ARCHIVÉ - Ordonnance de télécom CRTC 2006-161

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

 

Ordonnance de télécom CRTC 2006-161

  Ottawa, le 23 juin 2006
 

Bell Canada

  Référence : Avis de modification tarifaire 1, 1A, 1B, 2, 2A, 3, 4, 4A, 4B, 4C, 4D, 5, 5A, 66A et 7 de Bell Communications et ententes connexes; avis de modification tarifaire 6935, 6944, 6944A et 6952 de Bell Canada; avis de modification tarifaire 873 (Tarif des services nationaux) et Entente cadre d'interconnexion de Bell Canada
 

Adoption du Tarif général, du Tarif des services de circonscription, du Tarif des services d'accès et du Tarif des montages spéciaux de Bell Communications, et modification du Tarif général et du Tarif des services nationaux de Bell Canada

 

Historique

1.

Le 1er février 2006, BCE Inc. (BCE) a annoncé qu'elle comptait former une nouvelle fiducie de revenu régionale1 qui fournirait les services filaires, les services de données traditionnels et les services Internet dans le cas d'environ 1,6 million de lignes d'accès local dans certaines parties du territoire de Bell Canada en Ontario et au Québec (le territoire régional). BCE a indiqué prévoir que Bell Canada conserverait une participation d'environ 50 p. 100 dans la fiducie, une fois les unités de fiducie réparties tel que prévu entre les actionnaires de BCE. BCE a également précisé que cette restructuration de la société n'entraînerait la modification ni des services offerts aux clients de Bell Canada, ni des modalités et des tarifs applicables à ces services.
 

Les demandes

2.

Entre les 14 mars et 26 mai 2006, Bell Canada a présenté plusieurs demandes au Conseil sous le pli des avis de modification tarifaire 1 à 7 de Bell Communications et de modifications à ces avis. Dans ces demandes, Bell Canada a notamment proposé l'adoption d'un Tarif général, d'un Tarif des services de circonscription, d'un Tarif des services d'accès et d'un Tarif des montages spéciaux pour une entité devant être constituée en fiducie de revenu consolidée2. Bell Canada a fait valoir que ces avis de modification tarifaire sont essentiellement une copie conforme des tarifs de Bell Canada aux fins de la nouvelle entité.

3.

Bell Canada a fait remarquer que le nom de la nouvelle entité n'était pas encore établi officiellement, mais qu'entre-temps, le nom utilisé était « Bell Communications ». Bell Canada a précisé qu'elle aviserait le Conseil si elle choisissait un nom différent et qu'elle proposerait au même moment des modifications aux pages de tarif approuvées, au besoin. Bell Canada a ajouté qu'elle s'attendait à ce que Bell Communications entre en exploitation au début de juillet 2006, une fois qu'elle aura obtenu toutes les approbations nécessaires du Conseil et de l'Agence du revenu du Canada. Bell Canada a donc demandé que ses demandes soient approuvées à compter du 1er juillet 2006.

4.

Bell Canada a fait valoir que si ses demandes étaient approuvées, ses clients ne subiraient aucun changement en passant aux mains de Bell Communications.

5.

Bell Canada a également demandé au Conseil d'approuver l'Entente cadre d'interconnexion entre une ESLC [entreprise de services locaux concurrente] et une ESI [entreprise de services intercirconscriptions] ainsi que les ententes ci-après qui se rapportent à un ou plusieurs des avis de modification tarifaire susmentionnés :
 
  • Entente relative aux services de facturation et de perception;
 
  • Contrat de licence d'utilisation de l'espace de central;
 
  • Entente relative au service de fichiers d'échange d'inscriptions ordinaires;
 
  • Entente pour la fourniture du service d'acheminement des appels d'urgence par composition du zéro.

6.

Bell Canada a fait valoir que si des dispositions prévoyant le groupement de certains services, notamment l'accès haute vitesse, l'accès par passerelle, la gestion de téléphonie IP et le Centrex III, étaient ajoutées dans les tarifs de Bell Canada et de Bell Communications, tel qu'il est proposé, les clients pourraient bénéficier de tarifs fondés sur le regroupement des volumes dans le cas des services qu'ils achètent dans les territoires d'exploitation des deux compagnies. Bell Canada a fait valoir que ces modifications s'imposaient pour qu'elle et Bell Communications puissent offrir ces services à leurs clients, et ce, aux mêmes modalités et conditions et aux mêmes tarifs qu'avant l'établissement de Bell Communications.

7.

Entre les 21 mars et 26 mai 2006, Bell Canada a également présenté au Conseil des demandes dans le cadre des avis de modification tarifaire 6935, 6944, 6944A et 6952 en vue de modifier son Tarif général, d'une part, et dans le cadre de l'avis de modification tarifaire 873 en vue de modifier son Tarif des services nationaux, d'autre part, afin de tenir compte de la création prévue de Bell Communications.
 

Processus

8.

Le Conseil a reçu des observations de Rogers Telecom Holdings Inc. (Rogers Telecom) le 30 mai 2006, et des observations en réplique de Bell Canada le 1er juin 2006.
 

Observations de Rogers Telecom

9.

Rogers Telecom a fait valoir qu'avec la création de Bell Communications, le coût des services qu'elle achète actuellement de Bell Canada et d'Aliant Telecom Inc. (Aliant Telecom) changerait de façon appréciable.

10.

Rogers Telecom a demandé que Bell Communications relève tout écart entre ses tarifs et les tarifs correspondants de Bell Canada. Elle a également réclamé que le Conseil attende que Bell Communications ait apaisé ses réserves face à l'incidence que la création de cette compagnie aura sur les points suivants avant d'approuver les tarifs de Bell Communications :
 

a) les réductions sur volume auxquelles les clients sont actuellement admissibles aux termes du Programme de tarification dégressive sur le volume prévu à l'article 306 du Tarif des services nationaux;

 

b) les zones actuellement desservies par les circuits d'interconnexion que les entreprises intercirconscriptions utilisent pour acheminer ou raccorder le trafic interurbain;

 

c) les ententes d'interconnexion conclues avec les concurrents pour l'échange du trafic local;

 

d) les tarifs et les fonctions des services aux concurrents;

 

e) les contrats et les ententes en vigueur liant Rogers Telecom et Bell Canada;

 

f) les services et les ententes liant actuellement Rogers Telecom et Aliant Telecom.

 

Observations en réplique de Bell Canada

11.

Bell Canada a fait remarquer qu'elle avait proposé d'étendre à Bell Communications les réductions sur volume prévues dans le Programme de tarification dégressive sur le volume qui est prévu à l'article 306 de son Tarif des services nationaux. Bell Canada a ajouté qu'en agissant de la sorte, les tarifs actuellement facturés à ses clients resteraient les mêmes.

12.

Bell Canada a fait valoir que les points d'interconnexion actuels des entreprises intercirconscriptions ne seraient pas modifiés, pas plus que leur portée, si bien qu'il n'y aurait aucune incidence sur les zones d'interconnexion de ces entreprises.

13.

Bell Canada a ajouté que les points d'interconnexion locale actuels ne seraient pas modifiés non plus, pas plus que leur portée, si bien qu'il n'y aurait aucune incidence sur les ententes d'interconnexion locale.

14.

Bell Canada a fait valoir que les fonctions des services aux concurrents actuellement offerts par Bell Canada seront fournies par la fiducie de revenu une fois qu'elle sera en exploitation et ne seront pas modifiées en raison de la création de cette fiducie de revenu.

15.

Bell Canada a fait valoir que son Groupe de services aux entreprises (GSE) s'affairait actuellement à communiquer avec les clients assujettis aux ententes d'interconnexion devant être confiées, en totalité ou en partie, à la fiducie de revenu. La compagnie a précisé que là où elle devait obtenir le consentement du client pour confier une telle entente à la fiducie, en totalité ou en partie, elle écrirait au client pour obtenir son accord.

16.

Bell Canada a indiqué que les tarifs actuels d'Aliant Telecom resteraient en vigueur et que les services continueraient d'être fournis sous la marque d'Aliant Telecom. Bell Canada a ajouté qu'il n'y aurait aucune incidence sur les services réglementés et les ententes liant actuellement Rogers Telecom à Aliant Telecom.

17.

Bell Canada a fait valoir que la meilleure façon de traiter les points soulevés par Rogers Telecom et toute question de suivi serait d'établir un dialogue entre Rogers Telecom et les équipes de vente du GSE et la haute direction de Bell Canada et d'Aliant Telecom. Dans cet esprit, Bell Canada a affirmé que ses représentants avaient communiqué avec Rogers Telecom et d'autres clients touchés à ce sujet et qu'ils les rencontreraient prochainement pour discuter des répercussions que leur passage aux mains de la fiducie de revenu aura sur leur fonctionnement.
 

Analyse et conclusions du Conseil

18.

Le Conseil fait remarquer que les demandes en cause dans la présente ordonnance portent sur les territoires que Bell Canada et une fiducie de revenu se proposent de desservir respectivement en Ontario et au Québec. Elles ne visent pas la fourniture de services dans les provinces de l'Atlantique.
 

Incidence sur les clients

19.

Le Conseil fait remarquer que les tarifs de Bell Communications reprennent essentiellement ceux de Bell Canada. Il ajoute que les tarifs proposés de Bell Canada et de Bell Communications prévoient que les clients pourront bénéficier du regroupement des volumes dans le cas des services qu'ils achètent dans les territoires d'exploitation des deux compagnies. Le Conseil conclut qu'aux termes des tarifs proposés, les clients de Bell Canada et de Bell Communications devront recevoir les services selon les mêmes tarifs, modalités et conditions que ceux auxquels ils avaient droit avant la création de Bell Communications. De plus, le Conseil souligne que Bell Canada a affirmé qu'elle s'entretiendrait avec Rogers Telecom et les autres clients touchés pour discuter des répercussions que le passage à la fiducie de revenu aura sur leur fonctionnement.

20.

Le Conseil estime que Bell Canada a convenablement répondu aux préoccupations exprimées par Rogers Telecom. Il fait d'ailleurs remarquer que si jamais des problèmes opérationnels surgissaient et que les parties ne réussissaient pas à les régler de façon satisfaisante, les parties pourraient alors s'en remettre au Conseil.
 

Application du cadre de réglementation

21.

Selon le Conseil, il serait logique de continuer d'appliquer l'actuel régime de plafonnement des prix aux services que Bell Canada transférerait à Bell Communications, et ce, pour le reste de la période d'application du régime.

22.

Dans l'avis Examen du cadre de plafonnement des prix, Avis public de télécom CRTC 2006-5, 9 mai 2006 (l'avis 2006-5), le Conseil a amorcé une instance en vue d'établir un régime de plafonnement des prix qui entrerait en vigueur en 2007 dans les territoires d'exploitation d'Aliant Telecom, de Bell Canada, de MTS Allstream Inc., de Saskatchewan Telecommunications et de TELUS Communications Company (TCC). Dans l'avis 2006-5, le Conseil a fait remarquer que les réorganisations telles que le projet de création de Bell Communications auraient une incidence sur le régime de plafonnement des prix à l'étude dans cette instance. Il a d'ailleurs demandé à Aliant Telecom, à Bell Canada et à TCC de proposer les changements qu'elles jugeaient nécessaires au régime actuel de plafonnement des prix pour tenir compte de telles réorganisations.
 

Situation fiscale et facteur exogène

23.

Le Conseil fait remarquer que Bell Communications, en tant que fiducie de revenu, sera assujettie à un traitement fiscal différent de celui de Bell Canada, qui est une société par actions. Normalement, une société par actions paie de l'impôt sur ses revenus nets, peu importe qu'une partie de ce montant soit distribuée aux actionnaires. En revanche, la fiducie de revenu ne paie aucun impôt sur les revenus qu'elle répartit entre les détenteurs des unités de la fiducie. Or, dans le cas présent, la question est de savoir si la création de Bell Communications, dont la situation fiscale différera de celle de Bell Canada, doit être considérée comme un facteur exogène.

24.

Dans la décision Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, Décision de télécom CRTC 2002-34, 30 mai 2002, modifiée par la décision de télécom CRTC 2002-34-1, 15 juillet 2002 (la décision 2002-34), le Conseil a établi qu'il envisagerait l'application d'un rajustement au titre d'un facteur exogène dans la formule de calcul des prix plafonds dans le cas d'événements ou de mesures qui satisferaient aux critères suivants :
 

a) il s'agit de mesures législatives, judiciaires ou administratives indépendantes de la volonté de la compagnie;

 

b) les événements ou mesures visent expressément l'industrie des télécommunications;

 

c) les événements ou mesures ont une incidence importante sur la compagnie.

25.

Dans la décision 2002-34, le Conseil a indiqué ce qui suit :
 

« . chaque rajustement exogène proposé dans le prochain régime de plafonnement des prix sera examiné sur une base individuelle, en tenant compte des circonstances particulières de chaque événement . ».

26.

Le Conseil fait remarquer que la création de Bell Communications découle de l'initiative de BCE, et non d'une mesure législative, judiciaire ou administrative indépendante de la volonté de BCE. Par conséquent, le Conseil juge que le premier critère justifiant l'inclusion d'un événement au titre d'un facteur exogène n'est pas respecté.

27.

Le Conseil précise aussi que la création de fiducies de revenu n'est pas une pratique exclusive à l'industrie des télécommunications. L'industrie de l'énergie et le secteur de l'immobilier comptent également des fiducies de revenu. Le Conseil est donc d'avis que le deuxième critère n'est pas respecté.

28.

Finalement, le Conseil conclut que dans le cas présent, la création de Bell Communications selon une situation fiscale différente de celle de Bell Canada ne constitue pas un événement exogène puisqu'il ne répond pas à la définition qui en est donnée plus haut.
 

Paramètres financiers

29.

Le Conseil fait remarquer que les services, nouveaux ou existants, faisant l'objet d'un projet de réduction tarifaire doivent satisfaire au test d'imputation, tel qu'établi dans la décision Examen des garanties relatives aux prix planchers des services tarifés de détail et questions connexes, Décision de télécom CRTC 2005-27, 29 avril 2005. Il ajoute que le test d'imputation s'appuie sur des facteurs de coûts qui dépendent des paramètres financiers de la compagnie de téléphone. Le Conseil entend donc examiner ces paramètres au regard de Bell Canada et de Bell Communications une fois que la fiducie de revenu sera établie.
 

Demande de Bell Canada visant l'approbation des tarifs de Bell Communications

30.

Le Conseil précise que conformément à la Loi sur les télécommunications, Bell Communications devra, une fois établie, fournir ses services à ses clients aux termes de tarifs approuvés si les services en question ne font pas l'objet d'une abstention de la réglementation. C'est pourquoi le Conseil juge logique que Bell Canada ait déposé ses demandes tarifaires, et que lui les traite, même si la fiducie de revenu n'est encore effectivement établie.

31.

Compte tenu de ce qui précède, et sous réserve du paragraphe 32, le Conseil estime qu'il convient d'approuver provisoirement les demandes de Bell Canada, pourvu que Bell Canada lui confirme que Bell Communications est effectivement constituée en fiducie de revenu dès que ce sera chose faite.
 

Entente cadre d'interconnexion ESLC-ESI

32.

Le Conseil souligne que l'Entente cadre d'interconnexion ESLC-ESI que Bell Canada a déposée aux fins d'approbation est une entente type fondée sur la dernière entente type du genre que le Conseil a approuvée dans la décision Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion - Points de consensus, Décision de télécom CRTC 2003-35, 4 juin 2003. Le Conseil rappelle que l'obligation des compagnies de soumettre les ententes à son approbation ne s'applique pas aux ententes types, mais bien aux ententes particulières conclues entre les ESLC et ESI. Par conséquent, le Conseil établit qu'il n'a pas besoin d'approuver l'Entente cadre d'interconnexion ESLC-ESI, telle qu'elle lui a été présentée.
 

Traitement des demandes

33.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil approuve provisoirement les demandes de Bell Canada, sauf l'Entente cadre d'interconnexion ESLC-ESI, pourvu que Bell Canada lui confirme par écrit que la fiducie de revenu a été effectivement constituée, à compter de la date de cette confirmation.

34.

Le Conseil fait remarquer que, si le nom « Bell Communications » n'est pas le nom choisi pour la fiducie de revenu, les pages de tarif devront être modifiées en conséquence.

35.

L'opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à la présente.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

_____________________

Note de bas de page :

1   Le 7 mars 2006, BCE et Aliant Inc. ont annoncé qu'elles entendaient créer une grande fiducie régionale de revenu qui regrouperait les activités filaires de Bell Canada dans le territoire régional, les activités filaires d'Aliant Telecom Inc. et les intérêts de Bell Canada dans le Fonds de revenu Bell Nordiq. BCE détiendrait une participation d'environ 45 p. 100 dans cette nouvelle fiducie.

2   Dans ses demandes, Bell Canada propose l'adoption des tarifs suivants : Tarif CRTC 21560 de Bell Communications
- Tarif général; Tarif CRTC 21561 de Bell Communications - Tarif des services de circonscription; Tarif CRTC 21562 de Bell Communications - Tarif des services d'accès; et Tarif CRTC 21563 de Bell Communications - Tarif des montages spéciaux.

 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Le paragraphe 25(1) de la Loi sur les télécommunications (la Loi) stipule que toute entreprise canadienne doit fournir les services de télécommunication en conformité avec la tarification déposée auprès du Conseil et approuvée par celui-ci. Par conséquent, je me dois d'être d'accord avec la décision de la majorité visant à octroyer une approbation provisoire, tel qu'il est énoncé au paragraphe 33 de la décision. Des millions de Canadiens pourraient se retrouver sans service fourni légalement si le Conseil n'accorde pas son approbation provisoire, puisque BCE Inc. (BCE) a décidé d'aller de l'avant avec ses projets de réorganisation.
  Par contre, je ne suis pas d'accord avec le reste de la décision majoritaire. Elle sous-estime la portée des changements compris dans les projets de BCE et n'accorde aucune garantie aux abonnés, particulièrement à ceux qui se trouvent dans le nouveau territoire de Bell Communications, en Ontario et au Québec, et qui risquent d'être désavantagés en raison des changements sous-jacents à ces demandes tarifaires.
  Le plan de Bell
  Les demandes tarifaires approuvées provisoirement aujourd'hui comprennent implicitement le projet de diviser le territoire actuel de Bell Canada en deux entreprises de services locaux (ESL) : l'une desservant les régions fortement peuplées de l'Ontario et du Québec, comme celles situées le long du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, et l'autre desservant les zones plus au nord du Québec et de l'Ontario. À ce deuxième territoire de desserte s'ajouteront les territoires actuels d'Aliant Telecom situés dans le Canada atlantique. En tout, les abonnés de 12,5 millions de lignes téléphoniques seront touchés. Le nouveau territoire méridional sera desservi par Bell Canada, alors que le nouveau territoire du nord et de l'Atlantique sera desservi par Bell Communications, une nouvelle entité commerciale. Les demandes qui font l'objet de la décision majoritaire s'appliquent seulement au territoire qui sera desservi par Bell Canada et Bell Communications en Ontario et au Québec.
  Une question importante
  La portée des changements qui sont à l'étude est à la fois monumentale et sans précédent. D'un seul coup, BCE compte redessiner complètement le paysage des télécommunications au Canada, et ce, sur les plans de la géographie et de la concurrence. Le territoire de desserte de Bell Canada sera changé de façon considérable. Les abonnés de 10,7 millions de lignes téléphoniques se verront desservis par une nouvelle ESL ou par une entreprise considérablement modifiée. À mon avis, les abonnés de 1,6 million de lignes qui seront desservis par Bell Communications dans les régions auparavant desservies par Bell Canada ne seront plus certains de payer des tarifs justes pour leurs services locaux. Il s'agit d'une question importante.
  Une faute regrettable
  Dans le nouveau territoire du nord, il est peu probable que les forces concurrentielles provoquent la baisse des prix dans un avenir prévisible. La grande majorité de ce nouveau territoire risque simplement d'être trop éloignée et sous-peuplée pour attirer des concurrents. Par conséquent, dans un avenir prévisible, il est probable que la seule option des consommateurs du territoire de Bell Communications, en Ontario et au Québec, soit de compter sur le régime de surveillance réglementaire pour s'assurer qu'ils paient des tarifs justes et raisonnables. Cela étant dit, il me semble que, dans le cas présent, la majorité a omis d'agir à la première occasion qui lui a été offerte d'exercer un tel pouvoir de surveillance. Dans peu de temps, la majorité pourrait regretter cette omission. Les consommateurs, eux, le regretteront assurément.
  Un coup d'oil sur l'historique
  Dans les territoires où les forces concurrentielles ne suffisent pas à dicter les prix, le Conseil a le devoir d'assurer la protection des consommateurs. Cette protection a été assurée dans la plupart des marchés au Canada au moment où la méthode de réglementation de la base tarifaire fondée sur le taux de rendement a été remplacée par le système actuel de plafonnement des prix en 1998, et, plus tard, à mesure que d'autres territoires faisaient la transition. À la suite du processus analytique qui a mené à l'établissement du régime par plafonnement des prix, des prix « courants » ont été établis dans les territoires des ESL existantes. Pour fixer ces prix, le Conseil a tenu compte de tous les aspects liés aux revenus et aux dépenses, historiques et prévisibles, qui aidaient à établir pour les ESL un taux de rendement acceptable à partir de prix justes et raisonnables. Depuis, avec les prix courants établis en 1998 comme point de référence, le nouveau système de réglementation par plafonnement des prix est demeuré en vigueur et a subi un examen officiel en 2002.
  Un événement imprévisible
  La création d'une nouvelle ESL, Bell Communications, à titre de fiducie de revenu était un événement imprévisible. La situation sème le doute quant à la fiabilité des prix courants établis dans les zones qui seront desservies par Bell Communications en Ontario et au Québec. En effet, les fiducies de revenu ne paient pas d'impôts sur le revenu distribué parmi les détenteurs d'unités, alors que le fardeau fiscal était l'un des principaux aspects pris en considération à l'époque où les prix courants ont été établis. Il n'y a aucun doute que si Bell Canada, en Ontario et au Québec, n'avait pas été tenue de payer d'impôts sur le revenu, les prix courants dans ses territoires auraient été considérablement inférieurs.
  Deux cas pertinents
  Dans la décision MTS Communications Inc. - Majoration tarifaire définitive visant à recouvrer les impôts, Décision CRTC 2001-202, 30 mars 2001 (la décision 2001-202), le Conseil a approuvé une demande présentée par MTS Communications Inc. (MTS) en vue de faire augmenter ses tarifs de façon à récupérer sa charge fiscale. Avant 1997, MTS était une société d'État non imposable. Lorsqu'elle a été privatisée, sa situation a changé; elle a alors demandé au Conseil l'autorisation d'augmenter ses tarifs parce que ses prix courants ne tenaient pas compte de l'impôt qu'elle devait payer. Dans le sommaire de la décision 2001-202, le Conseil a souligné que : « [e]n évaluant l'impôt de MTS, le Conseil a traité la compagnie sur le même pied que toutes les autres entreprises de télécommunication assujetties au plafonnement des prix. Les autres compagnies étaient imposées au début du plafonnement des prix et leurs impôts étaient... utilisé[s] pour établir les tarifs au début du régime de réglementation par plafonnement des prix. »
  Dans l'ordonnance Économies de Bell Canada provenant de réductions de la taxe sur les recettes brutes, Ordonnance CRTC 2001-100, 2 février 2001, le Conseil a ordonné à Bell Canada d'appliquer une réduction à la baisse à sa formule de calcul des prix plafonds de manière à tenir compte du fait que le gouvernement de l'Ontario avait réduit l'impôt sur les recettes brutes des compagnies de téléphone titulaires exploitant en Ontario. Manifestement, même dans un régime de plafonnement des prix, le Conseil considère que les changements touchant le fardeau fiscal constituent un élément dont il faut tenir compte pour évaluer si les tarifs imposés sont justes.
  Une perspective trop réductionniste
  Dans le cas présent, la décision majoritaire formulée aux paragraphes 23 à 28 admet, à tort selon moi, que la situation fiscale est pertinente uniquement là où elle change à cause d'un événement exogène, qui est en général, un événement indépendant de la volonté de l'entreprise1. La majorité aurait vraisemblablement considéré l'existence, ou l'absence, du fardeau fiscal de Bell Communications comme pertinente, si cette réalité avait été le résultat « d'une mesure législative, judiciaire ou administrative indépendante de la volonté de BCE » (paragraphe 26) qui était « exclusive à l'industrie des télécommunications » (paragraphe 27). Toutefois, puisque BCE a décidé d'établir Bell Communications en tant que fiducie de revenu plutôt que d'être obligée de le faire aux termes d'une « mesure législative, judiciaire ou administrative » qui soit « exclusive à l'industrie des télécommunications », la majorité libère la nouvelle fiducie de revenu de ce que je considère comme une obligation solennelle : transférer à ses clients sous forme de prix réduits les économies qu'elle fera grâce au changement de sa situation fiscale.
  Le choix du moment ne suffit pas
  En conséquence de la décision majoritaire, tant qu'une ESL réglementée conçoit elle-même son propre plan de réduction de dépenses, elle n'a pas à partager ses gains fortuits avec ses abonnés, même dans les régions où le manque de concurrence laisse carrément la protection des consommateurs dans les mains du Conseil. Imaginez le scénario suivant : MTS est privatisée, tel qu'elle l'a été. Elle demande au Conseil l'autorisation d'augmenter ses tarifs afin de contrebalancer ses nouvelles dépenses, affirmant que ses prix courants ne sont plus suffisants. Le Conseil approuve l'augmentation, tout comme il l'a fait. Peu de temps après, MTS se transforme en fiducie de revenu. De toute évidence, personne ne permettrait que les consommateurs soient ainsi écrasés sous prétexte que la transformation de MTS en fiducie non imposable n'a pas été provoquée par un événement exogène. Les Canadiens s'élèveraient contre l'organisme de réglementation qui aurait permis une telle stratégie. Pourtant, c'est exactement ce qui a été permis dans le cas présent. La seule différence réside dans le choix du moment.
  À mon avis, le choix du bon moment ne suffit pas. L'article 27 de la Loi stipule que tous les tarifs imposés par une entreprise canadienne pour un service de télécommunication doivent être justes et raisonnables. La mission sacrée du Conseil consiste à assurer cette tâche; il s'agit de son mandat fondamental. Toutes les autres questions de tarification en découlent. Si, par la réorganisation de sa structure et de ses territoires de desserte, BCE a fait en sorte que la plupart des abonnés de 1,6 million de lignes dépendent exclusivement de la réglementation pour obtenir une protection, le Conseil se doit de protéger ces abonnés. À mon avis, il ne l'a pas fait dans le cas présent. C'est pourquoi j'aurais accordé l'approbation provisoire, à condition que Bell Communications participe à un processus destiné à évaluer la pertinence des tarifs qu'elle souhaite appliquer dans son nouveau territoire.

_______________

Note de bas de page :

1  Dans la décision Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, Décision de télécom CRTC 2002-34, 30 mai 2002, modifiée par la décision de télécom CRTC 2002-34-1, 15 juillet 2002, le Conseil a établi qu'il envisagerait l'application d'un rajustement au titre d'un facteur exogène dans la formule de calcul des prix plafonds dans le cas d'événements ou de mesures satisfaisant aux critères suivants : a) il s'agit de mesures législatives, judiciaires ou administratives indépendantes de la volonté de la compagnies; b) les événements ou mesures visent expressément l'industrie des télécommunications et c) les événements ou mesures ont une incidence importante sur la compagnie.

Mise à jour : 2006-06-23

Date de modification :