Décision de télécom CRTC 2002-68

Ottawa, le 1 novembre 2002

Intervalles de service pour la fourniture de lignes dégroupées

Référence : 8622-A4-19/02

Dans cette décision, le Conseil clarifie les directives énoncées dans la décision Intervalles de service de l'entreprise de services locaux titulaire pour les commandes de lignes locales dégroupées, Décision de télécom CRTC 2002-14 (la décision 2002-14), 8 mars 2002, en ce qui concerne les intervalles de service dans lesquels les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) doivent fournir les lignes locales dégroupées aux entreprises de services locaux concurrentes (ESLC).

Le Conseil invite également les parties à présenter des propositions concernant les intervalles de service applicables dans le cas des demandes de service local visant plus de 10 lignes et dans le cas des services n'ayant pas fait l'objet de la décision 2002-14.

De plus, le Conseil ordonne au Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion de vérifier si, techniquement, il est possible de rendre accessibles aux ESLC les systèmes de soutien à l'exploitation des ESLT.

1. Le Conseil a reçu une demande présentée en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications par AT&T Canada Corp. et AT&T Canada Telecom Services Company (AT&T Canada) le 30 avril 2002, et dans laquelle AT&T Canada demandait au Conseil d'enjoindre à toutes les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) de se conformer aux directives prescrites dans la décision Intervalles de service de l'entreprise de services locaux titulaire pour les commandes de lignes locales dégroupées, Décision de télécom CRTC 2002-14, 8 mars 2002 (la décision 2002-14).

2. Dans sa demande, AT&T Canada a demandé, entre autres, que le Conseil ordonne aux ESLT :

3. Le Conseil a reçu des observations de Bell Canada, en son nom et pour le compte d'Aliant Telecom Inc., de MTS Communications Inc. et de Saskatchewan Telecommunications (Bell Canada et autres); de TELUS Communications Inc. (TELUS); de Call-Net Enterprises Inc. (Call-Net); et de GT Group Telecom Services Corp. (Group Telecom). AT&T Canada a également présenté des observations en réplique.

Position des parties

Intervalles de service établis dans la décision 2002-14

4. Dans sa demande, AT&T Canada a demandé au Conseil d'ordonner aux ESLT de respecter les intervalles de service qui leur ont été fixés dans la décision 2002-14 pour fournir des lignes locales dégroupées aux ESLC.

5. En fait, AT&T Canada alléguait que, contrairement à ce que prévoyaient les directives du Conseil, Bell Canada et TELUS avaient fait des exceptions quant aux intervalles de service dans lesquels ces compagnies fournissaient les lignes locales dégroupées. À cet égard, AT&T Canada a fait remarquer que dans la décision 2002-14, le Conseil n'avait pas précisé si les intervalles de service s'appliquaient à toutes les DSL, peu importe le nombre de lignes ou les types de service visés par la demande. AT&T Canada a soutenu que le Conseil, lorsqu'il a fixé les intervalles de service dans la décision 2002-14, entendait qu'ils s'appliquent à toutes les DSL.

6. AT&T Canada a déclaré que les parties en cause étaient obligées de négocier les intervalles de service dans le cas des DSL présentées à Bell Canada concernant 10 lignes dégroupées ou plus ainsi que dans le cas des DSL présentées à TELUS concernant quatre lignes ou plus. AT&T Canada a également indiqué que les ESLC devaient négocier les intervalles de service dans le cas des DSL touchant des services que les ESLT qualifiaient de « complexes ».

7. De plus, AT&T Canada a dit désapprouver le principe soulevé au cours d'une réunion du Groupe de travail Processus administratifs (GTPA) du Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion (CDCI) selon lequel toute ESLT qui reçoit avant 12 h (midi) une DSL visant la migration de lignes devrait transmettre une confirmation de service local (CSL) avant minuit le même jour. Selon AT&T Canada, la CSL devrait être transmise à l'ESLC requérante le même jour, mais dans les heures ouvrables normales.

8. Dans leurs observations en réponse à la demande, Bell Canada et autres ainsi que TELUS ont fait valoir que la décision 2002-14 ne s'appliquait pas à tous les types de demandes de lignes locales dégroupées. Elles ont affirmé que les DSL visant plus de 10 lignes locales ainsi que les DSL touchant des offres de service complexes n'avaient pas été traitées dans le cadre de l'instance ayant mené à la décision 2002-14, de sorte que ces DSL n'étaient pas assujetties aux directives énoncées dans cette décision. À cet égard, elles ont fait remarquer que l'exposé de position présenté par les ESLC dans cette instance se rapportait aux intervalles de services normalisés applicables aux demandes de 10 lignes dégroupées au maximum.

9. Quant à la CSL, Bell Canada et autres ont fait valoir que tous les intervenants de l'industrie, sauf AT&T Canada, avaient, dans le cadre des travaux du GTPA, convenu d'adhérer au principe voulant que si une DSL visant la migration d'une ligne locale dégroupée était reçue avant 12 h (midi), la CSL serait transmise au plus tard à minuit le même jour.

10. TELUS a fait valoir qu'il serait plus facile pour les ESLT de gérer les intervalles de service établis si une distinction était faite entre les demandes visant moins de 10 lignes et celles visant 10 lignes ou plus.

11. Group Telecom a fait valoir que les ESLT se doivent de respecter les exigences réglementaires pour que les ESLC qui dépendent des installations des titulaires puissent offrir le service rapidement et de façon rentable. Call-Net a insisté sur le fait que la vitesse à laquelle les ESLC peuvent fournir le service local demeure un facteur clé pour les éventuels abonnés.

Processus liés à la fourniture de lignes locales dégroupées

12. AT&T Canada a demandé au Conseil d'ordonner que les ESLT alignent tous les processus liés à la fourniture de lignes locales dégroupées afin que les intervalles de service établis dans la décision 2002-14 soient respectés et que les ESLC puissent fournir le service local à leurs abonnés dans un délai concurrentiel. À cet égard, AT&T Canada a fait valoir que, selon Bell Canada et autres, les intervalles de service prescrits dans la décision 2002-14 ne s'appliqueraient pas aux demandes de lignes locales dégroupées qui incluaient également le transfert du numéro de téléphone de l'utilisateur final (transfert de numéros).

13. Bell Canada et autres ont déclaré qu'AT&T Canada avait tort de prétendre que les ESLT imposaient un intervalle de service plus long dans le cas des demandes incluant le transfert de numéros. Bell Canada et autres ont confirmé que les intervalles de service énoncés dans la décision 2002-14 s'appliqueraient à la migration de lignes locales dégroupées occasionnant également un transfert de numéros.

14. TELUS a fait valoir que dans la décision 2002-14, le Conseil n'a pas établi de distinction entre les intervalles de service s'appliquant à la migration de lignes dégroupées occasionnant un transfert de numéros et les intervalles de service n'impliquant que le transfert de numéros supplémentaires. À cet égard, TELUS a déclaré qu'elle applique un intervalle de service plus long dans le cas des demandes ne visant que le transfert de numéros. Par contre, TELUS a indiqué que si le Conseil définissait l'intervalle de service à appliquer aux demandes de lignes locales dégroupées qui impliquent également le transfert de numéros supplémentaires, elle rajusterait son processus en conséquence.

15. Dans ses observations en réplique, AT&T Canada a réitéré que les ESLT avaient confirmé qu'elles appliqueraient un intervalle de service plus long dans le cas des demandes de lignes locales dégroupées n'impliquant que le transfert de numéros supplémentaires. AT&T Canada a déclaré qu'il y avait des cas qui s'appliquaient à la migration de lignes occasionnant un transfert de numéros combiné à un transfert de numéros supplémentaires. Selon AT&T Canada, le fait que les ESLT aient décidé d'inclure l'exécution du transfert de numéros dans les intervalles de service prévus pour la migration de lignes locales dégroupées dans la décision 2002-14 prouvait que ce transfert pouvait effectivement s'exécuter en deux jours. Voilà pourquoi, selon elle, l'intervalle de service applicable aux transferts de numéros supplémentaires devrait être réduit à deux jours.

Rapports sur la qualité du service

16. AT&T Canada a fait remarquer que les ESLT s'étaient dites incapables d'appliquer les intervalles de service au 1er avril 2002, de manière à pouvoir fournir des rapports sur la qualité du service, comme le Conseil l'a exigé dans la décision 2002-14. AT&T Canada a également fait remarquer que les ESLT avaient indiqué leur intention d'exclure de leurs indicateurs applicables aux lignes locales dégroupées, dans leur rapport sur la qualité du service, les demandes de lignes locales dégroupées qui, à leurs avis, débordaient le cadre de la décision 2002-14.

17. Bell Canada et autres ainsi que TELUS ont précisé qu'elles remettraient leurs rapports sur la qualité du service à temps et conformément aux directives énoncées dans la décision 2002-14.

18. Dans ses observations en réplique, AT&T Canada a dit craindre que la valeur des rapports sur la qualité du service ne soit compromise si les ESLT étaient libres de déterminer arbitrairement les types de demandes qui pourraient être soustraites à l'application d'indicateurs particuliers servant aux fins des rapports.

Analyse et conclusion du Conseil

Directives énoncées dans la décision 2002-14

19. Le Conseil fait remarquer que les questions connexes aux intervalles de service prévus pour la fourniture de lignes locales dégroupées aux ESLC ont déjà fait l'objet de débats et de litiges. En effet, dans la lettre-décision Objet : Décision du Conseil au sujet du litige du Comité directeur sur l'interconnexion du CRTC concernant les intervalles de service associés à la fourniture de nouvelles lignes dégroupées (Types A et B) par les ESLT, 31 octobre 2000 (la lettre-décision), le Conseil a ordonné aux ESLT de fournir les lignes dégroupées aux ESLC à l'intérieur d'intervalles de service qui n'excèdent pas ceux qu'elles s'allouent, et ce, dans au moins 90 % des cas.

20. En janvier 2001, les ESLT ont présenté leurs intervalles de service de ligne révisés aux participants du GTPA. Au cours des réunions du GTPA, les représentants des ESLC ont relevé une série de questions à l'égard des intervalles de service révisés. Les ESLC ont soutenu que les intervalles de service n'étaient pas conformes aux directives données par le Conseil dans la lettre-décision. Ultérieurement, les participants du GTPA ont convenu de saisir le Conseil du dossier relatif aux intervalles de service applicables aux lignes locales dégroupées.

21. Dans la décision 2002-14, le Conseil a fait remarquer qu'il était clairement spécifié dans la lettre-décision que les ESLT devaient offrir aux ESLC les mêmes intervalles de service qu'elles s'allouent pour fournir une ligne locale. Le Conseil a déclaré que cette mesure visait à donner aux ESLT comme aux ESLC une chance égale de fournir rapidement le service aux utilisateurs finals. Le Conseil a conclu que les ESLT, en interprétant mal la lettre-décision, n'avaient pas bien saisi l'esprit de la directive du Conseil et que, de ce fait, elles avaient pu conserver un avantage sur le plan de la concurrence par rapport aux ESLC. Le Conseil a donc ordonné aux ESLT de fournir le service aux ESLC en deux jours ouvrables, dans le cas de la migration de lignes de types A et B, y compris les sous-types de lignes, et en cinq jours ouvrables, dans le cas de nouvelles lignes de types A et B, y compris les sous-types de lignes, dans au moins 90 % des cas.

22. Selon le Conseil, bon nombre des questions qu'AT&T Canada a soulevées dans sa demande étaient clairement traitées dans les directives qu'il a établies dans la décision 2002-14. Toutefois, compte tenu des observations que cette demande a suscitées, le Conseil estime qu'il convient de clarifier la portée des directives prévues dans la décision 2002-14.

23. Le Conseil convient que l'exposé de position présenté par les ESLC dans le cadre de l'instance ayant mené à la décision 2002-14 se limitait aux intervalles de service normalisés applicables aux demandes visant au plus 10 lignes locales dégroupées. Par conséquent, le Conseil conclut que les intervalles de service établis dans la décision 2002-14 s'appliquaient aux DSL visant au plus 10 lignes locales dégroupées.

24. Le Conseil fait remarquer avoir déclaré, dans la décision 2002-14, que tout travail d'ordre technique et administratif supplémentaire lié à la fourniture de lignes locales dégroupées ne devrait pas retarder la fourniture du service aux ESLC. Or, dans cet esprit, le Conseil estime que le transfert de numéros fait partie intégrante d'une demande visant la migration d'une ligne locale.

25. Néanmoins, le Conseil reconnaît que dans la décision 2002-14, il n'a pas établi de distinction entre les intervalles de service applicables à la migration de lignes dégroupées occasionnant un transfert de numéros et les intervalles de service n'impliquant que le transfert de numéros supplémentaires. Le Conseil conclut donc que les intervalles de service prévus dans la décision 2002-14 ne s'appliquent pas lorsqu'il n'y a qu'un transfert de numéros supplémentaires.

26. Ainsi, le Conseil ordonne aux ESLT, lorsqu'elles répondent aux DSL des ESLC visant au plus 10 lignes dégroupées, de fournir les lignes locales dégroupées et d'exécuter le travail technique et administratif connexe, y compris le transfert de numéros, dans les intervalles de service prescrits dans la décision 2002-14.

27. Le Conseil fait remarquer qu'AT&T Canada lui a demandé d'ordonner aux ESLT qui reçoivent une DSL visant la migration de lignes avant 12 h (midi), de transmettre une CSL dans les heures ouvrables normales le même jour. Le Conseil précise que les ESLT ont déjà raccourci leur délai de remise de la CSL dans le cas des demandes visant la migration de lignes puisqu'elles expédient les CSL au plus tard à minuit le jour même. Le Conseil estime qu'il ne serait donc pas raisonnable, à ce stade-ci, d'imposer aux ESLT un délai encore plus court pour l'acheminement de la CSL.

28. Quant aux rapports sur la qualité du service, le Conseil fait remarquer que comme elles le lui ont confirmé, les ESLT fourniraient leurs rapports conformément aux directives énoncées dans la décision 2002-14. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il est inutile d'aborder les questions qu'AT&T Canada a soulevées concernant ces rapports dans sa demande. Le Conseil fait toutefois remarquer que dans la décision Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, Décision de télécom CRTC 2002-34, 30 mai 2002, il a indiqué qu'il envisagerait un processus de vérification dans le contexte d'une instance de suivi qui viserait à établir un régime définitif concernant la qualité du service des concurrents. Le Conseil estime donc que toute question relative à la pertinence des données produites par les ESLT concernant la qualité de leur service devrait faire l'objet de cette instance de suivi.

Intervalles de service non visés par la décision 2002-14

29. Le Conseil estime que pour donner aux ESLC une chance égale de fournir rapidement le service à leurs abonnés, il importe d'établir des intervalles de service pour le traitement des DSL des ESLC qui n'ont pas fait l'objet des directives énoncées dans la décision 2002-14.

30. Par conséquent, le Conseil invite toutes les parties à déposer des propositions concernant les intervalles de service applicables dans les cas suivants :

  1. les DSL visant plus de 10 lignes locales dégroupées;
  2. où il n'y a qu'un transfert de numéros;
  3. tous les autres services qui ne sont pas visés par la décision 2002-14.

31. Les parties doivent fournir des données historiques à l'appui de leurs propositions concernant les intervalles de service.

32. Bell Canada et autres, TELUS, AT&T Canada, Call-Net et Group Telecom sont désignées parties à cette instance. Les parties peuvent déposer leurs propositions auprès du Conseil et elles doivent en signifier copie à toutes les autres parties, au plus tard le 2 décembre 2002. Les parties peuvent déposer des observations auprès du Conseil et elles doivent en signifier copie à toutes les autres parties, au plus tard le 16 décembre 2002. Les parties peuvent déposer des observations en réplique auprès du Conseil et elles doivent en signifier copie à toutes les autres parties, au plus tard le 3 janvier 2003. Lorsqu'un document doit être déposé ou signifié à une date précise, il doit être effectivement reçu et non pas simplement envoyé, au plus tard à cette date.

Autres questions

33. Tel que mentionné dans les conclusions antérieures du Conseil et dans la présente décision, le Conseil désire s'assurer que les ESLC ont une chance égale de fournir rapidement le service local aux abonnés. Certes, l'imposition d'intervalles de service contribue à l'atteinte de cet objectif; toutefois, le Conseil estime qu'il y a lieu d'explorer d'autres façons de parvenir à ce but.

34. Le Conseil fait remarquer que de l'avis de la Federal Communications Commission (la FCC), il est essentiel que les ESLC aient un accès non discriminatoire aux systèmes de soutien à l'exploitation (SSE) des ESLT si l'on veut instaurer une concurrence locale réelle. La FCC soutient que sans l'accès aux SSE des ESLT, les concurrents seraient incapables d'offrir à leurs abonnés un service concurrentiel comparable à celui des titulaires, ce qui les désavantagerait sensiblement. La FCC a constaté, par exemple, qu'il est plus facile pour les nouveaux venus d'accéder aux fonctions des SSE des titulaires lorsque ces nouveaux venus ont à préparer et à passer des commandes d'éléments réseau ou de services de revente, à obtenir des renseignements sur les caractéristiques des lignes, à installer le service pour leurs abonnés, à assurer la maintenance et la réparation des installations réseau ainsi qu'à facturer les abonnés.

35. Le Conseil estime que l'accès des ESLC aux fonctions des SSE des ESLT pourrait constituer un élément important dans l'atteinte de son objectif visant à offrir aux ESLC une chance égale de fournir rapidement le service local aux abonnés. Par conséquent, le Conseil ordonne au CDCI d'étudier la question et de lui remettre, dans les six mois de la date de la présente décision, un rapport décrivant les diverses fonctions des SSE qui pourraient être utiles aux ESLC ainsi que les mesures qui pourraient être mises en ouvre afin de permettre l'accès des ESLC à ces fonctions.

Secrétaire général

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