Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2009-61

Référence au processus :

Avis public de radiodiffusion CRTC 2008-1

Ottawa, le 11 février 2009

Politique concernant la diffusion des grands succès par les stations de radio FM de langue anglaise

Dans le présent document, le Conseil énonce ses décisions à l'issue de son examen de la politique sur la diffusion des grands succès par les stations de radio FM de langue anglaise. Plus précisément, le Conseil :

Introduction

1. Dans l'avis public de radiodiffusion 2008-1, le Conseil a sollicité des observations sur sa politique concernant la diffusion des grands succès par les stations de radio FM commerciale de langue anglaise. Il cherchait plus exactement à savoir si, selon les parties intéressées, la politique demeurait pertinente et efficace dans le contexte actuel de la radiodiffusion.

2. En vertu de la présente politique énoncée dans l'avis public 1997-42, les stations de radio FM commerciale de langue anglaise s'engagent, par condition de licence, à limiter le nombre de grands succès à moins de 50 % de l'ensemble des pièces musicales qu'elles diffusent au cours de chaque semaine de radiodiffusion.

3. Un « grand succès » peut avoir deux définitions, selon le marché desservi par la station :

4. La dernière définition de « grand succès » s'applique également aux stations de radio de campus de langue anglaise.

5. Le Conseil a également sollicité des observations sur sa proposition de mise à jour des palmarès dont il se sert pour définir un grand succès, tant pour les stations de radio FM commerciale de langue anglaise que pour les stations de radio de campus. Comme mentionné dans l'appel aux observations, le Conseil est d'avis que la restriction de la diffusion des grands succès par les stations de radio de campus de langue anglaise continue d'être pertinente. Par conséquent, le présent examen de politique ne concerne pas les stations de radio de campus.

Historique

6. Lors du dernier examen de sa politique sur la diffusion des grands succès, en 1997, le Conseil a résolu d'adopter une définition moins restrictive de l'expression « grand succès » à l'usage des stations de radio FM commerciale desservant des marchés de langue anglaise, afin d'encourager l'essor, sur la bande FM, des formules « succès contemporains » et « Top 40 ». Le Conseil a toutefois refusé d'éliminer complètement la politique puisqu'elle pouvait protéger les stations de radio AM offrant la formule « succès rétro » de la concurrence directe exercée par les stations de radio FM, dont la qualité sonore est supérieure.

7. Au cours de l'examen de cette même politique, le Conseil a décidé de conserver la définition plus stricte d'un grand succès à l'usage des stations de radio FM commerciale de langue anglaise qui desservent les marchés de Montréal et d'Ottawa-Gatineau, afin de protéger les radiodiffuseurs de langue française dans ces deux marchés bilingues. Le Conseil a admis en 1997 que, les radiodiffuseurs de langue française étant astreints par règlement à diffuser un pourcentage minimum de pièces musicales vocales de langue française, le fait de concurrencer des stations de langue anglaise qui diffusent un nombre illimité de grands succès en vogue depuis 1980 risquait de les désavantager considérablement auprès des auditoires francophones.

L'instance

8. Le Conseil a reçu et étudié les commentaires écrits de 17 parties en réponse à l'appel aux observations publié dans l'avis public de radiodiffusion 2008-1. Les parties comprenaient des représentants de l'industrie de la radiodiffusion commerciale, de l'industrie du disque et des stations de radio de campus, de même que des particuliers.

9. Le dossier public de cette instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

10. Après examen des commentaires soumis dans le cadre de cette instance, le Conseil estime que les deux questions suivantes doivent entrer en ligne de compte dans l'examen de cette demande :

Marchés de langue anglaise

Position des parties

Rentabilité des stations de musique rétro

11. Dans leurs mémoires, quelques parties s'inquiètent de l'effet négatif d'une suppression de la politique sur les stations de formule « succès rétro » exploitées sur la bande AM. La Canadian Independent Record Production Association (CIRPA) préconise le maintien des restrictions actuelles sur la diffusion des grands succès parce qu'elles réservent un créneau rentable aux stations de radio AM. Durham Radio Inc. fait valoir que certaines stations de radio AM de musique rétro seront désavantagées par la concurrence des stations de radio FM qui adoptent la formule rétro.

12. D'autres parties prétendent que les forces du marché devraient dicter le choix des formules musicales et qu'éliminer la politique qui restreint la diffusion de grands succès contribuera à diversifier les formules. Rogers Broadcasting Limited (Rogers) affirme que la politique en question ne fait que servir un petit nombre de stations de radio AM. De plus, l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) et d'autres parties soutiennent que la politique n'a donné aucune preuve d'efficacité puisque la situation financière des stations de formule « succès rétro » se détériore d'année en année.

Exigences portant sur la diffusion de pièces musicales canadiennes

13. La CIRPA et d'autres parties craignent que si cette politique est éliminée et que d'autres stations de radio FM adoptent la formule de musique rétro, il risque de s'ensuivre une baisse dans la diffusion d'artistes nouveaux ou émergents. À leur avis, les stations de radio FM qui adoptent la formule de musique rétro ne diffuseront plus de jeunes artistes, cela s'avérant incompatible avec leur nouvelle formule.

14. Pour sa part, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement (CRIA) craint que les stations de radio FM qui adopteront la formule « succès rétro » ne s'attendent aux exemptions dont bénéficient les stations de radio AM de même formule quant à l'obligation de diffuser un pourcentage minimal de pièces musicales canadiennes. En effet, bon nombre de stations de radio AM de formule « succès rétro » sont autorisées, par condition de licence, à ne diffuser qu'un niveau minimum de 30 % de pièces musicales canadiennes au lieu des 35 % exigés par le Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement). La CRIA fait valoir que, si les stations de radio FM ont le choix de réduire le pourcentage minimum de pièces musicales canadiennes à diffuser par rapport au niveau prévu par le Règlement, il y aura moins de musique canadienne sur les ondes, et cette réduction ne serait pas compatible avec le mandat conféré au Conseil par la Loi sur la radiodiffusion.

Analyse et décisions du Conseil

15. Le Conseil considère que le principal objectif de la politique sur la diffusion de grands succès dans les marchés de langue anglaise est de protéger les stations de radio AM de musique rétro. Dans l'ensemble, les résultats financiers démontrent que cette politique n'a pas eu l'effet escompté et que les stations de musique rétro se heurtent à une concurrence grandissante de la part des stations FM et d'autres sources comme la radio par satellite et par Internet qui diffusent un nombre considérable de « disques d'or ».

16. Des 150 stations de radio AM exploitées en anglais en 2007, 20 étaient des stations de musique rétro. Entre 1996 et 2007, les bénéfices avant intérêt et impôts (BAII) combinés des stations de musique rétro sont tombés à -32 % des revenus, tandis que la marge de BAII pour l'ensemble des stations de radio AM de langue anglaise a augmenté pour se situer à +7 %. Le Conseil constate donc que, malgré la protection additionnelle d'une politique, les stations de musique rétro, dans l'ensemble, n'ont pas réussi à s'ancrer convenablement.

17. Compte tenu de ce qui précède, et parce qu'il doit s'assurer que ses politiques demeurent pertinentes pour le système de radiodiffusion canadien, le Conseil élimine, en date de la présente décision, la politique qui restreint la diffusion de grands succès par les stations de radio FM commerciale de langue anglaise dans les marchés de langue anglaise.

18. Le Conseil ajoute qu'il est important de maintenir la quantité totale de musique canadienne dont bénéficient les auditeurs canadiens de la radio.

19. Par conséquent, le Conseil ne sera pas disposé à approuver les demandes de stations de radio FM commerciale de langue anglaise en vue d'obtenir des conditions de licence leur permettant de réduire le pourcentage de pièces musicales canadiennes à diffuser par rapport aux pourcentages prévus par le Règlement ou par rapport au minimum prévu par leurs propres conditions de licence si celui-ci est supérieur au minimum prévu par Règlement, advenant qu'elles optent pour une formule à base de pièces musicales plus anciennes.

Marchés bilingues de Montréal et d'Ottawa-Gatineau

Position des parties

20. Dans son mémoire, l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) soutient qu'éliminer la politique de restriction dans les marchés bilingues aurait pour effet d'augmenter sensiblement le nombre des auditeurs francophones qui délaissent les stations de musique populaire de langue française au profit de stations de musique populaire de langue anglaise. D'autres parties favorables à la politique ont fait valoir que celle-ci mérite d'être gardée en place parce qu'elle appuie la dualité linguistique du Canada.

21. En contrepartie, Rogers et l'ACR croient que cette politique n'a pas été en mesure d'empêcher la migration des auditeurs de stations de musique de langue française vers les stations de musique de langue anglaise. L'ACR est en faveur de l'élimination de la politique et suggère que, pour mettre un frein à la migration des auditoires francophones vers des stations de langue anglaise de musique populaire ou vers des stations de langue française de créations orales, il vaudrait mieux abaisser le pourcentage minimum de musique vocale de langue française auquel sont astreintes les stations de langue française1.

22. Également favorable à l'élimination de la politique, le Evanov Radio Group prétend que cette politique nuit à la concurrence et empêche les stations de diffuser la musique que réclament les auditeurs.

Analyse et décisions du Conseil

23. Le Conseil reconnaît que l'écoute des stations de langue française de musique populaire a subi une certaine érosion au sein de l'auditoire francophone de Montréal. Néanmoins, les données de Sondages BBM soumises par l'ACR suggèrent que les changements dans l'écoute ont généralement favorisé les stations de langue française de créations orales plutôt que les stations de langue anglaise de musique populaire. En fait, les données démontrent que la part d'écoute des stations de langue française est demeurée constante entre 2003 et 2007, avec 85 à 87 % des auditeurs de 12 ans et plus. On observe, certes, une baisse de 9 % dans la part d'écoute des stations de musique de langue française, de 62 % en 2003 à 53 % en 2007, mais il y a eu une augmentation équivalente dans la part d'écoute des stations de créations orales de langue française. Ces données ne permettent donc pas d'affirmer que la politique concernant la diffusion des grands succès a été inefficace à Montréal.

24. Dans son mémoire au Conseil, l'ACR inclut une série semblable de résultats BBM pour le marché d'Ottawa-Gatineau. Comparé au marché de Montréal, ce dernier s'est avéré plus dynamique grâce à l'arrivée de nouvelles stations de musique populaire entre 2003 et 2007 aussi bien dans le secteur anglophone que francophone.

25. À cause de ces importants ajouts au marché d'Ottawa-Gatineau, le Conseil est d'avis qu'il serait difficile pour l'instant d'utiliser les données BBM pour tirer des conclusions quant à l'efficacité de la politique.

26. Le Conseil estime donc n'avoir reçu aucune preuve lui permettant de conclure que restreindre la diffusion de grands succès dans les marchés bilingues de Montréal et d'Ottawa-Gatineau s'est avéré une politique inefficace qui doit être modifiée. Cette politique continue d'avoir un effet positif sur la dualité linguistique dans les marchés bilingues.

27. En outre, le Conseil note que la suggestion de l'ACR d'abaisser le pourcentage minimum de pièces musicales de langue française diffusées par les stations de radio commerciale de langue française a déjà été étudiée en 2006 à l'occasion de l'examen de la politique sur la radio commerciale (avis public de radiodiffusion 2006-158). Le Conseil estime qu'il vaudrait mieux aborder cette question dans le contexte du prochain examen de la politique sur la radio commerciale.

28. Le Conseil conclut donc que la politique concernant la diffusion des grands succès dans les marchés bilingues de Montréal et d'Ottawa-Gatineau continue d'avoir des effets positifs sur la dualité linguistique et que, par conséquent, il convient de la maintenir en vigueur.

29. La définition de « grand succès » demeurera la suivante :

Une pièce musicale qui, à un moment ou à un autre, a occupé une des 40 premières places aux palmarès utilisés par le Conseil pour identifier les grands succès.

Palmarès servant à définir les grands succès

30. Depuis le dernier examen de la politique en 1997, plusieurs palmarès qui servaient à définir un grand succès sont révolus. Puisque les stations de radio FM commerciale de langue anglaise exploitées dans les marchés bilingues de Montréal et d'Ottawa-Gatineau et les stations de radio de campus doivent continuer de se conformer à la politique sur la diffusion des grands succès, le Conseil veut augmenter la liste de ces palmarès pour y inclure le Nielson BDS Country Spins Chart et le Billboard Canadian Hot 100 Chart. Le Conseil n'a reçu aucun commentaire en opposition à l'ajout des deux palmarès. La liste des palmarès se lira donc maintenant comme suit :

31. Le Conseil rappelle que le catalogue des grands succès du passé est constitué des pièces musicales qui se sont classées aux 40 premiers rangs de l'un ou l'autre des palmarès suivants :

32. Les palmarès les plus récents utilisés pour identifier les grands succès seront ceux qui sont publiés au plus tard deux samedis avant la date de diffusion ou antérieurement. Les sélections canadiennes qui occupent une des 40 premières places au palmarès continueront de ne pas être considérées comme des grands succès pendant une année à partir de la date à laquelle elles ont occupé pour la première fois une de ces positions. En outre, les pièces interprétées et diffusées en direct ou contenues dans un spectacle en direct enregistré principalement à des fins de diffusion ne seront pas considérées comme des grands succès.

Autres questions

33. Compte tenu des décisions ci-dessus, le Conseil publie également aujourd'hui la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-62 et la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-63 pour mettre à jour les conditions de licence générales qui s'appliqueront dorénavant aux titulaires de stations de radio AM et FM commerciale et de stations de radio de campus.

Secrétaire général

Documents connexes

Le présent document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca.

Notes de bas de page


[1] Le Règlement de 1986 sur la radio oblige les stations de radio commerciale de langue française à consacrer au moins 65 % de leurs pièces musicales vocales de catégorie de teneur 2 à des pièces musicales de langue française au cours de toute semaine de radiodiffusion, et 55 %entre 6 h et 18 h du lundi au vendredi.

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