Décision de télécom CRTC 2021-131

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Ottawa, le 16 avril 2021

Dossier public : 8660-Q15-202003614

Vidéotron ltée – Demande concernant l’émission d’ordonnances relatives au traitement par Bell Canada de demandes de permis d’accès à des structures de soutènement et à l’octroi de tels permis

Le Conseil détermine que Bell Canada (Bell) a contrevenu à l’article 24 et aux paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi sur les télécommunications ainsi qu’à son Tarif des services nationaux (Tarif) et au Contrat de licence relatif aux structures de soutènement conclu entre Bell et Vidéotron ltée (Vidéotron) et que, par conséquent, des mesures d’exécution de la loi à l’égard de ces violations pourraient être prises à l’encontre de Bell. Le Conseil a comme avis préliminaire qu’une sanction administrative pécuniaire (SAP) devrait être imposée à Bell afin de décourager toute violation future et promouvoir la conformité avec les exigences réglementaires. Le Conseil amorcera une instance de suivi par l’entremise d’un avis de consultation afin de déterminer si une SAP est appropriée et, dans l’affirmative, le montant de cette SAP.

Le Conseil approuve en partie la demande de redressement de Vidéotron et ordonne à Bell de procéder, à ses frais, aux travaux de préparation requis dans le cadre des demandes de permis d’accès V01-B25-16-041679 (demande numéro 1) et V01-BK1-19-060389 (demande numéro 2) dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision, d’émettre les permis liés aux demandes numéros 1 et 2 dans les 5 jours suivant l’achèvement des travaux de préparation et d’émettre les permis liés aux demandes numéros V01-B15-19-063856 et V01-B25-17-046237 dans les 5 jours suivant la publication de la présente décision.

Le Conseil refuse les autres demandes d’ordonnances de Vidéotron, puisqu’elles soulèvent des enjeux nationaux concernant les structures de soutènement et le cadre réglementaire en régissant l’accès, qui seront abordés en profondeur dans l’instance liée à l’avis de consultation de télécom 2020-366.

Le Conseil vise à assurer que les consommateurs peuvent profiter des avantages d’une saine concurrence entre les fournisseurs et qu’ils ont accès à des services différenciés, abordables et de haute qualité. Par l’entremise de cette décision, le Conseil envoie un message clair aux entreprises canadiennes propriétaires des poteaux de téléphone ou autres structures de soutènement, et il s’attend à ce qu’elles favorisent un accès plus rapide et moins coûteux aux concurrents. En particulier, les recommandations du Conseil visent à assurer le respect du Tarif de Bell et de toute entente conclue entre Bell et Vidéotron, ainsi qu’une plus grande collaboration dans la fourniture de services de télécommunication. Cela permettra de répondre aux besoins de la population canadienne en favorisant la concurrence dans le marché des services de télécommunication ainsi que l’accès à des services d’accès Internet à large bande offrant des vitesses supérieures.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande, datée du 16 juin 2020, de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron), dans laquelle Vidéotron demandait l’émission d’ordonnances relatives au traitement par Bell Canada (Bell) de demandes de permis d’accès à des structures de soutènement et à l’octroi de tels permis conformément à son Tarif des services nationaux (Tarif).
  2. Vidéotron a demandé au Conseil d’intervenir afin que cessent les manœuvres anticoncurrentielles présumées employées par Bell quant à l’accès aux structures de soutènement.
  3. Vidéotron a soumis cinq exemples de demandes de permis d’accès afin d’illustrer les présumées tactiques anticoncurrentielles employées par Bell qui contreviennent selon elle à l’article 24 et aux paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi). Ces tactiques sont : i) délais déraisonnables dans le traitement des demandes de permis; ii) application déraisonnable et discriminatoire des normes de construction; iii) retards dus à la nécessité de procéder à des travaux auxquels Bell aurait déjà dû procéder; et iv) imposition aux demandeurs du coût de remplacement des structures.
  4. Vidéotron a demandé au Conseil d’ordonner à Bell :
    1. de corriger à ses frais, et dans les 30 jours suivant la publication d’une décision, les anomalies affectant les structures aériennes de soutènement visées par les demandes de permis d’accès V01-B25-16-041679 (demande numéro 1), V01-BK1-19-060389 (demande numéro 2) et V01-BK7-17-042816 (demande numéro 3) déposées par Vidéotron;
    2. d’octroyer à Vidéotron, dans les cinq jours suivant la correction des anomalies, les permis demandés dans le cadre des demandes numéros 1, 2 et 3, lorsque les corrections sous le paragraphe 4a) sont effectuées;
    3. d’octroyer, dans les cinq jours suivant la publication d’une décision, les permis demandés par Vidéotron dans le cadre des demandes de permis d’accès V01-B15-19-063856 (demande numéro 4) et V01-B25-17-046237 (demande numéro 5).
  5. Vidéotron a aussi demandé au Conseil de prononcer les ordonnances suivantes :
    • En adoptant les tactiques anticoncurrentielles décrites dans la présente demande, Bell agit en contravention au Tarif, au Contrat de licence relatif aux structures de soutènement (CLRSS) conclu entre Bell et Vidéotron et à l’article 24 et aux paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi;
    • Pour toute demande future d’utilisation déposée en conformité avec le Tarif, Bell ne peut plus exiger de la partie qui la présente qu’elle accepte au préalable de payer les coûts de remplacement d’une structure de soutènement pour laquelle elle paie déjà un tarif de location;
    • Bell doit cesser de causer des délais déraisonnables dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, notamment lorsque Vidéotron demande à Bell de lui accorder l’accès à une structure de soutènement qui est affectée d’anomalies la rendant non conforme aux normes de construction;
    • Bell doit cesser d’appliquer de façon déraisonnable et discriminatoire les normes de construction;
    • Bell doit cesser de retarder l’accès à ses structures de soutènement en invoquant comme motif la nécessité de procéder à des travaux préparatoires qui auraient déjà dû être effectués par Bell.
  6. Le Conseil a reçu des interventions de la Canadian Communication Systems Alliance, de la Community Fibre Company, de l’Independent Telecommunications Providers Association et de Rogers Communications Canada Inc.

Contexte réglementaire

  1. Dans la décision de télécom 95-13, le Conseil a conclu que l’accès aux structures de soutènement des compagnies de téléphone constitue un service de télécommunication au sens de la Loi, et est donc régi par ses dispositions.
  2. Ainsi, en vertu de l’article 24 et du paragraphe 25(1) de la Loi, l’accès aux structures de soutènement doit être fourni conformément aux modalités établies et à la tarification approuvée par le Conseil. Le Conseil a approuvé les tarifs nationaux relatifs à l’accès aux structures de soutènement des compagnies de téléphone ainsi que le modèle de CLRSSNote de bas de page 1.
  3. Le paragraphe 27(2) de la Loi interdit également à Bell d’établir une discrimination injuste, de s’accorder une préférence indue ou déraisonnable ou de faire subir un désavantage de même nature.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Est-ce que certaines des demandes d’ordonnances de Vidéotron devraient être rejetées puisqu’elles soulèvent des enjeux d’ordre plus général qui sont davantage du ressort de l’instance liée à l’avis de consultation de télécom 2020-366?
    • Est-ce que Bell agit en contravention au Tarif et au CLRSS, de même qu’à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi, particulièrement dans le cadre des quatre accusations énoncées au paragraphe 3 de la présente décision?
    • Est-ce que Bell s’est accordé une préférence en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi? Si oui, la préférence que Bell s’est accordée est-elle indue?
    • Est-ce que le Conseil devrait entreprendre des mesures d’exécution de la loi auprès de Bell pour violation de l’article 24 et des paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi?

Est-ce que certaines des demandes d’ordonnances de Vidéotron devraient être rejetées puisqu’elles soulèvent des enjeux d’ordre plus général qui sont davantage du ressort de l’instance liée à l’avis de consultation de télécom 2020-366?

Positions des parties

Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu que la mauvaise gestion des travaux de correction exigés par Bell afin d’accepter certaines demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement est systémique et que les exemples soulignés par Vidéotron ne sont pas des cas isolés, tel qu’en témoigne l’ensemble des interventions à l’appui de sa demande.
  2. Vidéotron a dénoncé l’existence d’un système à deux vitesses, soit un système lourd et lent imposé aux titulairesNote de bas de page 2, et un système expéditif réservé aux équipes de déploiement de l’équipement fibre optique jusqu’au domicile (FTTH) de Bell.
  3. Vidéotron a indiqué que les pratiques anticoncurrentielles de Bell avaient un effet préjudiciable non seulement pour les acteurs de l’industrie, mais également pour les consommateurs.
Intervenants
  1. L’ensemble des interventions ont appuyé les revendications de Vidéotron et les parties ont confirmé, par des exemples, leurs propres conclusions face aux délais et aux agissements, décrits comme déraisonnables, lents et anticoncurrentiels, de Bell lors de demandes d’accès à ses structures de soutènement.
Bell
  1. Bell a plutôt avancé que les exemples cités par Vidéotron étaient des exceptions à la règle ne permettant pas de conclure qu’il y a une quelconque contravention au Tarif ou à la réglementation concernée ni un problème systémique.
  2. Bell a fourni une liste d’explications détaillées pour chacune des demandes de permis d’accès de Vidéotron, soulevant plusieurs motifs qu’elle juge raisonnables pour les retards et les refus.
  3. Bell a soulevé les difficultés inhérentes à la gestion du système complexe qu’est son réseau de structures de soutènement. Elle a mentionné certaines initiatives d’amélioration des procédures donnant accès à son réseau aux différents fournisseurs de services de télécommunication. Bell a également souligné son implication dans la table de coordination lancée par le gouvernement du Québec sur l’accès aux structures de soutènement dans la province et a mentionné certaines mesures devant être mises en place rapidement.
  4. Bell a précisé que seulement 7 % des demandes de Vidéotron ont été refusées, du moins temporairement, pour quelque raison que ce soit, y compris la nécessité de travaux préparatoires, et que seulement 5 % de l’ensemble des poteaux et torons ont nécessité des travaux préparatoires. Bell a indiqué que ces pourcentages sont comparables à ceux d’autres titulaires et aussi comparables au taux de refus des demandes de Bell auprès d’autres propriétaires de structures de soutènement ailleurs au Canada.
Réplique de Vidéotron
  1. Contrairement aux chiffres présentés par Bell, Vidéotron a soutenu que 26 % de ses demandes de permis ont été refusées, du moins temporairement, pour quelque raison que ce soit, tandis que seulement 3 % de l’ensemble des poteaux et torons ont en fin de compte nécessité des travaux préparatoires.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil fait remarquer que l’avis de consultation de télécom 2019-406 contient un volet précis concernant l’accès efficace aux structures de soutènement. De plus, le 30 octobre 2020, le Conseil a lancé l’avis de consultation de télécom 2020-366, qui porte exclusivement sur les recommandations et solutions réglementaires possibles visant à améliorer l’efficacité de l’accès aux poteaux appartenant à des entreprises canadiennes.
  2. Le Conseil détermine donc que les ordonnances demandées par Vidéotron et citées au paragraphe 5 de la présente décision portant sur les coûts de remplacement des structures, le traitement des demandes de permis d’accès, l’application des normes de construction et le traitement des travaux préparatoires par Bell, soient traitées, de façon générale, dans le cadre de l’instance liée à l’avis de consultation de télécom 2020-366, puisque cette instance traitera de façon plus approfondie des lacunes réglementaires et des recommandations visant à améliorer l’accès aux poteaux.

Est-ce que Bell agit en contravention au Tarif et au CLRSS, de même qu’à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi, particulièrement dans le cadre des quatre accusations énoncées au paragraphe 3 de la présente décision?

Permis V01-B25-16-041679 (demande numéro 1)

Positions des parties
Vidéotron
  1. En ce qui concerne les prétendus délais déraisonnables par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Vidéotron a soutenu qu’à la suite d’une visite sur les lieux, Bell l’a informée qu’elle refusait d’octroyer le permis demandé en ce qui concerne certains poteaux de la demande numéro 1. Vidéotron a indiqué que Bell a justifié son refus en raison d’une anomalie, malgré le fait que cette anomalie n’émanait pas des installations de Vidéotron, mais plutôt du toron d’une autre locataire, Cogeco Communications inc. (Cogeco).
  2. Vidéotron a indiqué que Bell lui a fait savoir qu’elle devait attendre que Bell aborde la situation avec Cogeco et que la situation ait été corrigée avant de s’installer. Vidéotron a donc formulé une demande de priorisation de ces travaux correctifs. Vidéotron a fait valoir que Bell a refusé cette demande, et ce, malgré l’entente conclue entre les parties lors d’une téléconférence au cours de laquelle Bell avait confirmé prendre en charge la demande de priorisation de Vidéotron.
  3. Vidéotron a également indiqué que Bell lui a annoncé que le processus de vérification sur le terrain de cette demande devait être recommencé puisque le délai écoulé depuis la demande initiale était maintenant considéré comme excessif.
  4. En ce qui concerne la prétendue application déraisonnable et discriminatoire des normes de construction par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Vidéotron a soutenu que lors d’une visite de certains poteaux mentionnés dans la demande numéro 1, les 3 et 23 septembre 2019, elle avait constaté que Bell avait effectué des travaux sur les poteaux en question, auxquels Vidéotron s’était vue refuser l’accès, y compris des travaux d’installation d’un câble de fibre optique. 
  5. Sur la base de photos qu’elle a fournies, Vidéotron a fait valoir que les travaux effectués par Bell sur certains des poteaux mentionnés dans la demande numéro 1 visaient à installer de l’équipement FTTH.
  6. Vidéotron a fait remarquer que certains des poteaux mentionnés dans la demande numéro 1 étaient affectés d’anomalies qui auraient dû être corrigées par Bell avant toute intervention, conformément aux normes de construction. Vidéotron a également souligné que Bell aurait dû corriger ces anomalies avant d’installer son équipement FTTH sur ces poteaux, et que Bell contrevenait donc aux normes de construction qui devraient être respectées autant par elle que par Vidéotron.
  7. Vidéotron a donc affirmé que Bell lui imposait le respect de normes qu’elle-même ne respectait pas, en contravention de la clause 2.8 du CLRSS.
Bell
  1. En ce qui concerne les prétendus délais déraisonnables par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Bell a soutenu qu’elle a refusé la demande numéro 1 pour des raisons de non-conformité des installations existantes sur la structure, étant donné que ces installations non conformes doivent être corrigées avant l’octroi du permis d’accès et de toute autre installation effectuée par un titulaire sur la structure.
  2. Bell a avancé qu’elle n’a pas pu octroyer le permis en raison de l’obligation de consulter Cogeco pour que cette dernière effectue les travaux sur ses propres installations. Bell s’est déclarée être dans une impasse, car Cogeco refuse de collaborer. Bell a soutenu qu’elle ne pouvait pas procéder à des travaux d’ingénierie sur le réseau d’un tiers sans risquer la déconnexion des clients du tiers puisque de tels travaux touchent les câbles et les équipements du tiers et ont une incidence sur la façon dont le tiers dessert ses abonnés.
  3. Bell a soutenu que normalement, face à un refus d’un titulaire, elle peut se prévaloir de la clause 2.7 du CLRSS afin d’effectuer les travaux requis. Bell a cependant précisé que dans le cas de la demande numéro 1, il n’est pas possible d’installer un hauban directement sur le poteau concerné parce que l’ancrage se trouverait au milieu d’une entrée.
  4. Bell a indiqué qu’à la suite du dépôt de la demande en vertu de la partie 1 de Vidéotron et étant donné le refus de Cogeco de collaborer, elle a décidé de prendre en charge le problème afin de dénouer l’impasse et, dans la mesure du possible, trouver une solution.
  5. En ce qui concerne la prétendue application déraisonnable et discriminatoire des normes de construction par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Bell a fait valoir que dans le cadre de ses propres projets de déploiement du réseau FTTH, ses équipes de déploiement de fibre sont tenues de respecter les mêmes normes de construction que celles qui s’appliquent aux titulaires de licences.
  6. Bell a fait remarquer que des cas de non-conformité ont été constatés, tel que l’exemple mentionné par Vidéotron dans le cadre de la demande numéro 1. Bell a précisé qu’elle est de loin l’entreprise qui déploie le plus de fibre au CanadaNote de bas de page 3, et compte tenu du volume d’installations qu’elle effectue, il est pratiquement impossible d’éviter que certaines erreurs ne se produisent.
  7. Bell a indiqué qu’elle a fait le tour des équipes et des sociétés d’ingénierie concernées pour rappeler la nécessité de respecter les normes de construction. Bell a également indiqué qu’elle a mis en place un examen pour déterminer si les équipes de déploiement de fibre ont été déployées ou non sur un site avant la demande d’accès d’un titulaire de licence afin de détecter de manière proactive les cas de non-conformité de ses équipes de déploiement de fibre. Bell a ajouté que ses équipes de soutien sont sur le point d’offrir une nouvelle formation portant sur la détection des anomalies du réseau extérieur à toutes les équipes concernées pour renforcer cette obligation.
Réplique de Vidéotron
  1. En ce qui concerne les prétendus délais déraisonnables par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Vidéotron a soutenu que les cas de non-conformité qui affectent la demande numéro 1 remontent au permis accordé par Bell à un tiers entre 2011 et 2012 sur son propre toron.
  2. Vidéotron a indiqué que ses analyses internes ont déterminé qu’une dérogation n’était pas possible dans le cadre de la demande numéro 1 et qu’elle avait effectué une demande de priorisation qui avait été refusée par Bell.
  3. Vidéotron a fait valoir que ce n’est qu’après le dépôt de sa demande que Bell a décidé de prendre en charge le problème, malgré le fait que ces mesures arrivent trois ans et demi après le dépôt de la demande numéro 1 et deux ans après le refus de Cogeco de procéder aux travaux.
  4. En ce qui concerne la prétendue application déraisonnable et discriminatoire des normes de construction par Bell dans le traitement des demandes de permis d’accès à ses structures de soutènement, Vidéotron a soutenu que Bell n’a pas nié dans sa réponse avoir installé à l’été et à l’automne 2019 de l’équipement FTTH sur les poteaux visés par la demande numéro 1, ce qui va à l’encontre des normes de construction, lesquelles sont imposées par Bell.
  5. Vidéotron a fait remarquer que les travaux d’installation de l’équipement FTTH de Bell ont été effectués en dépit du risque pour la sécurité allégué par Bell pour refuser à Vidéotron l’accès aux structures. Vidéotron a soutenu que pendant qu’elle se voyait refuser l’accès, Bell étendait son propre réseau à l’encontre de ses propres normes de construction.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil souligne que le délai actuel pour la demande numéro 1 est supérieur à trois ans après le dépôt de la demande et à deux ans après le refus de Cogeco de procéder aux travaux. Le Conseil fait remarquer que lorsqu’une tierce partie (titulaire) refuse ou néglige de procéder à des travaux pour rectifier une non-conformité de ses installations rendant la structure convoitée par la demande de permis de Vidéotron inaccessible, la clause 2.7 du CLRSS permet à Bell de procéder elle-même aux travaux et d’en facturer les frais au titulaire.
  2. L’ensemble des délais prescrits pour les avis aux titulairesNote de bas de page 4, les demandes de permisNote de bas de page 5 et les travaux par les titulairesNote de bas de page 6 dressent un portrait général de ce qui serait un délai raisonnable pour effectuer les travaux requis lors du refus d’un titulaire de procéder aux travaux.
  3. Bien que le libellé de la clause 2.7 ne donne pas à Bell l’obligation de procéder aux travaux en cas de refus d’un titulaire de procéder, le Conseil estime que Bell, en tant que propriétaire des structures, ne s’étant pas prévalue de cette clause, et ce, même après un délai beaucoup plus long que les délais prescrits pour les obligations d’un titulaire de procéder à des travaux semblables, retarde et entrave l’accès légitime et réglementaire de Vidéotron à ses structures de soutènement.
  4. Le Conseil fait également remarquer que selon la preuve, notamment des photos fournies par Vidéotron, Bell a déployé son propre réseau FTTH sur ses structures sans corriger les anomalies, en même temps qu’elle a refusé la demande de Vidéotron. Par conséquent, les faits relatifs à la demande numéro 1 démontrent que Bell impose à Vidéotron le respect des normes de construction que Bell elle-même ne respecte pas, contrevenant à la clause 2.8 du CLRSSNote de bas de page 7.

Permis V01-BK1-19-060389, ligne 9 (demande numéro 2)

Positions des parties
Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu que la demande numéro 2 illustre une autre tactique prétendument déloyale employée par Bell à son encontre, soit retarder l’accès demandé en invoquant comme motif la nécessité de procéder à des travaux préparatoires qui auraient déjà dû être effectués.
  2. Vidéotron a indiqué que Bell a refusé d’octroyer le permis demandé, alléguant que des travaux étaient en cours à cet emplacement et que Vidéotron ne pouvait procéder à l’installation demandée tant que ces travaux n’étaient pas exécutés.
  3. Vidéotron a affirmé que ces travaux auraient dû être effectués il y a plusieurs années par Bell puisque, dans le cadre d’une demande de permis antérieure visant les mêmes travaux, Vidéotron avait payé 1 211 $ pour procéder à des travaux préparatoires pour lesquels Bell avait par la suite octroyé le permis demandé par Vidéotron. Vidéotron a précisé que selon les photos qu’elle a soumises dans le cadre de cette demande, il appert que ces travaux, pour lesquels Vidéotron a pourtant payé, n’ont pas été effectués par Bell.
  4. Vidéotron a fait valoir que près d’un an après le dépôt de la demande numéro 2, elle n’a toujours pas accès à cette structure de soutènement, malgré le fait qu’elle ait payé pour des travaux qui n’ont jamais été effectués.
Bell
  1. Bell indique dans sa réponse que la demande numéro 2 a été refusée en raison de cas de non-conformité affectant les haubans de Bell et d’Hydro-Québec, et confirme que ces travaux auraient dû être effectués il y a plusieurs années, mais qu’il s’agit vraisemblablement d’une erreur d’un sous-traitant. De plus, Bell a soutenu que Vidéotron aurait pu déposer une demande de dérogation, mais ne l’a pas fait et ne s’est donc pas prévalue de cette possibilité qui lui aurait permis de procéder à ses travaux sans délai.
Réplique de Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu dans sa réplique que Bell aurait dû savoir que les travaux n’avaient pas été faits plusieurs années auparavant et aurait dû être proactive dans ses suivis de permis et de travaux sur son propre réseau. Vidéotron a précisé que le calcul d’ingénierie interne effectué par Vidéotron, selon les critères imposés par Bell, a plutôt déterminé qu’une dérogation n’était pas possible.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que la non-conformité avait été identifiée il y a plusieurs années et aurait dû être corrigée par Bell puisque Vidéotron avait même dû en supporter les coûts. Dans sa réponse, Bell a convenu qu’il s’agissait d’un manquement de la part d’un de ses sous-traitants. Le Conseil estime qu’il incombait à Bell de faire un suivi adéquat de la demande de permis et des réparations et de l’entretien de son réseau, ainsi que de procéder à son inspection.

Permis DUSS V01-BK7-17-042816 (demande numéro 3)

Positions des parties
Vidéotron
  1. Vidéotron a fait valoir qu’elle est fréquemment retardée dans ses déploiements parce que Bell a omis de procéder à des travaux correctifs visant des anomalies qu’elle aurait dû détecter lors d’inspections proactives ou, à tout le moins, avant l’installation de ses équipements sur les structures de soutènement.
  2. Vidéotron a soumis que Bell a refusé la demande numéro 3, faisant valoir que le poteau n’était pas conforme à une norme de l’Association canadienne de normalisation et que cette anomalie devait être corrigée par Hydro-Québec, puisqu’il s’agissait d’une ligne existante d’Hydro-Québec. Vidéotron a soutenu que la responsabilité de corriger l’anomalie affectant ce poteau revenait à Bell, car elle en est la propriétaire. Vidéotron a également soutenu que malgré cette non-conformité, Bell a effectué elle-même ses propres installations sur le poteau en question et a permis à un tiers d’en faire autant, démontrant ainsi l’aspect arbitraire de l’application des normes de construction par Bell.
Bell
  1. Bell a indiqué que la demande avait dû être refusée parce que le poteau n’était pas conforme au réseau électrique d’Hydro-Québec et que le réseau électrique n’était pas attaché au poteau faisant l’objet de la demande numéro 3, mais bien à une autre structure de soutènement située à proximité. Cette proximité était la cause du refus. Bell a précisé que pour des raisons de sécurité, il n’est pas permis de procéder à des travaux sous une ligne électrique non conforme et le dossier fut donc transmis à Hydro-Québec afin qu’elle apporte les correctifs requis.
  2. Bell a soutenu qu’elle n’a pas accordé de permis d’installation à une tierce partie, et que les travaux effectués par un autre titulaire sur sa structure en 2016 étaient des réparations et ne lui avaient pas été divulgués. Quant aux travaux effectués par Bell, elle a indiqué qu’il s’agissait de travaux préparatoires sans frais pour Vidéotron, qui ont conduit à l’octroi du permis pour la demande numéro 3, en date du 26 mai 2020.
Réplique de Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu que cette demande, qui fut retardée par Bell pendant près d’un an et demi, démontre les pratiques de Bell. Vidéotron fait valoir que les travaux préparatoires, sous la seule responsabilité de Bell, auraient dû être terminés en août 2011.
  2. Vidéotron a fait valoir que Bell ne réfute pas avoir effectué des travaux sur ce poteau à une date indéterminée avant août 2011, et ce, malgré la non-conformité qui, selon Bell, représente des risques réels pour la sécurité. Vidéotron a également indiqué que les affirmations de Bell concernant les réparations sans permis d’un tiers sont fausses, car les travaux effectués représentent l’ajout d’un câble, ce qui nécessite un permis.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que la demande numéro 3 de Vidéotron est sans objet puisque Bell a déjà procédé aux travaux préparatoires sans frais pour Vidéotron, et qu’elle a livré le permis en date du 26 mai 2020. Le Conseil estime toutefois que les délais rencontrés par Vidéotron lors de la gestion de la demande numéro 3 par Bell illustrent bien l’ampleur du problème d’accès aux structures de soutènement de Bell.

Permis V01-B15-19-063856 (demande numéro 4)

Positions des parties
Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu que la demande numéro 4 illustre l’application déraisonnable et discriminatoire par Bell de ses normes de construction. Vidéotron a fait valoir que Bell a injustement refusé sa demande de permis numéro 4 et a exigé des calculs de charge pour l’un des deux poteaux concernés par la demande, et ce, malgré le fait que celle-ci ne porte pas sur le toron concerné. Vidéotron a précisé que la demande porte sur un autre toron attaché au poteau.
  2. Vidéotron a fait valoir qu’en raison des impératifs commerciaux nécessitant l’obtention du permis recherché, elle a fourni le calcul des charges erronément demandé par Bell et payé les travaux de réaménagement d’attache de Bell sur la portée qui n’est pourtant pas concernée par la demande numéro 4.
Bell
  1. Bell a soutenu que la demande numéro 4 a été refusée en raison de deux anomalies comportant des dangers. Bell a également soutenu que dans une situation comme celle-ci, le titulaire peut fournir un calcul de charge et, si le calcul de charge le permet, les travaux correctifs peuvent être effectués par le titulaire.
  2. Bell a fait valoir que Vidéotron aurait pu faire preuve de diligence raisonnable puisque les deux entreprises ont des appels tous les deux mois pour discuter de différents sujets et dossiers particuliers, et que Vidéotron aurait pu soulever ce dossier, ce qu’elle n’a pas fait.
  3. Bell a confirmé que les travaux de remplacement ont commencé et que le projet est maintenant sous la responsabilité d’Hydro-Québec, qui doit procéder au transfert de son hauban. Bell a précisé qu’il est possible pour un titulaire d’effectuer une demande de priorisation des travaux directement auprès d’Hydro-Québec en lui donnant le numéro de référence de la demande de coût des travaux associé à un projet.
Réplique de Vidéotron
  1. Vidéotron a souligné que la réponse de Bell ignorait le Communiqué 07-06 – Norme commune pour la conception, l’installation et la vérification des structures aériennes, révision 2Note de bas de page 8, présenté pour appuyer la demande, lequel prévoit que le titulaire n’a pas à fournir un calcul de charge dans de telles situations.
  2. Vidéotron a également souligné qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable dans sa gestion de la demande numéro 4 lorsque le dossier a été transmis au niveau supérieur conformément aux procédures usuelles et a été abordé lors d’une téléconférence entre les entreprises.
  3. Vidéotron a fait valoir que les anomalies affectant la demande numéro 4 auraient dû être corrigées lors de l’installation d’un câble FTTH par Bell et que la négligence de Bell d’appliquer ses propres normes de construction est à l’origine du problème et des délais auxquels est présentement confrontée Vidéotron.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que Bell, par son traitement de la demande et la gestion des travaux préparatoires, a entraîné un délai déraisonnable dans l’accès à l’une de ses structures de soutènement, ce qui est en violation de l’article 901.3(h) du Tarif. En effet, il ressort de la preuve fournie par Vidéotron que Bell, lors de sa propre installation d’équipement FTTH en 2014, aurait normalement dû corriger les anomalies identifiées dans la demande numéro 4 de Vidéotron, puisque la situation existait déjà à cette époque.

Permis DUSS V01-B25-17-046237 (demande numéro 5)

Positions des parties
Vidéotron
  1. Vidéotron a soutenu que la demande numéro 5 illustre une autre tactique prétendument anticoncurrentielle employée par Bell à l’encontre d’elle, soit à profiter d’une demande de permis pour faire assumer par le titulaire le coût total de remplacement d’une structure désuète ou détériorée, et ce, peu importe si ce titulaire paie déjà à Bell un tarif de location pour accéder à la structure en question.
  2. Vidéotron a indiqué qu’elle paie depuis de nombreuses années un tarif de location à Bell pour les deux poteaux visés par la demande numéro 5. Vidéotron a fait valoir que Bell a accepté cette demande à condition que Vidéotron assume les coûts de remplacement des deux poteaux (11 294 $), estimés détériorés ou endommagés par Bell.
  3. Vidéotron a soutenu que Bell a agi de façon abusive en l’obligeant à assumer les coûts de réparation des deux poteaux qu’elle avait elle-même négligé d’entretenir, alors que Vidéotron payait un tarif de location, et donc d’entretien, sur ces poteaux depuis plusieurs années.
Bell
  1. Bell a fait remarquer que la demande de Vidéotron a été refusée parce que les deux poteaux dont il est question présentent des anomalies. Bell a également fait remarquer que le tarif de location de poteau mentionné par Vidéotron ne s’élève qu’à 12,48 $ par année, ce qui ne couvre en aucun cas les frais d’entretien de Bell. De plus, Bell a précisé que les normes de construction applicables exigent que tous les éléments de la structure soient conformes aux normes de construction au moment où les travaux sont effectués sur la structure. Ainsi, tout aspect non conforme doit être corrigé aux frais du titulaire.
  2. Enfin, Bell a soutenu que toutes les entreprises, y compris elle-même, sont soumises aux mêmes normes de construction et aux mêmes coûts afférents à titre de préparation, d’installation, de réparation et de remplacement des structures lorsqu’elles demandent des installations. En ce qui concerne les délais auxquels fait face Vidéotron dans le cadre de cette demande précise, Bell a souligné que les travaux préparatoires relèvent de la responsabilité d’Hydro-Québec et non de Bell, de sorte que Vidéotron peut faire une demande de priorisation auprès d’Hydro-Québec.
Réplique de Vidéotron
  1. Vidéotron a souligné les lacunes de Bell quant à l’entretien de son propre réseau et a rappelé que l’entretien de l’équipement de télécommunication s’effectue lors de l’installation des câbles et que c’est le titulaire demandeur qui paie également pour l’émondage. Quant aux frais de location, Vidéotron a indiqué qu’il serait déraisonnable que ceux-ci couvrent l’ensemble des frais d’entretien puisque Bell et parfois d’autres titulaires utilisent également ces structures.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que le coût des travaux préparatoires requis par Bell dans ce cas semble déraisonnable et incompatible avec le libellé utilisé dans le Tarif étant donné qu’il s’agit du coût total du remplacement de structures désuètes, comme décrit dans la demande numéro 5.

Conclusion

  1. En ce qui a trait aux normes de construction, le Conseil est d’avis que l’ensemble du dossier contient suffisamment de détails et d’explications démontrant que, bien qu’ayant identifié des cas de non-conformité affectant ses structures et ayant conduit au refus des demandes de permis 1 et 4 de Vidéotron, Bell a néanmoins procédé à l’installation de ses propres équipements sur les lignes ou structures pendant la même période où l’accès a été refusé à Vidéotron. Le Conseil estime que par ces agissements, et en tenant compte des délais imposés à sa concurrente Vidéotron, Bell a appliqué ses normes de construction de manière à empêcher de façon déraisonnable l’accès à ses structures à un titulaire, en violation de l’article 901.3(h) du Tarif, et par conséquent à l’article 24 et au paragraphe 25(1) de la Loi.
  2. De plus, le Conseil est d’avis que Bell ne peut se prévaloir d’arguments portant sur la complexité de son propre système de gestion de réseau pour expliquer les délais et les refus des demandes d’accès de Vidéotron, et profiter elle-même d’un accès plus efficace et rapide pour son déploiement FTTH sur les mêmes structures de soutènement. Le Conseil est également d’avis que son intervention, telle que demandée par Vidéotron, est nécessaire et conforme aux orientations stratégiques de politique du gouvernement du Canada (p. ex. les sous-alinéas 1a)(i), 1a)(iii), 1a)(iv), 1a)(v) et 1a)(vi) des Instructions de 2019Note de bas de page 9) visant l’intérêt des consommateurs, le libre jeu du marché ainsi que l’accès à des services différenciés, abordables et de haute qualité. Lorsque le traitement par Bell d’une demande de permis en bonne et due forme d’un concurrent est retardé pendant des mois, voire des années, et que ce scénario se répète pour ce même concurrent ainsi que pour d’autres concurrents actifs dans le territoire de desserte de la compagnie, ce sont éventuellement des centaines voire des milliers de consommateurs et de petites entreprises qui sont privés d’un choix de fournisseur ou encore de services de télécommunication innovants et qui ne peuvent profiter des pleins avantages d’un marché concurrentiel, dynamique et efficace.
  3. Le Conseil estime que Bell, dans son traitement des demandes de permis, utilise sa situation en tant que propriétaire du réseau pour se donner un avantage concurrentiel en déployant son propre réseau FTTH sur des structures faisant l’objet d’anomalies entraînant le refus des demandes de permis de Vidéotron.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’en exigeant à Vidéotron de respecter des normes de construction qu’elle ne respecte pas elle-même, Bell a contrevenu à la clause 2.8 du CLRSS. En appliquant ces mêmes normes de construction de façon à empêcher, au moins temporairement, de manière déraisonnable l’accès par d’autres titulaires, Bell a enfreint l’article 901.3(h) du Tarif et par conséquent l’article 24 et le paragraphe 25(1) de la Loi.

Est-ce que Bell s’est accordé une préférence en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi? Si oui, la préférence que Bell s’est vraisemblablement accordée est-elle indue?

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Selon l’approche générale du Conseil à l’égard des allégations de discrimination injuste ou de préférence indue, la partie qui avance les allégations doit d’abord établir la discrimination ou la préférence. Une fois cela fait, il incombe alors à l’entreprise visée d’établir qu’il ne s’agit pas d’une discrimination ou d’une préférence injuste ou indue, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi.
  2. Pour déterminer si Bell s’est accordé une préférence au sens de la Loi, le Conseil doit répondre à la question suivante : est-ce qu’en refusant, même temporairement, les demandes de permis identifiées dans la demande de Vidéotron, tout en poursuivant son propre déploiement de réseau FTTH, Bell a traité Vidéotron de manière désavantageuse ou est-ce qu’elle s’est accordé une préférence?
  3. Le Conseil est d’avis qu’en déployant son propre réseau FTTH sur des structures faisant l’objet d’anomalies entraînant le refus de demandes de permis de Vidéotron et en exigeant de Vidéotron le respect de normes de construction qu’elle ne respecte pas elle-même, Bell s’est accordé une préférence concurrentielle. L’ensemble de la preuve dans le dossier public démontre que les agissements et omissions de Bell se soldent en une forme de discrimination, au sens du paragraphe 27(2) de la Loi, envers Vidéotron et ses utilisateurs finals. En effet, au bout du compte, ce sont les consommateurs canadiens qui font les frais des délais déraisonnables, des refus et d’un marché des services de télécommunication qui ne soit pas aussi dynamique qu’il pourrait l’être.
  4. Le Conseil est d’avis que le refus, même temporaire, de permettre l’accès, ainsi que les délais déraisonnables dans le traitement des demandes de permis de Vidéotron et dans la gestion des travaux préparatoires exigés, causent un désavantage à Vidéotron.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Bell s’est conféré une préférence et qu’elle a désavantagé Vidéotron et ses clients potentiels. La collaboration accrue de Bell avec les différents titulaires afin d’améliorer l’efficacité du traitement des demandes d’accès à ses structures et d’éliminer le plus de délais possible serait grandement bénéfique.
  6. Le Conseil estime que le désavantage subi par Vidéotron, entraîné par les délais et les coûts élevés imposés pour l’accès aux structures de soutènement, est également subi par les consommateurs et les petites entreprises qui se trouvent privés, du moins temporairement, des avantages d’une véritable concurrence dans les services de télécommunication.
  7. Le Conseil conclut que Bell n’a pas réussi à démontrer que la préférence qu’elle s’accorde n’est pas injuste ou indue. Le Conseil estime que Bell ne peut se prévaloir d’arguments portant sur la complexité de son propre système de gestion de réseau pour expliquer les délais très importants et les refus des demandes d’accès de Vidéotron, tout en profitant elle-même d’un accès plus efficace et rapide pour son déploiement FTTH sur les mêmes structures de soutènement. De plus, le Conseil n’a pas été convaincu par les arguments de Bell portant sur la nature exceptionnelle des cas de refus décrits par Vidéotron.
  8. Vidéotron a soutenu que 26 % de ses demandes de permis ont été refusées. Les statistiques fournies par Vidéotron tiennent compte du fait qu’une demande de permis est bloquée dès qu’une seule ligne faisant partie de ladite demande est refusée. Les statistiques de Bell, qui rapportent que 7 % des demandes de Vidéotron ont été refusées, reposent plutôt sur le nombre de lignes refusées à l’intérieur d’une même demande de permis. Le Conseil est conséquemment d’avis que les statistiques présentées par Vidéotron brossent un portrait plus réaliste de la situation et indiquent un enjeu systémique, ou à tout le moins un ensemble de pratiques inefficaces de la part de Bell, qui viennent fréquemment frustrer les efforts du titulaire, ce qui désavantage les consommateurs.
  9. Le Conseil conclut que Bell, en exigeant que Vidéotron se conforme à des normes de construction qu’elle ne respecte pas elle-même, a enfreint la clause 2.8 du CLRSS. En appliquant ces mêmes normes de construction de manière à entraver déraisonnablement, du moins temporairement, l’accès d’autres titulaires, Bell a enfreint l’article 901.3(h) du Tarif. Étant donné que Bell, dans sa réponse aux allégations de Vidéotron, n’a pas démontré que cet avantage n’est pas injuste, indu ou déraisonnable, le Conseil conclut que la préférence que Bell s’est accordée, ainsi que le désavantage qu’elle a imposé à Vidéotron, sont indus et déraisonnables. 

Est-ce que le Conseil devrait entreprendre des mesures d’exécution de la loi auprès de Bell pour violation de l’article 24 et des paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi?

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil répond aux cas de non-conformité en utilisant les outils disponibles les plus appropriés, comme les mesures d’exécution de la loi, dont le Conseil peut se servir pour favoriser la conformité à la Loi, aux règlements ou aux décisions qu’il a prises. Les mesures d’exécution de la loi qui ne visent pas à punir, comme les sanctions administratives pécuniaires (SAP), peuvent être utilisées si elles s’avèrent l’outil approprié pour faire respecter les exigences réglementaires et décourager la répétition d’une conduite non conformeNote de bas de page 10.
  2. L’article 72.001 de la Loi crée un cadre dans lequel les personnes s’exposent à des SAP lorsqu’elles contreviennent à la Loi, à des règlements ou aux conclusions prises par le Conseil sous le régime de la Loi. Pour imposer une SAP à Bell en vertu de l’article 72.001 de la LoiNote de bas de page 11, le Conseil doit conclure que Bell contrevient à une disposition de la Loi, à un règlement ou à une décision rendue par le Conseil. Le Conseil est en mesure de faire cette détermination en raison des conclusions selon lesquelles Bell a enfreint l’article 901.3(h) du Tarif et la clause 2.8 du CLRSS, et par conséquent l’article 24 et les paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi.
  3. Par conséquent, le Conseil conclut, de façon préliminaire, que l’imposition d’une SAP à l’encontre de Bell est appropriée. Le Conseil amorcera une instance de suivi par l’entremise d’un avis de consultation afin de déterminer si l’imposition d’une SAP est appropriée et, dans l’affirmative, le montant de cette SAP.
  4. En effet, les Instructions de 2019 et les annonces les plus récentes des divers paliers de gouvernement dressent un portrait clair de l’importance de la compétitivité et du développement de l’offre des services de télécommunication, y compris les services Internet à large bande pour tous les Canadiens. Le Conseil est d’avis que les violations identifiées ci-dessus représentent un obstacle au développement du réseau de télécommunication amélioré promis aux Canadiens et qu’elles vont clairement à l’encontre de l’intérêt public. En ce sens, l’utilisation de mesures d’exécution de la loi est un moyen efficace de décourager toute récidive.

Conclusions

  1. Le Conseil estime que l’ensemble du dossier contient suffisamment de preuves détaillées sur les demandes de Vidéotron, relatives à la lenteur et l’inefficacité du système d’octroi des permis pour l’accès aux structures de soutènement de Bell, pour que le Conseil tranche en faveur de Vidéotron et émette la majorité des ordonnances demandées.
  2. Le Conseil approuve en partie la demande de redressement de Vidéotron et ordonne à Bell de procéder, à ses frais, aux travaux de préparation requis dans le cadre des demandes de permis d’accès V01-B25-16-041679 (demande numéro 1) et V01-BK1-19-060389 (demande numéro 2) dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision, d’émettre les permis liés aux demandes numéros 1 et 2 dans les 5 jours suivant l’achèvement des travaux de préparation et d’émettre les permis liés aux demandes de permis d’accès V01-B15-19-063856 (demande numéro 4) et V01-B25-17-046237 (demande numéro 5) dans les 5 jours suivant la publication de la présente décision.
  3. À la suite des violations de l’article 24 et des paragraphes 25(1) et 27(2) de la Loi par Bell, le Conseil a comme avis préliminaire qu’une sanction administrative pécuniaire (SAP) devrait être imposée à Bell et amorce donc une instance de suivi, dans l’avis de consultation de télécom 2021-132, afin d’examiner la pertinence d’imposer une SAP à l’entreprise et, s’il y a lieu, le montant de celle-ci.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu, dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi, de mettre en œuvre les objectifs de la politique exposés à l’article 7 de la Loi, conformément aux Instructions de 2006Note de bas de page 12 et de 2019. Le Conseil estime que ses conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions de 2006 et de 2019 pour les raisons mentionnées ci-dessous.
  2. Les Instructions de 2006 exigent que le Conseil s’appuie sur le libre jeu du marché dans toute la mesure du possible et qu’il réglemente, là où il est encore nécessaire de le faire, de façon à ne faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs stratégiques de la Loi. Elles exigent également qu’il précise, lorsqu’il a recours à des mesures réglementaires, l’objectif que ces mesures visent.
  3. Les conclusions du Conseil susmentionnées favorisent la réalisation des objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncés aux paragraphes 7a), 7b), 7 c), 7f) et 7h) de la LoiNote de bas de page 13. De plus, elles s’appuient sur le libre jeu du marché dans toute la mesure du possible en formulant une attente selon laquelle les parties respecteront les modalités du Tarif ou de toute entente conclue entre elles et collaboreront plus étroitement pour répondre aux besoins de la population canadienne qui souhaite bénéficier de la concurrence dans le marché des services de télécommunication ainsi qu’à un accès à des services d’accès Internet à large bande offrant des vitesses supérieures.
  4. Les Instructions de 2019 précisent que, dans l’exercice des pouvoirs et des fonctions que lui confère la Loi, le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
  5. Le Conseil estime que ses conclusions dans le cadre de la présente instance sont conformes aux Instructions de 2019 et favorisent la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation, notamment en ce qui concerne les sous-alinéas 1a)(i), 1a)(iii), 1a)(iv), 1a)(v) et 1a)(vi) de ces Instructions. Par exemple, les recommandations du Conseil susmentionnées visent à assurer le respect du Tarif et de toute entente conclue entre les parties, ainsi qu’une plus grande collaboration dans la fourniture de services de télécommunication, afin que les consommateurs puissent profiter des avantages d’une saine concurrence entre les fournisseurs et aient accès à des services différenciés, abordables et de haute qualité. Le Conseil fait remarquer que les conclusions suggérées envoient un message clair aux entreprises canadiennes propriétaires des poteaux et pourront favoriser un accès plus rapide et moins coûteux aux titulaires.

Secrétaire général

Documents connexes

Annexe à la Décision de télécom CRTC 2021-131

Les tarifs nationaux relatifs à l’accès aux structures de soutènement des compagnies de téléphone ainsi que le modèle de CLRSS sont décrits ci-dessous relativement à la présente instance :

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