Ordonnance de télécom CRTC 2016-132

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Ottawa, le 13 avril 2016

Numéros de dossiers : 8663-C12-201503186 et 4754-496

Demande d’attribution de frais provisoires concernant la participation de l’Affordable Access Coalition dans le cadre de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2015-134 portant sur l’examen des services de télécommunication de base par le Conseil

Le Conseil rejette une demande d’attribution de frais provisoires déposée par l’Affordable Access Coalition (AAC) concernant la participation de cette dernière à l’instance portant sur l’examen des services de télécommunication de base (instance). Le Conseil estime que l’AAC n’a pas démontré qu’elle ne disposait pas des ressources financières suffisantes pour continuer de participer à l’instance de manière efficace sans obtenir une attribution de frais provisoires.

Toutefois, étant donné que l’instance est à la fois longue et complexe et afin de réduire le plus possible le délai de remboursement des frais définitifs pour les demandeurs, le Conseil a l’intention de régler les demandes d’attribution de frais définitifs avant de rendre sa décision dans le cadre de l’instance.

Demande

  1. Dans une lettre datée du 23 octobre 2015, l’Affordable Access Coalition (AAC)Retour à la référence de la note de bas de page 1 a demandé l’attribution de frais provisoires concernant sa participation à l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2015-134 portant sur l’examen des services de télécommunication de base par le Conseil (instance).
  2. Le 2 novembre 2015, Bell Canada et autresRetour à la référence de la note de bas de page 2 et la Société TELUS Communications (STC) ont déposé des interventions en réponse à la demande de l’AAC. Cette dernière a déposé une réplique le 9 novembre 2015.
  3. L’AAC a indiqué qu’elle a satisfait aux critères d’attribution de frais provisoires énoncés à l’article 63 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure) étant donné qu’elle représente un groupe ou une catégorie d’abonnés pour qui le dénouement de l’instance revêt un intérêt, qu’elle peut aider le Conseil à mieux comprendre les questions à examiner, qu’elle s’engage à participer de manière responsable et qu’elle n’a pas les ressources financières pour participer à l’instance de manière efficace.
  4. À cet égard, l’AAC a précisé qu’elle représente un vaste échantillon de la population canadienne, surtout des gens à faible revenu et des personnes âgées. L’AAC a fait valoir qu’elle a jusqu’ici participé largement à l’instance, ayant produit des éléments probants et des points de vue pour aider le Conseil dans ses délibérations, y compris la proposition de deux modèles de financement relatifs à l’accessibilité et à l’abordabilité des services d’accès Internet à large bande.
  5. L’AAC a indiqué qu’elle ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour continuer de participer efficacement à l’instance, sans frais provisoires, d’autant qu’une période considérable s’écoulera avant la conclusion de l’instance et l’attribution des frais définitifs. Elle a précisé que le fait de ne pas obtenir de frais provisoires pour payer son témoin expert pourrait nuire à sa capacité de fournir des preuves d’experts sur des questions exigeant des connaissances spécialisées, limitant ainsi sa capacité à continuer de participer efficacement à l’instance.
  6. L’AAC a réclamé des frais provisoires de 285-801,03 $, ce qui représente 126-067,30 $ en honoraires d’avocats internes et externes; 29-140,30 $ en honoraires pour les stagiaires en droit; 1-997,50 $ pour les honoraires d’analyste; 106-057,77 $ pour les coûts liés au témoin expert; et 22-538,16 $ en débours. La somme réclamée par l’AAC comprenait la taxe de vente harmonisée (TVH) de l’Ontario appliquée aux frais, moins le rabais concernant la TVH auquel l’AAC a droit. L’AAC a joint un mémoire de frais à sa demande.
  7. En outre, l’AAC a précisé qu’elle ne demande pas de frais provisoires en sus des frais définitifs attribués à la fin de l’instance. Les frais provisoires attribués seraient plutôt soustraits des frais définitifs que l’AAC pourrait réclamer.
  8. L’AAC a fait valoir que les 20 plus grands fournisseurs de services de télécommunication qui sont parties à l’instance devraient être tenus de payer les frais attribués par le Conseil (intimés de la demande d’attribution de frais provisoires). Elle a fait valoir que les frais provisoires devraient être payés de façon proportionnelle aux revenus d’exploitation provenant d’activités de télécommunication (RET)Retour à la référence de la note de bas de page 3 des intimés de la demande d’attribution de frais provisoires.

Réponse

  1. En réponse, Bell Canada et autres et la STC ont contesté la demande d’attribution de frais provisoires de l’AAC, faisant valoir que celle-ci n’avait pas démontré, preuves à l’appui, que ses ressources financières ne sont pas suffisantes pour lui permettre de continuer de participer à l’instance. Par exemple, aucune preuve n’a été présentée indiquant que le témoin expert de l’AAC a demandé un paiement à cette dernière.
  2. Bell Canada et autres et la STC ont également soutenu que la participation et le comportement de l’AAC à ce jour, dans le cadre de l’instance, révèlent qu’elle ne manque pas de ressources financières. Selon Bell Canada et autres, il est probable que l’AAC aurait participé même sans l’attribution de frais provisoires, espérant être indemnisée sous forme de frais définitifs, comme c’est normalement le cas. De l’avis de la STC, le fait que l’AAC ait retenu les services d’un avocat et d’un témoin expert démontre qu’elle dispose des ressources nécessaires pour les payer et donc, il serait illogique d’attribuer des frais provisoires pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations en matière de rémunération dans la pratique normale de ses activités.
  3. En outre, la STC a soutenu que, comme l’a démontré la pratique antérieure du Conseil, les frais provisoires se limitent exclusivement aux débours (p. ex. coût du billet d’avion pour se rendre à l’audience, frais d’hébergement).
  4. Bell Canada et autres et la STC ont toutes deux indiqué que les ressources engagées par l’AAC semblent dépasser ce qui est nécessaire pour participer de façon significative à l’instance, et ont exprimé des préoccupations quant à la possibilité que le recours à une si grande équipe fasse gonfler les frais, étant donné l’exécution de tâches redondantes. Pour sa part, la STC a fait valoir que le temps consacré précisément à «-l’examen du dossier-» était excessif, alors que Bell Canada et autres ont argué que l’AAC a mal classé certaines ressources, ce qui a fait gonfler les réclamations (p. ex. les stagiaires en droit auraient dû figurer parmi les ressources internes et l’étudiant occupant un emploi d’été aurait dû être classé en tant qu’assistant juridique interne).

Réplique

  1. En réponse, l’AAC a soutenu que le critère relatif aux ressources financières utilisé dans le test d’attribution de frais provisoires n’exige pas que le demandeur prouve qu’il est presque insolvable; celui-ci doit simplement démontrer qu’il a besoin d’un financement provisoire pour assurer sa «-participation efficace-». À son avis, elle a démontré que sa participation serait moins efficace sans l’attribution de frais provisoires. Elle a également soutenu que le fait de limiter les frais provisoires aux débours, comme le propose la STC, restreindrait la participation de défenseurs de l’intérêt public.
  2. En réponse aux préoccupations touchant l’éventuelle classification erronée de certaines réclamations, l’AAC a réduit le montant réclamé pour son étudiant occupant un emploi d’été en reclassant la réclamation dans la catégorie «-assistant juridique interne-». L’AAC a également reconnu la préoccupation soulevée, selon laquelle les réunions des membres de l’équipe pouvaient être comptées deux fois, et a donc réduit de moitié l’ensemble des heures de réunion réclamées. À la suite de ces changements, la réclamation de frais provisoires révisée de l’AAC s’élève à 270-516,18 $.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Les critères d’attribution de frais provisoires sont énoncés à l’article 63 des Règles de procédure, qui est libellé comme suit :

    63.  Le Conseil décide d’attribuer des frais provisoires et en fixe le montant en se fondant sur les critères suivants :

    a) le fait que le dénouement de l’instance revêt un intérêt pour le demandeur ou pour le groupe ou la catégorie d’abonnés qu’il représente;
    b) la mesure dans laquelle le demandeur peut aider le Conseil à mieux comprendre les questions à examiner;
    c)  le fait que le demandeur ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour participer à l’instance de manière efficace;
    d) l’engagement du demandeur à participer à l’instance de manière responsable.

  2. Le Conseil conclut que l’AAC satisfait trois des quatre critères d’attribution de frais provisoires. Plus précisément, l’AAC représente un groupe d’abonnés pour qui le dénouement de l’instance revêt un intérêt, elle peut aider le Conseil à mieux comprendre les questions à examiner dans le cadre de l’instance, et elle s’est engagée à participer à l’instance de manière responsable.
  3. Quant au quatrième critère relatif aux ressources financières, le Conseil n’est pas convaincu qu’en l’absence de frais provisoires, l’AAC ne serait pas en mesure de participer efficacement à l’instance.
  4. L’AAC a indiqué que le fait de ne pas obtenir de frais provisoires pour payer son témoin expert nuirait à sa capacité de produire une preuve primaire et d’expert, et compromettrait sa participation efficace à l’instance.
  5. Le Conseil fait remarquer que l’AAC a retenu les services de son témoin expert et de plusieurs professionnels du droit, ainsi que d’un analyste, bien avant de déposer sa demande d’attribution de frais provisoires. En outre, l’AAC a demandé à ces différents professionnels d’exécuter de nombreux travaux avant de demander des frais provisoires, comme le démontrent les observations de l’AAC présentées dans le cadre de l’instance et les renseignements qui figurent dans sa demande d’attribution de frais.
  6. Le Conseil est d’avis que l’AAC aurait dû demander l’attribution de frais provisoires bien plus tôt, avant que ne soit exécutée une grande partie des travaux. Comme l’AAC a attendu de déposer une demande après avoir engagé d’importants coûts, sa demande reflète davantage une demande d’avance sur l’attribution de frais définitifs qu’une demande d’attribution de frais provisoires.
  7. Les critères d’attribution de frais provisoires sont clairement énoncés dans les Règles de procédure. Les frais provisoires ne sont pas une avance sur le paiement des frais définitifs, et il serait contraire à l’objet des frais provisoires de les attribuer en l’espèce.
  8. Par conséquent, le Conseil conclut que l’AAC n’a pas démontré que ses ressources financières étaient insuffisantes pour lui permettre de participer efficacement à l’instance, et donc, qu’elle ne satisfait pas aux critères d’attribution de frais provisoires suivant l’article 63 des Règles de procédure.
  9. Tel qu’il est exigé à l’article 68 des Règles de procédure, le Conseil évaluera les demandes d’attribution de frais définitifs en tenant compte des critères établis à cet article ainsi que de toute intervention reçue, particulièrement en ce qui concerne les heures et les taux réclamés par les demandeurs.

Conclusions

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de frais provisoires de l’AAC liée à sa participation à l’instance.
  2. Cependant, le Conseil reconnaît que l’instance est à la fois longue et complexe : elle a commencé en avril 2015, et a nécessité plusieurs rondes d’observations; de plus, une audience de trois semaines sera tenue en avril 2016. Une instance de cette envergure entraîne la participation active et continue de plusieurs défenseurs de l’intérêt public, y compris l’AAC, pendant une longue période.
  3. Si la pratique normale du Conseil devait être suivie, une décision sur les demandes d’attribution de frais définitifs ne serait rendue qu’une fois la décision de l’instance principale publiée. Afin de réduire au minimum la période au cours de laquelle les demandeurs de frais doivent attendre pour recevoir les frais définitifs, le Conseil a l’intention de régler les demandes d’attribution de frais définitifs avant de rendre sa décision dans le cadre de l’instance.
  4. En outre, l’AAC a indiqué dans sa demande que le nombre d’heures réclamées pour certaines tâches peut sembler excessif, parce que les formulaires d’évaluation des frais du Conseil ne sont pas suffisamment détaillés pour décrire entièrement les diverses mesures prises. Les catégories des formulaires d’évaluation des frais du Conseil remplies au préalable représentent les catégories d’activités les plus fréquemment réalisées par les parties lors d’une instance. Les demandeurs de frais ne sont toutefois pas limités à ces catégories; les demandeurs peuvent insérer d’autres catégories, plus précises, au besoin. Les formulaires d’évaluation des frais complets et exacts facilitent le traitement efficace des demandes d’attribution de frais par le Conseil. Au moment de produire leur demande de frais définitifs, l’AAC et tous les autres demandeurs de frais doivent donc s’assurer que leurs formulaires d’évaluation des frais reflètent le mieux possible les travaux entrepris dans le cadre de l’instance.

Secrétaire générale

Document connexe

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

L’Affordable Access Coalition est composée de cinq grands organismes d’intérêt public : l’Association of Community Organizations for Reform Now, Canada; l’Association des consommateurs du Canada; le Centre pour la défense de l’intérêt public; le Council of Senior Citizens Organizations of British Columbia et la Fédération nationale des retraités.

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Note de bas de page 2

Bell Canada a déposé un mémoire dans le cadre de la présente instance, en son nom et au nom de ses filiales Bell Mobilité inc.; Câblevision du Nord du Québec inc.; DMTS; KMTS; NorthernTel, Limited Partnership; Norouestel Inc.; Ontera; et Télébec, Société en commandite (collectivement appelées Bell Canada et autres dans la présente ordonnance).

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Note de bas de page 3

Les RET correspondent aux recettes des télécommunications canadiennes provenant des services locaux et d’accès, de l’interurbain, de la transmission de données, des liaisons spécialisées, d’Internet et du sans-fil.

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