ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2012-622

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Ottawa, le 9 novembre 2012

Cogeco Câble inc. – Demande concernant une préférence indue que s’accorderaient les petites ESLT du Québec

Numéro de dossier : 8622-C6-201208471

Dans la présente décision, le Conseil conclut que les petites ESLT du Québec ont fait subir un désavantage déraisonnable à Cogeco du fait qu’elles ont omis de mettre en œuvre la concurrence locale, ce qui va à l’encontre des décisions antérieures du Conseil. Ce dernier rejette la demande de redressement de Cogeco et publiera plutôt un avis de consultation concernant la possibilité de suspendre le paiement de subventions destiné aux petites ESLT du Québec jusqu’à la mise en œuvre complète de la concurrence locale.

Introduction

1. Après que la Société TELUS Communications (STC) et Cogeco Câble inc. (Cogeco) eurent présenté leur expression d’intérêt officielle signée de s’interconnecter1 avec CoopTel, Téléphone Guèvremont inc., Téléphone Milot inc. et Sogetel inc. (les petites entreprise de services locaux titulaires [ESLT] du Québec) dans leurs territoires respectifs, le Conseil a rendu plusieurs décisions2 (ci-après appelées « décisions relatives à la concurrence locale ») dans lesquelles il a ordonné aux petites ESLT du Québec de mettre en œuvre la concurrence locale dans leurs territoires d’exploitation avant le 23 juillet 2012.

2. Par suite des décisions relatives à la concurrence locale, les petites ESLT du Québec ont interjeté appel de différentes façons, notamment en demandant au Conseil qu’il sursoie à certaines parties des décisions relatives à la concurrence locale, en présentant une requête en autorisation d’appel auprès de la Cour d’appel fédérale et une pétition auprès du gouverneur en conseil, pour que des modifications soient apportées aux modalités associées à la mise en œuvre de la concurrence locale. Or, tous les recours judiciaires intentés ont été rejetés.

3. La concurrence locale n’a toujours pas été mise en œuvre dans les territoires des petites ESLT du Québec.

Demande

4. Le 17 juillet 2012, Cogeco a déposé une demande en vertu de la partie 1 selon laquelle elle a subi et subit toujours un désavantage déraisonnable du fait que les petites ESLT du Québec ont retardé la mise en œuvre de la concurrence locale.

5. Comme mesure de redressement, Cogeco a demandé au Conseil d’ordonner aux petites ESLT du Québec 1) d’annoncer que des services de téléphonie concurrentiels seront mis en œuvre prochainement et 2) de fournir les coordonnées de Cogeco aux consommateurs un mois avant la mise en œuvre de la concurrence locale.

6. Le Conseil a reçu des interventions de la part de Rogers Communications Partnership (RCP) et de l’Ontario Telecommunications Association (OTA). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

7. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans ses conclusions :

I.  Les petites ESLT du Québec font-elles subir un désavantage déraisonnable à Cogeco du fait qu’elles omettent de mettre en œuvre la concurrence locale, ce qui va à l’encontre des décisions relatives à la concurrence locale rendues par le Conseil et du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi)?

II. Si les petites ESLT du Québec font subir un désavantage déraisonnable à Cogeco, le Conseil devrait-il accorder le redressement demandé?

I. Les petites ESLT du Québec font-elles subir un désavantage déraisonnable à Cogeco du fait qu’elles omettent de mettre en œuvre la concurrence locale, ce qui va à l’encontre des décisions relatives à la concurrence locale rendues par le Conseil et du paragraphe 27(2) de la Loi?

8. L’analyse du Conseil relativement à une allégation de préférence indue ou de désavantage déraisonnable, conformément au paragraphe 27(2) de la Loi, est effectuée en deux étapes :

a. le Conseil détermine d’abord si le comportement visé constitue une préférence ou un désavantage;

b. après avoir rendu une décision à cet égard, le Conseil détermine si le désavantage est déraisonnable ou si la préférence est indue.

9. Il incombe au demandeur de prouver que le comportement visé est discriminatoire ou préférentiel. Aux termes du paragraphe 27(4) de la Loi, l’intimé est tenu de démontrer que la discrimination n’est pas injuste ou que la préférence n’est pas indue ou déraisonnable.

Positions des parties

10. Cogeco a fait valoir que malgré les appels qu’elles avaient interjetés, les petites ESLT du Québec avaient l’obligation de continuer leurs activités d’interconnexion de façon à pouvoir mettre en œuvre la concurrence locale avant le 23 juillet 2012 au cas où aucune modification n’était apportée à cette exigence. Cogeco a soutenu qu’en omettant de mettre en œuvre la concurrence locale avant les délais prescrits, les petites ESLT du Québec s’étaient accordé le redressement qui leur avait été refusé dans les décisions liées aux différents appels qu’elles avaient interjetés.

11. Cogeco a indiqué que puisque les petites ESLT du Québec tardent à mettre en œuvre la concurrence locale, l’entreprise n’a pas pu et ne peut toujours pas offrir des groupes de services à trois volets (téléphonie, accès Internet et télévision) dans les territoires où elle offre des services Internet et des services de radiodiffusion, alors que les petites ESLT du Québec sont en mesure de le faire dans les mêmes territoires depuis des années.

12. Cogeco a affirmé qu’elle continue de perdre des parts de marché dans les territoires où sont établies les petites ESLT du Québec puisqu’elle n’est pas en mesure de leur faire concurrence sur un pied d’égalité.

13. Les petites ESLT du Québec ont fait valoir qu’elles ne sont responsables d’aucun retard de mise en œuvre. Elles ont déclaré que si les retards de mise en œuvre ont placé Cogeco en situation de désavantage concurrentiel, c’est en raison des retards causés par la STC relativement à l’interconnexion des réseaux avec les petites ESLT du Québec. Par conséquent, ces dernières ont soutenu que la STC devrait être tenue responsable des retards dans la mise en œuvre de la concurrence locale.

14. L’OTA s’est opposée à la demande de Cogeco, alors que RCP l’a appuyée dans son intégralité.

Résultats de l’analyse du Conseil

a. Le comportement visé a-t-il été discriminatoire ou préférentiel?

15. Le Conseil fait remarquer que dans ses décisions relatives à la concurrence locale, il a ordonné aux petites ESLT du Québec de fournir des renseignements et du soutien à Cogeco et à la STC dans le cadre du processus de négociation visant la mise en œuvre de la concurrence locale avant le 23 juillet 2012. Le Conseil estime qu’il incombe aux petites ESLT du Québec de s’assurer que la concurrence locale est mise en œuvre en temps opportun.

16. Le Conseil note qu’il faut des ressources financières et des délais d’exécution appropriés pour que l’interconnexion des réseaux, qui est une activité essentielle à la mise en œuvre de la concurrence locale, soit réalisée avec succès. À cet égard, le Conseil note que dans la décision de télécom 2012-188, il a indiqué que même si les petites ESLT du Québec devaient investir dans les installations et engager des dépenses avant que soient épuisés leurs différents recours judiciaires, il existait des mécanismes pour les dédommager s’il advenait que des modifications soient apportées aux décisions rendues par le Conseil.

17. Le Conseil fait remarquer que les petites ESLT du Québec avaient confirmé au dossier de la présente instance qu’elles avaient décidé de n’entreprendre des activités d’interconnexion importantes que lorsqu’elles auraient épuisé tous les recours judiciaires qui s’offraient à elles.

18. Le Conseil est d’avis que la décision des petites ESLT du Québec de retarder les investissements dans les installations jusqu’à ce que tous leurs recours judiciaires soient épuisés constitue la raison principale des retards associés à la mise en œuvre de la concurrence locale. En outre, il estime que les petites ESLT du Québec n’ont fourni aucune preuve convaincante permettant d’étayer leur déclaration selon laquelle la STC était à l’origine des retards d’interconnexion qui les avaient empêchées de respecter les délais de mise en œuvre de la concurrence locale, fixés au 23 juillet 2012.

19. Le Conseil estime que le retard causé par les petites ESLT du Québec et l’incapacité consécutive de Cogeco d’offrir un service de téléphonie local dans les territoires d’exploitation des petites ESLT du Québec, y compris son incapacité à offrir des groupes de services à trois volets comme le font actuellement les petites ESLT du Québec, constituent un désavantage.

20. Le Conseil estime que ce retard a réduit la présence concurrentielle de Cogeco dans les territoires d’exploitation des petites ESLT du Québec et qu’il a limité les recettes éventuelles de Cogeco en l’empêchant d’offrir un service de téléphonie local et des groupes de services à trois volets à ses clients existants des services de radiodiffusion et des services Internet.

b. La discrimination est-elle injuste ou la préférence est-elle indue ou déraisonnable?

21. Ayant conclu que la décision des petites ESLT du Québec de retarder la mise en œuvre de la concurrence locale pénalise Cogeco, le Conseil fait remarquer qu’il appartient aux petites ESLT du Québec de démontrer que le désavantage n’était pas déraisonnable.

22. Le Conseil note que les petites ESLT du Québec ont insisté sur l’argument selon lequel tous les désavantages avaient été causés par la STC et n’ont pas traité cet aspect du critère. Compte tenu de cette situation, et du fait que les petites ESLT du Québec ont admis qu’elles n’entreprendraient pas d’activités d’interconnexion importantes avant d’avoir épuisé tous les recours judiciaires qui s’offrent à elles, et ce, malgré le fait qu’il existait des mécanismes pour fournir une indemnité au besoin, le Conseil conclut que les petites ESLT du Québec ne s’étaient pas acquittées de leur fardeau de démontrer que le désavantage n’était pas déraisonnable.

23. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que les petites ESLT du Québec ont fait subir et continuent de faire subir un désavantage déraisonnable à Cogeco en n’ayant pas mis en œuvre la concurrence locale avant le 23 juillet 2012, ce qui va à l’encontre des décisions relatives à la concurrence locale rendues par le Conseil et contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi.

II. Si les petites ESLT du Québec font subir un désavantage déraisonnable à Cogeco, le Conseil devrait-il accorder le redressement demandé?

24. Cogeco a demandé au Conseil d’enjoindre les petites ESLT du Québec de faire une annonce qui : a) indique que des services de téléphonie concurrentiels seront mis en œuvre dans leurs territoires; b) présente les avantages de la concurrence locale pour les clients; c) explique les raisons pour lesquelles l’offre de services de téléphonie de Cogeco a été retardée; d) donne la date à partir de laquelle Cogeco sera en mesure d’opérer en tant que concurrent et invite les clients intéressés à communiquer directement avec Cogeco pour obtenir de plus amples renseignements sur les services et les offres.

25. Cogeco a proposé que l’annonce, qui sera rédigée par le Conseil, soit jointe aux factures, affichée sur les sites Web des petites ESLT du Québec et publiée dans les journaux locaux et régionaux.

Positions des parties

26. Cogeco a indiqué que les petites ESLT du Québec ont lancé une campagne de désinformation et de propagande à son encontre et à l’encontre de la mise en œuvre de la concurrence locale. Cogeco a soutenu que sa demande de redressement est à la fois juste et raisonnable et qu’il s’agit d’une mesure corrective à l’égard de la dérogation répétée des décisions du Conseil, des Instructions du gouvernement et de l’intégrité du processus réglementaire.

27. Les petites ESLT du Québec ont indiqué que la demande de redressement est extrêmement inappropriée et qu’elle n’est pas conforme aux Instructions, car elle ne repose pas, dans la plus grande mesure du possible, sur le libre jeu du marché et qu’elle n’équivaut pas à la prise de mesures efficaces et proportionnelles à leurs buts. Elles ont soutenu que l’approbation de la demande de redressement de Cogeco exposerait à des risques supplémentaires la viabilité financière des petites ESLT du Québec, ainsi que la viabilité de la concurrence locale soutenue dans les territoires de celles-ci.

Résultats de l’analyse du Conseil

28. Le Conseil n’est pas convaincu que la demande de redressement est appropriée dans les circonstances.

29. Le Conseil estime que certains aspects de la demande de redressement équivaudraient à de la publicité gratuite pour les services de Cogeco, ce qui à son avis est inapproprié étant donné que Cogeco possède plus de ressources que les petites ESLT du Québec. De plus, le Conseil fait remarquer que, bien que les petites ESLT du Québec doivent investir des ressources pour diffuser des annonces au moyen d’encarts de facturation ou de publications dans les journaux locaux et régionaux, aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer les coûts-avantages de l’approbation d’une telle demande de redressement.

30. En outre, le Conseil estime que l’objectif de ses politiques, ainsi que l’un des objectifs de Cogeco, est de s’assurer que la concurrence locale est mise en œuvre le plus tôt possible dans les territoires des petites ESLT du Québec. Par conséquent, le Conseil est d’avis que le recours offert devrait encourager directement les petites ESLT du Québec à mettre en œuvre la concurrence locale en temps opportun. Il n’existe aucun élément de preuve démontrant que les diverses activités de communication proposées par Cogeco atteindraient cet objectif.

31. En l’absence d’autres mesures de redressement proposées dans le dossier de la présente instance, le Conseil estime qu’il serait approprié d’envisager d’autres recours pour contrer le désavantage déraisonnable qu’a subi Cogeco, recours qui permettraient véritablement de faire avancer la mise en œuvre de la concurrence locale. À cet égard, le Conseil est d’avis, à première vue, que la suspension du versement des subventions dues aux petites ESLT du Québec jusqu’à la mise en œuvre complète de la concurrence locale pourrait être un moyen approprié d’encourager la mise en œuvre de la concurrence locale en temps opportun.

32. À la lumière de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de redressement déposée par Cogeco.

33. Aujourd’hui, le Conseil publie également l’avis de consultation 2012-623 afin de solliciter des observations concernant l’opinion préliminaire du Conseil sur le fait que, à compter du 31 janvier 2013, le versement des subventions aux petites ESLT du Québec qui n’ont pas encore mis en œuvre la concurrence locale devrait être suspendu jusqu’à la mise en œuvre complète de la concurrence locale dans les territoires de ces entreprises.

Secrétaire général

Documents connexes



Notes de bas de page :

[1] Même s’il est entendu que Cogeco Câble Québec s.e.n.c. sera le fournisseur de services de télécommunication et qu’il offrira des services de téléphonie concurrentiels, son interconnexion avec les petites ESLT du Québec sera assurée par la STC.

[2] Décisions de télécom 2012-36, 2012-37, 2012-40 et 2012-42.

 
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