Décision de télécom CRTC 2016-171

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Ottawa, le 5 mai 2016

Numéro de dossier : 8661-Q15-201506966

Québecor Média inc. - Interdiction des politiques d’annulation de 30 jours - Demande concernant les remboursements au prorata en cas d’annulation de services

Le Conseil rejette la demande présentée par Québecor Média inc. (QMI), au nom de Vidéotron s.e.n.c., réclamant qu’il ordonne à Bell Canada et à ses filiales d’accorder aux clients, particuliers et petites entreprises, des remboursements au prorata lorsque ces clients annulent leurs services sans fil, leurs services téléphoniques locaux (y compris les services de voix sur protocole Internet [VoIP]) ou leurs services Internet de détail et que les frais mensuels applicables leur sont facturés à l’avance, en partie ou en totalité. Puisqu’il s’agit là d’une question qui touche tous les clients de tous les fournisseurs de services, la demande de QMI ne visant qu’un fournisseur de services, la portée de la demande est trop restreinte.

Toutefois, conformément à l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours qu’il impose, le Conseil précise que les fournisseurs de services ne doivent pas facturer un service qui n’est pas fourni - et ne peut l’être - après son annulation. De plus, tous les fournisseurs de services doivent effectuer des remboursements à l’égard des services sans fil, des services téléphoniques locaux (y compris les services VoIP) et des services Internet de détail lorsque de tels services sont annulés et que les frais mensuels applicables sont facturés à l’avance, en partie ou en totalité. Les remboursements doivent être calculés au prorata en fonction du nombre de jours restants dans le dernier cycle mensuel de facturation après l’annulation du service.

Le Conseil continuera de surveiller les plaintes des consommateurs et des intervenants au sujet des politiques d’annulation de 30 jours ainsi que les changements pertinents dans le marché pour s’assurer que les clients profitent des mesures de protection que visent la politique d’annulation de 30 jours et le Code sur les services sans fil.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2013-271, le Conseil a mis en place le Code sur les services sans fil, un code de conduite obligatoire à l’intention des fournisseurs de services téléphoniques et de données sans fil mobiles de détail (services sans fil). Dans le Code sur les services sans fil, le Conseil a interdit les politiques obligeant les consommateurs à donner un préavis d’au moins 30 jours à leur fournisseur de services sans fil avant d’annuler les services sans fil postpayésRetour à la référence de la note de bas de page 1. Le consommateur peut donc annuler son contrat en tout temps en avisant son fournisseur de services sans fil. De plus, l’annulation prend effet le jour où le fournisseur de services sans fil reçoit l’avis d’annulation.

  2. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576 (politique d’annulation de 30 jours), le Conseil, en réponse à une demande présentée par Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink), a interdit de façon similaire les politiques d’annulation de 30 jours à l’égard des services téléphoniques locaux (y compris les services de voix sur protocole Internet [VoIP]), des services Internet et des services de distribution de radiodiffusion (c.-à-d. les services de télévision par câble et par satellite) de détail. Les clients de ces services peuvent donc annuler leur contrat en tout temps en avisant leur fournisseur de services, l’annulation prenant effet le jour où le fournisseur de services reçoit l’avis d’annulation.

  3. Grâce aux interdictions énoncées dans le Code sur les services sans fil et dans la politique d’annulation de 30 jours, les consommateurs peuvent changer de fournisseur de services plus facilement et éviter de faire l’objet d’une double facturation pendant la transition. En levant les obstacles inutiles au choix du consommateur, ces interdictions contribuent du même coup à créer un marché plus dynamique.

  4. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-495, le Conseil a annoncé des modifications au Règlement sur la distribution de radiodiffusion (Règlement) en vue d’interdire aux entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) d’utiliser des politiques d’annulation de 30 jours. Dans l’instance ayant mené à la publication de cette politique réglementaireRetour à la référence de la note de bas de page 2, Eastlink et le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP) ont proposé que le Règlement devrait clairement prévoir qu’il est interdit aux EDR initiales de facturer aux clients des frais pour un service annulé (c.-à-d. facturer le service après la date d’annulation ou retenir un montant payé d’avance pour cette période). En réponse à cette proposition, le Conseil a affirmé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-495 que l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours qu’il impose établit clairement qu’aucuns frais ne peuvent être exigés pour un service annulé et que toute imposition de frais à l’égard du service annulé doit cesser immédiatement. Le Conseil a ajouté que la pratique qui oblige le client à payer à la fois pour un service annulé et un nouveau service va à l’encontre des objectifs énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Québecor Média inc. (QMI), au nom de Vidéotron ltée et 9227-2590 Québec inc., associées dans une société en nom collectif exerçant ses activités sous le nom de Vidéotron s.e.n.c., datée du 3 juillet 2015, dans laquelle QMI a demandé au Conseil d’ordonner à Bell Canada et ses filiales (Bell Canada et autres) de donner aux clients, particuliers et petites entreprises, des remboursements au prorata lorsque ces clients annulent des services sans fil, des services téléphoniques locaux (y compris les services VoIP) et des services Internet de détail. QMI a proposé que les remboursements calculés au prorata soient fondés sur le nombre de jours de la période au cours de laquelle le service a été reçu (soit son approche actuelle). De plus, QMI a demandé que l’obligation de donner des remboursements au prorata soit imposée au plus tard 60 jours après la date de la présente décision.

  2. QMI a noté que les modifications proposées dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2015-191 et adoptées dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-495 précisent qu’une annulation survient lorsqu’une demande d’annulation est reçue par le fournisseur de services. QMI a déclaré que toute imposition de frais pour ce service doit donc cesser immédiatement.

  3. Conformément à ce qui précède, QMI a fait valoir qu’en ce qui concerne les frais mensuels qui sont payés avant l’annulation, les fournisseurs de services doivent fournir des remboursements au prorata pour la période au cours de laquelle le service n’est pas fourni, à tout le moins pour les EDR. De l’avis de QMI, la pratique de Bell Canada et autres de ne pas fournir de remboursements au prorata dans ce contexte est contraire à l’esprit du Code sur les services sans fil et de la politique d’annulation de 30 jours. QMI a reconnu que ces derniers ne traitent pas précisément de remboursements au prorata, mais a soutenu que leur intention est clairement de faire en sorte qu’il soit plus facile pour les consommateurs de changer de fournisseur de services et d’empêcher que les clients soient doublement facturés. QMI a ajouté qu’une symétrie à cet égard entre les EDR et les fournisseurs de services de télécommunication permettrait d’éviter toute incohérence entre eux.

  4. QMI a fait remarquer que certains clients qui sont passés de Bell Canada et autres à son service se sont dits surpris et frustrés lorsqu’ils ont appris que Bell Canada et autres ne leur offriraient pas un remboursement au prorata pour la partie du mois au cours de laquelle ils n’avaient pas reçu le service. Elle a déclaré que les représentants du service à la clientèle de Bell Canada et autres avaient fait savoir aux clients qu’ils devraient demander un redressement à QMI, et non à Bell Canada et autres. De l’avis de QMI, il n’est pas raisonnable d’exiger que le nouveau fournisseur de services offre un crédit pour compenser la période au cours de laquelle le fournisseur de services initial n’a pas fourni le service. Elle a de plus indiqué qu’il n’est pas de la responsabilité du nouveau fournisseur de services de faire savoir aux clients qu’ils pourraient ne pas recevoir un remboursement au prorata de leur ancien fournisseur de services.

  5. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de QMI de la part de l’Association des consommateurs du Canada et du CDIP (collectivement l’ACC/CDIP), de Bell Canada au nom de ses filiales, d’Eastlink et de la Société TELUS Communications (STC). QMI a répliqué aux interventions. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 30 novembre 2015. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Est-ce que le Code sur les services sans fil et la politique d’annulation de 30 jours requièrent que les fournisseurs de services offrent des remboursements au prorata pour les services annulés?

Positions des parties

  1. L’ACC/CDIP et Eastlink ont convenu avec QMI que la pratique contestée constitue une double facturation. L’ACC/CDIP ont signalé que les clients ne prennent conscience de cette pratique qu’après avoir changé de fournisseur de services. Selon l’ACC/CDIP et Eastlink, des politiques uniformes pour tous les types de services (c.-à-d. les services sans fil, les services téléphoniques locaux, les services Internet et les services de distribution de radiodiffusion), sans égard au moment où le paiement pour de tels services est effectué, seraient avantageuses. 

  2. Bell Canada et la STC ont toutes deux déclaré que le Code sur les services sans fil et la politique d’annulation de 30 jours n’exigent pas explicitement que soient effectués des remboursements au prorata aux clients qui annulent des services pour lesquels les frais mensuels sont facturés à l’avance, en partie ou en totalité. Bell Canada a fait remarquer, par exemple, que les clients peuvent faire l’objet de frais d’utilisation excédentaire imprévus ou utiliser la quantité limite de données pour le mois et annuler au milieu du mois. Bell Canada a soutenu que, en pareils cas, elle pourrait devoir présumer que l’utilisation serait demeurée constante pendant la période et évaluer les frais d’utilisation excédentaire en conséquence.

  3. Dans un même ordre d’idées, la STC a soutenu que si un client utilisait sa quantité de données mensuelle permise durant les deux premières semaines du mois où il annule le service, elle ne devrait pas être tenue, à titre de fournisseur de services, de créditer la moitié du paiement de ce client, étant donné que celui-ci a déjà utilisé les données qu’il a payées et pour lesquelles il s’est abonné. La STC a noté que, après la publication de la politique d’annulation de 30 jours, le personnel du Conseil, en réponse à des questions de Bell Canada et de la STC, a précisé que les remboursements de montants facturés et payés d’avance pour une période après la date d’annulation n’étaient pas requis. Toutefois, si la demande de QMI était accueillie, la STC a proposé que le Conseil établisse une période de transition raisonnable, sans préciser ce qui constituerait une période raisonnable.

  4. Bell Canada a ajouté que les pratiques des autres fournisseurs de services de télécommunication, y compris la STC, étaient semblables aux siennes à cet égard. Selon Bell Canada, l’accueil de la demande de QMI équivaudrait à exiger qu’un fournisseur de services facture sur une base quotidienne, ce qui n’est pas leur pratique actuelle. Bell Canada a en outre déclaré que la prestation d’un remboursement au prorata seulement pour certains services d’un ensemble pourrait semer la confusion chez les consommateurs.

  5. En réplique, QMI a précisé qu’elle n’était pas d’accord avec le fait que Bell Canada et autres auraient à changer considérablement leurs pratiques. QMI a noté que Bell Canada et autres avaient offert des remboursements au prorata à l’égard des services Internet, entre autres services, et qu’elles ont une page Web décrivant comment fonctionne la facturation au prorata calculée sur une base journalière. En réponse aux questions, Bell Canada et autres ont indiqué qu’elles seraient obligées d’apporter des changements technologiques si la demande de QMI était accueillie, mais elles ont fait remarquer que ces changements seraient relativement simples.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Selon certaines méthodes de facturation actuelles de fournisseurs de services, les factures que reçoit un client peuvent comprendre des frais mensuels ordinaires pour le mois à venir et des frais d’utilisation excédentaire pour le mois précédent. Par conséquent, un client qui se désabonne du service au milieu d’un cycle de facturation peut déjà avoir payé les frais ordinaires pour le mois dans sa facture mensuelle précédente. Si un remboursement au prorata n’est pas effectué, il se pourrait que le client fasse un paiement à son nouveau fournisseur de services et à son ancien fournisseur pour une période où seul le nouveau fournisseur fournirait des services.

  2. Même si ni le Code sur les services sans fil ni la politique d’annulation de 30 jours ne traitent explicitement des remboursements pour les services annulés, la pratique selon laquelle les consommateurs paient tant pour le service annulé que pour le nouveau service contrevient aux objectifs établis au sous-alinéa 3(1)t)(ii) de la Loi sur la radiodiffusion et aux alinéas 7c), 7f) et 7h) de la Loi sur les télécommunications.

  3. En conséquence, le Conseil précise que, conformément à l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours qu’elle impose, les fournisseurs de services ne doivent pas exiger des frais pour un service qui n’est pas fourni, et ne peut l’être, après son annulation. De plus, tous les fournisseurs de services doivent effectuer des remboursements à l’égard des services sans fil, des services téléphoniques locaux (y compris les services VoIP), des services Internet et des services de distribution de radiodiffusion de détail après l’annulation de tels services lorsque les frais de service mensuels sont facturés d’avance, en partie ou en totalité. Les remboursements doivent être calculés au prorata en fonction du nombre de jours restants dans le dernier cycle mensuel de facturation après l’annulation du service.

  4. Compte tenu que la question à l’étude touche tous les clients de tous les fournisseurs de services, la portée de la présente demande, visant les pratiques commerciales d’un seul fournisseur de services, est trop étroite pour formuler une conclusion générale concernant tous les fournisseurs de services. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de QMI.

  5. Le Conseil rappelle aux fournisseurs de services, aux intervenants et aux consommateurs que le Code sur les services sans fil et la politique d’annulation de 30 jours devraient être lus de concert avec la modification au Règlement interdisant les politiques d’annulation de 30 jours par les EDR. Plus précisément, pour les services sans fil, les services téléphoniques locaux (y compris les services VoIP), les services Internet et les services de distribution de radiodiffusion de détail :

    • aucuns frais ne peuvent être exigés pour un service annulé;

    • la pratique exigeant que les clients paient à la fois pour un service annulé et un nouveau service contrevient aux objectifs stratégiques établis dans la Loi sur la radiodiffusion et dans la Loi sur les télécommunications;

    • toute imposition de frais à l’égard du service annulé doit cesser dès que le fournisseur de services reçoit l’avis d’annulation du service.

  6. Pour assurer le respect des éléments précités, le Conseil continuera à surveiller les plaintes des consommateurs et des intervenants concernant les politiques d’annulation de 30 jours, ainsi que les changements pertinents qui interviennent dans le marché.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Dans le Code sur les services sans fil, le Conseil a défini les services postpayés comme étant des services sans fil payés après avoir été utilisés, habituellement sur réception d’une facture mensuelle, et les services prépayés comme étant des services sans fil achetés avant d’être utilisés (p. ex. des cartes prépayées ou des paiements à l’utilisation). Le Conseil a estimé que la date de prise d’effet de l’annulation ne posait pas un problème important dans le cas des services prépayés puisque le client doit activement choisir de renouveler de tels services et peut les annuler en tout temps.

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Note de bas de page 2

Voir l’avis de consultation de radiodiffusion 2015-191.

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