Décision de radiodiffusion CRTC 2016-8

Version PDF

Références : Demandes de la Partie 1 affichées les 5 et 10 juin 2015

Ottawa, le 12 janvier 2016

Urban Alliance on Race Relations
Unifor Local 723M
Ontario, Alberta et Colombie-Britannique

Demandes 2015-0560-4 et 2015-0576-0

Requêtes demandant à Rogers Media Inc. le rétablissement des bulletins de nouvelles locales diffusés en langues tierces par ses stations OMNI

Le Conseil conclut que la décision de Rogers Media Inc. (Rogers) d’éliminer les bulletins de nouvelles locales diffusés en langues tierces par ses stations OMNI ne constitue pas une violation de ses conditions de licence. Par conséquent, le Conseil refuse les requêtes d’Urban Alliance on Race Relations et d’Unifor Local 723M réclamant la tenue d’une audience publique accélérée sur cette question.

Conformément à sa pratique, le Conseil étudiera l’évolution du rendement et des obligations des stations OMNI, y compris leurs obligations de fourniture de programmation locale en langues tierces, lors de la prochaine audience dans le cadre du processus de renouvellement de licences devant débuter en 2016. Cet examen permettra au Conseil de mieux évaluer si les obligations actuelles des stations suffisent à satisfaire aux besoins des communautés en langues tierces.

Par ailleurs, le Conseil aura terminé sa révision du cadre politique relatif à la programmation télévisuelle locale et communautaire (voir l’avis de consultation de radiodiffusion 2015-421) avant le début du prochain renouvellement de licences par groupe. Cette nouvelle politique pourrait avoir une incidence sur les obligations et exigences relatives à la diffusion de programmation de nouvelles locales des stations de télévision traditionnelle.

Une opinion concurrente du conseiller Raj Shoan est jointe à la présente décision.

Introduction

  1. En mai 2015, Rogers Media Inc. (Rogers) a supprimé tous les bulletins de nouvelles locales en langues tierces de ses stations OMNI CFMT-DT et CJMT-DT Toronto, CJCO-DT Calgary, CJEO-DT Edmonton et CHNM-DT Vancouver. Ceci inclut des bulletins de nouvelles locales quotidiens et hebdomadaires produits et diffusés en italien, en pendjabi, en cantonais et en mandarin. Rogers a alors remplacé cette programmation par une programmation d’affaires publiques locales.
  2. Le Conseil a peu après reçu deux demandes, l’une de la Urban Alliance on Race Relations (UARR) (2015-0560-4) et l’autre d’Unifor Local 723M (Unifor) (2015-0576-0), réclamant le rétablissement des bulletins de nouvelles locales diffusés en langues tierces par les stations de télévision OMNI.
  3. UARR affirme que Rogers contrevient à la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) puisque l’un des premiers objectifs de celle-ci est le maintien de la diversité culturelle. UARR demande au Conseil de tenir une audience pour entendre ses préoccupations sur la gestion d’OMNI. Elle demande également que le Conseil suspende l’examen de toutes les demandes de Rogers jusqu’à ce que le titulaire rétablisse les émissions de nouvelles des stations OMNI sans réduire la qualité de sa programmation ou la fourniture de son service, qu’il rétablisse son équipe de programmation de nouvelles, finance adéquatement les productions à l’interne d’OMNI et prévoie le retour à leur pleine capacité des équipes de marketing et des ventes spécialisées d’OMNI. À défaut de quoi UARR demande au Conseil d’étudier la possibilité de révoquer les licences d’OMNI pour violation présumée des engagements pris par le titulaire à l’égard du Conseil et de ses téléspectateurs, les communautés ethnoculturelles du Canada.
  4. De son côté, Unifor demande au Conseil de convoquer Rogers à une audience publique accélérée afin d’enquêter sur la question, de permettre aux parties de contre-interroger Rogers et d’obliger celui-ci à exposer les raisons pour lesquelles le Conseil ne devrait pas émettre une ordonnance en vertu de l’article 12(2) de la Loi pour exiger le rétablissement des bulletins de nouvelles locales diffusés en langues tierces par chacune de ses stations OMNI jusqu’à l’expiration de leurs licences en vigueur. Unifor souhaite aussi que le Conseil joigne sa demande à la plainte en vertu de la Partie 1 d’UARR et que toutes les demandes apparentées soient traitées dans une seule et même audience accélérée. Selon Unifor, la suppression de ces bulletins de nouvelles est contraire aux dispositions de la Loi et de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique énoncée dans l’avis public 1999-117.
  5. Le 11 juin 2015, après le dépôt de sa demande en vertu de la Partie 1, Unifor a soumis au Conseil une requête procédurale lui demandant de modifier ses procédures actuelles en publiant immédiatement un avis de consultation pour convoquer Rogers à une audience publique accélérée afin d’examiner la pertinence de publier une ordonnance exigeant le rétablissement des bulletins de nouvelles locales diffusés en langues tierces par les cinq stations OMNI. Le Conseil a rejeté cette requête par décision majoritaire dans une lettre datée du 20 juillet 2015. Ce faisant, il a indiqué que la mesure d’allègement réclamée par Unifor était la même que celle énoncée dans la demande en vertu de la Partie 1 (c.-à-d. que le Conseil tienne une audience publique accélérée avant d’imposer à Rogers une ordonnance) et qu’il allait par conséquent continuer à traiter le dossier comme une demande en vertu de la Partie 1.
  6. Le Conseil a reçu de nombreuses interventions sur ces demandes, dont des commentaires de divers organismes culturels, de particuliers et d’un député (au nom de ses électeurs), ainsi que des observations du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC) et du Conseil provincial du secteur des communications du Syndicat canadien de la fonction publique (CPSC-SCFP). Le dossier public des présentes demandes peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou en utilisant le numéro de demande approprié énoncé ci-dessus.

Cadre réglementaire

Politique de radiodiffusion à caractère ethnique

  1. Conformément aux objectifs de la LoiRetour à la référence de la note de bas de page 1, la politique de radiodiffusion à caractère ethnique énoncée dans l’avis public 1999-117 prévoit que les stations à caractère ethnique doivent desservir un éventail de groupes ethniques dans diverses langues car la rareté des fréquences de radiodiffusion ne permet pas d’autoriser une station en direct dans une seule langue pour chaque groupe ethnique dans un marché donné. Cette approche permet de fournir un service à des groupes qui ne pourraient autrement pas s’offrir leur propre service dans une seule langue. Les groupes ethnoculturels de plus petite taille bénéficient d’un niveau minimal de radiodiffusion dans leurs propres langues et d’une programmation qui les aide à participer pleinement à la société canadienne, qui reflète leur culture et qui favorise la compréhension entre les cultures.
  2. La politique de radiodiffusion à caractère ethnique énonce les exigences minimales, qui s’appliquent généralement aux stations de télévision à caractère ethnique, à l’égard de la diffusion de contenu canadien, de programmation à caractère ethnique et en langues tierces, ainsi que des groupes ethniques devant être desservis et des langues de diffusion.
  3. Enfin, le Conseil s’attend à ce que les radiodiffuseurs à caractère ethnique détaillent, lors de l’attribution ou du renouvellement de leurs licences, la façon dont ils comptent refléter les questions et préoccupations locales au cours de leur période de licence. Il les encourage aussi à créer des conseils consultatifs comprenant des représentants des communautés ethniques dans leurs zones de desserte.

Décision de renouvellement par groupe des licences de Rogers

  1. Lors du dernier renouvellement de licence des stations OMNI (voir la décision de radiodiffusion 2014-399), le Conseil a refusé des demandes de modifications de licence de Rogers qui auraient sensiblement allégé les exigences de programmation à caractère ethnique de ces stations, comme le nombre minimal de langues et de groupes ethniques devant être desservis et les limites de programmation dans une langue étrangère donnée. Bien qu’il ait reconnu les difficultés financières des stations OMNI, le Conseil a déclaré que le mandat de Rogers était unique puisque celui-ci devait, en vertu de sa licence et en tant que radiodiffuseur traditionnel à caractère ethnique, offrir aux communautés multilingues et multiethniques du Canada une programmation de nouvelles, d’informations et de divertissement qui les aide à participer pleinement à la société canadienne, qui représente leur culture et qui favorise la compréhension entre les cultures. Le Conseil a ajouté que les conséquences qu’aurait eues l’approbation de toutes les demandes de modification auraient été telles que le service se serait vu incapable de respecter les exigences minimales énoncées dans la politique de radiodiffusion à caractère ethnique.
  2. Par ailleurs, le Conseil a imposé de nouvelles obligations aux stations OMNI d’Edmonton et de Calgary pour répondre aux préoccupations concernant la rareté, voire l’absence, de programmation locale produite par ces stationsRetour à la référence de la note de bas de page 2.
  3. En conséquence, toutes les stations OMNI doivent se conformer, entre autres choses, aux conditions de licence suivantes relatives à la programmation à caractère ethnique :
    • Le titulaire doit consacrer à la diffusion d’émissions à caractère ethnique :
      1. au moins 60 % du nombre total d’heures diffusées chaque mois entre 6 h et minuit,
      2. au moins 50 % du nombre total d’heures diffusées chaque mois entre 18 h et minuit,
      3. au moins 75 % du nombre total d’heures diffusées chaque année entre 20 h et 22 h.
    • Le titulaire doit consacrer au moins 50 % de sa programmation diffusée au cours de chaque mois de radiodiffusion à des émissions en langues tierces.

Positions des parties

Rogers

  1. En réponse aux demandes, Rogers soutient que le retrait des bulletins de nouvelles locales d’OMNI n’enfreint ni législation, ni règlement, ni politique du Conseil, et que sa décision respecte entièrement les conditions de licence imposées à OMNI lors du dernier renouvellement de sa licence (décision de radiodiffusion 2014-399). Rogers ajoute que rien ne justifie d’approuver les mesures de redressement réclamées par les demandeurs, y compris la révocation des licences d’OMNI.
  2. Rogers affirme aussi qu’aucune raison ne justifie la tenue d’une audience orale accélérée. Rogers note que le traitement des demandes en vertu de la Partie 1 des Règles de pratique et de procédure du Conseil servirait l’intérêt public en produisant un dossier écrit complet, lequel comprendrait les raisons des changements de programmation et les opinions des parties concernées. Rogers fait valoir que le dossier serait versé au dossier public d’OMNI et pris en considération lors de son prochain renouvellement de licence.
  3. Rogers justifie sa décision de supprimer les bulletins de nouvelles locales en langues tierces d’OMNI en évoquant les défis d’ordres financier et concurrentiel qui ont une incidence néfaste sur le modèle d’affaires d’OMNI, y compris la diminution des revenus provenant des séries américaines, le changement des habitudes d’écoute et le renforcement de la concurrence en provenance des grands diffuseurs de télévision traditionnelle de langue anglaise et des services spécialisés à caractère ethnique. Rogers affirme ne pas avoir eu le choix de modifier sensiblement la programmation d’OMNI et sa structure opérationnelle pour tenter de relever les défis énoncés ci-dessus lorsque le Conseil a refusé ses demandes d’allègement d’obligations réglementaires présentées lors du dernier renouvellement de licence. Plus précisément, Rogers conclut que la programmation d’affaires publiques locales actuelles présente une structure de coûts plus viable que celle des bulletins de nouvelles, tout en offrant la possibilité d’interpeller les communautés ethniques à l’échelle locale.
  4. Le titulaire soutient que tant les bulletins de nouvelles locales précédents que les émissions d’affaires publiques locales actuelles d’OMNI sont conformes aux exigences et aux attentes de la Loi et de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique à l’égard des radiodiffuseurs à caractère ethnique puisque ces deux types de productions locales réalisées à l’interne fournissent une programmation à caractère ethnique et un reflet local. Rogers ajoute qu’il n’existe aucune attente ou exigence prévoyant l’obligation de traiter les questions et préoccupations locales par le truchement de bulletins de nouvelles formels, comme le prétendent UARR et Unifor.
  5. Enfin, Rogers réplique que les demandes d’UARR exigeant la réintégration du personnel des nouvelles d’OMNI, un financement similaire pour les bulletins de nouvelles d’OMNI et pour les autres émissions de nouvelles, et le retour à leur pleine capacité des équipes de marketing et de ventes spécialisées sont des mesures sans précédent et qui, dans certains cas, outrepasseraient les pouvoirs du Conseil.

Intervenants

  1. La majorité des intervenants expriment leur mécontentement devant la disparition des bulletins de nouvelles locales en langues tierces par les stations OMNI et s’inquiètent de ne pas avoir accès à une programmation de nouvelles en langues tierces. Certains se plaignent de la qualité des nouvelles émissions d’affaires publiques qui remplacent les bulletins de nouvelles, tandis que d’autres suggèrent de révoquer les licences d’OMNI pour permettre à un autre télédiffuseur de présenter des bulletins de nouvelles locales en langues tierces.
  2. PIAC déclare que la décision de supprimer les bulletins de nouvelles locales va à l’encontre des obligations et des responsabilités de Rogers en vertu de la Loi et de la politique radiodiffusion à caractère ethnique et soutient que les nouvelles émissions d’affaires publiques n’abordent pas les enjeux propres à chaque communauté d’OMNI. PIAC s’est également dit préoccupé de la conformité du titulaire à ses conditions de licence, notamment celles relatives à la programmation locale énoncées dans les licences de CJCO-DT Calgary et de CJEO-DT Edmonton.
  3. Le CPSC-SCFP soutient que la suppression des bulletins de nouvelles locales en langues tierces prive certaines personnes de leur droit fondamental à l’information et qu’elle est contraire à la politique de radiodiffusion à caractère ethnique du Conseil. Il maintient aussi que Rogers a obtenu le renouvellement de ses licences OMNI en plaidant la pertinence de ses bulletins de nouvelles en tant que programmation locale, malgré ses difficultés financières. À ce titre, le CPSC-SCFP affirme que le Conseil devrait obliger Rogers à rétablir ces bulletins de nouvelles jusqu’à son prochain renouvellement de licence.
  4. Enfin, plusieurs intervenants appuient la nouvelle programmation d’affaires publiques diffusée par Rogers. Des producteurs d’émissions en langues tierces, des journaux en langues tierces, des organismes de bienfaisance, des écoles, des particuliers et divers organismes culturels en langues tierces indiquent que cette nouvelle programmation permettrait de s’assurer que les communautés en langues tierces continuent d’avoir un forum de discussion des enjeux locaux. Les intervenants ajoutent que la nouvelle programmation témoigne de l’engagement d’OMNI à offrir un contenu local pertinent aux communautés en langues tierces et aux communautés ethniques.

UARR

  1. UARR réplique à Rogers que le remplacement des bulletins de nouvelles locales par une programmation d’affaires publiques ne sert pas véritablement les auditoires multilingues et que sa réponse ne précise pas pourquoi il a adopté sa nouvelle décision en matière de programmation ou comment celle-ci respecte la politique de radiodiffusion à caractère ethnique et ses propres engagements à l’égard des groupes ethnoculturels du Canada. Enfin, UARR affirme que le Conseil devrait convoquer le titulaire à une audience publique afin d’enquêter sur la question puisque celui-ci n’a pas expliqué en quoi il trouvait acceptable de refuser aux communautés ethnoculturelles un accès à des bulletins de nouvelles locales en langues tierces.

Unifor

  1. Unifor réplique à Rogers que la suppression de tous les bulletins de nouvelles locales en langues tierces par les stations OMNI a une incidence fondamentale sur la capacité des services à réaliser leur mandat, lequel comprend la fourniture d’une programmation de nouvelles et d’informations. Unifor avance que le Conseil devrait tenir une audience accélérée chaque fois qu’un titulaire abandonne d’importants engagements ayant servi de base à une décision de renouvellement. Unifor ajoute que le Conseil aurait toutes les raisons de convoquer Rogers à une audience publique puisque les bulletins de nouvelles qui ont aujourd’hui disparu de la grille-horaire d’OMNI représentent la majorité (68,3 %) des dépenses totales de programmation canadienne des stations et presque la totalité (91 %) de ses dépenses au titre des émissions de nouvelles et d’information - ce qui change donc la nature des stations OMNI.
  2. Unifor conteste également les arguments de Rogers en désaccord avec la tenue d’une audience publique. Unifor affirme que ceux-ci ne justifient pas le refus de sa demande et que le Conseil devrait exercer sa discrétion pour accepter sa requête.
  3. Enfin, Unifor allègue que la convocation de Rogers à une audience publique n’entraînerait que des coûts mineurs pour l’entreprise et que l’intérêt public exige cette audience pour que le Conseil, les auditoires d’OMNI et les Canadiens comprennent les questions et enjeux vitaux liés au retrait de ces bulletins de nouvelles.

Analyse du Conseil

  1. Les conditions de licence des diverses stations OMNI prévoient que ces services doivent diffuser un certain pourcentage de programmation à caractère ethnique et en langues tierces, ainsi qu’une programmation locale dans le cas des stations d’Edmonton et de Calgary. Toutefois, les licences n’imposent aucune exigence réglementaire précise quant au type de programmation devant être diffusé (voir la décision de radiodiffusion 2014-399).
  2. À cet égard, si les stations OMNI ne diffusent plus de bulletins de nouvelles locales en langues tierces, Rogers a cependant choisi de remplacer cette programmation par des émissions d’affaires publiques en langues tierces. Une grande partie de cette nouvelle programmation se compose de discussions sur des sujets locaux, régionaux et nationaux qui semblent pertinentes pour au moins certains membres des communautés ethnoculturelles de langues tierces desservies par ces stations. En outre, bien que le Conseil ait annoncé dans la décision de radiodiffusion 2014-399 qu’il s’attendait à ce que les stations de Toronto et de Vancouver maintiennent leur production de programmation locale dans certains de leurs bureaux de nouvelles sur place, il n’a pas précisé que cette programmation devait prendre la forme de bulletins de nouvelles.
  3. Puisque la nouvelle programmation est composée d’émissions locales à caractère ethnique en langues tierces, le Conseil estime qu’elle respecte les exigences établies dans les conditions de licence actuelles des stations OMNI.
  4. Le Conseil est d’avis que la tenue d’une audience publique accélérée n’est pas la solution à retenir pour examiner les demandes d’UARR et d’Unifor puisque les cinq stations OMNI respectent leurs conditions de licence et aucune preuve ne justifierait actuellement une telle audience ou l’imposition d’une ordonnance.
  5. Cependant, le Conseil reconnaît les préoccupations des nombreux intervenants qui s’inquiètent de la qualité de la programmation des stations OMNI et de l’importance que ces parties accordent à la programmation de nouvelles locales en langues tierces. Des intervenants ont également avancé que les décisions de Rogers contrevenaient à la politique de radiodiffusion à caractère ethnique.
  6. De plus, tel qu’énoncé dans la politique de radiodiffusion à caractère ethnique, le Conseil estime que les stations à caractère ethnique jouent un rôle important en desservant des communautés locales. De plus, bien que ni les conditions de licence des stations OMNI, ni la politique de radiodiffusion à caractère ethnique n’exigent la diffusion de bulletins de nouvelles en langue tierces, la politique énonce clairement une attente à l’égard de la fourniture, par les titulaires lors de l’attribution et du renouvellement d’une licence, de plans quant à la façon dont ils reflèteront les enjeux et préoccupations locaux au cours de la période de licence. Ainsi, conformément à sa pratique habituelle, le Conseil compte analyser l’évolution du rendement et des obligations des stations OMNI, y compris leurs obligations de fourniture de programmation locale en langues tierces, lors de la prochaine audience sur les renouvellements de licence par groupe dans le cadre du processus de renouvellement des licences OMNI.
  7. En ce qui a trait au rôle de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique et aux allégations des parties voulant que Rogers ait enfreint cette politique, le Conseil rappelle que de telles politiques ne sont pas contraignantes et qu’elles ne créent donc aucune obligation en soi. Plus précisément, l’article 6 de la Loi prévoit que le Conseil peut formuler des directives, sans pour autant être lié par celles-ci. Il s’agit d’une codification du droit commun et cela reflète la décision de la Cour suprême du Canada énoncée dans Capital Cities Communications Inc. et al. c. CRTC et al.Retour à la référence de la note de bas de page 3, qui confirme la pratique du Conseil de publier des directives à la lumière des grands objectifs qui lui sont confiés par la LoiRetour à la référence de la note de bas de page 4, dont la surveillance du système de radiodiffusion et la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée à l’article 3 de la Loi. Si le Conseil devait considérer que la politique de radiodiffusion à caractère ethnique était contraignante ou avait force de loi, il y aurait donc entrave au pouvoir du Conseil, ce qui équivaudrait à une erreur de droit.
  8. Étant donné que ses politiques ne sont pas contraignantes, le Conseil doit prendre des mesures réglementaires additionnelles pour imposer ses exigences aux titulaires (par exemple l’imposition d’une condition de licence). Autrement dit, le fait de réviser la politique de radiodiffusion à caractère ethnique afin d’éclaircir le rôle des bulletins de nouvelles locaux en langues tierces dans le reflet de l’actualité locale ne permettrait pas plus d’apporter des modifications contraignantes aux conditions de licence des stations OMNI que d’offrir aux intervenants la possibilité de plaider pour des modifications contraignantes aux obligations de ces stations. En fait, une telle politique générale retarderait plutôt la capacité des intervenants de donner suite à leurs préoccupations immédiates concernant la programmation des stations OMNI en ajoutant un nouveau processus très long qui ne règlerait pas la question.
  9. Le Conseil note aussi qu’il ne peut imposer de nouvelles conditions de licence aux stations OMNI ou modifier leurs conditions de licence existantes pour le moment puisque l’article 9(1)c) de la Loi ne lui permet de modifier de sa propre initiative les conditions de licence d’un titulaire que plus de cinq ans après l’attribution ou le renouvellement d’une licence. Les licences des stations OMNI ayant été renouvelées en 2014, le Conseil ne pourra envisager de les modifier que lors de leur prochain renouvellement par groupe.
  10. Par conséquent, les intervenants ne pourront pas demander de nouvelles conditions de licence pour les stations OMNI et plaider en faveur d’exigences correspondant à leurs préoccupations précises avant la prochaine audience de renouvellement des licences d’OMNI.
  11. Finalement, le Conseil aura terminé sa révision du cadre politique de la programmation télévisuelle locale et communautaire (voir l’avis de consultation de radiodiffusion 2015-421) avant le prochain processus de renouvellement de licences par groupe. Cette nouvelle politique pourrait avoir une incidence sur les exigences et obligations relatives à la diffusion de programmation de nouvelles locales des stations de télévision traditionnelle.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse les demandes d’Urban Alliance on Race Relations et d’Unifor Local 723M requérant la tenue d’une audience publique accélérée sur cette question.

Secrétaire général

Documents connexes

Opinion concurrente du conseiller Raj Shoan

  1. À mon humble avis, en refusant les demandes sans agir concrètement pour répondre aux préoccupations légitimes des demandeurs et des intervenants, le Conseil abdique son rôle de leadership en ce qui concerne la création d’une politique efficace de radiodiffusion à caractère ethnique au Canada. À ce titre, je dirais qu’il ne s’est pas libéré du fardeau de créer un système de radiodiffusion qui, par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi, sert les besoins et les intérêts tout en reflétant la condition et les aspirations de la société canadienne dans tous ses aspects multiculturels et multiraciauxRetour à la référence de la note de bas de page 5.
  2. Le refus des demandes est une nécessité légale. Comme le notent aussi bien Rogers que mes collègues, les stations OMNI sont en conformité avec leurs conditions de licence et avec la politique de radiodiffusion à caractère ethniqueRetour à la référence de la note de bas de page 6. Puisque les stations OMNI ne sont pas légalement tenues de produire des bulletins de nouvelles pour leur auditoire, rien n’empêchait Rogers d’éliminer ce type d’émissions de la grille-horaire d’OMNI. Bien que cette décision ait pu paraître contestable aux yeux des demandeurs, dans la mesure où elle a par exemple été prise en année électorale, Rogers a agi dans les limites des pouvoirs que lui confère sa licence.
  3. Toutefois, le Conseil a refusé de lancer un processus qui aurait le plus favorisé un dialogue constructif avec les radiodiffuseurs à caractère ethnique, les téléspectateurs, les producteurs et autres parties concernées à l’égard du cadre réglementaire régissant ces entreprises. Selon moi, cette décision s’inscrit dans la ligne d’une approche réglementaire qui démontre l’incompréhension, voire l’indifférence du Conseil à l’égard des défis que doit relever le secteur de la radiodiffusion à caractère ethnique.
  4. Il est plus que temps de mener une révision exhaustive de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique du Conseil.

Historique

  1. La majorité n’a pas accordé toute l’importance que méritaient plusieurs faits marquants qui alimentent cette opinion.
  2. En le faisant remonter à mai 2015, la décision majoritaire réduit le litige entre Rogers et UARR/Unifor puisque les premières préoccupations sur la gestion de Rogers des stations OMNI sont apparues en 2013. L’historique des choix de programmation de Rogers pour les stations OMNI pourrait être caractérisé une insatisfaction croissante tant des téléspectateurs que des employés des stations OMNI.
  3. En 2013, par exemple, la décision de Rogers de supprimer plusieurs émissions d’OMNI a incité le précurseur d’Unifor, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (le SCEP), à déposer une plainte auprès du Conseil. Les émissions suivantes avaient été supprimées :
    1. une émission d’une heure en polonais;
    2. un bulletin de nouvelles sud-asiatiques en anglais;
    3. une émission nationale de type magazine d’une heure en mandarin;
    4. une émission interculturelle hebdomadaire d’une demi-heure en anglais;
    5. la production de bulletins de nouvelles locales de Vancouver d’une demi-heure en cantonais et en mandarin;
    6. une émission hebdomadaire de type magazine d’une demi-heure en punjabi.
    Enfin, Rogers avait aussi cessé la production d’une émission quotidienne d’affaires publiques en italien.
  4. Dans sa plainte, le SCEP avait demandé au Conseil de tenir une audience pour étudier les décisions de programmation de Rogers et publier une ordonnance exigeant le rétablissement des émissions supprimées. Dans sa réplique, Rogers avait déclaré que les stations OMNI continuaient à respecter leurs obligations énoncées dans la politique de radiodiffusion à caractère ethnique, le Règlement de 1987 sur la télédiffusion et leurs conditions de licence respectives. Rogers avait ajouté qu’il était inutile de tenir une audience publique pour discuter des enjeux liés à la programmation à caractère ethnique puisque les stations OMNI se conformaient pleinement à leurs obligations et que le Conseil avait annoncé son intention de revoir la politique de radiodiffusion à caractère ethnique.
  5. Le Conseil avait reçu près de 200 interventions de particuliers, de groupes syndicaux locaux et de groupes ethniques, ainsi qu’une pétition de plus de 800 noms, en accord avec la demande du SCEP. Tous s’opposaient aux changements de programmation des stations OMNI et appuyaient la demande du SCEP de tenir une audience publique.
  6. Dans Plainte du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier contre Rogers Broadcasting Limited concernant l’annulation d’émissions des stations de télévision OMNI, décision de radiodiffusion CRTC 2013-657, 5 décembre 2013 (décision de radiodiffusion 2013-657), le Conseil a conclu que Rogers avait respecté ses conditions de licence et la politique de radiodiffusion à caractère ethnique et qu’il était donc inapproprié de le convoquer à une audience publique. À ce titre, il a rejeté la plainte du SCEP. Il s’est cependant dit préoccupé par l’ampleur des changements de programmation de Rogers et par leurs conséquences sur les communautés desservies par les stations. Il a donc exigé que Rogers dépose ses demandes de renouvellement de licence plus tôt afin de pouvoir examiner ces questions.
  7. Par ailleurs, la question de l’appui de Rogers aux bulletins de nouvelles d’OMNI a été un élément central de l’audience de renouvellement de ses licences en 2014. En fait, Rogers s’est donné beaucoup de mal pour vanter l’engagement d’OMNI à l’égard de la production de nouvelles sur les stations OMNI.
  8. Mme Madeline Ziniak, alors vice-présidente nationale d’OMNI Television, a soutenu : [traduction]
    Au cours de ses années d’expérience en radiodiffusion, OMNI a joué un rôle fondamental dans la création d’une programmation à caractère ethnique au Canada et dans l’offre de services aux auditoires ethnoculturels. OMNI a établi de nouvelles normes d’excellence et d’intégrité journalistique pour les médias canadiens à caractère ethnique. Nous sommes un partenaire important pour de nombreuses communautés ethnoculturelles différentes car nous leur offrons une programmation de nouvelles locales, nous participons à plusieurs événements et festivals et nous siégeons à plusieurs comités et conseils au pays.
  9. M. Renato Zane, alors directeur principal des nouvelles et des affaires courantes d’OMNI, a ajouté : [traduction]
    Nous savons que ces émissions jouent un rôle vital dans plusieurs communautés que nous desservons car elles offrent aux téléspectateurs des nouvelles et des informations importantes sur leurs propres communautés locales et sur leur pays. Pour certains, OMNI est la source qui permet aux nouveaux Canadiens de comprendre les politiques et les pratiques économiques, sociales et culturelles du Canada.
  10. M. Keith Pelley, alors président de Rogers Media, a déclaré dans la phase de réplique de l’audience : « … il y a eu un dialogue fructueux à propos de notre demande d’éliminer les restrictions entre 20 h et 22 h. Nous voulions de la souplesse. Nous n’avons jamais eu l’intention de supprimer les bulletins de nouvelles à caractère ethnique aux heures de grande écoute et de consacrer toutes ces heures à des émissions américaines. »
  11. Les intervenants qui ont comparu à l’audience sont restés inquiets. M. Howard Law, directeur du secteur des médias d’Unifor, a affirmé :
    Si les dommages collatéraux sont les émissions de nouvelles et les emplois, mais surtout les émissions de nouvelles, ils ne reviennent pas et c’est bien ce qui nous inquiète. Nous n’avons pas l’habitude de voir un allégement réglementaire aboutir à une baisse de programmation qui elle-même précède une réduction de l’allégement réglementaire, puis un retour exact à la case départ. 
  12. Enfin, il est important ne pas oublier les quelque 1 725 interventions déposées en marge de ces demandes (commentaires, lettres types et pétitionnaires), y compris les soumissions de divers organismes culturels, de députés et, surtout, des téléspectateurs d’OMNI eux-mêmes. La majorité des intervenants ont exprimé leur mécontentement devant l’annulation des bulletins de nouvelles en langues tierces des stations OMNI, notamment au regard des élections fédérales d’octobre 2015. Un des demandeurs, Unifor, a affirmé que la suppression des bulletins de nouvelles originales d’OMNI avait irrémédiablement nui aux téléspectateurs d’origines ethniques en période électorale.

Analyse

  1. L’analyse de la décision majoritaire a mis en évidence le fait qu’aucune exigence réglementaire précise n’encadre le genre de programmation locale que devraient diffuser les stations OMNI. Par conséquent, la décision de Rogers de supprimer ses émissions de nouvelles et de les remplacer par des émissions d’affaires publiques se défend dans la mesure où ces genres de programmation peuvent constituer une programmation locale (sous réserve de leur qualité de production). Par ailleurs, mes collègues estiment que la Loi sur la radiodiffusion interdit au Conseil d’accepter la demande d’allègement des demandeurs puisque le renouvellement de licence de Rogers ne sera que de trois ans conformément à Renouvellements administratifs, décision de radiodiffusion CRTC 2016-7, 12 janvier 2016.
  2. Je suis d’accord avec cet aspect de la décision majoritaire. Bien que la décision de Rogers de supprimer la programmation de nouvelles en année électorale ait pu paraître déplaisante aux yeux de certains intervenants ou demandeurs, il reste que Rogers n’a enfreint aucun règlement, politique ou condition de licence. Le point de référence des obligations réglementaires d’OMNI telles qu’énoncées dans ses licences est la politique de radiodiffusion à caractère ethnique qui ne prévoit aucune exigence précise en matière de programmation de nouvelles. Rogers peut ne pas respecter l’esprit de ses licences ou les engagements qu’il a pris verbalement lors du renouvellement de ses conditions, mais il respecte techniquement la lettre de ses licences.
  3. La décision majoritaire avance aussi les arguments ci-dessous.
    1. aucune preuve ne justifie la tenue d’une audience publique accélérée;
    2. le cadre qui conviendrait à la révision des exigences d’OMNI serait son prochain renouvellement de licence qui devrait débuter en 2016, selon la décision majoritaire;
    3. la révision imminente de la programmation télévisuelle locale et communautaire du Conseil serait un contexte approprié pour discuter des obligations des radiodiffuseurs à caractère ethnique;
    4. si elle avait lieu maintenant, la révision de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique représenterait un processus supplémentaire et de longue haleine qui ne règlerait pas pour autant les préoccupations exprimées dans les présentes demandes.
  4. Je ne suis pas d’accord avec ces aspects de la décision majoritaire. Selon moi, tel que discuté plus loin, il aurait été plus approprié de publier en même temps que la présente décision un avis de consultation annonçant la révision de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique afin d’évaluer les obligations réglementaires actuelles des titulaires de stations à caractère ethnique et d’établir quelles seraient les exigences, actuelles ou futures, pertinentes ou nécessaires dans l’atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion dans l’environnement d’exploitation d’aujourd’hui.
  5. Premièrement, en ce qui concerne l’allusion à une révision imminente du cadre politique de la télévision locale et communautaire contenue au paragraphe 36 de la décision majoritaire, une rapide recherche dans Avis d’audience, avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2015-421, 14 septembre 2015, laisse à première vue penser qu’il ne s’agit que d’une référence superficielle à la création d’une programmation à caractère ethnique. En parlant de télévision communautaire (plutôt que de programmation locale), le Conseil pose une question générale aux chaînes communautaires des entreprises de distribution de radiodiffusion. La programmation à caractère ethnique est amalgamée aux groupes autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
  6. Je maintiens que toute tentative de réviser la politique de radiodiffusion à caractère ethnique dans le contexte élargi d’une révision englobant la télévision communautaire et la programmation locale aura pour effet d’expédier rapidement la discussion. Une telle approche ne tient pas compte des obstacles très réels propres au secteur de la radiodiffusion à caractère ethnique au Canada. Il existe de nombreux secteurs de radiodiffusion au Canada - commercial, communautaire, de campus, ethnique, religieux, etc. - et chacun doit relever les défis des modèles d’affaires qui étayent leurs activités. Le Conseil ne peut pas élaborer de politique efficace sans tenir compte des différences importantes entre les titulaires et de la programmation distincte qu’ils offrent à leurs auditoires.
  7. Deuxièmement, le fait de repousser le débat sur la pertinence des obligations réglementaires d’OMNI jusqu’à la prochaine audience qui fera partie du processus de renouvellement de licences ne fait que s’assurer que les téléspectateurs du seul réseau canadien de télévision à caractère ethnique en direct n’auront aucune occasion ou tribune pour discuter du retour de la programmation de nouvelles d’OMNI pour un bon moment. La décision de devancer le processus de renouvellement de licence m’apparaît comme une solution sans effet : elle ne fait que s’assurer que les tâches administratives débuteront tôt, sans qu’il existe de possibilité concrète d’obtenir des commentaires publics judicieux avant la publication des documents de renouvellement ou la tenue de l’audience elle-même. Pire, les téléspectateurs et parties concernées d’OMNI qui auront patiemment attendu cette discussion jusqu’à la phase orale de l’audience risquent très concrètement d’entendre le même message que celui de la décision de radiodiffusion 2013-657 et de la décision majoritaire d’aujourd’hui - à savoir que Rogers n’a enfreint aucune loi, règlement, politique ou condition de licence en refusant de diffuser une programmation de nouvelles. Les audiences de renouvellement des licences individuelles n’étant pas des opportunités pertinentes de création de cadres politiques généraux, il est peu probable que le processus de renouvellement de licences d’OMNI aboutisse à une obligation de diffusion de programmation de nouvelles.
  8. Troisièmement, à mon humble avis, je suis inquiet par l’argument de la majorité voulant qu’aucune preuve ne justifie la tenue d’une audience accélérée. La demande d’Unifor refusée par décision majoritaire a tout d’abord été déposée le 11 juin 2015. Je crois fermement que les services de radiodiffusion en direct ont une obligation spéciale envers les communautés qu’elles desservent parce qu’elles utilisent des ondes publiques, et que cette obligation est encore plus absolue en période électorale. Des électeurs informés sont essentiels au bon fonctionnement d’une démocratie. Comme le note Unifor dans sa demande, les nouvelles sont un type de contenu unique parce qu’elles sont une condition préalable à l’exercice des droits démocratiques.
  9. À l’instance, plusieurs intervenants et pétitionnaires se sont insurgés contre la décision de Rogers de supprimer les bulletins de nouvelles d’OMNI à la veille d’élections fédérales. OMNI a été pour ces téléspectateurs une source essentielle de nouvelles lors d’une période politique importante au Canada. Unifor est allé jusqu’à soulever des implications constitutionnellesRetour à la référence de la note de bas de page 7 et à citer plusieurs précédents majeurs de la Cour suprême du Canada en matière de liberté d’expression et du rôle particulier des médias dans une société démocratique.
  10. Lors du renouvellement de licence de Rogers de 2014, plusieurs particuliers ont aussi souligné l’importance des bulletins de nouvelles d’OMNI pour les communautés en langues tierces. Plusieurs d’entre eux ont aussi noté qu’ils consommaient surtout les nouvelles au sein du système de radiodiffusion traditionnelle plutôt que sur les plateformes en ligne. Répondant à ces interventions, M. Pelley a déclaré dans la phase de réplique de l’audience que Rogers n’avait aucunement l’intention de supprimer les bulletins de nouvelles à caractère ethnique aux heures de grande écoute.
  11. Étant donné l’importance de la programmation de nouvelles en période d’élections, je crois que la question est suffisamment importante pour justifier une audience accélérée et demander à Rogers pourquoi il a décidé qu’une année électorale était le moment opportun de supprimer les bulletins de nouvelles des stations OMNI. Compte tenu des engagements verbaux pris par Rogers à l’audience de renouvellement de licences en 2014, de ses conditions de licence formelles et, jusqu’en mai 2015, de la forte concentration des dépenses au titre des émissions canadiennes sur la programmation de nouvelles des stations OMNI, les téléspectateurs et les employés d’OMNI méritent que Rogers s’explique publiquement étant donné les torts qu’il a causés avant les élections.
  12. Enfin, il ne suffit pas de dire, comme le font mes collègues dans la décision majoritaire, que la révision de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique prendrait trop de temps et ne règlerait pas les préoccupations exprimées dans les présentes demandes si elle avait lieu maintenant. Cette affirmation passe complètement à côté du fond des demandes et des litiges qui opposent depuis deux ans Rogers et les demandeurs, intervenants et parties concernées.
  13. La politique de radiodiffusion à caractère ethnique du Conseil remonte à 1999. Dans cette politique, le Conseil note que « les stations à caractère ethnique jouent un rôle important dans la desserte des localités » et qu’elles ont réussi :
    1. à accroître la diversité du système canadien de radiodiffusion, en particulier la diversité linguistique;
    2. à aider à la compréhension de la diversité culturelle;
    3. à favoriser la participation pleine et entière de tous à la société canadienne.
  14. La politique de radiodiffusion à caractère ethnique est l’une des plus anciennes politiques pertinentes des années 1990 du Conseil à devoir être revue en profondeur. Cet oubli est d’autant plus étonnant étant donné la pléthore de changements réglementaires et industriels qui ont marqué les vingt dernières années, notamment l’ascension d’Internet en tant que moyen de distribution, la croissance des chaînes payantes et spécialisées, le dégroupement imminent des forfaits par câble et la fragmentation des auditoires et des sources de revenus. Compte tenu de l’évolution démographique du Canada, il est plutôt déconcertant de voir que le Conseil n’a pas choisi de revoir cette politique essentielle au cours des dernières années.
  15. Une approche plus équitable consisterait à revoir maintenant la politique de radiodiffusion à caractère ethnique pour fixer, si nécessaire, de nouvelles obligations (qui seraient alors imposées avec raison à Rogers lors du prochain renouvellement des licences d’OMNI). Il ne manquerait pas de questions à débattre avec les téléspectateurs, les titulaires et autres parties concernées puisque presque vingt ans se sont écoulés depuis sa dernière révision. Une révision de la politique de radiodiffusion à caractère ethnique donnerait l’occasion à Rogers et aux autres radiodiffuseurs à caractère ethnique de discuter des changements à apporter à leur cadre réglementaire en tant qu’industrie.
  16. De plus, il me semble que l’historique des plaintes concernant les stations OMNI reflète moins des manquements de Rogers qu’un urgent besoin de réexaminer et réévaluer les éléments qui constituent des obligations raisonnables de l’atteinte, au XXIe siècle, des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion dans le cas des entreprises de radiodiffusion à caractère ethnique. UARR et Unifor ont exprimé des inquiétudes légitimes sur les activités de ces entreprises et se sont demandé si celles-ci continuaient à répondre aux besoins des citoyens canadiens. Rogers a aussi raison de dire qu’il n’a enfreint ni loi, ni règlement, ni politique, ni condition de licence. Le Conseil se situe au centre de tout cela, et il a obstinément refusé de revoir la politique de radiodiffusion à caractère ethnique pendant la majeure partie des vingt dernières années. Il est temps pour le Conseil de retrouver sa place de chef de file et de s’assurer de concevoir un cadre réglementaire de radiodiffusion qui répond aux besoins de tous les Canadiens.

Conclusion

  1. Bien que le Conseil ait le devoir légal de refuser les demandes, je crois pourtant qu’il aurait pu - et dû - profiter de cette occasion pour lancer une révision complète de sa politique de radiodiffusion à caractère ethnique.
  2. Quand je suis arrivé au Conseil en juillet 2013, je me suis réjoui de voir que son plan triennal contenait une révision complète de sa politique de radiodiffusion à caractère ethnique. Peu après cependant, les ressources ont été réaffectées à l’instance Parlons télé, et cette révision a disparu de l’agenda. Rien n’indique qu’elle y reviendra. Il semble plutôt que le Conseil envisage une révision considérablement réduite et surtout centrée sur les entreprises de radio.
  3. En négligeant de mener une révision exhaustive, le Conseil manque, selon moi, l’occasion d’étudier la micro-question du déclin de la programmation de nouvelles dans le contexte plus vaste du secteur de la radiodiffusion à caractère ethnique. La baisse du financement des émissions de nouvelles est un enjeu qui touche l’ensemble de l’industrie de la radiodiffusion quand il s’agit de services en direct. La suppression des bulletins de nouvelles des entreprises à caractère ethnique est-elle le canari dans la mine de charbon? S’agit-il d’un précurseur à la suppression des bulletins de nouvelles des autres services? Faut-il croire que « l’interfinancement » de la programmation télévisuelle à caractère ethnique par la programmation télévisuelle américaine n’est plus un modèle d’affaires viable?
  4. Je pense qu’il est plus que temps que le Conseil réexamine le cadre réglementaire du secteur canadien de la radiodiffusion à caractère ethnique. Bien qu’il ait procédé ces dix dernières années à de vastes révisions à grande échelle des cadres d’attribution de licences de radiodiffusion, de la programmation locale et de la télévision communautaire, il n’a pas accordé le même traitement à la politique de radiodiffusion à caractère ethnique. En négligeant cette révision exhaustive, le Conseil ne rend pas service aux téléspectateurs, aux employés et aux exploitants des services de radiodiffusion à caractère ethnique.
  5. Une révision exhaustive permet d’étudier une foule d’enjeux industriels importants. De plus, la modernisation des exigences des licences de radiodiffusion à caractère ethnique découlant d’une telle révision pourrait entraîner l’arrivée de nouveaux joueurs dans l’industrie ou inviter des joueurs existants à rendre leurs licences pour permettre à d’autres de répondre aux besoins des communautés en langues tierces. Bref, toute révision de la politique est l’occasion de redynamiser et de rajeunir une industrie et, dans le cas du secteur canadien de la radiodiffusion à caractère ethnique, il est certainement temps de lancer un tel examen.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

L’article 3(1)d) de la Loi stipule que le système canadien de radiodiffusion devrait, entre autres : (ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l’information et de l’analyse concernant le Canada et l’étranger considérés d’un point de vue canadien, [et] (iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l’égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu’y occupent les peuples autochtones. En outre, l’article 3(1)i) de la Loi stipule que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait, entre autres : (i) être variée et aussi large que possible en offrant à l’intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit, [et] (iv) dans la mesure du possible, offrir au public l’occasion de prendre connaissance d’opinions divergentes sur des sujets qui l’intéressent.

Retour à la référence de la note de bas de page 1

Note de bas de page 2

Au cours de chaque semaine de radiodiffusion, la station OMNI d’Edmonton doit diffuser au moins 3,5 heures de programmation locale canadienne, tandis que la station OMNI de Calgary doit en diffuser un minimum de 1,5 heure.

Retour à la référence de la note de bas de page 2

Note de bas de page 3

[1978] 2 RCS 141.

Retour à la référence de la note de bas de page 3

Note de bas de page 4

La mission du Conseil est maintenant énoncée à l’article 5 de la Loi.

Retour à la référence de la note de bas de page 4

Note de bas de page 5

Paragraphe 3(1)d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion.

Retour à la référence de la note de bas de page 5

Note de bas de page 6

Politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique, avis public CRTC 1999-117, 16 juillet 1999

Retour à la référence de la note de bas de page 6

Note de bas de page 7

L’article 27 de la Charte canadienne des droits et des libertés indique ceci : « Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens. »

Retour à la référence de la note de bas de page 7

Date de modification :