la requête de M. Pachul lors de l’audience tenue par le Conseil à Hull (Québec) ne sont pas abonnées au câble. Elles ne sont pas les seules. Vingt pour cent des foyers de la région métropolitaine de Toronto ne sont pas abonnés à la télévision par câble.

Les EDR ne sont pas obligées de distribuer des canaux communautaires

Bien que Rogers et d’autres entreprises de câblodistribution offrent des canaux communautaires, les EDR ne sont pas obligées de fournir ce service.19 Les EDR concurrentes du câble, c’est-à-dire les distributeurs de services par satellite de radiodiffusion directe et les systèmes de distribution multipoints numériques, n’offrent pas de canaux communautaires à leurs abonnés. Si l’on suppose que l’existence d’un canal communautaire est un facteur de la décision de s’abonner au câble, au lieu d’un autre service d’EDR, on pourrait faire valoir que les câblodistributeurs continueront de proposer des canaux communautaires afin de se distinguer de leurs concurrents. Toutefois, la églementation ne les y oblige pas.

Certaines entreprises de câblodistribution semblent éprouver de la difficulté à consacrer assez de fonds à leurs canaux communautaires. Plusieurs entreprises de télévision par câble ont demandé au Conseil de les autoriser à réaffecter une partie ou la totalité de leurs contributions obligatoires au Fonds canadien de télévision en puisant dans les fonds destinés à leurs canaux communautaires. Par exemple, Cable Atlantic a dit au Conseil que cette réaffectation de fonds lui permettrait d’améliorer la qualité et la diversité de sa programmation communautaire.20 Le Conseil a rejeté la requête de Cable Atlantic l’an dernier, ainsi que les requêtes de la majorité des autres entreprises de câblodistribution qui demandaient un assouplissement comparable.21

Les nouvelles locales à l’ère de la concurrence

Je traiterai maintenant de la question de savoir si la station de télévision de faible puissance proposée par M. Pachul offre ou non des émissions qui sont sensiblement différentes de celles que diffusent déjà des radiodiffuseurs en direct conventionnels. En ce qui concerne les émissions de nouvelles locales, la politique télévisuelle du Conseil déclare ce qui suit :

Le Conseil estime que dans le nouvel environnement de la télévision, les forces du marché permettront aux auditoires de continuer à recevoir une diversité de nouvelles locales sans exigences réglementaires.22

CHUM, Rogers et CTV n’ont pas de condition de licence relative aux nouvelles locales. À mon avis, il n’est pas raisonnable, dans un milieu non réglementé, que CHUM, Rogers, l’ACR, l’ACTC et CTV essaient de dresser un obstacle réglementaire à la station de télévision de faible puissance de M. Pachul, au motif que ce dernier pourra aussi diffuser des nouvelles locales dans l’est de Toronto. Par exemple, Rogers fait état de CITY Pulse at 4:00 à titre [traduction] « d’émission de nouvelles locales, d’informations et d’affaires publiques diffusée par City TV et CP24 »23. Un intervenant qui appuyait la requête de M. Pachul a déclaré ce qui suit lors de l’audience du Conseil sur la requête de M. Pachul :

[traduction]
Le temps de diffusion réservé aux nouvelles locales est restreint et, dans une très grande ville, seules les grandes manchettes sont traitées et toutes les stations présentent essentiellement les mêmes nouvelles. À titre d’exception sans doute rare, CHUM fait état de son émission City Pulse at 4:00, mais en réalité, quel pourcentage de la population peut regarder la télé à cette heure? Certainement pas moi.24

Déclin des émissions locales autres que les nouvelles

Qu’en est-il des émissions locales autres que les nouvelles? D’après la politique du Conseil sur la télévision canadienne :

Le Conseil constate que le nombre d’émissions locales autres que les nouvelles a diminué au cours des dix dernières années. Deux grandes raisons expliqueraient cette baisse. Premièrement, par suite de la priorité réglementaire accordée à des émissions de divertissement coûteuses, en périodes de grande écoute, les plus grands télédiffuseurs ont eu de moins en moins de ressources à consacrer aux émissions locales. Deuxièmement, la consolidation de la propriété des stations locales, aux mains de petits groupes de sociétés, a encouragé la direction de ces entités à rationaliser leur exploitation, en réduisant les ressources des stations locales.25

La station de télévision de faible puissance de M. Pachul entraînerait la production de plus d’émissions locales autres que les émissions de nouvelles destinées aux téléspectateurs de l’est de Toronto, une initiative qui tient compte directement d’un problème mentionné par le Conseil dans la politique télévisuelle canadienne. M. Pachul ne fait pas partie des « petits groupes de sociétés » qui ont concentré la propriété des stations locales. Bien que la station de télévision de faible puissance qu’il propose soit très petite, M. Pachul est néanmoins un acteur nouveau et dynamique sur la scène de la radiodiffusion et il a démontré son aptitude à exploiter une station de télévision de faible puissance dans l’est de Toronto, dans un stade expérimental. À ce propos, je ne m’élève pas contre la consolidation de la propriété survenue dans l’industrie de la radiodiffusion. De fait, dans une décision, j’aurais autorisé une plus grande concentration de la propriété que ne l’a décidé la majorité des conseillers.26 J’essaierais, toutefois, de trouver un espace dans le système de radiodiffusion canadien pour la station de télévision de faible puissance de M. Pachul, une station qui utilise de façon efficace le spectre des radiofréquences afin de diffuser plus d’émissions locales.

Volonté d’accepter la diffusion en direct

Je traiterai maintenant des répercussions du fait de soustraire les EDR à l’obligation de distribuer la station de télévision de faible puissance de M. Pachul. Les engagements relatifs aux recettes et aux dépenses annuelles et à la grille-horaire énoncés dans la requête de M. Pachul reposent sur l’hypothèse que sa station sera distribuée par les câblodistributeurs. Pendant l’audience du Conseil sur sa requête, M. Pachul a été invité à préciser s’il était prêt ou non à accepter une licence si le Conseil affranchissait les EDR de l’obligation de distribuer sa station :

[traduction]
M. PACHUL : J’accepterais la licence de diffusion strictement en direct, mais je ne crois pas que je pourrais atteindre les divers objectifs que je me suis fixés, ceux-ci étant basés sur un canal ayant une certaine priorité.

PRÉSIDENTE : Cela influerait donc sur votre plan d’entreprise…
M. PACHUL : Oui, bien sûr.
PRÉSIDENTE : … au point où le projet de programmation que vous avez déposé ne serait plus possible?
M. PACHUL : Eh bien, comme on disait, vous savez, nous ne serions qu’un canal marginal, ce dont je conviens.27
Je donnerais à M. Pachul la possibilité d’exploiter sa station sans distribution obligatoire par câble. M. Pachul pourrait s’apercevoir qu’il est possible de respecter ses engagements en matière de diffusion de contenu canadien et de pourcentage de production locale sans que la distribution par câble soit obligatoire. Par exemple, il a proposé de diffuser chaque jour de 9 h à 1 h, et de présenter des images en flux continu et du texte alphanumérique entre 1 h et 9 h. Une journée de programmation inférieure à 24 heures permettrait sans doute à M. Pachul d’exploiter de façon viable une station de télévision de faible puissance. Je constate que le Conseil a autorisé une station de télévision de faible puissance qui « a l’intention de diffuser, au début, environ 15 heures d’émissions par semaine (5 heures de programmation originale, répétée deux fois). La programmation sera composée de métrages de 50 minutes en première diffusion, de bingos télévisés, de réunions communautaires, d’événements sportifs et d’émissions en provenance d’autres collectivités. De plus, la requérante diffusera de la publicité alphanumérique avec fond sonore en anglais et en français ».28

Les prévisions en matière de télévision de faible puissance comportent toujours un risque

Peu importe que la station de télévision de faible puissance de M. Pachul soit distribuée obligatoirement ou non par câble, j’accorde moins d’importance à ses estimations de recettes et de dépenses et à sa grille-horaire qu’à son expérience et à son aptitude confirmée à exploiter une station de télévision de faible puissance. Les prévisions financières et la grille-horaire d’une station de télévision de faible puissance comportent toujours un élément de risque parce que, comme je l’ai mentionné, ces stations doivent changer de canal ou mettre fin à leurs activités si leur signal brouille la réception d’une station conventionnelle nouvelle ou existante. Le risque d’être obligé de changer de canal ou de mettre fin aux activités est relativement élevé à Toronto, où l’on trouve plusieurs stations conventionnelles.

L’absence de viabilité perçue pourrait freiner l’innovation

L’innovation est un secteur d’activité risqué qui peut entraîner un manque de viabilité injustement perçu de la part du Conseil et d’autres intervenants, au stade de la requête. Le Conseil a reconnu l’existence de ce problème dans sa méthode d’approbation des services spécialisés numériques de la catégorie 2. En effet, le Conseil « ne tiendra pas compte de la viabilité des services de la catégorie 2, de leurs plans d’entreprise ou de marketing ou encore des tarifs facturés, de manière que les services expérimentaux et très innovateurs ne soient pas exclus en raison du manque de viabilité perçu ».29 J’appliquerais cette méthode à la requête de M. Pachul à l’égard d’une station de télévision de faible puissance qui se caractérise par l’innovation, compte tenu en particulier de l’aptitude confirmée de M. Pachul à exploiter une station de télévision de faible puissance et de l’absence de risque, pour le système de radiodiffusion, en cas d’échec de la station qu’il propose.

Le fardeau de la preuve

S’agissant de l’expérience de M. Pachul et de son aptitude à exploiter une station de télévision de faible puissance, et tel que mentionné dans sa requête et examiné par le Conseil à l'audience, M. Pachul a une expérience directe de la télévision de faible puissance aux États-Unis.30 L’expérience la plus pertinente de M. Pachul consiste en la construction et l’exploitation, à un stade expérimental, de la station de télévision de faible puissance pour laquelle il demande une licence :

[traduction]
CONSEILLÈRE NOËL : Dois-je comprendre que tout votre équipement est déjà disponible?

M. PACHUL : Oui, bien sûr, tout est en place, tout est déjà construit. Au fond, nous avons déjà construit une station, en nous appuyant sur une hypothèse. Voilà ce que nous avons fait.31

Les installations et le matériel de M. Pachul comprennent un studio, des caméras, une console de production, une salle de montage et un car de reportage muni de caméras et d’un émetteur par micro-ondes de faible puissance.32

Pendant la phase expérimentale, M. Pachul a fait la preuve de son aptitude à utiliser ses installations et son matériel de télévision de faible puissance. Deux intervenants qui ont comparu lors de l’audience tenue par le Conseil, afin d’appuyer la requête de M. Pachul, ont découvert sa station en regardant la télévision et en captant les émissions d’essai de M. Pachul.33 Un autre intervenant a participé directement à la production d’émissions pendant la phase expérimentale :

[traduction]
Nous avions des invités, des tribunes téléphoniques, des entrevues enregistrées, ainsi que des cartes et des images fixes à présenter. C’est à ce moment que j’ai constaté que la télévision pouvait vraiment jouer un rôle dans le développement de la collectivité locale.34

À qui cela nuit-il?

J’autoriserais aussi M. Pachul à exploiter une station communautaire de télévision de faible puissance dans l’est de Toronto, sans distribution obligatoire par câble, pour les raisons suivantes :
  • l’échec financier de sa station n'affecterait que M. Pachul. Il perdrait son investissement et subirait sans doute d’autres conséquences, mais c’est un risque qu’il prend de façon volontaire. Les parties qui s’opposent à la requête de M. Pachul, c’est-à-dire CHUM, Rogers, l’ACR, l’ACTC et CTV, n’en subiraient aucune conséquence. Le système de radiodiffusion ne serait pas touché, puisqu’il demeurerait dans l’état actuel, sans station urbaine de télévision de faible puissance;
  • j’obligerais M. Pachul à respecter les engagements en matière de présentation d’émissions canadiennes et de pourcentage de productions locales qu’il a proposés. Autrement dit, je n’autoriserais pas M. Pachul à transformer sa station en autre chose qu’une station communautaire à prédominance canadienne.

Un appel de demandes concurrentes n’est pas nécessaire

CHUM s’oppose à la requête de M. Pachul parce que le Conseil n’a pas publié d’« appel de demandes concurrentes ». CHUM affirme notamment ce qui suit :

[traduction]
Le requérant, M. Pachul, a déposé sa requête à l’aide des formulaires préimprimés du Conseil, qui sont habituellement employés pour autoriser des services de télévision commerciaux. L’autorisation d’une station de télévision commerciale afin de desservir une grande région métropolitaine du Canada, sans « appel de demandes concurrentes », serait contraire à la procédure usuelle du Conseil.35

En ce qui concerne la requête de M. Pachul, je ne peux conclure que l’utilisation de formulaires préimprimés par ce dernier soit pertinente à la question à l’étude. Le fait d’attirer l’attention sur l’utilisation de ces formulaires revient à mettre l’accent sur l'aspect que revêt la requête de M. Pachul, et non pas sur son contenu. Je constate aussi que, comme mentionné, le Secrétaire général et chef de l’exploitation du Conseil a envoyé ces formulaires à M. Pachul afin qu’il s’en serve pour une demande de service communautaire.

Bien qu’il ait souvent publié des appels de demandes concurrentes, le Conseil n’est pas obligé de le faire. La décision de lancer un tel appel est fonction des particularités d’une demande. Les particularités de la requête de M. Pachul, c’est-à-dire une demande de station de télévision de faible puissance assortie d’une protection de priorité 2 contre le brouillage, n’exigent pas d’appel de demandes concurrentes.

Un concept plus qu’intéressant

En 1997, le Conseil a conclu que la proposition de M. Pachul afin d’obtenir une ordonnance d’exemption relative à l’essai d’une station de télévision de faible puissance desservant la collectivité de Beaches à Toronto était [traduction] « un concept intéressant pour combler les besoins de quartiers et de petites collectivités ».36 Le dossier de l’instance montre clairement que la station de télévision de faible puissance proposée par M. Pachul est encore un concept plus qu’intéressant. Par exemple, M. Pachul a maintenant confirmé, dans une phase expérimentale, que la station qu’il propose est viable, sur le plan technique, et qu’il est apte à l’exploiter.

Le Conseil a également déclaré ce qui suit en 1997 :

[traduction]
Le Conseil estime que [la] proposition [de M. Pachul] pourrait apporter une contribution au système de radiodiffusion. Toutefois, dans certaines circonstances, elle pourrait avoir des conséquences sur l’aptitude des titulaires existants à satisfaire à leurs exigences réglementaires.37

Le dossier de la présente instance révèle que l’aptitude des titulaires existants à respecter leurs exigences réglementaires ne sera pas réduite par la station de télévision de faible puissance de M. Pachul. À cet égard, je constate que les oppositions à la requête de M. Pachul soulevées par CHUM, Rogers, l’ACR, l’ACTC et CTV portent essentiellement sur des questions autres que l’aptitude des titulaires existants à satisfaire à leurs exigences réglementaires.

Le plan d’entreprise de M. Pachul comporte un élément de risque, parce que les stations de télévision de faible puissance ont une protection contre le brouillage de niveau 2 et parce que je dégagerais les EDR de l’obligation de distribuer cette station. Toutefois, ce risque incombe à M. Pachul, et non pas au système de radiodiffusion. Ce dernier ne peut que profiter de l’existence d’une station communautaire à prédominance canadienne qui offre un nouvel accès à la télédiffusion et permet de mieux utiliser le spectre des radiofréquences.

La Loi sur la radiodiffusion oblige le Conseil à réglementer et à superviser le système de radiodiffusion canadien, un système qui comprend des éléments communautaires, et ce, d’une façon souple qui, entre autres choses, peut facilement s’adapter au changement technologique et faciliter la distribution de services de radiodiffusion aux Canadiens.38 De même, le Conseil a décidé de ne pas réglementer les services de nouveaux médias sur Internet afin d’appuyer la croissance de ces services au Canada.39 Le Conseil a décidé aussi de ne pas tenir compte de la viabilité des services spécialisés numériques de la catégorie 2, y compris leurs plans d’entreprise, afin de ne pas exclure des services novateurs ou à fort contenu expérimental en raison d’un manque de viabilité perçu.40 Je ferais de même pour M. Pachul.

 

Notes :
1 Aux termes de la demande de M. Pachul, l’auditoire cible réside dans les quartiers 23, 24, 25 et 26 de la Ville de Toronto. La population de cette région s’établit à 329 000 personnes, dans 129 000 ménages.
2 L’article 17 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion définit l’ordre de priorité des services de programmation que les EDR doivent distribuer dans le cadre de leur service de base. Le service de M. Pachul ferait partie des services prévus à l’article 17. Toutefois, cet article permet aussi au Conseil de soustraire une EDR, par une condition de licence, à l’obligation de distribuer un service prévu à l’article 17. Une EDR devrait demander au Conseil d’approuver une condition de licence afin d’être soustraite à l’obligation de distribuer le service de M. Pachul.
3 Loi sur la radiodiffusion, alinéas b) et i) du paragraphe 3(1).

4 http://www.fcc.gov/mmb/vsd/lptv/lptv.html

5 Selon la Federal Communications Commission des États-Unis, on compte environ 2 200 stations de télévision de faible puissance autorisées. Ces stations desservent des auditoires ruraux et urbains dans environ 1 000 collectivités. Buffalo, par exemple, compte trois stations autorisées de télévision de faible puissance.

6 Voir, par exemple, la décision CRTC 2000-46, Telile : Isle Madame Community Television Association/Association télévision communautaire de l’Île Madame, Île Madame (Nouvelle-Écosse) – 199906007, 17 février 2000.

7 Intervention de CHUM, 12 novembre 1999, p. 2; intervention de Rogers, 12 novembre 1999, p. 9; intervention de l’ACR, 12 novembre 1999, p. 1; intervention de l’ACTC, 12 novembre 1999, p. 1; intervention de CTV, 12 novembre 1999, p. 2.

8 Avis public CRTC 1987-8, Règlement concernant la télédiffusion, 9 janvier 1987.
9 Id.
10 Lettre du Secrétaire général et chef de l’exploitation du Conseil à M. Jan Pachul, 18 novembre 1997.
11 Politique concernant l'emploi du spectre de la radiodiffusion pour la transmission locale de plusieurs signaux de radiodiffusion, Industrie Canada, décembre 1986.
12 Id., p. 3 (nos italiques).
13 La possibilité de brouillage dans les régions urbaines peut être encore plus importante pour les stations de télévision de faible puissance, en raison de la conversion actuelle à la télévision numérique. Cette situation s’explique par le fait que les stations conventionnelles peuvent se voir attribuer un deuxième canal pendant la période de conversion à la télévision numérique.

14 Requête, annexe 29.
15 Transcription, paragraphes 9527 et 9555.
16 Environ 84 % des abonnés du câble de la région métropolitaine de Toronto sont desservis par Rogers.

17 Transcription, paragraphe 9588.
18 M. Pachul propose la diffusion intégrale des réunions du Conseil municipal. La couverture assurée par Rogers se termine à 18 h 30. Selon M. Pachul, il s’agit d’une différence importante, parce que les réunions du Conseil se prolongent au-delà de 18 h 30, lorsqu’une question importante est étudiée. (Transcription, paragraphe 9264.) La requête de M. Pachul précise que la station proposée offrira une couverture quotidienne en direct des réunions des comités du Conseil, une couverture qui n’est pas actuellement disponible. (Requête, description de la programmation; transcription, paragraphe 9264.)

19 Avis public CRTC 1997-150, Règlement sur la distribution de radiodiffusion, 22 décembre 1997, article 13. Voir la justification de cette décision dans l’avis public CRTC 1997-25, Nouveau cadre de réglementation des entreprises de distribution de radiodiffusion, 11 mars 1997, articles 131-132. Voir le rôle et les objectifs des canaux communautaires dans l’avis public 1991-59, Politique sur les canaux communautaires, 5 juin 1991.

20 Décision CRTC 99-150, Cable Atlantic Inc., Corner Brook; et St. John’s (Terre-Neuve) – 199807104 - 199807096, 17 juin 1999, paragraphe 11.

21 Voir, par exemple, la décision CRTC 99-149, Delta Cable Communications Ltd., Delta (Colombie-Britannique) – 199802442, 17 juin 1999; la décision CRTC 2000-76, Câblevision du Nord de Québec inc., Rouyn-Noranda (Québec) – 199906898, 20 mars 2000; la décision CRTC 2000-169, Rogers Ottawa Limited/Limitée, Ottawa Est et Ottawa Ouest (Ontario) – 199906434 – 199906418, 17 mai 2000.

22 Avis public CRTC 1999-97, La politique télévisuelle au Canada : Misons sur nos succès, 11 juin 1999, paragraphe 47.
23 Intervention, 12 novembre 1999, p. 3.
24 Transcription, paragraphe 9586.
25 Avis public CRTC 1999-97, La politique télévisuelle au Canada : Misons sur nos succès, 11 juin 1999, paragraphe 64 (nos italiques).
26 Voir mon opinion minoritaire, décision CRTC 2000-86, CTV Inc., au nom du The Sports Network Inc. (TSN), Le Réseau des Sports (RDS) Inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de The Discovery Channel, l’ensemble du Canada – 199910899, 24 mars 2000.
27 Transcription, paragraphes 9942-9946. Au paragraphe 9419, M. Pachul a déclaré que la station perdrait environ les deux tiers de ses recettes si elle n’était pas distribuée par câble.
28 Décision CRTC 2000-46, Telile : Isle Madame Community Television Association/Association télévision communautaire de l’Île Madame, Île Madame (Nouvelle-Écosse) – 199906007, 17 février 2000, paragraphe 4.
29 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphe 34.

30 Requête, annexe 5; transcription, paragraphes 8994-9032.
31 Transcription, paragraphes 9367-9368.
32 Requête, section 8.3; transcription, paragraphes 9238-9251, 9367-9371, 9424-9443.
33 Id., paragraphes 9561 et 9579.
34 Id., paragraphe 9538.
35 CHUM, intervention, 12 novembre 1999, p. 8.
36 Lettre du Secrétaire général et chef de l’exploitation du Conseil à M. Jan Pachul, 18 novembre 1997.
37 Id.
38 Voir l’article 5 de la Loi sur la radiodiffusion.
39 Communiqué de presse, Le CRTC ne réglementera pas Internet, 17 mai 1999; voir aussi l’avis public Radiodiffusion CRTC 1999-84 et l’avis public Télécom CRTC 99-14, Nouveaux médias, 17 mai 1999.
40 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphe 34.

 

 

Opinion minoritaire de la conseillère Barbara Cram
J’approuve les raisons énoncées par le conseiller McKendry dans son opinion minoritaire, mais je n’approuvais et n’approuve toujours pas son opinion minoritaire relative à la décision CRTC 2000-86 intitulée CTV Inc., au nom de The Sports Network Inc. (TSN), Le Réseau des Sports (RDS) Inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de The Discovery Channel.
J’aimerais toutefois ajouter ce qui suit.
M. Pachul a présenté une demande initiale au Conseil en 1997, en vue d’obtenir une ordonnance d’exemption visant un essai. En novembre de la même année, le secrétaire général du CRTC lui a transmis la réponse du Conseil. Les passages pertinents de cette correspondance sont cités dans l’opinion minoritaire du conseiller McKendry.
Le Règlement sur la distribution de radiodiffusion est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Le contenu de l’article 17 actuel a été réitéré, entraînant la distribution obligatoire de la station de M. Pachul, si elle était autorisée. Comme la station de M. Pachul serait admissible, suivant le Règlement sur la distribution de radiodiffusion, au titre de station de télévision locale par rapport aux systèmes de câblodistribution qui desservent le Toronto métropolitain, j’estime qu’il était tout à fait justifié que M. Pachul suppose, en présentant sa demande, que la distribution par câble de sa station serait obligatoire et donc qu’il pouvait établir ses prévisions financières en conséquence.
Je suis par ailleurs moi aussi disposée à accorder une exception concernant la distribution obligatoire de la station, une fois la demande de M. Pachul approuvée, sur demande de toute entreprise de distribution de radiodiffusion qui en serait affectée. Le caractère fortement local du service proposé semble incompatible avec la couverture à laquelle il pourrait en fait se prévaloir. Tous les membres du comité d'audition paraissent d’accord sur ce point.
Compte tenu de la demande accrue de nouvelles locales et d’émissions autres que de nouvelles dont nous entendons constamment parler au Conseil, et du fait que l’autorisation du service ne nuirait en aucun cas, comme l’a exprimé le conseiller McKendry, au système de radiodiffusion, j’aurais attribué une licence à M. Pachul.

M. Pachul aurait ensuite eu le choix de mettre en œuvre ou non la licence, connaissant l’opinion négative unanime du comité d'audition concernant la distribution par câble obligatoire de ce service. M. Pachul aurait eu à choisir de courir le risque de mettre en œuvre la licence et aussi celui de voir ensuite certaines demandes d'exemption approuvées. À mon avis, cette approche :

a) aurait été conforme à la tendance actuelle du Conseil de donner davantage d’autonomie aux entreprises de radiodiffusion et de les laisser courir le risque d’échouer ou de réussir. Comme pour les services spécialisés numériques, je crois qu’il est temps pour nous de « lâcher prise », dans une certaine mesure.

b) aurait été un moyen sûr (pour le système de radiodiffusion, certainement pas pour M. Pachul), d’introduire de nouveaux participants et de nouvelles idées et émissions dans un système où le taux de concentration qui s’accroît actuellement entraîne inévitablement la diminution du nombre de voix et de participants.

c) le Conseil amorcera bientôt une instance en vue d’examiner la question de la télévision de faible puissance dans les régions urbaines. Le comité d'audition a convenu à l’unanimité que la distribution par câble obligatoire du service de M. Pachul n’était pas justifiée. Je crois donc que la question de la viabilité financière des stations de télévision de faible puissance sera examinée lors de cette instance, de même que, par ailleurs, les obligations qui peuvent être raisonnablement imposées à ces entreprises. En termes de viabilité financière, une entreprise autorisée dans une des villes les plus peuplées du pays devrait clairement avoir de fortes chances de réussir et, si elle ne réussissait pas, ce pourrait être que la télévision de faible puissance n’est tout simplement pas viable dans les régions urbaines du Canada.

J’aurais attribué une licence à M. Pachul.
Date de modification :