Décision de télécom CRTC 2013-166

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Référence au processus : Avis de consultation de télécom 2012-317

Ottawa, le 28 mars 2013

Abstention de la réglementation concernant certains services de gros associés à la transférabilité des numéros locaux et questions connexes

Numéro de dossier : 8640-C12-201206540

Dans la présente décision, le Conseil conclut que certains services de gros liés aux bases de données associées à la transférabilité des numéros locaux devraient être exclus de la réglementation des tarifs pour toutes les entreprises de services locaux concurrentes. De plus, le Conseil conclut que, dans la décision de télécom 2008-17, les frais d’annulation des demandes d’exportation n’étaient pas exclus de la réglementation des tarifs. Il conclut que ces frais devraient être classés comme un service d’interconnexion et faire l’objet d’un tarif approuvé par le Conseil.

Contexte

1. Dans la décision de télécom 2008-17 (la décision sur les services essentiels), le Conseil a établi, entre autres, un cadre de réglementation révisé des services de gros et a réparti les services de gros offerts par les entreprises en six catégories, soit : essentiel, essentiel conditionnel, non essentiel prescrit et conditionnel, bien public, interconnexion et non essentiel assujetti à l’élimination graduelle. Le Conseil a également déterminé que les services classés comme non essentiels assujettis à l’élimination graduelle feraient l’objet d’une abstention de la réglementation des tarifs à la fin d’une période d’élimination graduelle de trois à cinq ans, selon le service1.

2. Parmi les services que le Conseil a affectés à la catégorie des services non essentiels assujettis à l’élimination graduelle figuraient certains services de gros2 associés à la transférabilité des numéros locaux (TNL) offerts par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), MTS Allstream Inc., Saskatchewan Telecommunications et la Société TELUS Communications (STC) [collectivement les grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT)]; ainsi que par Cogeco Câble Inc. (Cogeco), Rogers Communications Inc., Shaw Cablesystems G.P. et Vidéotron ltée [collectivement les entreprises de câblodistribution]3. Le Conseil a accepté que ces services fassent l’objet d’une élimination graduelle échelonnée sur une période de trois ans avec effet au 3 mars 2011.

3. Au terme de cette période, plusieurs des entreprises mentionnées plus haut ont retiré certains services de gros associés à la base de données de la TNL de leurs tarifs respectifs.

4. Dans des avis de modification tarifaire datés du 7 mars 2012, Bragg Communications Inc., exerçant ses activités sous le nom d’EastLink (EastLink), en son propre nom et au nom de Bluewater TV Cable, a proposé que soit revu le Tarif général de chaque entreprise afin de supprimer les références aux frais d’annulation des demandes d’exportation (les frais d’annulation). EastLink a fait valoir que ces demandes étaient cohérentes avec le retrait des tarifs des frais d’annulation des compagnies Bell.

5. Les conclusions que le Conseil a tirées dans la décision sur les services essentiels concernant l’abstention de la réglementation des tarifs des services de gros associés à la transférabilité des numéros locaux visait uniquement les services et articles tarifaires précis des grandes ESLT et des entreprises de câblodistribution répertoriées dans l’annexe de la décision. Ladite décision ne s’appliquait toutefois pas aux entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), comme EastLink, ni aux petites ESLT, non plus qu’à Norouestel Inc. (Norouestel). Par conséquent, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2012-317, dans lequel il sollicitait des observations afin d’établir si ses conclusions relatives aux services de gros liés à la base de données de la TNL devraient s’appliquer à toutes les entreprises.

6. Le Conseil a reçu des observations des compagnies Bell, d’EastLink, de MTS Inc. et d’Allstream Inc. (collectivement MTS Allstream), du Rogers Communications Partnership (RCP), de Shaw Telecom G.P. (Shaw), de la STC ainsi que de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron, société en nom collectif (Vidéotron). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 15 octobre 2012. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

7. Le Conseil a établi qu’il devait, dans la présente décision, se prononcer sur les questions suivantes :

I. Dans quelle mesure, le cas échéant, l’abstention de la réglementation visant certains services de gros associés à la base de données de la TNL devrait-elle être appliquée à toutes les entreprises?

II. Les frais d’annulation ont-ils fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans la décision sur les services essentiels?

III. Dans le cas contraire, comment les frais d’annulation devraient-ils être classés dans le cadre applicable à la décision sur les services essentiels?

I. Dans quelle mesure, le cas échéant, l’abstention de la réglementation visant certains services de gros associés à la base de données de la TNL devrait-elle être appliquée à toutes les entreprises?

8. Dans la décision sur les services essentiels, le Conseil a classé les services de gros associés à la base de données de la TNL des grandes ESLT et des entreprises de câblodistribution comme non essentiels et assujettis à l’élimination graduelle, ce qui signifie qu’ils pourraient être fournis sans l’aval préalable du Conseil en ce qui concerne les tarifs, et ce, à compter du 3 mars 2011. Les conclusions du Conseil reposaient sur des éléments de preuve voulant que ces services puissent être reproduits par des concurrents à l’interne ou en recourant à des services de rechange offerts par des fournisseurs tiers.

9. En général, les parties ont convenu que les services de gros associés à la base de données de la TNL devraient faire l’objet d’une abstention de la réglementation pour l’ensemble des ESLC, pourvu que le marché soit suffisamment concurrentiel. De même, elles ont convenu que l’abstention de la réglementation ne devrait pas s’appliquer aux petites ESLT ou à Norouestel, vu qu’il n’existe aucune preuve démontrant que leurs marchés respectifs sont suffisamment concurrentiels.

10. Certaines parties ont fait valoir que le fait d’appliquer le même traitement réglementaire aux ESLC et aux grandes ESLT serait garant de la neutralité en matière de concurrence et conforme aux Instructions4.

11. En se fondant sur le dossier de l’instance, le Conseil estime que les services de gros associés à la base de données de la TNL peuvent encore être reproduits par les concurrents, et que rien ne laisse supposer que les conditions du marché pour ces services ont changé depuis la publication de la décision sur les services essentiels. En outre, le Conseil estime que les ESLC vont uniquement offrir des services de gros associés à la base de données de la TNL dans les marchés où il existe une présence concurrentielle, faisant en sorte que les forces du marché sont suffisantes pour protéger les intérêts des utilisateurs.

12. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il serait approprié d’accorder à toutes les ESLC l’abstention de la réglementation des tarifs pour les services de traduction d’appellation globale des numéros de 10 chiffres et le service d’acheminement des appels – service de numéro d’acheminement d’emplacement (NAE) manquant, conformément au traitement réglementaire de ces services lorsqu’ils sont fournis par de grandes ESLT et les entreprises de câblodistribution.

13. Le Conseil fait remarquer qu’en général, les parties s’entendent pour dire que la conclusion qu’il a tirée dans la décision sur les services essentiels de ne plus exiger l’approbation tarifaire pour les services de gros précités ne devrait pas s’appliquer aux petites ESLT et à Norouestel. Il note que la concurrence dans ces territoires vient tout juste d’être introduite et que les conditions susceptibles de justifier l’application de ses conclusions à ces entreprises ne sont pas réunies. Par conséquent, il conclut qu’il n’est pas indiqué, pour l’instant, d’accorder l’abstention de la réglementation des tarifs pour ces services aux petites ESLT et à Norouestel.

II. Les frais d’annulation ont-ils fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans la décision sur les services essentiels?

14. Le Conseil a répertorié, dans l’annexe de la décision sur les services essentiels, la liste complète des services et des numéros tarifaires connexes qui ont été classés comme non essentiels et assujettis à l’élimination graduelle. Il a, sous réserve de ses constatations, décidé que ceux-ci pourraient être fournis sans faire l’objet d’approbation tarifaire, à compter du 3 mars 2011. Les services de gros liés à la base de données de la TNL qui ont été nommément désignés comme étant visés par ce traitement réglementaire sont le service d’interrogation de la TNL, le service de traduction d’appellation globale des numéros de 10 chiffres et le service d’acheminement des appels – service de NAE manquant.

15. Alors que l’instance portant sur les services essentiels était en cours, les compagnies Bell ont déposé des projets de tarifs visant les frais d’annulation et ont regroupé ceux-ci sous les mêmes numéros tarifaires qui avaient été utilisés pour les services de gros liés à la base de données de la TNL. Le Conseil a approuvé de façon définitive les tarifs des compagnies Bell relatifs aux frais d’annulation après la publication de la décision sur les services essentiels; d’autres ESLT et les entreprises de câblodistribution ont ensuite déposé leurs propres tarifs respectifs pour ces mêmes services.

16. Les compagnies Bell ont ultérieurement retiré les tarifs en question, en même temps que d’autres tarifs de gros, en présumant que les frais en cause s’étaient vus attribuer la même classification que les services de gros liés à la base de données de la TNL et que ceux-ci pouvaient donc être fournis sans faire l’objet de l’approbation tarifaire, à compter du 3 mars 2011. Peu après, Vidéotron a aussi retiré son propre tarif visant les frais d’annulation.

17. Dans leur demande, les compagnies Bell ont fait valoir que les frais d’annulation étaient visés par la décision sur les services essentiels, et y avaient été classés comme des services non essentiels assujettis à l’élimination graduelle, au même titre que tous les autres services regroupés sous le même numéro tarifaire. À ce titre, les compagnies Bell ont soutenu que ces frais ont été automatiquement soustraits à la réglementation des tarifs en mars 2011. Pour sa part, Vidéotron a demandé au Conseil de préciser le statut réglementaire des frais d’annulation.

18. EastLink, MTS Allstream, le RCP, Shaw et la STC ont fait valoir que les frais d’annulation n’étaient pas visés par la décision sur les services essentiels, de sorte qu’ils sont encore assujettis à l’approbation tarifaire. Certaines des parties ont soutenu que les frais en question ne sont pas assimilables à un service de gros associé à la base de données de la TNL vu qu’ils n’utilisent pas la base de données; par conséquent, ils ne devraient pas être visés par les conclusions que le Conseil a tirées dans la décision sur les services essentiels en ce qui concerne lesdits services.

19. Le Conseil fait remarquer que les frais d’annulation n’existaient pas avant l’instance portant sur les services essentiels. Bien que les compagnies Bell se soient vues accorder l’approbation provisoire de ceux-ci dans le cadre de l’instance, l’approbation finale n’a été accordée qu’après sa conclusion. Il note en outre que la liste des services classés comme non essentiels et assujettis à l’élimination graduelle n’en faisait pas mention, non plus qu’il n’était question du service, en tant que tel, dans la décision s’y rapportant. Par conséquent, les frais d’annulation n’ont pas fait l’objet d’une abstention de la réglementation à la suite de la décision sur les services essentiels. Il estime donc que les compagnies Bell et Vidéotron ont retiré ces tarifs par erreur.

III. Dans le cas contraire, comment les frais d’annulation devraient-ils être classés dans le cadre applicable à la décision sur les services essentiels?

20. Les compagnies Bell ont fait valoir que les frais d’annulation devraient être soustraits à la réglementation des tarifs, vu que les concurrents ont la capacité d’éviter de payer pour ce service grâce à des mesures internes. Les compagnies Bell ont aussi indiqué que, depuis le retrait de leurs propres tarifs, elles ont facturé pour ces frais les mêmes tarifs qu’auparavant, aux mêmes modalités, ce qui démontre, à leur sens, qu’il n’y a pas lieu de les réglementer.

21. EastLink, MTS Allstream, le RCP, Shaw et la STC ont fait valoir que, pour des raisons de transparence et de cohérence parmi toutes les entreprises de services locaux, les frais d’annulation devraient être réglementés et faire l’objet d’une tarification. Elles ont soutenu ne pas pouvoir, par des mesures internes, éviter les frais d’annulation vu que le transfert de numéros est une activité obligatoire et qu’à ce titre, les demandes d’annulation de transfert de numéros de téléphone sont inévitables. Certaines parties ont indiqué qu’il y avait eu des litiges entre les entreprises quant à l’application de frais d’annulation non tarifés.

22. Toutes les parties ont soutenu que si les frais d’annulation doivent être tarifés, ils devraient être classés comme un service d’interconnexion en vertu de la décision sur les services essentiels.

23. Le Conseil considère que la TNL est un élément essentiel au choix du consommateur; il note qu’il s’agit d’une activité obligatoire pour toutes les entreprises exploitées au Canada. Il fait également remarquer que le manque de symétrie en ce qui a trait à la réglementation des frais d’annulation a déjà donné lieu à des litiges entre les entreprises. Le Conseil estime que les frais d’annulation incitent les fournisseurs à être efficaces lorsqu’ils présentent des demandes de transfert et contribuent à prévenir l’utilisation abusive du système de transfert des numéros; toutefois, étant donné l’environnement concurrentiel, un certain nombre d’annulations de transferts de numéros sont inévitables.

24. Le Conseil est d’avis que l’assujettissement de frais d’annulation à un tarif ferait en sorte que toutes les entreprises appliquent des modalités cohérentes, ce qui contribuerait au maintien de l’efficacité dont il a été question plus haut, tout en aidant à réduire le nombre de litiges entre les entreprises.

25. Le Conseil estime que les frais d’annulation sont liés aux demandes de transfert des services des clients d’une entreprise à une autre, et qu’ils s’imposent pour assurer l’échange efficace de renseignements entre fournisseurs, ainsi que la création et le maintien d’un marché concurrentiel. Il estime que les frais d’annulation sont similaires aux frais de refus d’une demande de service local, qu’il a déjà classés en tant que service d’interconnexion5. Il estime donc que ces frais d’annulation devraient être classés comme un service d’interconnexion en vertu du cadre applicable aux services essentiels.

26. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que les frais d’annulation sont assujettis au cadre applicable aux services essentiels et sont classés comme un service d’interconnexion. Il enjoint donc à toute entreprise souhaitant imposer de tels frais de déposer aux fins d’approbation, un tarif proposé, à moins qu’elle n’en ait déjà un en vigueur. Le tarif en question doit être conforme avec ceux qui ont déjà été approuvés antérieurement par le Conseil.

Instructions

27. Les Instructions mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (la Loi), le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), b) et c) des Instructions.

28. Conformément au sous-alinéa 1a)(i) des Instructions, le Conseil, en permettant à toutes les ESLC de fournir, sans approbation préalable, les services de gros associés à la base de données de la TNL nommément désignés dans la présente décision, s’est fié, dans la plus grande mesure possible, au libre jeu du marché comme moyen pour l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7f) de la Loi6.

29. Conformément au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires approuvées dans la présente décision sont efficaces et proportionnelles à leur but, et qu’elles n’influent que très peu sur le libre jeu du marché. De plus, conformément au sous-alinéa 1b)(ii) des Instructions, le Conseil estime que les conclusions tirées dans ladite décision n’empêcheront pas un accès concurrentiel économiquement efficace ni ne favoriseront un accès économiquement non efficace.

Secrétaire général

Documents connexes


Notes de bas de page:

[1] L’expression « élimination graduelle » signifie l’élimination graduelle de l’accès obligatoire pour les services affectés à cette catégorie à la fin de la période de transition; à ce moment-là, lesdits services feront l’objet d’une abstention de la réglementation des tarifs. Dès lors, les entreprises ne seront plus tenues d’obtenir l’approbation du Conseil en ce qui a trait aux tarifs et modalités de leur fourniture. Le Conseil a toutefois conservé la compétence nécessaire pour aborder les cas de discrimination injuste en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi) et pour imposer des conditions en ce qui a trait à la fourniture de ces services en vertu de l’article 24 de la Loi, au besoin.

[2] On fait ici expressément allusion aux services d’interrogation de la TNL, au service de traduction d’appellation globale des numéros de 10 chiffres et au service d’acheminement des appels – service de numéro d’acheminement d’emplacement (NAE) manquant. De manière générale, ces services donnent aux concurrents un accès à la base de données de la TNL d’une entreprise pour obtenir des renseignements sur l’acheminement, la signalisation et le traitement des appels.

[3] La liste complète des numéros d’articles tarifaires pertinents est répertoriée à l’annexe de la décision de télécom 2008-17.

[4] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

[5] Voir l’ordonnance de télécom 2009-805

[6] Les objectifs cités de la politique sont les suivants :

7a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.

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