ARCHIVÉ – Décision de télécom CRTC 2015-148

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Ottawa, le 16 avril 2015

Numéro de dossier : 8622-B2-201411256

Bell Canada - Demande sollicitant un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables à l’immeuble à logements multiples Chaz Yorkville d’Edenshaw Homes Limited

Le Conseil détermine qu’à compter du 24 avril 2015, Beanfield Technologies Inc et le RCP ne seront pas autorisés à fournir des services de télécommunication dans l’immeuble à logements multiples (ILM) Chaz Yorkville (CY) à moins qu’Edenshaw Homes Limited n’avise Bell Canada qu’elle accepte de lui accorder, selon des conditions raisonnables, un accès en temps opportun à l’immeuble CY.

Le Conseil conclut que des conditions d’accès raisonnables à l’immeuble CY pour Bell Canada comporteraient au moins i) un accès immédiat à l’immeuble CY pour permettre à Bell Canada de prolonger son réseau de la rue à la pièce de terminal principale (PTP) et ii) une fois le réseau de Bell Canada mis en place dans la PTP, un accès à l’immeuble CY afin de raccorder les unités au réseau depuis la PTP lorsqu’un propriétaire présente une demande de services à Bell Canada.

En rendant ces conclusions, le Conseil a tenu compte des principes directeurs de la décision de télécom 2003-45, qui inclut la maximisation du choix de fournisseurs de services de télécommunication pour les utilisateurs finals dans les ILM.

L’opinion concurrente du conseiller Raj Shoan est jointe à la présente décision.

Contexte

  1. Pendant plusieurs mois, Bell Canada a négocié avec Edenshaw Homes Limited (Edenshaw) pour obtenir l’accès à un immeuble à logements multiples (ILM) à Toronto en Ontario appelé Chaz Yorkville (CY) qui lui permettrait d’y installer des équipements de communication. Le 5 septembre 2014, Edenshaw a fourni à Bell Canada la version préliminaire d’une autorisation relative à l’accès à l’immeuble (AAI) à des fins de discussion. Bell Canada a formulé des observations et proposé des révisions à ce projet d’AAI. Le 26 septembre 2014, Edenshaw a fait savoir qu’elle n’était plus disposée à discuter des observations et des révisions proposées par Bell Canada à moins que les parties ne finalisent une entente et ne conviennent d’une façon pour Edenshaw de recouvrer les coûts qu’elle devrait assumer pour que Bell Canada ait accès à l’immeuble CY.
  2. Le 29 septembre 2014, Edenshaw a proposé à Bell Canada des modalités financières pour le recouvrement des coûts. Le même jour, Bell Canada a accepté la proposition de recouvrement des coûts d’Edenshaw à condition i) de recevoir, aux fins d’examen, le plan mis à jour de l’immeuble CY et ii) d’être autorisée à réaliser une inspection du site.
  3. Le 31 octobre 2014, Edenshaw a avisé Bell Canada qu’elle avait conclu une entente relative à l’accès à l’immeuble avec Beanfield Technologies Inc. (Beanfield) et qu’elle ne souhaitait plus poursuivre les négociations avec Bell Canada. Le Rogers Communications Partnership (RCP) avait déjà installé des équipements de communication dans l’immeuble CY.

Demande

  1. Le 3 novembre 2014, Bell Canada a déposé une demande auprès du Conseil pour obtenir un redressement provisoire et définitif concernant l’accès à l’immeuble CY. La question du redressement provisoire a été traitée et rejetée dans la décision de télécom 2014-669.
  2. En ce qui touche le redressement définitif, Bell Canada a demandé au Conseil de rendre une décision selon laquelle la condition d’accès aux ILMRetour à la référence de la note de bas de page 1 sera satisfaite si Edenshaw accorde immédiatement à Bell Canada de la capacité dans les espaces prévus pour installer de l’équipement, tel qu’il est énoncé dans la version proposée de l’AAI du 5 septembre 2014Retour à la référence de la note de bas de page 2, selon le tarif proposé par Edenshaw le 29 septembre 2014 ou à tout le moins au tarif de l’AAI négociée entre Beanfield et Edenshaw.
  3. Bell Canada a de plus indiqué que si la condition d’accès aux ILM n’était pas satisfaite, elle demanderait les mesures de redressement additionnelles suivantes :
    1. une ordonnance exigeant que lui soient accordés un accès immédiat à la pièce de terminal principale (PTP), une capacité suffisante de conduits verticaux pour relier la PTP à toutes les armoires de communication, et l’accès à toutes les unités des utilisateurs finals en vue de permettre l’installation, le fonctionnement, l’entretien et le remplacement de ses équipements de communication;  
    2. une décision selon laquelle Beanfield et le RCP ne sont pas autorisés à fournir leurs services de télécommunication respectifs dans l’immeuble CY à moins que Bell Canada n’obtienne un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables, comme il est décrit plus haut;
    3. la négociation de toutes les autres conditions d’une AAI officielle selon des modalités raisonnables sur le plan commercial, et un recours supplémentaire devant le Conseil, s’il y a lieu;
    4. tout autre redressement que le Conseil estime juste et raisonnable dans les circonstances.
  4. Le Conseil a reçu des interventions relatives à la demande de Bell Canada de la part d’Edenshaw, de MTS Inc. et Allstream Inc. (collectivement MTS Allstream) et du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC). On peut consulter le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 6 février 2015. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
  2. Bell Canada se voit-elle refuser l’accès à l’immeuble CY selon des conditions raisonnables?
  3. Quelle forme d’accès par Bell Canada à l’immeuble CY constituerait un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables?

Bell Canada se voit-elle refuser l’accès à l’immeuble CY selon des conditions raisonnables?

  1. Bell Canada a fait valoir être privée d’installer ses équipements étant donné la décision prise par Edenshaw de cesser toute négociation relative à l’accès à l’immeuble avec elle, ce qui va à l’encontre du cadre du Conseil concernant la fourniture de services de télécommunication aux clients des ILM établi dans la décision de télécom 2003-45 (politique relative aux ILM). Bell Canada a souligné que les utilisateurs finals dans les ILM devraient pouvoir choisir leur fournisseur de services de télécommunication sans l’intervention de tiers, comme le Conseil l’a conclu dans la décision de télécom 2003-45.
  2. Bell Canada a soutenu que le cas présent constitue une non-conformité avec la condition d’accès relative aux ILM parce que deux fournisseurs de services de télécommunication (FST) se sont vu accorder un accès à l’immeuble CY tandis que cet accès est refusé à Bell Canada, bien que la demande d’accès de cette dernière semble avoir été communiquée avant celle formulée par Beanfield.
  3. Bell Canada a indiqué que la fin abrupte des négociations signifiée par Edenshaw contrevient directement à l’exigence de la politique relative aux ILM selon laquelle les FST devraient pouvoir accéder aux ILM au cours de la phase de construction.
  4. Bell Canada a signalé que sa demande d’une copie du plan du site et d’une visite du site ne justifiait pas qu’Edenshaw mette fin aux négociations, et que cette décision n’avait pas de motif raisonnable. Bell Canada a indiqué que sa demande était conforme à la version proposée de l’AAI que lui avait fournie Edenshaw aux fins de discussion en septembre 2014. Bell Canada avait de plus indiqué à Edenshaw qu’elle rembourserait tous les coûts qu’Edenshaw pourrait avoir à assumer pour répondre à cette double demande.
  5. Edenshaw a fait valoir que les résidents auront toujours la possibilité d’obtenir des services de Bell Canada plus tard s’ils décident d’en faire la demande par l’intermédiaire du syndicat de leur copropriété, et qu’un tel accès constituait un accès en temps opportun accordé à Bell Canada selon des modalités raisonnables, conformément aux décisions et aux lignes directrices du Conseil.
  6. Edenshaw a aussi indiqué qu’elle avait entamé des négociations avec tous les FST qui s’étaient montrés intéressés à obtenir un accès à l’immeuble CY, et était parvenue à conclure une entente avec tous sans difficulté, sauf Bell Canada. Edenshaw a ajouté qu’elle avait offert à Bell Canada une occasion juste et raisonnable de parvenir à une entente officielle relative à un accès à l’immeuble CY. Edenshaw a fait valoir que la décision de cesser les négociations avec Bell Canada a été prise après qu’elle a conclu, relativement aisément, une entente avec Beanfield, garantissant ainsi la concurrence et assurant que les clients de l’immeuble CY pourraient choisir leur fournisseur dès l’occupation.
  7. Edenshaw a de plus soutenu qu’en vertu de la politique relative aux ILM, l’exigence de fournir un accès en temps opportun suppose qu’un promoteur devrait être disposé à négocier l’accès selon des conditions raisonnables avec les FST à un moment qui convient au cours de la phase de construction d’un projet. Si le FST n’est pas prêt à accepter des conditions raisonnables d’accès au cours de cette phase, le promoteur aura pour sa part rempli son obligation relative à l’accès en temps opportun à ce moment. Edenshaw a souligné que tout FST peut continuer à demander un accès à l’immeuble, une fois la phase de construction terminée.
  8. Edenshaw a fait valoir que le Conseil devrait tenir compte que les promoteurs disposent de ressources et de personnel limités pour négocier les conditions d’accès avec les FST, qui représentent seulement l’un parmi des dizaines - peut-être même parmi plus d’une centaine - de types différents d’entités et de fournisseurs de services qui participent à un projet de construction. C’est pourquoi une exigence liée à l’autorisation d’accès en temps opportun aux FST devrait être conçue comme une exigence visant à assurer que les FST sont présents au moment de l’occupation, comme c’est le cas avec l’immeuble CY, et que tous les FST qui expriment un intérêt à obtenir un accès se voient offrir l’occasion de négocier des conditions d’un accès à un moment approprié au cours de la phase de construction. Edenshaw a fait valoir que Bell Canada a pu profiter d’une telle occasion dans le cas actuel.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Bien que les utilisateurs finals de l’immeuble CY auront déjà, même en l’absence de Bell Canada, un choix de deux FST, le Conseil fait remarquer que l’un des principes directeurs de la politique relative aux ILM est que les utilisateurs finals clients des ILM devraient avoir le droit d’accéder directement au FST de leur choix. Le principe en question reflète l’importance que revêt pour le Conseil le fait de favoriser la concurrence et d’offrir à l’utilisateur final le plus grand choix possible.
  2. Le Conseil estime que la décision d’Edenshaw de mettre fin aux négociations avec Bell Canada va à l’encontre de la politique relative aux ILM. En ce qui a trait à l’acceptation conditionnelle par Bell Canada des modalités financières proposées par Edenshaw pour le recouvrement des coûts, l’absence de fardeau financier lié à la satisfaction par Edenshaw des conditions demandées par Bell Canada, et au fait que le dossier de l’instance indique que de l’espace est disponible autant dans la PTP que dans les conduits de l’immeuble CY, la décision d’Edenshaw a entraîné pour Bell Canada le refus de l’accès à l’immeuble CY selon des conditions raisonnables.
  3. Dans la décision de télécom 2014-42, le Conseil a noté que le fait d’exiger qu’une entreprise attende plusieurs mois l’élection du conseil d’administration du condominium avant de se voir accorder l’accès à l’ILM réduit le choix des résidents relativement au FST de qui ils souhaitent obtenir des services de télécommunication au moment de la prise de possession de leur unité.
  4. De plus, le Conseil n’estime pas que l’exigence de fournir aux entreprises de services locaux (ESL) un accès à l’immeuble en temps opportun est respectée en leur offrant simplement la possibilité de négocier les conditions d’un accès à un moment approprié au cours de la phase de construction. Le Conseil estime que la notion d’un accès en temps opportun englobe l’accès physique rapide à l’ILM.
  5. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que Bell Canada se voit refuser l’accès à l’immeuble CY selon des conditions raisonnables.

Quelle forme d’accès par Bell Canada à l’immeuble CY constituerait un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables?

  1. Bell Canada a fait valoir que, pour elle, un accès à l’immeuble CY selon des conditions raisonnables signifie qu’Edenshaw lui accorde immédiatement un conduit d’accès à l’immeuble CY, un espace maximal de 50 pieds carrés dans la PTP, une capacité suffisante de conduits verticaux pour relier la PTP à toutes les armoires de communication, et l’accès à toutes les unités des utilisateurs finals en vue de permettre l’installation, le fonctionnement, l’entretien et le remplacement de ses équipements de communication.
  2. Bell Canada a ajouté que le Conseil pouvait, soit rendre une ordonnance relative à l’accès à Edenshaw en vertu de l’article 42 de la Loi sur les télécommunications (Loi), soit directement exécuter la condition relative à l’accès d’un ILM conformément à l’article 24 de la Loi, comme il avait été déterminé dans la décision de télécom 2014-42. Bell Canada a indiqué qu’une telle ordonnance pourrait être rendue contre Beanfield et le RCP pour les empêcher de fournir des services dans l’immeuble CY à moins que Bell Canada ne se voie accorder rapidement un accès raisonnable.
  3. Edenshaw a fait valoir qu’il était approprié de sa part d’avoir assuré au départ une concurrence efficace entre deux FST (Beanfield et le RCP), tout en laissant la possibilité aux futurs résidents de l’immeuble CY, par l’entremise de leur syndicat de copropriété, de prendre une décision concernant l’accès aux installations de l’immeuble par d’autres FST, dont Bell Canada.
  4. Edenshaw a de plus soutenu que si le Conseil exigeait que les FST présents dans l’immeuble CY ne fournissent pas leurs services pendant que Bell Canada négocie une entente avec Edenshaw, tout le pouvoir de négociation se trouverait essentiellement du côté de Bell Canada, qui serait le dernier FST des trois à avoir accès à l’immeuble CY. Edenshaw a signalé qu’une telle approche engendrerait un effet négatif sur les FST les dissuadant de négocier des conditions d’accès flexibles et dynamiques, ce qui en retour amoindrirait les avantages éventuels de la concurrence entre les FST. 
  5. Edenshaw a fait valoir de plus qu’elle entretenait de sérieuses réserves en ce qui concerne la compétence du Conseil en matière de prise d’ordonnances contre des promoteurs privés exigeant d’eux qu’ils fournissent à des FST un accès à une propriété privée. Elle a soutenu qu’en rendant une ordonnance contre un propriétaire privé ou un promoteur pour l’obliger à fournir un accès à un FST, le Conseil se prononcerait sur une question relevant totalement de la compétence exclusive des provinces en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 : dispositions relatives aux questions de propriété et de droits civils à l’intérieur d’une province. Elle a également soutenu que la Loi ne vise pas à élargir les pouvoirs du Conseil jusqu’à lui permettre de rendre des ordonnances autorisant l’expropriation et l’utilisation d’une propriété privée par des FST assujettis à des règles fédérales.
  6. Edenshaw a fait valoir que l’article 42 de la Loi concerne expressément des ordonnances délivrées par le Conseil dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la Loi ou de toute autre loi extraordinaire, et ne confère pas au Conseil les pouvoirs de délivrer des ordonnances relativement à la construction et à l’installation d’équipement de télécommunication contre des propriétaires d’immeubles ou des promoteurs.
  7. Edenshaw a aussi soutenu qu’une ordonnance rendue par le Conseil en vertu de l’article 24 de la Loi constituerait une imposition indirecte par le Conseil d’obligations aux promoteurs et autres propriétaires privés, ce qui ne relève pas de ses pouvoirs.
  8. MTS Allstream et le PIAC ont argué que le Conseil a les pouvoirs de rendre une ordonnance relative au redressement définitif demandé par Bell Canada, en vertu de l’article 24 ou de l’article 42 de la Loi.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Comme il a été souligné dans la section précédente, la politique relative aux ILM met l’accent sur l’importance que revêt pour le Conseil le fait de favoriser la concurrence et d’offrir à l’utilisateur final le plus grand choix possible. C’est sur ce principe que s’appuie la condition d’accès aux ILM que doivent respecter toutes les ESL.
  2. Le Conseil fait remarquer qu’Edenshaw a communiqué aux propriétaires d’unités de l’immeuble CY les dates fermes d’occupation, qui commencera le 24 avril 2015 et se poursuivra jusqu’au 9 juillet 2015. Le Conseil ajoute que, dans le cas actuel, l’équipement de Bell Canada n’est pas encore installé dans la PTP de l’immeuble CY. Le Conseil estime qu’il n’est peut-être pas utile à ce moment-ci que l’équipement de Bell Canada soit relié à toutes les armoires de communication, puisqu’il est concevable que Bell Canada puisse n’avoir jamais besoin d’accéder à certaines armoires de communication en particulier. En fait, il est tout à fait possible que Bell Canada n’ait aucun client sur certains étages de l’immeuble puisque les résidents peuvent déjà obtenir les services de deux autres FST.
  3. À la lumière de ce qui précède, le Conseil détermine qu’un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables, assurant que la condition d’accès établie dans la politique relative aux ILM est respectée dans la situation actuelle, doit prévoir au moins ce qui suit :
    • un accès immédiat à l’immeuble CY pour permettre à Bell Canada de prolonger son réseau de la rue à la PTP;
    • et une fois le réseau de Bell Canada mis en place dans la PTP, un accès à l’immeuble CY afin de raccorder les unités au réseau de Bell Canada depuis la PTP (par l’intermédiaire des armoires de communication, s’il y a lieu), lorsqu’un propriétaire présente une demande de services à Bell Canada.
  4. Puisque le Conseil n’estime pas que toutes les parties en cause dans le présent différend ont épuisé toutes les voies raisonnables de négociation et, afin d’inciter toutes ces parties à parvenir à une entente négociée, le Conseil appliquera la condition d’accès selon la politique relative aux ILM conformément à l’article 24 de la Loi. Le Conseil peut également exercer son pouvoir de rendre une ordonnance en vertu de l’article 42 de la Loi, si cela s’avérait nécessaire.
  5. En ce qui touche la suggestion de Bell Canada selon laquelle l’accès immédiat et l’espace qu’elle demande devraient être accordés selon les tarifs discutés au cours des négociations de septembre 2014, le Conseil fait remarquer qu’Edenshaw a fait cette offre relative aux tarifs avant de signer une entente avec Beanfield. Le Conseil estime que ces tarifs peuvent ne plus être pertinents puisque la situation de l’immeuble CY a changé depuis septembre 2014, c’est-à-dire qu’un deuxième FST (Beanfield) est maintenant présent dans l’immeuble CY, ce qui n’était pas le cas au moment où l’offre initiale a été faite à Bell Canada.
  6. Concernant la suggestion de Bell Canada selon laquelle l’accès et l’espace qu’elle demande pourraient en revanche être accordés aux tarifs établis dans l’AAI conclue entre Beanfield et Edenshaw, le Conseil estime que cette suggestion n’est pas appropriée puisque ces tarifs découlent d’une négociation entre deux parties, à laquelle Bell Canada n’a pas participé. Le Conseil n’estime pas que Bell Canada devrait profiter de négociations dont elle n’était pas partie.
  7. Concernant la question des compétences, le Conseil estime que la condition d’accès aux ILM à laquelle toutes les ESL sont assujetties, par son essence même, est liée aux télécommunications, un domaine qui relève totalement et clairement de la compétence fédérale. Le Conseil estime que les répercussions que cette condition d’accès ou son exécution pourraient avoir sur les propriétaires fonciers ne sont qu’accessoires et qu’elles n’affectent pas l’interprétation de cette question à des fins constitutionnelles. Le Conseil ajoute que les pouvoirs qui lui sont conférés clairement par la loi l’autorisent à ordonner à une entreprise canadienne de cesser de fournir des services lorsqu’une condition relative à ces services, adoptée en vertu de l’article 24 de la Loi, et qui s’applique à cette entreprise, n’est pas respectée. Étant donné que le Conseil, cette fois, s’est abstenu de délivrer une ordonnance en vertu de l’article 42 de la Loi, il estime qu’il n’est pas utile de prendre en compte l’observation d’Edenshaw concernant la compétence du Conseil relativement à cette disposition législative.
  8. À la lumière de ce qui précède, le Conseil détermine qu’à compter du 24 avril 2015, Beanfield et le RCP ne seront pas autorisés à fournir des services de télécommunication dans l’immeuble CY à moins qu’Edenshaw n’avise Bell Canada qu’elle accepte de lui accorder un accès rapide à l’immeuble selon des conditions raisonnables, comme il a été établi plus haut.
  9. Le Conseil incite également toutes les parties en cause à négocier des conditions d’accès qui offriront aux utilisateurs finals le maximum d’occasions de sélectionner rapidement le FST de leur choix.

Instructions

  1. Les InstructionsRetour à la référence de la note de bas de page 3 énoncent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
  2. Le Conseil estime que les conclusions rendues dans la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7b), 7c), 7f) et 7h)Retour à la référence de la note de bas de page 4 de la Loi. Le Conseil estime également que ses conclusions permettront aux utilisateurs finals des ILM de choisir leur FST et favorisera la concurrence dans le domaine de l’offre de services de télécommunication dans les ILM. Le Conseil estime de plus que s’il n’avait pas exercé son pouvoir en vertu de l’article 24 de la Loi, Bell Canada se serait vu refuser à court et à moyen terme l’accès à l’immeuble CY en temps opportun selon des conditions raisonnables en vue de procurer aux utilisateurs finals la possibilité de s’abonner aux services qu’elle offre. Le Conseil estime donc que, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(iv) des Instructions, les conclusions qu’il rend dans la présente décision i) sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique susmentionnés; ii) assurent la neutralité à l’égard de la technologie et de la concurrence.

Secrétaire général

Documents connexes

La publication de cette opinion, après celle de la décision principale, a été faite avec le consentement du conseiller Shoan. Elle a été affichée le 5 mai 2015.

Opinion concurrente du conseiller Raj Shoan

Je suis d’accord avec la décision de mes collègues d’accorder à Bell Canada un accès en temps opportun selon des conditions raisonnables à l’immeuble à logements multiples (ILM) Chaz Yorkville d’Edenshaw Homes Limited (Edenshaw). Par contre, je ne suis pas d’accord avec le fait d’exiger un tel accès en vertu de l’article 24 de la Loi sur les télécommunications (Loi). À mon avis, l’article 42Retour à la référence de la note de bas de page 5 de la Loi était une meilleure option juridique pour mettre en œuvre les conclusions du Conseil dans la présente instance.

Cette question comporte deux différends : il y a désaccord entre Edenshaw et Bell Canada sur ce qui constitue un accès raisonnable, et il y a désaccord entre Edenshaw et le Conseil en ce qui a trait à la compétence du Conseil d’exiger un tel accès. En invoquant l’article 24 de la Loi pour imposer indirectement l’accès, la décision majoritaire ne respecte pas l’exigence des InstructionsRetour à la référence de la note de bas de page 6 liée à la « mesure minimale nécessaireRetour à la référence de la note de bas de page 7 », puisque cette décision a une incidence injuste et déraisonnable sur les résidents de Chaz Yorkville, ainsi que sur le Rogers Communications Partnership (RCP) et Beanfield Technologies Inc. (Beanfield), et les mêle à ces différends dans une mesure inutile.

L’application de l’article 24 de la Loi risque d’avoir une incidence sur les résidents de Chaz Yorkville, puisqu’ils ne pourront avoir accès aux services d’aucun fournisseur de services de télécommunication (FST) tant que l’accès ne sera pas accordé à Bell Canada par Edenshaw. En effet, l’approche du Conseil tient les résidents de Chaz Yorkville en otage jusqu’à ce qu’Edenshaw accorde un accès raisonnable à Bell Canada. Ces résidents ont attendu, dans certains cas, plusieurs années pour prendre possession de leur condominium et ont déboursé des centaines de milliers de dollars. À mon avis, il est injuste et déraisonnable de potentiellement leur refuser l’accès aux services de téléphonie et Internet en raison d’un différend entre le constructeur et un FST. Dans le cas de Beanfield, les résidents se verront également refuser l’accès au service de programmation télévisuelle, puisque la prestation des services de programmation de ce FST est liée à son offre de services Internet de détail. L’idée que la décision majoritaire puisse empêcher les résidents d’accéder aux services d’urgence en attendant la résolution de ces différends est particulièrement troublante.

De plus, la décision de la majorité a une incidence injuste et déraisonnable sur le RCP et Beanfield. Ces derniers ont, en toute bonne foi, négocié et conclu des ententes avec Edenshaw pour fournir des services aux résidents de Chaz Yorkville. Les deux FST sont prêts à fournir des services aux résidents de Chaz Yorkville à compter de leur date de prise de possession. Ces FST ne sont ni l’un ni l’autre directement concernés par ce différend entre Bell Canada et Edenshaw. À mon avis, il est injuste et déraisonnable de les empêcher d’offrir leurs services aux résidents de Chaz Yorkville alors qu’ils ne sont pas directement concernés par le différend, d’autant plus que le Conseil possède un autre outil à sa disposition - l’article 42 de la Loi - en vertu duquel les résidents auraient accès aux services. 

En choisissant un outil d’application de la loi qui touche inutilement les résidents de Chaz Yorkville, le RCP et Beanfield, le Conseil a agi d’une façon qui défavorise le consommateur et qui n’est pas conforme aux Instructions. L’article 42 de la Loi aurait permis au Conseil de défendre son cadre d’accès aux ILM sans que les résidents de Chaz Yorkville, le RCP ou Beanfield en soient affectés.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Selon la condition d’accès aux ILM, qui est établie dans la décision de télécom 2003-45 et s’applique à toutes les entreprises de services locaux (ESL), la fourniture des services de télécommunication dans un ILM est assujettie à la condition que toutes les ESL qui souhaitent desservir des utilisateurs finals dans cet ILM puissent y avoir accès rapidement au moyen d’une revente, d’installations louées ou de leurs propres installations, selon leur choix, et selon des modalités raisonnables.

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Note de bas de page 2

Conformément à la version proposée de l’AAI du 5 septembre 2014, les espaces prévus pour l’équipement qui devaient être disponibles pour Bell Canada comprenaient un conduit d’accès, un maximum de 50 pieds carrés dans la pièce de terminal principale ainsi que des gaines d’ascension verticales et horizontales.

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Note de bas de page 3

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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Note de bas de page 4

Les objectifs de la politique énoncés dans la Loi sont les suivants : 7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions - rurales ou urbaines - du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité; 7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes; 7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire; 7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

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Note de bas de page 5

Bien que j’appuie davantage l’application de l’article 42, je suis d’avis que le Conseil a la compétence et le pouvoir d’utiliser les outils d’application de la loi dont nous avons discuté dans cette instance.

Retour à la référence de la note de bas de page 5

Note de bas de page 6

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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Note de bas de page 7

Voir le sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions.

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