ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2008-9

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Décision de radiodiffusion CRTC 2008-9

  Ottawa, le 17 janvier 2008
  Société Radio-Canada
L'ensemble du Canada
 

Plainte à l'égard de la diffusion par la Société Radio-Canada d'un épisode de Little Mosque on the Prairie intitulé « Traditional Mother »

  Dans la présente décision, le Conseil traite d'une plainte alléguant que l'épisode intitulé « Traditional Mother» de la série Little Mosque on the Prairie diffusée par le réseau anglais de la Société Radio-Canada (SRC), constitue un cas de propos offensants. Après avoir passé en revue le dossier complet, le Conseil ne trouve aucune preuve de propos offensants. Le Conseil est en outre d'avis que la SRC a répondu adéquatement et de façon responsable aux préoccupations du plaignant.
 

Historique

1.

En mars 2007, le Conseil a reçu une plainte alléguant que le réseau anglophone de la Société Radio-Canada (SRC), avait diffusé des propos offensants à l'endroit des homosexuels en diffusant, le 28 février 2007, un épisode intitulé « Traditional Mother » dans la série télévisée Little Mosque on the Prairie.

2.

La CBC a déposé, le 20 mars 2007, une réponse à laquelle le plaignant a répliqué le 6 avril 2007 (révisée le 19 avril) exprimant son insatisfaction à l'égard de la réponse de la SRC.

3.

Après avoir étudié le ruban-témoin, le personnel du Conseil a informé le plaignant par lettre en date du 23 août 2007 qu'il n'avait trouvé aucune preuve de propos offensant. Le personnel du Conseil a également indiqué qu'à son avis, la SRC avait rempli l'obligation qui lui est faite par règlement de répondre aux plaintes portant sur une émission qu'elle a diffusée.

4.

Le 10 septembre 2007, le plaignant s'est à nouveau adressé au Conseil pour lui demander de revoir le dossier au complet et de publier sa décision. Le 21 septembre, la SRC a fait savoir au Conseil qu'elle n'avait rien à ajouter à sa réponse du 20 mars 2007.
 

L'épisode

5.

L'épisode « Traditional Mother » a été diffusé pour la première fois le 28 février 2007 à 19 heures, sous la cote PG (Parental Guidance/surveillance parentale recommandée), affichée à l'écran en début d'émission.

6.

La SRC résume cet épisode comme suit:
 

Dans cet épisode, le révérend McGee, ministre anglican, est appelé à célébrer un mariage homosexuel pour unir Johnny, instructeur de natation local, à son partenaire. Le révérend McGee consent à marier le couple, en partie parce que Johnny est un pilier de sa paroisse. McGee croit que ce serait commettre un péché que de tourner le dos à Johnny.

 

Comme il arrive invariablement dans une petite ville, dans la vie ou à l'écran, la décision de McGee ne rallie pas l'assentiment général. Fred Tupper [l'animateur de radio aux idées « de droite »], Fatima [traiteur et propriétaire du restaurant musulman du coin] et Baber [le « musulman radical »] se déclarent ouvertement opposés aux mariages de même sexe ou à l'homosexualité, voire aux deux, mais à divers degrés. Fatima, par exemple, fait savoir à Johnny que, tout en « n'approuvant » pas l'homosexualité, elle consent à lui servir de traiteur à son mariage parce que, dans son esprit, la bonne chère est plus importante que les bonnes mours. Baber, au contraire, annonce son intention de faire du piquetage devant l'église durant le mariage, pour protester contre ce qu'il considère comme « une abomination ».

7.

Les commentaires favorables au mariage sont prononcés par le révérend McGee, qui déclare en gros que, même si cela ne fait pas trop son affaire, c'est la bonne chose à faire. Pour discuter des mariages gais et de la cérémonie religieuse qui se prépare, le pasteur utilise des termes comme « paix », « tolérance » et « compréhension ». Certains personnages de l'émission n'émettent aucun jugement sur la question, tandis que d'autres expriment leur ressentiment de diverses façons. Le « musulman radical » refuse de prier dans un local où l'on s'apprête à célébrer un mariage gai. L'animateur de radio locale aux idées « de droite » s'interroge sur le sens moral et les bonnes mours d'un pasteur qui approuve les mariages homosexuels. Enfin, deux personnages, le « musulman radical » et « le rustre à l'esprit lent » organisent une protestation devant l'église. L'auditoire les entend brièvement dire pourquoi ils sont contre le mariage gai et peut également lire les slogans anti-mariage gai sur leurs pancartes. Finalement, le couple décide de se marier à Toronto.

8.

Le personnage au centre de ces péripéties est un personnage invité ne faisant pas partie des personnages habituels de la série.
 

La plainte

9.

Dans sa plainte originale, le plaignant allègue que « Traditional Mother » constitue un épisode offensant à l'égard des homosexuels qui exhorte à l'intolérance vis-à-vis ce groupe de personnes de diverses façons :
 
  • en recourant à des stéréotypes pour s'attirer quelques « rires blessants »;
  • en vilipendant les homosexuels, qui sont représentés comme des êtres « insignifiants et stupides »;
  • en « encourageant les comportements anti-homosexuels »;
  • en « attisant les flammes de la bigoterie »;
  • en donnant à croire que s'attaquer aux homosexuels est un « comportement acceptable » au Canada;
  • en montrant des gens pleins de hargne « ruiner » un mariage gai et « chasser » un couple homosexuel de la ville.

10.

Le plaignant conclut sa lettre en demandant au Conseil d'empêcher la SRC de poursuivre la diffusion de cette série.

11.

Le plaignant étoffe sa plainte dans une seconde lettre, en date du 6 avril 2007, en ajoutant que :
 
  • « sous le masque de la comédie », cet épisode montre au monde comment harceler les homosexuels;
  • les pancartes que brandissent les deux manifestants n'ont d'autre but que d'exprimer de la haine;
  • les slogans répétitifs contre les homosexuels ont une puissance destructrice;
  • la SRC cherchait à semer la discorde;
  • l'intention de la SRC était de choquer, en partie en reproduisant des conditions offensantes auxquelles l'auditoire serait forcé de réagir.

12.

Le plaignant soulève d'autres aspects du règlement qui portent sur l'équilibre de la programmation (« montrer un comportement anti-homosexuel de façon à peu près incontestée ») et le fait que la diffusion n'ait pas été accompagnée d'un avertissement pour mettre les spectateurs en garde contre les « stéréotypes négatifs et autres positions radicales risquant d'être déplaisantes ».
 

Réponse de la SRC

13.

La SRC a répondu qu'elle regrettait que le plaignant se soit senti offensé par la série et a indiqué que son intention n'était pas d'offenser les téléspectateurs.

14.

La SRC a convenu que certains éléments stéréotypés se retrouvaient dans son personnage homosexuel principal, mais a nié qu'il ait été présenté comme étant « insignifiant » ou « stupide », comme le prétend le plaignant. La SRC ne partage pas non plus l'opinion du plaignant quant à la série en général et à l'égard de l'épisode « Traditional Mother » en particulier. La SRC a expliqué que Little Mosque on the Prairie est une comédie traitant des relations entre les membres d'une nouvelle communauté musulmane et son entourage non musulman dans une petite ville fictive des Prairies du nom de Mercy. L'humour, dans la série, tire ses origines dans les conflits qui surgissent non seulement pour des motifs religieux ou sociaux, mais aussi entre les divers membres de la communauté, dont certains ont l'esprit plus large que d'autres. Selon la SRC, ce mélange alimente le conflit au centre de l'histoire de cette émission. À ce propos, la SRC a souligné que sa politique à l'égard des stéréotypes reconnaît en termes clairs et précis qu'on doit accorder plus de latitude dans la représentation quand il s'agit de dramatiques ou de fictions, où il faut répondre aux exigences de l'intrigue, des personnages ou de l'émission. La SRC a ajouté qu'il y avait une énorme différence entre présenter les points de vue d'un personnage fictif dans une émission comique ou « exhorter » à des comportements haineux ou les encourager.

15.

Pour conclure, la SRC affirmait ne défendre l'opinion d'aucun des personnages de l'émission tout en soulignant qu'elle n'avait jamais eu l'intention de suggérer que les Canadiens devraient adopter le comportement de l'un ou l'autre des personnages à l'écran. Tout en concédant que l'humour n'est pas du même attrait pour tout le monde, elle a déclaré que cette émission avait pour but de se servir de l'humour pour faire la promotion de la tolérance et de la compréhension mutuelle.
 

Analyse et décisions du Conseil

16.

L'article 5(1)b) du Règlement de 1987 sur la télédiffusion (le Règlement) précise qu'il est interdit au diffuseur de diffuser des propos offensants ou des images offensantes qui, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale.

17.

Comme le Conseil l'a déjà déclaré dans un certain nombre de décisions, le but du règlement interdisant les propos offensants est de prévenir les préjudices très réels que de tels propos peuvent causer, préjudices qui sont contraires aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Les propos qui risquent d'exposer un groupe à la haine ou au mépris causent des préjudices émotionnels pouvant entraîner de sérieux problèmes d'ordre psychologique et social parmi les membres du groupe visé. La dérision, l'hostilité et la violence encouragées par ces propos peuvent avoir, pour les membres de ce groupe, un impact très néfaste sur l'estime de soi, la dignité humaine et leur acceptation par la société. Ce préjudice mine l'égalité des droits de ceux qui sont visés, droits que la programmation du système canadien de radiodiffusion devrait respecter et refléter, conformément à la politique canadienne de radiodiffusion. En plus d'éviter le préjudice aux personnes visées par de tels propos, la disposition du Règlement interdisant les propos offensants vise à garantir à tous les Canadiens le reflet et le respect des attitudes et des valeurs canadiennes. La diffusion de propos incitant à la haine et au mépris mine également la structure culturelle et sociale du Canada, que le système canadien de radiodiffusion doit sauvegarder, enrichir et renforcer.

18.

Le Conseil juge que des propos diffusés en ondes contreviennent à l'article 5(1)b) du Règlement lorsque les trois critères suivants sont réunis :
 

1) les propos sont offensants;

2) les propos offensants, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris;

3) les propos offensants sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale.

19.

Le Conseil est d'avis que l'émission qui fait ici l'objet d'un examen répond au troisième critère, puisque les propos en question sont fondés sur l'orientation sexuelle d'un individu ou d'un groupe. C'est pourquoi le Conseil, dans la suite de cette décision, traitera uniquement des deux autres critères.

20.

Puisque le plaignant fait état de 13 chefs d'accusation, le Conseil les a regroupés par ordre d'idées pour pouvoir leur appliquer le premier et le deuxième critère à l'égard des propos offensants. Le Conseil a donc déterminé trois questions précises sur lesquelles il devra se prononcer :
 
  • le recours aux stéréotypes;
  • le rôle du comique;
  • l'incitation à la haine.

21.

Les autres allégations sont regroupées sous la rubrique « Autres questions ».
 

Le recours aux stéréotypes

22.

Le plaignant allègue que les personnages homosexuels mâles de l'émission étant stéréotypés de façon négative, la SRC s'est montrée blessante, insultante et dénigrante envers les homosexuels.

23.

Le Conseil note que, bien que deux personnages homosexuels soient représentés dans l'épisode, un seul a un rôle parlant; l'autre est symbolique et n'existe que pour faire comprendre que le personnage parlant a un conjoint mâle. Les deux personnages homosexuels partagent des attributs physiques. Celui qui a un rôle parlant est représenté comme un effeminé par le ton de sa voix, ses gesticulations des mains et de la tête et son langage affecté. Ces traits peuvent constituer des insinuations malveillantes au sujet des tendances des homosexuels. On pourrait donc en conclure que les personnages sont stéréotypés.

24.

Il est cependant important de reconnaître que le recours aux stéréotypes dans des émissions dramatiques, ou dans tout type de fiction, n'est pas automatiquement offensant. Le Conseil croit que la série de la SRC utilise ses personnages pour se moquer des stéréotypes et des caricatures, ce qui peut finalement amener les auditeurs à se rendre compte à quel point ces points de vue font preuve d'ignorance et à en rire. Plus particulièrement, l'émission comprend des personnages principaux représentant divers stéréotypes, par exemple un « musulman radical » et un « rustre local ». Le « musulman radical » est un ancien imam qui ne cesse d'exprimer des opinions radicales sur tout et sur tout le monde. Pour lui, beaucoup de choses sont des « abominations », que ce soit au sujet d'une femme qui parle dans la mosquée, d'hommes et de femmes qui prient ensemble ou, dans le cas qui nous occupe, d'homosexualité. Le « rustre local » est de race blanche et est généralement présenté comme un imbécile aux propos racistes, homophobes et souvent assez désorganisés.

25.

Lorsqu'il examine des allégations de propos offensants, le Conseil recherche une preuve selon laquelle la représentation du stéréotype en question pourrait inciter un spectateur à la haine ou au mépris, par exemple par le fait de représenter des personnes d'un groupe visé avec une extrême malveillance ou d'être intentionnellement irrespectueux au point d'inciter à traiter ces personnes en inférieures.

26.

En l'espèce, le Conseil estime que l'exagération intentionnelle des traits de caractère des personnages dans le but de créer un effet comique est évidente aux yeux d'un spectateur raisonnable. Les représentations en cause ne sont ni malveillantes ni extrêmes. Qui plus est, après avoir visionné l'épisode en cause et plusieurs autres de la série, le Conseil croit que, de façon générale, la représentation de tous les personnages véhicule l'idée que les opinions qu'ils expriment font partie de leur nature caricaturale. Le Conseil est d'avis que, dans le contexte d'une série qui utilise la caricature comme outil de fiction, il est normal de pousser l'histoire jusqu'au bout afin d'en arriver ultimement à une leçon de morale particulière. Le recours aux stéréotypes est en l'espèce un outil dramatique qui aide à raconter une histoire, plutôt que de servir à blesser ou à dénigrer tout groupe ciblé. Par conséquent, le Conseil conclut que, dans le cas qui nous occupe, les représentations, qui ne sont peut-être pas l'idéal, n'enfreignent cependant aucun règlement.
 

Le rôle du comique

27.

Le plaignant allègue aussi que l'épisode montre à tout le monde comment harceler les homosexuels et qu'il le fait « en prétextant l'effet comique ».

28.

Cette allégation suppose que l'émission n'est pas, comme la SRC le prétend, une comédie, mais plutôt une manifestion de haine camouflée en comédie et qui vise à promouvoir des messages haineux.

29.

Après avoir visionné l'épisode en question et d'autres de la série, le Conseil conclut que Little Mosque on the Prairie est une comédie bien intentionnée et conforme à la catégorie 7 (Émissions dramatiques et comiques) des émissions de télévision définies dans l'avis public 1999-205, c'est-à-dire des « Productions de divertissement de fiction ». Comme le prévoit l'annexe 1 de cet avis, la catégorie 7 comprend la sous-catégorie 7b) Séries comiques en cours (comédies de situation).

30.

À cet égard, le Conseil constate que Little Mosque on the Prairie :
 
  • se passe dans une ville fictive;
  • présente des personnages fictifs et scénarisés joués par des comédiens;
  • met en vedette les mêmes personnages principaux aux prises avec un problème différent à chacun des épisodes.

31.

De plus, le Conseil note que le mot « comédie » fait référence, selon le dictionnaire Merriam-Webster, à [traduction] « une fiction de nature légère et amusante qui se termine généralement bien » et qui « traite de sujets comiques ou de sujets sérieux de manière légère ou satirique ». Le Conseil est d'avis que l'épisode « Traditional Mother » traite du mariage gai (un sujet sérieux et controversé) de manière légère et comique. En outre, l'épisode finit bien et le dénouement en est simple : les deux principaux personnages qui s'opposent au mariage suivent les conseils de leur chef religieux respectif et rentrent paisiblement chez eux, ce qui clôt le débat. Les personnages homosexuels ne sont pas chassés de la ville comme le prétend le plaignant; ils décident plutôt de célébrer leur mariage dans un endroit plus chic que Mercy, soit un spa à Toronto.

32.

Le Conseil a aussi visionné d'autres épisodes de la série et il conclut que ceux-ci traitent également de sujets sérieux de manière légère ou comique. Qui plus est, c'est sans aucune intention cachée ou malveillante que la série a recours à la caricature et aux stéréotypes pour faire passer son message.

33.

En conclusion, le Conseil est d'avis que Little Mosque on the Prairie satisfait à tous les critères d'une comédie de situation et plus préciséement à ceux d'une comédie de situation bien intentionnée. De plus, comme on l'a noté ci-dessus, le Conseil n'a trouvé aucune preuve selon laquelle la SRC encourage la haine ou favorise la propagation de messages haineux « sous le masque de la comédie » en diffusant l'épisode « Traditional Mother ».
 

L'incitation à la haine

34.

Le plaignant accuse la SRC d'inciter à la haine à l'égard des homosexuels par le biais de la diffusion de cet épisode de Little Mosque on the Prairie.

35.

Comme on l'a noté dans la description de l'épisode, les personnages suivants expriment tous, à divers degrés, leur opposition au mariage gai : l'animateur de radio locale, le « musulman radical », le « rustre local » et la propriétaire de restaurant et traiteur.

36.

Le Conseil remarque que, lorsque ces personnages expriment leur opposition au mariage gai au cours de l'épisode, ils n'insinuent nullement que toute forme de mal sera ou devrait être faite aux personnages homosexuels. De plus, lorsque le « musulman radical » et le « rustre local » décident de manifester contre le mariage sur le parvis de l'église, ils ne demandent à personne de les accompagner ou ne prétendent aucunement que d'autres devraient aussi exprimer leur opposition au mariage gai. Ils sont les seuls à participer à la protestation et ils brandissent des pancartes exprimant leur propre opinion (soit « Le mariage gai est une abomination » et « Le mariage est pour mari et femme »). Il n'y a ni acte violent ni suggestion d'acte violent envers les personnages homosexuels. Finalement, la manifestation a lieu à l'extérieur d'une église vide et les personnages homosexuels ne la voient pas, non plus d'ailleurs que les autres résidents de la ville (à l'exception d'un homme en train de sortir ses ordures), du moins à l'écran. S'il est vrai qu'une manifestation peut devenir un « environnement hostile », comme le prétend le plaignant, on peut difficilement conclure que deux personnes agitant des pancartes, sans public, créent en l'espèce un milieu hostile.

37.

Le Conseil est donc d'avis que l'épisode en cause présente des opinions sur le mariage gai, y compris certaines qui y sont défavorables à divers degrés, mais que ces opinions sont clairement celles des personnages individuellement.

38.

Le Conseil a aussi analysé minutieusement le dialogue et les interactions entre les personnages homosexuels et les autres. La répétition de messages négatifs pourrait avoir comme effet potentiel de désensibiliser le public à l'égard de ce groupe identifiable dans un contexte particulier, mais le Conseil estime que ce n'est pas le cas en l'espèce. Plus précisément, le Conseil est d'accord avec la SRC sur le fait qu'il y a un monde entre présenter des points de vue de personnages fictifs dans le cadre d'une émission comique et encourager ou promouvoir un comportement haineux. À la manière d'un conte moral, l'épisode « Traditional Mother » se termine sur un message de tolérance : le ministre du culte demande aux deux manifestants de rentrer chez eux en leur disant [traduction] « chaque petite chose peut blesser »; pendant ce temps, l'imam, debout près du ministre du culte, exprime par des mimiques son accord avec ces propos. Cette scène transmet le message que l'intolérance n'est la manière ni des chrétiens ni des musulmans. Ainsi, il est évident que le message de la série n'en est pas un d'incitation à la haine, tel que le prétend le plaignant.
 

Autres questions

39.

Le plaignant prétend aussi que la SRC, en diffusant l'épisode « Traditional Mother », a volontairement adopté un comportement offensant et a favorisé l'émergence de conflits, ce qui, selon lui, soulève des questions sur l'équilibre de la programmation. Le plaignant allègue notamment que la SRC devrait diffuser des « avertissements » en accompagnement de la série.

40.

Comme mentionné ci-dessus, le Conseil n'a trouvé aucune preuve selon laquelle la SRC avait l'intention d'inciter à la haine. Les messages défavorables au mariage gai étaient essentiels au scénario; la « morale » de l'histoire, telle qu'exprimée par les leaders de la communauté, était la tolérance. Les remarques défavorables étant des éléments essentiels du scénario et des messages clairs de tolérance ayant été exprimés par le ministre de l'église tout au long de l'émission, ainsi que par les deux leaders religieux à la fin de l'épisode, le Conseil conclut que l'équilibre de la programmation n'est pas en cause dans le cas présent.

41.

De même, pour ce qui est des avertissements au téléspectateur, le Conseil fait remarquer que ces messages précèdent généralement des émissions à l'intention des auditoires adultes ou encore qui présentent de la violence, de la nudité ou du langage grossier. La série Little Mosque on the Prairie est actuellement présentée sous la cote PG et le Conseil ne voit aucune raison d'y ajouter des avertissements au téléspectateur.
 

Conclusion

42.

Tel que discuté ci-dessus, le Conseil estime qu'il n'y a aucune preuve de haine ou de mépris dans l'épisode « Traditional Mother ». Le Conseil convient avec la SRC que l'émission présente des points de vue de personnages fictifs dans le cadre d'une comédie, et ce, d'une manière qui ne favorise ou n'encourage aucun comportement haineux, mais qui véhicule plutôt un message de tolérance.

43.

La représentation stéréotypée de personnages homosexuels n'est pas nécessairement idéale, mais, dans le cas présent où les autres personnages sont également représentés de façon stéréotypée, elle constitue un outil dramatique visant à raconter une histoire. La représentation en question n'est ni malvaillante ni extrême et ne soulève aucune préoccupation d'ordre réglementaire.

44.

Par conséquent, pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, le Conseil conclut que la SRC n'a pas enfreint l'article 5(1)b) du Règlement en diffusant l'épisode « Traditional Mother » de la série Little Mosque on the Prairie.Le Conseil est également d'avis que la SRC a répondu de façon appropriée et responsable aux inquiétudes du plaignant.
  Secrétaire général
 

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  Cette décision est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consultée en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Mise à jour : 2008-01-17

Date de modification :