Décision de télécom CRTC 2017-167

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Ottawa, le 25 mai 2017

Numéro de dossier : 8662-E17-201700170

Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink – Demande de révision et de modification ou de sursis de l’ordonnance de télécom 2016-448 concernant les tarifs provisoires du service d’accès haute vitesse de gros

Le Conseil rejette la demande d’Eastlink visant à réviser et à modifier certaines conclusions de l’ordonnance de télécom 2016-448. Dans cette ordonnance, le Conseil a rajusté certains éléments de coûts afin d’établir des tarifs provisoires révisés pour le service d’accès haute vitesse de gros parce qu’Eastlink ne respectait pas, sans raison valable, les conclusions antérieures du Conseil ni les principes reconnus d’établissement des coûts de la phase II. Par conséquent, la demande de sursis de l’ordonnance de télécom 2016-448 présentée par Eastlink n’a pas de raison d’être.

Contexte

  1. Le Conseil réglemente les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros groupés qui sont fournis par les grandes entreprises de câblodistribution et de téléphone (collectivement les fournisseurs de services AHV de gros). Les concurrentsNote de bas de page 1 peuvent recourir à ces services pour fournir leurs propres services Internet ou autres services de détail. Les services AHV de gros groupés fournis par les grandes entreprises de câblodistribution sont les services d’accès Internet de tiers (AIT), alors que les services AHV de gros groupés offerts par les grandes entreprises de téléphone (également appelées entreprises de services locaux titulaires [ESLT]) sont des services de ligne d’abonné numérique (LAN)Note de bas de page 2.
  2. Dans l’ordonnance de télécom 2016-201, le Conseil a approuvé provisoirement les tarifs associés aux vitesses du service AIT offert par Bragg Communications Incorporated, qui exerce ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink). L’entreprise avait proposé d’utiliser les tarifs de Shaw Cablesystems G.P. (Shaw), selon le modèle de facturation à tarif fixeNote de bas de page 3, comme substituts pour les vitesses de service équivalentesNote de bas de page 4. Toujours dans l’ordonnance de télécom 2016-201, le Conseil a également déterminé qu’il étudierait les tarifs définitifs des vitesses proposées pour le service AIT une fois qu’Eastlink aurait déposé des études de coûts à l’appui conformément à la décision de télécom 2016-117Note de bas de page 5.
  3. Le 9 septembre 2016, conformément à la décision de télécom 2016-117, le Conseil a reçu d’Eastlink une demande tarifaire (avis de modification tarifaire [AMT] 37) accompagnée d’une étude de coûts à l’appui. Dans sa demande, Eastlink a proposé ce qui suit :
    • de passer du modèle de facturation à tarif fixe au modèle de facturation fondé sur la capacité (FFC)Note de bas de page 6 et de disposer d’au moins 30 jours pour effectuer cette transition;
    • des tarifs pour les tranchesNote de bas de page 7 de vitesses des services AHV de gros groupés non traditionnels;
    • un tarif mensuel établi selon des tranches de capacité de 100 mégabits par seconde (Mbps) et des frais de service connexes.
  1. Dans l’ordonnance de télécom 2016-448, le Conseil a déterminé que les tarifs proposés par Eastlink qui figurent dans l’AMT 37 ne respectaient pas les conclusions tirées par le Conseil dans la décision de télécom 2016-117 ou les principes reconnus d’établissement des coûts de la phase II. Par conséquent, le Conseil a rajusté certains éléments de coûts afin d’établir des tarifs provisoires révisés pour le service AIT d’Eastlink.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande présentée par Eastlink, datée du 17 janvier 2017, dans laquelle l’entreprise réclamait l’un ou l’autre des redressements suivants :
    • une ordonnance modifiant l’ordonnance de télécom 2016-448 et acceptant en entier les tarifs du modèle de FFC proposés dans l’AMT 37, sans rajustement du Conseil, jusqu’à ce que les tarifs définitifs soient déterminés;
    • une ordonnance annulant l’ordonnance de télécom 2016-448 et rétablissant les tarifs provisoires fondés sur le modèle de facturation à tarif fixe que le Conseil a approuvés dans l’ordonnance de télécom 2016-201, jusqu’à ce que le Conseil rende une décision concernant les tarifs définitifs qu’il a déterminés pour le service AIT d’Eastlink.
  1. Eastlink a indiqué qu’il lui fallait déposer la présente demande en raison de l’effet préjudiciable de l’ordonnance de télécom 2016-448 sur l’entreprise au cours des nombreux mois susceptibles de passer avant que les tarifs définitifs ne soient déterminés.
  2. Eastlink a ajouté que sa demande répond aux critères liés à la révision et à la modification puisqu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2016-448, alléguant que le Conseil a commis des erreurs de fait et de droit. L’entreprise a fait valoir que ces erreurs se répercutent sur ses taux tarifés et qu’elles l’empêchent donc de récupérer les coûts qu’elle engage pour fournir le service AIT, ce qui est contraire aux articles 27 et 47 de la Loi sur les télécommunications (Loi).
  3. Le Conseil a reçu des interventions de la part du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC). Ce dernier a demandé au Conseil de suspendre l’examen de la demande d’Eastlink jusqu’à ce que le Conseil prenne une décision définitive concernant les tarifs du service AIT d’Eastlink. Le CORC a indiqué qu’il est prématuré, inéquitable sur le plan procédural et nuisible à la concurrence et qu’il s’agit d’un gaspillage de ressources en matière de réglementation du Conseil et de l’industrie de poursuivre l’examen de la demande avant que la décision définitive concernant les tarifs d’Eastlink ne soit prise.
  4. En réplique, Eastlink a réaffirmé sa position concernant sa demande de révision et de modification et n’a pas tenu compte du point de vue du CORC relativement au report de l’examen de la demande jusqu’à ce que les tarifs définitifs aient été établis. Eastlink a indiqué que l’imposition de tarifs inférieurs aux coûts serait préjudiciable et irréversible en ce qui a trait à l’incidence sur l’expansion des réseaux à large bande.
  5. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 6 mars 2017. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil estime qu’il doit se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit dans ses conclusions énoncées dans l’ordonnance de télécom 2016-448?
    • L’ordonnance de télécom 2016-448 devrait-elle faire l’objet d’un sursis et les tarifs approuvés dans l’ordonnance de télécom 2016-201 devraient-ils être rétablis en attendant la décision définitive du Conseil?

Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit dans ses conclusions énoncées dans l’ordonnance de télécom 2016-448?

Le Conseil s’est-il trompé en concluant qu’Eastlink n’avait pas réalisé son étude de coûts conformément aux méthodes et aux principes reconnus d’établissement des coûts de la phase II figurant dans les manuels d’études économiques réglementaires des grandes entreprises de téléphone et dans des décisions antérieures du Conseil?

Positions des parties
  1. Eastlink a indiqué que le Conseil s’était trompé en concluant que l’entreprise n’avait pas réalisé son étude de coûts conformément aux manuels d’études économiques réglementaires (Manuels) des grandes entreprises de téléphone. Eastlink a soutenu que l’étude de coûts qu’elle avait déposée tenait compte des méthodes et des principes reconnus d’établissement des coûts de la phase II figurant dans les Manuels. Eastlink a désapprouvé les rajustements de coûts effectués par le Conseil dans l’ordonnance de télécom 2016-448 pour les raisons ci-dessous :
    • Facteurs d’utilisation (FU)Note de bas de page 8 :Les FU que l’entreprise a utilisés pour estimer les coûts de ses routeurs et de ses commutateurs étaient fondés sur l’utilisation réelle de son réseau et sont conformes à l’éventail des FU pour les réseaux de câblodistribution indiqués par CableLabsNote de bas de page 9. Il ne convient pas de remplacer les FU proposés par ceux de Bell Canada, car les FU de Bell Canada ne s’appliquent pas aux réseaux de câblodistribution. De plus, Eastlink a précisé qu’elle aurait dû avoir la possibilité de fournir d’autres éléments de preuve pour appuyer sa position à cet égard.
    • Coûts associés à la capacité de canal : Le Conseil a remplacé les coûts associés à la capacité de canal des services Internet d’Eastlink par ceux de ShawNote de bas de page 10 approuvés dans l’ordonnance de télécom 2016-396, qui n’ont pas été validés.
    • Nœuds de fibre optique et coûts connexesNote de bas de page 11 :Le Conseil a réduit les coûts des nouveaux câbles à fibres optiques d’Eastlink qui sont associés aux scissions de nœud en fonction de l’approche utilisée par les autres entreprises de câblodistribution et n’a pas demandé de précisions à Eastlink au sujet de ses coûts proposés.
    • Coûts des installations de transport/transmission : Le Conseil a réduit les coûts de transport d’Eastlink en se basant sur des données de Cogeco Câble inc. (Cogeco), de Shaw et de Vidéotron s.e.n.c. (Vidéotron), dont les tarifs n’ont pas été, eux non plus, fondés sur un examen plus approfondi ou une demande de clarification. Le Conseil n’a pas expliqué pourquoi les tarifs de ces entreprises de câblodistribution correspondaient à une approximation raisonnable des coûts d’Eastlink.
  1. Le CORC a indiqué que, même si les FU dont il est question à l’Annexe V des Manuels peuvent techniquement faire référence à la terminologie des ESLT, il est bien connu au sein de l’industrie que les entreprises de câblodistribution ont des FU pour les éléments de coûts liés au réseau analogique, notamment la segmentation des nœuds, le routeur et le système de terminaison de modem câble (STMC).
  2. Le CORC a fait valoir que la demande tarifaire d’Eastlink i) comprenait des écarts inadéquats relativement à l’établissement des coûts, y compris une mauvaise répartition des coûts associés aux nœuds de fibre et à la capacité de canal; ii) manquait de détails pertinents à l’égard de l’établissement des coûts et iii) comportait des hypothèses sous-jacentes aux modèles sans justification à l’appui.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans l’ordonnance de télécom 2008-237, le Conseil a approuvé les Manuels que les ESLT ont soumis conformément à la décision de télécom 2008-14. De plus, le Conseil a déterminé que la méthode documentée dans les Manuels s’applique aussi à l’établissement des coûts des services AIT offerts par Cogeco, Rogers Communications inc., Shaw et Vidéotron. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a appliqué cette conclusion au service AIT d’Eastlink.
  2. Dans l’ordonnance de télécom 2016-448, le Conseil a rajusté les coûts proposés par Eastlink pour ses services AIT en remplaçant les données pour l’établissement des coûts d’Eastlink qui étaient considérées déraisonnables et non suffisamment appuyées par des éléments de preuve par les données pour l’établissement des coûts des autres entreprises de câblodistribution et/ou ESLT, que le Conseil avait approuvées dans des ordonnances et des décisions antérieures. Le Conseil a rajusté les FU proposés par Eastlink pour les nœuds optiques, le STMC et les routeurs conformément aux conclusions qu’il a tirées dans l’ordonnance de télécom 2016-396 pour les autres entreprises de câblodistribution, qui sont également conformes à l’Annexe V des Manuels.
  3. Si Eastlink avait voulu remplacer les FU approuvés par le Conseil par des valeurs propres aux câblodistributeurs, elle aurait dû déposer des éléments de preuve tel qu’il est expliqué aux paragraphes 46 et 47 de la politique réglementaire de télécom 2009-274.
  4. En ce qui concerne le rapport de CableLabs déposé par Eastlink à l’appui de la demande, il n’a pas pu être examiné dans le cadre de l’instance ayant mené à l’ordonnance de télécom 2016-448 puisqu’il a été déposé auprès du Conseil après la publication de celle-ci. Par contre, le Conseil en tiendra compte pour déterminer les tarifs définitifs du service AIT d’Eastlink.
  5. En ce qui a trait aux coûts associés à la capacité de canal proposés par Eastlink, cette dernière a adopté les mêmes coûts sans égard à la vitesse, ce qui a gonflé les coûts pour les services à basse vitesse. De plus, Eastlink n’a fourni aucune raison pour justifier cette approche, ce qui ne cadre pas avec la méthode utilisée par ShawNote de bas de page 12 et approuvée dans l’ordonnance de télécom 2016-396.
  6. Dans l’ordonnance de télécom 2016-448, le Conseil a également rajusté les coûts des nœuds de fibre et les coûts connexes proposés par Eastlink en réduisant la fréquence de l’installation de fibre optique afin que ces coûts concordent avec ceux ayant été approuvés pour les autres entreprises de câblodistribution dans l’ordonnance de télécom 2016-396. Eastlink aura la possibilité de justifier sa position à cet égard avant que le Conseil n’établisse les tarifs définitifs du service AIT de l’entreprise.
  7. Contrairement à ce qu’Eastlink a affirmé, le Conseil a fourni une justification à l’appui dans l’ordonnance de télécom 2016-448 expliquant en quoi la méthode proposée par Eastlink pour estimer les coûts des installations de transmission n’était pas conforme aux Manuels.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine qu’il ne s’est pas trompé en concluant qu’Eastlink n’avait pas réalisé son étude de coûts conformément aux méthodes et aux principes reconnus d’établissement des coûts de la phase II.

Le Conseil a-t-il enfreint le droit d’Eastlink à l’équité procédurale en ne lui permettant pas de fournir des renseignements supplémentaires afin de clarifier les questions en suspens et en remplaçant les données pour l’établissement des coûts proposées par celles de tiers?

Positions des parties
  1. Eastlink a affirmé que le Conseil avait enfreint le droit de l’entreprise à l’équité procédurale en omettant de prendre en considération ses coûts réels et les renseignements propres à ses zones de desserte et à sa situation géographique ainsi qu’en omettant de lui demander des précisions concernant ces coûts. De plus, Eastlink a fait valoir que le Conseil aurait dû lui donner l’occasion de fournir des explications supplémentaires concernant la raison pour laquelle ses éléments de preuve étaient les meilleurs éléments sur lesquels se fonder provisoirement au lieu de remplacer ses données pour l’établissement des coûts par celles que des tiers utilisent.
  2. Le CORC a indiqué que l’affirmation d’Eastlink concernant l’équité procédurale n’a aucun fondement pour les raisons suivantes :
    • les parties à une instance n’ont pas droit à un nombre illimité d’occasions de fournir des renseignements ou des précisions supplémentaires;
    • le Conseil, dans l’ordonnance de télécom 2016-448, a explicitement pris en compte les données pour l’établissement des coûts soumises par Eastlink et a fourni des raisons détaillées expliquant la justification sous-jacente de tous les rajustements qu’il a effectués;
    • le Conseil a depuis longtemps recours à l’étalonnage – une pratique acceptée – pour rajuster des coûts, comme il l’a fait dans l’ordonnance de télécom 2016-448 afin de compenser les écarts d’Eastlink par rapport aux décisions sur l’établissement des coûts et les renseignements manquants sur les coûts ainsi que dans le but d’établir des tarifs provisoires raisonnables pour le service AIT de l’entreprise.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil est d’avis que les exigences liées à l’équité procédurale sont moins élevées à l’égard des ordonnances provisoires parce qu’un processus plus poussé sera mené lorsqu’il examinera les tarifs définitifs. En outre, en l’espèce, le Conseil n’est pas obligé par la loi de donner à Eastlink l’occasion de présenter des observations relatives aux rajustements de coûts qu’il propose, d’autant plus que ces rajustements étaient raisonnablement prévisibles. Le Conseil n’est donc pas convaincu qu’Eastlink devrait avoir droit à des mesures de redressement pour des motifs d’équité procédurale.

Le Conseil a-t-il omis d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a établi les tarifs provisoires?

Positions des parties
  1. Eastlink a déclaré que, bien que le Conseil bénéficie d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir des tarifs, les principes d’équité et de justice naturelle garantissent que ce pouvoir discrétionnaire soit raisonnablement exercé. L’entreprise a indiqué que le fait de ne pas tenir compte de ses éléments de preuve réels et de remplacer ses coûts par des coûts non validés de tiers, simplement pour disposer d’un tarif moins élevé, représente un exercice non raisonnable du pouvoir discrétionnaire et contrevient à l’exigence figurant à l’article 47 de la Loi selon laquelle le Conseil doit exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 27 de manière à réaliser les objectifs de la politique de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi.
  2. Eastlink a indiqué que, dans les décisions antérieures dans lesquelles le Conseil a appliqué des tarifs provisoires comme valeurs substituts, l’explication de celui-ci relative à son pouvoir d’appliquer des tarifs provisoires semblait être fondée sur le fait que les tarifs substituts avaient antérieurement été évalués et validés au moyen d’un processus préalable.
  3. Eastlink a fait valoir que les tarifs provisoires établis dans l’ordonnance de télécom 2016-448 n’étaient pas fondés sur des tarifs qui avaient auparavant été soumis et validés ou qui avaient été examinés et approuvés selon des éléments de preuve. Il s’agissait plutôt de tarifs provisoires appliqués aux grandes entreprises de câblodistribution.
  4. Le CORC a indiqué que le Conseil avait adopté une approche fondée sur les principes en concluant que les tarifs d’Eastlink n’étaient pas appropriés et a ajouté que le résultat de l’ordonnance de télécom 2016-448 est donc conforme aux articles 47 et 27 de la Loi de manière à appuyer les objectifs de la politique de télécommunication.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Lorsqu’il établit des tarifs provisoires, le Conseil a toujours adopté une approche générale consistant à modifier les données pour l’établissement des coûts à l’aide de coûts substituts dans les cas où il n’a pas en sa possession les données propres à l’entreprise concernée ou que ces données sont jugées déraisonnables, ce qui était le cas d’Eastlink. De plus, l’approche du Conseil d’appliquer des valeurs substituts dans l’ordonnance de télécom 2016-448 était conforme à son approche dans l’ordonnance de télécom 2016-396 pour les autres entreprises de câblodistribution.
  2. Le Conseil a manifestement exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée puisque les rajustements effectués en établissant des tarifs provisoires étaient appuyés par une justification et concernaient des questions qu’Eastlink, tel qu’il est indiqué plus haut, aurait raisonnablement dû savoir qu’elles feraient l’objet d’un examen minutieux. En outre, Eastlink aura pleinement l’occasion de formuler des observations pertinentes avant que les tarifs définitifs ne soient établis.

Le Conseil a-t-il omis de tenir compte des principes du paragraphe 27(2) de la Loi en établissant un tarif qui accorde une préférence déraisonnable aux concurrents et un désavantage indu ou déraisonnable à Eastlink?

Positions des parties
  1. Eastlink a fait valoir que le Conseil a omis de tenir compte des principes du paragraphe 27(2) de la Loi en établissant un tarif qui accorde une préférence déraisonnable aux concurrents et un désavantage indu ou déraisonnable à Eastlink. De plus, l’entreprise a indiqué que la portée de l’ordonnance de télécom 2016-448 est susceptible d’entraver son plan de mise à niveau ou d’expansion de ses services de communication de qualité supérieure pour les Canadiens de certaines collectivités de plus petite taille. Eastlink a ajouté que la réduction des tarifs du service AIT lui nuit puisqu’elle est la seule entreprise devant actuellement offrir des services AHV de gros à des vitesses supérieures dans ses zones de desserte du Canada atlantique.
  2. Le CORC a indiqué que les rajustements effectués par le Conseil ont entraîné des tarifs provisoires appropriés à cette étape-ci de l’instance et que le résultat ne porte pas préjudice à Eastlink ou à toute autre partie intéressée. Il a ajouté que, si les tarifs proposés par Eastlink étaient maintenus, ils restreindraient considérablement ou empêcheraient la concurrence au Canada atlantique. De plus, le CORC a précisé que, bien qu’il soit concevable que les tarifs proposés par Eastlink puissent fournir à celle-ci une souplesse accrue en immobilisations, c’est uniquement parce que les tarifs ne sont pas raisonnables et qu’ils généreraient des profils supérieurs à la normale.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. En général, le Conseil établit les tarifs des services de télécommunication réglementés en fonction des méthodes, des procédures et des principes reconnus d’établissement des coûts, que ces services soient de gros ou de détail. Cette approche est conforme à l’article 27 de la Loi. Tel qu’il a été indiqué plus haut, les rajustements de coûts effectués par le Conseil dans l’ordonnance de télécom 2016-448 étaient fondés sur les méthodes et les principes d’établissement des coûts de la phase II ainsi que les meilleurs renseignements dont le Conseil disposait à ce moment-là. Le Conseil a adopté la même approche lorsqu’il a établi les tarifs provisoires des services AIT des autres entreprises de câblodistribution dans l’ordonnance de télécom 2016-396. Selon le Conseil, cette approche ne favorise ni le fournisseur de services AHV de gros ni ses concurrents.

Le Conseil a-t-il omis de tenir compte des Instructions?

Positions des parties
  1. Eastlink a fait valoir que l’application d’un régime d’accès de gros aux fournisseurs ruraux suscite des risques commerciaux, et qu’en réduisant de manière importante les tarifs des services AIT de l’entreprise, l’ordonnance de télécom 2016-448 n’est pas conforme aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c), 7f), 7g) et 7h) de la Loi et nuit à l’atteinte de ces objectifs. L’entreprise a indiqué que les tarifs réduits entraveront sa capacité d’investir et d’innover tout en accordant une préférence aux concurrents non dotés d’installations, contrairement à ce que prévoient les InstructionsNote de bas de page 13.
  2. Le CORC a fait valoir que les conclusions du Conseil dans l’ordonnance de télécom 2016-448 sont conformes avec les Instructions et les objectifs de la politique de télécommunication. Il a ajouté que les tarifs établis par le Conseil entraîneront dans le cas des fournisseurs dotés d’installations des déploiements, de l’innovation et des services moins chers pour les utilisateurs finals des services AIT autant dans les régions urbaines que rurales.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Selon les Instructions, le Conseil, dans l’exercice des pouvoirs et des fonctions que lui confère la Loi, doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions. Puisque les conclusions formulées dans l’ordonnance de télécom 2016-448 concernent les tarifs établis par le Conseil pour un service tarifé, les sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) ainsi que 1b)(i) et 1b)(ii) des Instructions s’appliquent aux conclusions que le Conseil a tirées dans cette ordonnance.
  2. Conformément aux sous-alinéas 1a)(i) et 1b)(i) des Instructions, les mesures énoncées dans l’ordonnance de télécom 2016-448 maintiennent les objectifs de la politique du régime de services AHV de gros et favorisent leur atteinte, tels qu’ils sont énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c), 7f) et 7g) de la Loi, ce qui comprend la prestation de services de télécommunication abordables, l’accroissement de l’innovation et l’amélioration de la compétitivité des télécommunications canadiennes à l’échelle nationale.
  3. À cet égard, les tarifs provisoires établis pour le service AIT d’Eastlink dans l’ordonnance de télécom 2016-448, tout comme ceux qui ont été établis pour les autres fournisseurs de services AHV de gros dans l’ordonnance de télécom 2016-396, assurent une application symétrique des principes d’établissement des coûts des services AIT pour tous les fournisseurs dotés d’installations en attendant la conclusion d’autres instances devant le Conseil. Ce faisant, ils permettent au régime de services AHV de gros de fonctionner efficacement et proportionnellement au but visé durant la transition et réduisent au maximum toute interférence avec le libre jeu du marché concurrentiel en faisant en sorte que les coûts incorrectement indiqués n’aient pas pour résultat que l’accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement soit qualifié à tort inefficace économiquement, ou vice versa.
  4. Par conséquent, les mesures énoncées dans l’ordonnance de télécom 2016-448 sont efficaces et proportionnelles aux buts visés, ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire, ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement et n’encouragent pas un accès au marché qui est inefficace économiquement, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions.

Conclusion 

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut qu’Eastlink n’a pas réussi à démontrer qu’il existait un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2016-448 et rejette la demande de modification de cette ordonnance présentée par Eastlink.

L’ordonnance de télécom 2016-448 devrait-elle faire l’objet d’un sursis et les tarifs approuvés dans l’ordonnance de télécom 2016-201 devraient-ils être rétablis en attendant la décision définitive du Conseil?

  1. Étant donné la conclusion du Conseil de rejeter la demande de révision et de modification d’Eastlink, la demande de sursis de l’ordonnance de télécom 2016-448 présentée par l’entreprise n’a pas de raison d’être. 

Secrétaire générale

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