Décision de télécom CRTC 2019-343

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Ottawa, le 4 octobre 2019

Dossier public : 8640-B2-201801225

Bell Canada – Demande d’abstention de la réglementation des services d’accès au réseau numérique propre aux concurrents basse vitesse

Le Conseil estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour évaluer si les services d’accès au réseau numérique propre aux concurrents basse vitesse de Bell Canada ne devraient plus être obligatoires. Par conséquent, ils continueront d’être obligatoires, et le Conseil n’envisagera pas une abstention de la réglementation de ces services pour le moment.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada datée du 3 mars 2018, dans laquelle l’entreprise demandait au Conseil de s’abstenir de réglementer ses services d’accès au réseau numérique propre aux concurrents (RNC) basse vitesse. Plus précisément, Bell Canada a demandé au Conseil i) de conclure que ces services ne sont plus essentiels et ii) de s’abstenir de réglementer les services d’accès au RNC basse vitesse qui sont acheminés dans les locaux des utilisateurs finals de services d’affaires de détail et le service de liaison connexe au central du RNC, mais seulement lorsqu’ils sont utilisés conjointement avec des services d’accès au RNC basse vitesse (collectivement les services de RNC). Les services d’accès au RNC basse vitesse utilisés à des fins d’interconnexion avec les points de présence des concurrents ont été exclus de la demande. Bell Canada a également demandé une période d’élimination progressive d’un an, à la fin de laquelle elle serait autorisée à fournir des services de RNC à des taux non tarifés ou à cesser complètement de fournir ces services.
  2. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de Bell Canada de la part d’Allstream Business Inc., une filiale à part entière de Zayo Canada Inc. (Allstream); du Consortium des opérateurs de réseaux canadiens inc. (CORC); de Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) et de TELUS Communications Inc.

Contexte

  1. Les services d’accès au RNC sont des services de données d’affaires de gros qui permettent la transmission numérique de l’information depuis les centraux des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) aux locaux des clients des concurrents. Les services de RNC transmettent l’information à des vitesses de transmission DS-0 (64 kilobits par seconde) et DS-1 (1,544 mégabits par seconde).
  2. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a conclu que la prestation de services d’accès au RNC basse vitesse devrait être obligatoire, compte tenu d’un certain nombre de facteurs liés à l’état des réseaux, aux solutions de rechange en matière de technologies et aux défis auxquels font face les concurrents pour développer leurs réseaux et leurs entreprises.
  3. De plus, le Conseil a fait remarquer dans cette décision que les progrès technologiques et l’évolution de l’industrie pourraient, à l’avenir, offrir une solution de rechange de gros aux services d’accès au RNC basse vitesse des ESLT.
  4. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a examiné divers services filaires de gros ainsi que les politiques connexes. Il a indiqué qu’il baserait sa décision d’obliger la fourniture d’un service de gros réglementé sur deux éléments : i) l’évaluation du caractère essentiel, qui comprend trois critères devant être respectésNote de bas de page 1, et ii) un ensemble de considérations stratégiques qui pourraient mener à la modification ou à l’appui de la décision du Conseil de rendre obligatoire (ou non obligatoire) un service conformément à l’évaluation du caractère essentielNote de bas de page 2.
  5. Le Conseil a déterminé dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 que les services d’accès au RNC basse vitesse devraient continuer d’être obligatoires. Par ailleurs, le Conseil a affirmé que le cadre des services de gros établi dans cette décision demeurerait en place pendant au moins cinq ans, période pendant laquelle le Conseil assurerait un suivi des conditions concurrentielles.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil devrait-il continuer à rendre obligatoires les services de RNC de Bell Canada?
    • Le Conseil devrait-il s’abstenir de réglementer les services de RNC de Bell Canada?

Le Conseil devrait-il continuer à rendre obligatoires les services de RNC de Bell Canada?

Approche relative à l’évaluation du caractère essentiel

  1. Afin d’évaluer si un service doit être rendu obligatoire au moyen de l’évaluation du caractère essentiel, il faut d’abord déterminer les marchés pertinents pour le service de gros dont il est question. Cela permet au Conseil d’examiner l’étendue du pouvoir de marché dont dispose une entreprise. Cette décision nécessite la définition du plus petit groupe de produits ou de services et de la zone géographique (c.-à-d. le marché de produits et le marché géographique) sur lesquels une entreprise pourrait imposer de manière rentable une augmentation de prix importante et durable. Deux aspects du marché de produits sont généralement pris en considération : i) le marché de détail en aval, sur lequel les utilisateurs finals de services de détail obtiennent des produits ou des services auprès de fournisseurs de services et ii) le marché en amont, sur lequel les fournisseurs de services aux concurrents obtiennent des produits ou des services auprès de fournisseurs de services de gros afin de fournir des produits ou services de détail aux utilisateurs finals de services de détail du concurrent. Les marchés de produits et les marchés géographiques peuvent être modifiés de manière à équilibrer le besoin de marchés bien définis et le fardeau administratif imposé par l’examen individuel d’un grand nombre de petits marchés.
  2. À la suite d’une constatation concernant les marchés pertinents, les trois critères de l’évaluation du caractère essentiel sont examinés afin de déterminer s’ils ont tous été respectés :
    • Condition relative à l’intrant – les concurrents ont besoin du service de gros pour fournir des services de télécommunication dans un marché de détail en aval pertinent. Cela comprend la prise en compte du marché en aval du service, des aspects techniques du service, de la demande du service et de la croissance ou du déclin soutenu du marché.
    • Condition relative à la concurrence – une entreprise (ou un groupe d’entreprises exerçant un pouvoir de marché collectif) dispose d’un pouvoir de marché en amont de sorte que le refus ou le retrait de l’accès au service entraînerait probablement une diminution ou un empêchement considérables de la concurrence sur le marché de détail en aval pertinent.
    • Condition relative à la reproductibilité – il n’est ni pratique ni faisable pour les concurrents de reproduire la fonctionnalité d’un service (p. ex. par ses propres moyens ou en recourant à ceux de tiers).
  3. À la suite d’une analyse des trois critères de l’évaluation du caractère essentiel, trois considérations stratégiques peuvent servir à éclairer, soutenir ou infirmer une décision de rendre obligatoire ou non un service de gros :
    • État du bien public – il faut prescrire le service pour des raisons de bien-être social, de bien-être des consommateurs, de sécurité publique ou de commodité pour le public.
    • Interconnexion – le service favoriserait le déploiement efficace de réseaux et faciliterait les arrangements sur l’interconnexion des réseaux.
    • Innovation et investissement – la prescription ou la non-prescription de l’installation ou du service de gros pourrait influer sur le niveau d’innovation et d’investissement dans les réseaux ou services émergents et avancés.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil est d’avis que la demande de Bell Canada présente des lacunes puisque des renseignements importants requis par le Conseil pour appliquer l’évaluation du caractère essentiel n’ont pas été fournis. Il y a également un manque de preuves pertinentes à l’appui. Le Conseil note certains éléments de la demande de Bell Canada ci-dessous qui illustrent les lacunes dans la demande de l’entreprise et dans le dossier de la présente instance. Ces lacunes ont empêché le Conseil d’effectuer une analyse exhaustive et de déterminer de façon définitive si les services de RNC satisfont aux trois critères de l’évaluation du caractère essentiel.

Marchés pertinents – Définition du marché de produits

Positions des parties
Marché en aval
  1. Bell Canada a indiqué que la majorité de ses circuits d’accès au RNC basse vitesse sont utilisés pour fournir des services de données d’affaires aux utilisateurs finals de services de détail de grandes entreprises. Elle a fait valoir que le marché en aval associé aux services de RNC doit être celui des services de données d’affaires de niveau de complexité minimal, telles que les connexions à plusieurs emplacements.
  2. Bell Canada a indiqué que les services de RNC deviennent l’un des nombreux services sur protocole Internet (IP) offerts aux utilisateurs finals en aval pour les raisons suivantes :
    • les services de RNC peuvent être fournis par câble coaxial;
    • les installations de fibre optique ont largement été déployées;
    • les installations utilisant l’émulation à accès multiple par répartition dans le temps (AMRT) sur IP fournissent des services de RNC d’une manière qui est facilement comprise par l’équipement chez l’abonnéNote de bas de page 3;
    • les services Ethernet, qui sont considérés comme le « modèle d’excellence » des solutions de données de détail, peuvent être configurés pour émuler les services de RNC et fournir le même niveau, sinon meilleur, de sécurité, de fiabilité et de vitesses symétriques.
  3. Allstream a précisé qu’il n’existe aucun autre service sur le même marché de produits que les services de RNC pour soutenir le marché en aval des services d’affaires de détail et que les services d’accès numérique basse vitesse sont distincts des services d’accès numérique haute vitesse et ne font donc pas partie du même marché de produits.
Marché en amont
  1. Bell Canada a décrit le marché de produits en amont pour les services de RNC en tant qu’options disponibles pour fournir un chemin d’accès du central d’une ESLT à l’emplacement d’un client d’affaires dans le territoire d’exploitation de l’ESLT.
  2. Bell Canada a noté différents services filaires qui sont équivalents aux services de RNC sur le plan fonctionnel, ce qui a entraîné une migration des clients des services d’affaires de détail vers des services IP à bande passante plus élevée et qui comprennent un plus grand nombre de fonctions. Quelques-unes des solutions de rechange en matière de services filaires mentionnées par Bell Canada sont :
    • l’utilisation par les concurrents de leurs propres réseaux pour fournir des services de données de détail (par leurs propres moyens);
    • les services Ethernet;
    • l’émulation à AMRT;
    • les services d’accès au réseau numérique (ARN) de détail des ESLT.
  3. Le CORC a signalé qu’aucun des produits ou services de rechange dont Bell Canada a discuté n’est une solution de rechange convenable aux services de RNC pour les raisons suivantes :
    • Le fait d’avoir recours à ses propres moyens n’est pas une solution de rechange économique puisqu’aucun concurrent ne peut fournir tous les produits et services sur l’ensemble de son territoire.
    • Les services Ethernet ne constituent pas une solution de rechange viable, car ils ont recours à la fibre optique et offrent un plus grand nombre de fonctions que ce qui est nécessaire, à un coût plus élevé, et ne sont pas indéniablement accessibles.
    • Les services d’accès à haute vitesse ne sont pas équivalents aux services de RNC sur le plan fonctionnel, car il s’agit de services fournis selon le principe du « meilleur effort », ils ne font pas l’objet d’ententes sur les niveaux de service et ils sont plus coûteux.
    • Les tarifs des services d’ARN de détail sont considérablement plus élevés que ceux des services de RNC, ce qui fait des services d’ARN de détail une solution de rechange non rentable aux services de RNC.
  4. Dans son évaluation des solutions de rechange aux services de RNC, Shaw a fait valoir que bien qu’Ethernet soit le modèle d’excellence pour les services de données, sa capacité et sa vitesse ne sont pas requises pour l’accès aux services téléphoniques. Shaw a également indiqué que les services Ethernet ne sont souvent pas disponibles dans les cas où elle loue des services de RNC. Shaw a ajouté que d’autres solutions de rechange mentionnées par Bell Canada ne sont pas disponibles à de nombreux endroits, qu’elles offrent une capacité inutile ou qu’elles ne conviennent pas aux applications de téléphonie d’affaires.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Bell Canada a fourni peu de renseignements sur la façon dont les services de RNC sont utilisés sur le marché des services de gros en ce qui a trait aux produits ou services réellement fournis aux utilisateurs finals. Ces renseignements sont nécessaires pour que le Conseil puisse évaluer le marché de produits, car en l’absence de ces renseignements, seules des conclusions vastes et générales peuvent être tirées, ce qui empêche l’établissement d’une définition plus étroite du marché de produits. De plus, Bell Canada, sans justification adéquate, n’a pas tenu compte des décisions antérieures du Conseil concernant le marché de produits approprié pour ces services. Par exemple, dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a estimé que les services de détail des ESLT ne constituaient pas une solution de rechange économique aux services d’accès au RNC basse vitesse.
  2. Le Conseil estime que, compte tenu des caractéristiques des services de RNCNote de bas de page 4, il ne serait pas approprié d’adopter une définition vaste du marché de produits dans le cadre de son analyse. Par rapport aux services basés sur la fibre optique, sur IP ou sur câble coaxial, les services de RNC offrent moins de fonctions et des vitesses de transmission de données beaucoup plus lentes. Cependant, ces fonctions et ces vitesses limitées, associées à des prix bas, sont tout ce dont certains clients d’affaires ont besoin. En outre, il n’y a pas d’installations de fibre optique et de câbles coaxiaux à certains endroits. Les services de RNC à base de cuivre sont donc la seule option offerte aux concurrents pour répondre aux besoins des clients des services d’affaires dans ces endroits.
  3. En outre, le Conseil est d’avis que Bell Canada n’a fourni aucun argument clair quant à ce que devrait être le marché de produits des services de RNC. Bien que certains services de gros puissent offrir des fonctions similaires, la substituabilité de ces services est limitée par d’importantes différences de prix et une disponibilité omniprésente. Selon le Conseil, les services de RNC à base de cuivre constituent probablement leur propre marché de produits en amont distinct.
  4. Toutefois, le dossier de la présente instance ne contient pas suffisamment d’éléments de preuve pour que le Conseil puisse rendre une décision définitive sur le marché de produits approprié pour les services de RNC.

Marchés pertinents – Définition du marché géographique

Positions des parties
  1. Les parties ont proposé un éventail de marchés géographiques, allant de l’ensemble du territoire d’exploitation de l’ESLT (c.-à-d. le plus grand territoire exploitable) aux circonscriptions en passant par les centres de commutation (c.-à-d. le plus petit territoire exploitable)Note de bas de page 5.
  2. Bell Canada a fait remarquer que le Conseil a déjà examiné le cadre de réglementation des services de RNC en fonction de marchés regroupés afin de trouver un équilibre entre le besoin de marchés bien définis et le fardeau administratif lié à l’examen d’un grand nombre de petits marchés. L’entreprise a donc proposé que le marché géographique pertinent soit son territoire d’exploitation d’ESLT.
  3. Bell Canada a fait valoir que, désormais, les circonscriptions ne constituent plus un concept géographique pertinent pour remplacer les services de RNC éventuels, puisque les services IP permettent l’accès à des clients d’affaires de détail avec peu de limites géographiques, voire aucune.
  4. Allstream a fait valoir que la définition du marché géographique la plus appropriée serait le centre de commutation, ou encore, la circonscription, conformément à l’approche du Conseil en matière de services locaux de détail. Allstream a précisé que les services de RNC sont des services à base de cuivre et sont assujettis aux conditions en vigueur dans chaque centre de commutation. Elle a ajouté que la disponibilité des services de remplacement fournis par ses propres moyens ou en recourant à ceux de tiers peut varier considérablement d’un centre de commutation à l’autre, allant de bonne à limitée, voire à aucune disponibilité.
  5. Le CORC a indiqué que le marché géographique pertinent devrait être défini de façon suffisamment étroite pour tenir compte des différences régionales et qu’il ne devrait pas être plus vaste qu’une région métropolitaine de recensement (RMR)Note de bas de page 6. Le CORC a fait valoir que les concurrents n’ont pas la capacité de passer d’un fournisseur de services de remplacement à un autre puisque les services de RNC peuvent être particuliers au central.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que le territoire d’exploitation de Bell Canada à titre de titulaire comporte une gamme diversifiée de densités de population, de technologies de réseau et d’autres réseaux. L’utilisation du territoire d’exploitation de l’ESLT proposé pour le marché géographique entraînerait la perte d’un niveau de détail qui pourrait être important dans une analyse du Conseil. Par ailleurs, l’adoption du centre de commutation ou de la circonscription comme marché géographique constituerait un fardeau administratif, car il existe des milliers de centres de commutation et de circonscriptions dans le territoire d’exploitation du titulaire Bell Canada.
  2. Le Conseil estime que les RMR offrent un niveau raisonnable de regroupement qui peut être représentatif des centres de population, comportant un fardeau administratif réduit. Toutefois, les limites des RMR suivent les limites municipales, et non la topologie de l’ancien réseau basé sur un AMRT, c’est-à-dire les circonscriptions. Cela pourrait poser des difficultés dans l’analyse des services de RNC puisqu’ils sont fournis en fonction de la circonscription. Lorsqu’une frontière d’une RMR divise une circonscription en deux ou en plusieurs parties, il peut en résulter un traitement réglementaire différent des services dans différentes parties d’une même circonscription. Par conséquent, les RMR ne constitueraient pas un marché géographique approprié.
  3. Le Conseil estime que les régions d’interconnexion locale (RIL) pourraient représenter un équilibre approprié entre les territoires d’exploitation des ESLT et les centres de commutation ou les circonscriptions. Les RIL permettent aux entreprises de services locaux d’avoir un point d’interconnexion (PI) unique pour toutes les circonscriptions à l’intérieur de la frontière d’une RIL. À cet égard, les RIL peuvent assurer un équilibre approprié pour un marché géographique de services basés sur un AMRT tels que les services de RNC.
  4. Toutefois, comme aucun élément de preuve n’a été déposé au dossier de la présente instance en ce qui concerne l’utilisation des RIL, leur utilisation en tant que marché géographique ne peut être évaluée de façon définitive pour le moment.
  5. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il ne dispose pas de suffisamment d’information pour déterminer le marché géographique approprié en ce qui a trait à la demande de Bell Canada.

Évaluation du caractère essentiel

Positions des parties
  1. Bell Canada a fait valoir que les services de RNC ne satisfont pas aux trois critères du caractère essentiel et qu’ils n’ont pas besoin d’être obligatoires en raison de considérations de politique. Bell Canada a indiqué que la demande de services de RNC est faible et qu’elle a diminué au cours des dernières années, soutenant que les services de RNC sont devenus un apport marginal pour les clients de gros parce que les concurrents peuvent utiliser divers autres services pour fournir des services de données au détail. Bell Canada s’attendait à une baisse continue de la demande pour le service de RNC à mesure que les concurrents adopteraient de nouveaux protocoles de données de rechange.
  2. Bell Canada a soutenu qu’il n’est pas possible de déterminer la part de marché du marché des produits en amont et qu’il n’a donc pas été possible de fournir de renseignements sur la part de marché des services de RNC. Bell Canada a fait remarquer qu’en 2016, la part de marché des concurrents sur le marché des données de détail était de 35 %. Bell Canada a fait valoir que, compte tenu de la disponibilité de substituts sur le marché en amont qui offrent des fonctionnalités équivalentes à celles des services de RNC sur le marché en aval, elle ne possédait pas un pouvoir de marché suffisant pour entraver la concurrence. Bell Canada a conclu que si les services de RNC n’étaient plus obligatoires, avec les solutions de rechange dont disposent les concurrents, l’incidence sur l’état de la concurrence dans le marché en aval serait minimale.
  3. Bell Canada a soutenu que, compte tenu de l’ampleur du déploiement de la fibre au cours des dix dernières années par les câblodistributeurs et d’autres entreprises, ce déploiement concurrentiel est tel que les ESLT ne peuvent plus dominer l’approvisionnement en services de RNC par les installations de cuivre. Bell Canada a fait remarquer que, bien qu’il y ait une clientèle installée sur les installations de cuivre, celle-ci diminue rapidement à mesure que les clients de gros migrent vers leurs propres réseaux et que les utilisateurs finals migrent vers des protocoles IP supérieurs comme Ethernet, que le Conseil s’est abstenu de réglementer.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. On a constaté des lacunes fondamentales quant à l’information fournie par Bell Canada pour appuyer l’application appropriée de l’évaluation du caractère essentiel, quels que soient le marché de produits et le marché géographique utilisés.
  2. Par exemple, pour que le Conseil puisse déterminer si les services de RNC satisfont à la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble adéquate des types de services de détail que les concurrents fournissent aux clients d’affaires lorsqu’ils utilisent les services de RNC. Ces informations sont également nécessaires pour que le Conseil puisse déterminer les marchés de détail en aval appropriés desservis par le service de gros en amont. Bell Canada n’a fourni aucune information sur ces services de détail.
  3. En ce qui concerne la condition relative à la concurrence, les informations sur les parts de marché des marchés de détail en aval pertinents constituent un indicateur utile pour l’évaluation de l’environnement concurrentiel. Bell Canada n’a fourni aucune information précise sur sa part du marché des services de RNC.
  4. Pour que le Conseil puisse évaluer correctement la condition relative à la reproductibilité, il faut fournir des éléments de preuve sur l’aspect pratique et la faisabilité des solutions de rechange. Bell Canada a fourni peu ou pas d’éléments de preuve sur l’aspect pratique des solutions de rechange qu’elle a mentionnées.
  5. En raison du manque d’information nécessaire pour effectuer une évaluation appropriée, le Conseil ne peut déterminer de façon définitive si les services de RNC satisfont aux trois critères de l’évaluation du caractère essentiel.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les services de RNC continueront d’être obligatoires pour le moment.

Le Conseil devrait-il s’abstenir de réglementer les services de RNC de Bell Canada?

  1. Étant donné que le Conseil a décidé que les services de RNC demeureront obligatoires, il n’est pas nécessaire qu’il examine la demande d’abstention de Bell Canada.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil rejette la demande de Bell Canada.
  2. Le Conseil note qu’il a l’intention de tenir une instance pour examiner les services filaires de gros. Cette instance pourrait être l’occasion pour le Conseil d’évaluer la compétitivité de divers services filaires de gros, y compris les services de RNC, et des marchés de détail en aval qui leur sont associés, afin de déterminer si la combinaison appropriée de services et de concurrence existe pour soutenir les intérêts des utilisateurs.

Instructions

  1. Les InstructionsNote de bas de page 7 prévoient que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (Loi), le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément à l’alinéa 1a) des Instructions, et il doit préciser en quoi ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation, selon le cas.
  2. Le Conseil estime que, en concluant que la demande de Bell Canada ne contient pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui d’une modification du statut obligatoire des services de RNC à l’heure actuelle, ses conclusions tirées dans la présente décision sont conformes aux Instructions.
  3. En effet, le Conseil estime que le fait de continuer à se fier à la réglementation de ces services contribue à la mise en œuvre des objectifs de la politique de télécommunication et à la promotion de la concurrence, de l’abordabilité, des intérêts des consommateurs et de l’innovation. En maintenant le cadre réglementaire actuel des services de RNC, la présente décision préserve l’impact de ces services sur la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs, l’innovation et sur la mise en œuvre des objectifs de la politique de télécommunication.

Secrétaire général

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