ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2002-73

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Décision de télécom CRTC 2002-73

Ottawa, le 4 décembre 2002

Call-Net Enterprises Inc. c. Bell Canada - Respect des règles de reconquête

Référence : 8622-C25-16/02

Dans la présente décision, le Conseil conclut que Bell Canada contrevient aux règles de reconquête du Conseil. Il ordonne à Bell Canada : (1) de cesser d'enfreindre les règles de reconquête; (2) d'élaborer des procédures internes pour s'assurer qu'elle se conforme aux règles de reconquête à partir du moment où un fournisseur de services locaux soumet une demande de service local; et (3) de lui faire rapport, dans les 60 jours, des procédures internes qu'elle a mises en place pour s'assurer qu'elle respecte les règles de reconquête et assurer le suivi.

1.

Le 3 mai 2002, Call-Net Enterprises Inc., en son nom et pour le compte de ses compagnies affiliées, y compris Sprint Canada Inc., (collectivement, Call-Net), a déposé une demande conformément à la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications, afin que le Conseil enjoigne à Bell Canada de cesser d'enfreindre les règles de reconquête du Conseil et de mettre en ouvre le programme de conformité proposé dans sa demande.

2.

Des observations au sujet de la demande de Call-Net ont été déposées par Futureway Communications Inc. (Futureway) et par AT&T Canada Corp., en son nom et pour le compte d'AT&T Canada Telecom Services Company (AT&T Canada), les 3 juin et 4 juin 2002, respectivement. Bell Canada a déposé sa réplique le 3 juin 2002. Call-Net a déposé des observations en réplique le 11 juin 2002.

3.

Bell Canada a déposé des observations supplémentaires le 20 juin 2002. Call-Net a déposé des observations en réplique le 24 juin 2002.

Historique

4.

Les restrictions relatives à la reconquête de services locaux ont été établies initialement par le Conseil dans une lettre-décision du 16 avril 1998 intitulée Décision du Conseil concernant le litige du Comité directeur sur l'interconnexion du CRTC portant sur les lignes directrices relatives à la reconquête du marché concurrentiel (la lettre-décision relative à la reconquête). Conformément à cette lettre-décision, une entreprise de services locaux titulaire (ESLT) ne devait pas tenter de reconquérir les clients, en ce qui concerne un service local de base, durant les trois mois suivant le transfert complet du service du client à un autre fournisseur de services locaux (FSL). Dans la même lettre-décision, le Conseil a dit craindre que sans ces lignes directrices, les ESLT puissent reconquérir des clients avant même que le service local soit effectivement transféré à une entreprise de services locaux concurrente (ESLC).

5.

Dans la décision Application des règles de reconquête dans le cadre du service local de base, Décision de télécom CRTC 2002-1, 10 janvier 2002 (la décision 2002-1), le Conseil a modifié les règles de reconquête en étendant le type de services de résidence assujettis aux restrictions. Il a ordonné aux ESLT de ne pas tenter de reconquérir des clients du service de résidence, en ce qui concerne le service local de base ou tout autre service, pour une période de trois mois après que le service local de base du client a été transféré complètement à un autre FSL.

Demande de Call-Net

6.

Dans sa demande, Call-Net a allégué que Bell Canada contrevenait aux règles de reconquête en contactant les clients immédiatement après avoir reçu les demandes de service local (DSL) de Call-Net, avant même que les clients soient passés au réseau de Call-Net. Celle-ci a fait valoir que les règles de reconquête étaient explicites, et que les contacts à des fins de reconquête étaient interdits jusqu'à trois mois après le transfert complet du service du client au réseau d'un FSL. À l'appui de sa demande, Call-Net a déposé un échantillonnage de 21 clients du service local de résidence qui, selon Call-Net, étaient passés à Sprint Canada Inc. pour le service local et avaient été contactés par Bell Canada dans les quelques jours ayant suivi la réception de la DSL par Bell Canada.

7.

Call-Net a fait valoir que le non-respect des règles de reconquête compromettait sérieusement l'implantation de la concurrence dans le marché local de résidence. Call-Net a d'ailleurs soutenu qu'il était essentiel que les ESLT ne freinent pas l'élan de concurrence qui gagnait le marché des services locaux de résidence.

8.

Comme à son avis les règles de reconquête du Conseil étaient explicites et sans équivoque, Call-Net a fait valoir qu'il ne faudrait pas que le Conseil se contente d'ordonner à Bell Canada de cesser d'enfreindre les règles de reconquête. Call-Net a soutenu qu'il faudrait plutôt obliger Bell Canada à mettre en oeuvre un programme qui prouverait qu'elle respecte les règles de reconquête.

9.

Plus particulièrement, Call-Net a demandé au Conseil d'ordonner à Bell Canada de mettre en oeuvre un programme de conformité dans le cadre duquel Bell Canada :

- dispenserait aux employés préposés aux ventes une formation complète sur la conformité réglementaire, avec un accent particulier sur les activités de reconquête; lors de la formation, le personnel des ventes recevrait une communication écrite sur les règles de reconquête et les ordonnances pertinentes du Conseil; Bell Canada ferait ensuite rapport au Conseil des processus internes mis en place pour contrôler la conformité et corriger les situations de non-respect, et ce, tant à l'endroit des ESLC que des clients visés.

- inclurait, pour tous les clients du service de résidence, un encart de facturation renfermant :

a) un énoncé précisant que le Conseil a ouvert le marché des services locaux à la concurrence et que, là où elle existe, les clients sont libres de passer à un autre FSL, sans encourir de pénalité de débranchement;

b) un énoncé suivant lequel Bell Canada s'est vu interdire par le Conseil de contacter les clients pendant les trois mois qui suivent la décision du client de passer à un autre fournisseur de services;

c) un numéro de téléphone général et une adresse du Conseil où les clients pourraient rapporter les contacts inopportuns de la part de représentants de Bell Canada;

d) les noms des ESLC qui fournissent actuellement des services locaux de résidence et leur numéro de téléphone général;

e) un énoncé suivant lequel toutes les habitations résidentielles sont libres d'utiliser le fournisseur de services locaux de leur choix.

Observations au sujet de la demande de Call-Net

Bell Canada

10.

Bell Canada a soutenu qu'elle ne contrevenait pas aux règles de reconquête puisqu'elle ne tentait pas de reconquérir des clients après qu'ils aient été transférés complètement à un autre FSL. Bell Canada a fait valoir que les règles de reconquête ne s'appliquaient pas tant que le service local de base du client n'était pas complètement transféré à un autre FSL. Bell Canada a ajouté que le client n'était complètement transféré non pas lorsqu'une DSL lui était soumise, mais seulement lorsque les services du client étaient effectivement transférés à un autre FSL.

11.

Bell Canada a soutenu que, si les restrictions à la reconquête s'appliquaient aussitôt après le dépôt d'une DSL, les ESLT ne pourraient pas contacter les clients pendant beaucoup plus que trois mois, si bien que les ESLC auraient intérêt à présenter des DSL non valides pour tenter de retarder le processus.

12.

De plus, Bell Canada a maintenu que, si les règles de reconquête commençaient effectivement à s'appliquer au moment du dépôt des DSL, il lui faudrait corriger les listes de télémarketing et supprimer le nom des clients identifiés dans les DSL. Bell Canada a soutenu que ces corrections se traduiraient par de lourdes pénalités opérationnelles et financières pour les ESLT et entraîneraient le non-respect des modalités et des conditions de l'Entente cadre sur l'interconnexion entre entreprises de services locaux (la « MALI ») qui interdit la divulgation de renseignements concernant le transfert de clients de cette manière.

13.

Bell Canada a fait valoir que l'information fournie par Call-Net dans l'échantillon de 21 clients du service local de résidence qui avaient semble-t-il été contactés par Bell Canada dans les jours ayant suivi la réception de la DSL par Bell Canada, ne concordait pas avec celle figurant dans ses bases de données. Bell Canada a déclaré que, dans quatre cas, elle avait contacté les clients avant le transfert complet des services des clients à Call-Net par suite d'appels de reconquête d'interurbain légitimes. À son avis, ces contacts étaient conformes aux règles de reconquête établies dans la décision 2002-1.

14.

Bell Canada a fait valoir que Call-Net n'avait pas établi, de prime abord, que le programme de conformité proposé était justifié. Bell Canada a fait valoir qu'elle a déjà en place les procédures internes visant à empêcher la prise d'initiatives de reconquête inappropriées. Bell Canada a en outre soutenu que la demande de Call-Net relative à un encart de facturation n'était rien d'autre qu'une tentative injustifiée d'imposer une obligation de publicité à Bell Canada pour l'avantage commercial de Call-Net.

AT&T Canada et Futureway

15.

AT&T Canada et Futureway ont appuyé l'opinion de Call-Net selon laquelle Bell Canada enfreignait les règles de reconquête.

16.

Futureway a fait valoir que la concurrence dans le marché des services de résidence est très faible, voire inexistante. De l'avis de Futureway, les violations relatives à la reconquête par les ESLT empêchaient les ESLC de s'établir à long terme dans le marché.

17.

AT&T Canada et Futureway ont appuyé le programme de conformité proposé par Call-Net. AT&T Canada a soutenu qu'en plus du programme de Call-Net, le Conseil devrait ordonner immédiatement à Bell Canada :

- d'imposer à l'ESLC, dans le cas d'une annulation avant le transfert, une pénalité égale aux frais de résiliation du contrat;

- d'accorder un rabais à l'ESLC pour tous les coûts associés au transfert du client, y compris, mais sans s'y limiter, tous les frais tarifés payés à l'ESLT et, en particulier, les frais de service associés au transfert de l'ESLT à l'ESLC.

Observations en réplique

18.

Dans ses observations en réplique, Call-Net a soutenu qu'il était clair que les règles de reconquête avaient été enfreintes, puisque Bell Canada avait indiqué avoir contacté quelques clients de Call-Net après avoir reçu des DSL. Call-Net a fait valoir que les campagnes de reconquête des ESLT continuent de l'empêcher sérieusement de pénétrer avec succès le marché des services locaux de résidence.

Observations supplémentaires soumises par Bell Canada et Call-Net

19.

Dans les observations supplémentaires qu'elle a déposées le 20 juin 2002, Bell Canada a soutenu qu'AT&T Canada et Call-Net tentaient de réécrire les règles de reconquête et que cela équivalait à une demande de révision et de modification, conformément à l'article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi), sans avis aux autres ESLT. Call-Net a répliqué que sa demande n'était ni une demande de révision ou de modification des règles de reconquête, ni une tentative de réécrire la décision 2002-1.

Analyse et conclusions du Conseil

20.

Le Conseil n'accepte pas l'avis de Bell Canada selon lequel les règles de reconquête ne s'appliquent pas tant que le service local de base d'un client n'a pas été complètement transféré à un autre FSL. Le Conseil estime qu'il est clair que les règles de reconquête s'appliquent à partir du moment où une ESLT reçoit une DSL jusqu'à trois mois après le transfert complet du client à un autre FSL.

21.

Le Conseil fait remarquer que les activités de reconquête ne sont pas limitées aux activités servant à convaincre un client de revenir à son fournisseur de services initial après que leur service a été transféré, mais qu'elles se rapportent plutôt aux activités visant à convaincre le client de ne pas changer de fournisseur de services avant que le transfert soit effectué. Dans la décision 2002-1, le Conseil a fait référence à la définition établie dans la lettre-décision Litige des CDIC - Règles relatives à la communication entre le client et l'entreprise de distribution de radiodiffusion, 1er avril 1999 (la lettre-décision du 1er avril), où les activités de reconquête ont été définies comme :

[.] offrir aux clients des rabais, des services gratuits ou d'autres incitatifs pour les convaincre de ne pas changer de fournisseur de services ou de revenir à leur premier fournisseur de services.

22.

Le Conseil estime que les règles de reconquête visaient nettement à limiter les activités de reconquête à partir du moment où un client exprime son intention de changer de FSL jusqu'à trois mois après le transfert complet des services locaux du client. À cet égard, le Conseil fait remarquer que dans la lettre-décision relative à la reconquête de même que dans la décision 2002-1, il a déclaré que sans les restrictions relatives à la reconquête, les ESLT pourraient reconquérir des clients avant que le service local soit effectivement transféré à une ESLC.

23.

Dans la lettre-décision du 1er avril, le Conseil a examiné la raison d'être des règles de reconquête dans le marché de la téléphonie locale et il a déclaré ce qui suit :

Les motifs d'imposer ces restrictions avaient principalement trait à l'intervalle entre la commande d'un transfert de client d'un fournisseur de services téléphoniques locaux à l'autre et au point auquel ce transfert se fait. Toutefois, les restrictions à la reconquête du marché reconnaissent aussi la capacité des titulaires de tenter de reconquérir des clients qui ont manifesté leur intention de changer de fournisseur de services. Le Conseil a jugé que ces activités nuiraient probablement à l'implantation d'un marché local concurrentiel.

24.

Par conséquent, le Conseil conclut que les règles de reconquête établies dans la décision 2002-1 s'appliquent à partir du moment où la décision du client de changer de fournisseur de services est communiquée dans une DSL jusqu'à trois mois après que les services locaux du client sont complètement transférés. Le Conseil conclut donc que la demande de Call-Net n'est pas une demande de révision ou de modification des règles de reconquête établies dans cette décision.

25.

Le Conseil fait remarquer que Bell Canada a admis, dans les quatre cas où les clients ont été transférés à Call-Net et contactés par Bell Canada, avoir établi ces contacts avant le transfert complet des services des clients à Call-Net par suite d'appels légitimes de reconquête de l'interurbain. Par conséquent, le Conseil conclut que Bell Canada a enfreint les règles de reconquête établies dans la décision 2002-1.

26.

Le Conseil estime que des mesures s'imposent pour s'assurer que dorénavant, Bell Canada se conforme aux règles de reconquête. Même si l'incidence des infractions semble faible, le Conseil craint néanmoins que le marché concurrentiel ne soit compromis si les infractions se poursuivent.

27.

Le Conseil estime qu'il y a lieu d'exiger que Bell Canada élabore et mette en ouvre des procédures internes pour s'assurer qu'elle se conforme aux règles de reconquête, y compris, mais sans s'y limiter, des programmes de formation et d'autres mesures particulières garantissant qu'elle ne contacte pas de clients du service local entre le moment où un FSL soumet une DSL, jusqu'à trois mois après le transfert complet du client à un autre FSL. Le Conseil juge également approprié d'obliger Bell Canada à lui faire rapport de toutes procédures internes qu'elle a mises en place.

28.

Le Conseil prend note de l'affirmation de Bell Canada selon laquelle la compagnie avait en place des procédures internes qui interdisaient les activités de reconquête non appropriées et que les clients cités par Call-Net ont été contactés par suite d'une campagne de télémarketing légitime. Le Conseil estime cependant qu'il est essentiel que des mesures soient prises pour s'assurer que les règles de reconquête ne soient pas enfreintes par suite de campagnes de télémarketing. Le Conseil exige donc que Bell Canada veille à ce que les noms des clients identifiés dans les DSL soient supprimés de ces listes de télémarketing. À son avis, pareilles mesures ne constitueraient pas des violations des dispositions de confidentialité dans la MALI, comme Bell Canada l'allègue, mais seraient plutôt conformes aux obligations que la MALI impose à Bell Canada. À cet égard, le Conseil fait remarquer que conformément à l'annexe D de la MALI, il est interdit aux entreprises de services locaux (ESL) d'utiliser, à des fins de marketing et de vente, les renseignements propres aux clients divulgués par d'autres ESL dans le cadre du processus de commande. L'annexe A de la MALI prévoit des exceptions aux obligations de confidentialité et de non-divulgation dans les cas où l'information doit être divulguée par une entité gouvernementale ou par règle de droit.

29.

Le Conseil s'attend à ce que les procédures internes que Bell Canada mettra en place garantiront qu'elle se conformera dorénavant aux règles de reconquête. Par conséquent, le Conseil ne juge pas nécessaire de lui enjoindre de mettre en oeuvre toutes les mesures proposées par Call-Net dans son programme de conformité. Plus particulièrement, même si le Conseil reconnaît que des encarts de facturation sont un moyen efficace de s'assurer que les clients sont informés du contexte réglementaire et concurrentiel actuel ainsi que de décourager toute non-conformité, le Conseil n'estime pas nécessaire pour l'instant d'exiger des encarts de facturation.

30.

De plus, compte tenu de la faible incidence des infractions de Bell Canada aux règles de reconquête, le Conseil estime que la proposition d'AT&T Canada voulant que Bell Canada dédommage les ESLC pour les frais de résiliation de contrat et les coûts associés au transfert n'est pas justifiée pour l'instant.

31.

Le Conseil envisagera d'imposer des mesures additionnelles pour assurer la conformité aux règles de reconquête, comme les encarts de facturation et les mécanismes de compensation, s'il y avait d'autres violations.

32.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne à Bell Canada :

- de cesser d'enfreindre les règles de reconquête;

- d'élaborer des procédures internes pour s'assurer qu'elle se conforme effectivement aux règles de reconquête à partir du moment où un fournisseur de services locaux soumet une DSL pour un client, jusqu'à trois mois après le transfert complet du service du client à un autre FSL;

- de lui faire rapport, dans les 60 jours de la date de la présente décision, des procédures internes qu'elle a mises en place pour assurer le respect des règles de reconquête et assurer le suivi.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Mise à jour : 2002-12-04

Date de modification :