Décision de radiodiffusion CRTC 2021-58

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 10 juin 2020

Ottawa, le 11 février 2021

JAZZ.FM91 Inc.
Toronto (Ontario)

Dossier public de la présente demande : 2020-0146-0

CJRT-FM Toronto – Modification de licence

Le Conseil refuse une demande de JAZZ.FM91 Inc. en vue d’augmenter de 504 à 1 200 le nombre maximum de minutes de publicité pouvant être diffusées par semaine de radiodiffusion sur sa station de radio de langue anglaise CJRT-FM Toronto.

Contexte

  1. Dans la décision de radiodiffusion 2013-719, le Conseil a renouvelé la licence de radiodiffusion de la station de radio de langue anglaise CJRT-FM Toronto. Dans cette décision, le Conseil a également approuvé une demande du titulaire, JAZZ.FM91 Inc. (JAZZ.FM91), de modifier la condition de licence de CJRT-FM relative à la radiodiffusion de publicité afin de supprimer la limite de quatre minutes de publicité par heure, tout en conservant la limite de 504 minutes de publicité par semaine de radiodiffusion. En outre, le Conseil a approuvé une demande du titulaire en vue d’exclure de cette limite le contenu tiré des sous-catégories 52 (Identification du commanditaire) et 53 (Promotion avec mention du commanditaire)Note de bas de page 1. Cette condition de licence se lit actuellement comme suit :

    Le titulaire peut diffuser au cours de chaque semaine de radiodiffusion un maximum de 504 minutes de publicité tirées de la sous-catégorie 51 (Annonce publicitaire), définie à l’annexe de Catégories et sous-catégories de teneur révisées pour la radio, politique réglementaire de radiodiffusion 2010-819, 5 novembre 2010, compte tenu des modifications successives. Le contenu provenant des sous-catégories 52 (Identification du commanditaire) et 53 (Promotion avec mention du commanditaire) ne sera pas comptabilisé dans le total des minutes de publicité autorisées.

  2. Dans cette décision, le Conseil a indiqué que la souplesse accrue accordée par la condition de licence modifiée permettrait au titulaire de concentrer ses blocs de publicité pendant certaines heures de la journée, sans modifier le nombre total de minutes de publicité autorisées pendant la semaine de radiodiffusion. Il a également estimé que l’approbation de la modification demandée en vue de supprimer la limite horaire de publicité aurait une faible incidence sur les autres stations du marché desservi par CJRT-FM, étant donné que la station continuerait à être limitée à un maximum de 504 minutes de publicité par semaine.

Demande

  1. Le Conseil a l’autorité, en vertu de l’article 9(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), d’attribuer des licences pour des périodes maximales de sept ans et aux conditions liées à la situation du titulaire qu’il estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion visée à l’article 3(1) de la Loi et de modifier ces conditions à la demande du titulaire.
  2. JAZZ.FM91 a déposé une demande en vue de modifier la condition de licence susmentionnée afin d’augmenter de 504 à 1 200Note de bas de page 2 le nombre maximum de minutes de publicité pouvant être diffusées sur CJRT-FM au cours de chaque semaine de radiodiffusion.
  3. Le titulaire fait valoir qu’en raison de la pression à la baisse sur les tarifs des annonceurs et de la diminution des budgets publicitaires, la réduction de la restriction sur son inventaire commercial permettrait à la station d’atteindre la viabilité financière. Il ajoute que la possibilité d’augmenter l’inventaire engendrerait des retombées positives à long terme sur les ressources financières de CJRT-FM, permettant à la station de combler certains postes qui ont été supprimés en raison de difficultés financières. À cet égard, JAZZ.FM91 affirme qu’elle a l’intention d’ajouter un animateur d’émission matinale, un directeur de la programmation et un directeur de la création/de l’image en vue d’améliorer le service global à la communauté desservie par la station. Le titulaire note également que certaines des minutes publicitaires peuvent être utilisées pour des contre-arrangements, tels que l’échange de publicité pour l’utilisation d’un lieu pour un événement en direct.
  4. JAZZ.FM91 cite de nombreuses raisons pour expliquer les mauvais résultats financiers de CJRT-FM, notamment la lassitude des donateurs, l’augmentation de la popularité des services audio de diffusion en continu et la concurrence accrue pour la publicité radio sur le marché radiophonique de Toronto. En outre, le titulaire indique qu’au cours des années de radiodiffusion 2017-2018 et 2018-2019, les griefs sur le lieu de travail, qui ont entraîné une baisse des dons, du nombre de donateurs et des revenus publicitaires, ainsi que la perte d’un annonceur important ont eu une incidence négative mesurable sur les revenus de la station.
  5. Si sa demande était approuvée, JAZZ.FM91 indique que les revenus de CJRT-FM augmenteraient d’environ 450 000 dollars au cours des trois premières années suivant l’approbation, ce qui peut sembler faible, elle le reconnaît. Elle ajoute toutefois qu’elle ne prévoit pas de vendre la totalité des 1 200 minutes de publicité par semaine à court terme. À cet égard, le titulaire fait remarquer que CJRT-FM fonctionne actuellement à un taux moyen annuel de 75 % de ventes publicitaires, ne vendant la totalité de ses disponibilités que pendant environ 12 semaines par an.
  6. Le Conseil a reçu des interventions à l’appui de cette demande de la part du Broadcast Advocacy Group et de personnes qui font partie de la communauté culturelle canadienne (notamment des professeurs de musique, des musiciens et des donateurs). Le Conseil a également reçu une intervention en opposition à la demande de la part de Dufferin Communications Inc. (Dufferin). JAZZ.FM91 a répliqué à l’intervention de DufferinNote de bas de page 3.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Après avoir examiné le dossier de la présente demande compte tenu des règlements et des politiques applicables, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • Le titulaire a-t-il démontré l’existence d’un besoin économique justifiant la modification demandée?
    • L’approbation de la modification demandée aurait-elle une incidence financière négative indue sur les autres stations du marché desservies par CJRT-FM?

Besoin économique de la modification demandée

Intervention
  1. Dufferin remet en question l’affirmation de JAZZ.FM91 selon laquelle il existe un besoin économique pour l’augmentation proposée de l’inventaire publicitaire de CJRT-FM. L’intervenant fait valoir que les tarifs de la station pour les messages publicitaires sont faibles, qu’elle ne fixe peut-être pas le prix de son inventaire publicitaire de manière à maximiser ses revenus et qu’elle n’utilise peut-être pas pleinement son allocation publicitaire actuelle. Dufferin ajoute que la baisse des revenus publicitaires et des revenus provenant des donateurs que CJRT-FM a connue était plus probablement le résultat des problèmes internes et de gestion auxquels la station a fait face qu’un problème structurel plus large qui obligerait la station à plus que doubler ses disponibilités actuelles d’annonces commerciales. Elle note également que CJRT-FM bénéficie du fait d’être une station de la catégorie « Autres stations MF spéciales » à but non lucratif avec un statut caritatif, ce qui inclut la disponibilité d’une source de revenus de donateurs et le fait de ne pas avoir à remplir les obligations énoncées dans l’avis public de radiodiffusion 2006-158 (la politique de 2006 sur la radio commerciale).
Réplique du titulaire
  1. Dans sa réplique, JAZZ.FM91 affirme que ses dossiers financiers des dernières années, qui ont été déposés auprès du Conseil, montrent que les problèmes financiers actuels de CJRT-FM ont été encourus sur une longue période et que les dépenses ont été réduites, faisant en sorte qu’il n’y ait pas d’animateur d’émission matinale, de directeur de programmation ou de directeur de collecte de fonds. Le titulaire soutient qu’il a manifestement un problème de revenus, et non de coûts, qui découle des conditions du marché et non de questions internes.
  2. En réponse au commentaire de Dufferin à propos des tarifs des messages publicitaires, JAZZ.FM91 affirme qu’elle vend l’inventaire publicitaire de CJRT-FM à des tarifs concurrentiels qui sont loin d’être les plus bas du marché. Pour étayer cette déclaration, le titulaire a déposé un barème qu’il a utilisé pour vendre de la publicité radio sur le marché radiophonique de Toronto. Il ajoute que la souplesse accordée dans la décision de radiodiffusion 2013-719 en ce qui concerne les contenus tirés des sous-catégories de teneur 52 et 53 a relativement peu fait pour pallier ses déficits financiers, car peu d’entreprises ne paient que pour une mention de commanditaire.
  3. En ce qui concerne la déclaration de Dufferin selon laquelle JAZZ.FM91, en tant qu’organisme de bienfaisance, bénéficie d’un avantage avec une source de revenus supplémentaire, le titulaire fait remarquer qu’en tant qu’organisme de bienfaisance enregistré, il doit consacrer ses ressources à ses activités et objectifs caritatifsNote de bas de page 4 et ne peut pas utiliser l’argent des donateurs à toutes les fins qu’il souhaite.
  4. En ce qui concerne le nombre précis de minutes de publicité demandé, JAZZ.FM91 réitère qu’elle n’avait pas l’intention d’utiliser la totalité des 1 200 minutes à court terme, ajoutant qu’il était plus logique de fixer une limite supérieure raisonnable plutôt que de devoir revenir au Conseil à l’avenir pour demander de nouvelles augmentations. Le titulaire indique qu’il est tout à fait conscient de la nécessité de maintenir sa charge commerciale à un niveau suffisamment bas pour rester attrayant pour les auditeurs tout en gagnant suffisamment de revenus pour exploiter la station.
  5. En ce qui concerne les griefs sur le lieu de travail mentionnés dans sa demande et soulevés par Dufferin dans son intervention, JAZZ.FM91 indique qu’ils concernent des allégations de harcèlement sur le lieu de travail, d’intimidation et de mauvaise gestion générale impliquant certains cadres supérieurs et directeurs de la station, allégations qui ont été rendues publiques en juin 2018 par des reportages dans les journaux et qui ont été porté à l’attention des médias sociaux. Le titulaire indique qu’à la suite de ces allégations, un enquêteur indépendant a été engagé et plusieurs employés ont été licenciés, y compris des animateurs populaires à l’antenne. Il ajoute qu’à la suite de ces incidents, la station a, entre autres, connu des défections de donateurs et d’annonceurs, a fait l’objet de révélations de gouvernance inadéquate, a souffert d’une perte de confiance envers le conseil d’administration en place et a été l’objet de poursuites judiciaires. Le titulaire note également qu’en février 2019, les membres donateurs ont voté pour remplacer entièrement le conseil d’administration. JAZZ.FM91 soutient toutefois que, malgré les changements susmentionnés, elle s’attend à ce que la croissance des dons soit modeste pendant un certain temps.
  6. Enfin, JAZZ.FM91 affirme que la pandémie actuelle de COVID-19 a amplifié sa situation financière difficile.
Analyse et décision du Conseil
  1. Afin de vérifier la conformité du titulaire à l’égard de sa condition de licence relative à la publicité, le personnel du Conseil a procédé à une évaluation du rendement de la programmation de CJRT-FM pour la semaine de radiodiffusion du 12 au 18 avril 2020. En se fondant sur son analyse du registre des émissions de la station et de la répartition détaillée de la publicité fourni par le titulaire, le personnel du Conseil a déterminé que le titulaire semble être en conformité à l’égard de sa limite de publicité. En fait, selon les résultats de l’évaluation, la station aurait diffusé un total de 253 minutes de publicité au cours de cette semaine, soit bien moins que les 504 minutes prévues par sa condition de licence. Ainsi, il semble y avoir un inventaire publicitaire non utilisé dans les 504 minutes de publicité allouées à CJRT-FM.
  2. Néanmoins, le Conseil reconnaît les difficultés rencontrées par le titulaire au cours des années de radiodiffusion 2017-2018 et 2018-2019 en ce qui concerne les griefs sur le lieu de travail survenus pendant cette période. À cet égard, le Conseil note qu’avant que des griefs sur le lieu de travail cités ne surviennent, les revenus de CJRT-FM augmentaient régulièrement, conduisant la station vers la rentabilité. En outre, si les conditions du marché citées par le titulaire avaient eu une incidence, celle-ci aurait été ressentie avant l’année de radiodiffusion 2017-2018. Il est donc raisonnable de conclure que la majorité des pertes de revenus de la station au cours des deux dernières années peut être attribuée aux griefs sur le lieu de travail cités.
  3. En ce qui concerne l’affirmation de JAZZ.FM91 concernant l’incidence de la pandémie actuelle de COVID-19, le Conseil note que le titulaire n’a pas soumis de chiffres supplémentaires pour montrer comment la situation a amplifié sa difficulté financière. Néanmoins, le Conseil est d’avis que la crise actuelle de la santé publique a mis à rude épreuve tous les radiodiffuseurs.
  4. Enfin, JAZZ.FM91 a été interrogée sur les raisons pour lesquelles la souplesse accordée dans la décision de radiodiffusion 2013-719 s’est avérée insuffisante pour compenser la baisse des revenus de CJRT-FM. Dans sa réponse, le titulaire indique que sa demande de modification à l’époque ne visait pas à assurer la viabilité financière de la station, mais à permettre une plus grande souplesse de programmation. Il ajoute que si une souplesse supplémentaire a pu être une solution adéquate pour les enjeux de 2013, la limite actuelle des minutes de publicité entrave la viabilité financière de la station en raison de la pression occasionnée par la baisse récente et importante des tarifs publicitaires, la lassitude croissante des donateurs, le déplacement des budgets publicitaires vers les plateformes en ligne et l’augmentation des coûts fixes de la station.
  5. Bien qu’il ne puisse pas faire la distinction entre l’impact négatif des forces du marché et l’impact négatif découlant des griefs sur le lieu de travail cités, le Conseil conclut néanmoins, compte tenu de ce qui précède, que JAZZ.FM91 a démontré un besoin financier lié à la modification demandée de la condition de licence de CJRT-FM relative à la publicité.

Incidence financière de la modification demandée sur les autres stations du marché

Intervention
  1. Dans son intervention, Dufferin exprime des préoccupations à propos de l’incidence financière négative excessive que l’approbation de l’augmentation des disponibilités publicitaires demandée pour CJRT-FM aurait sur les stations de radio titulaires du marché radiophonique de Toronto. Elle affirme que, bien que les revenus supplémentaires de CJRT-FM résultant de l’approbation de la modification demandée semblent sans importance par rapport aux revenus publicitaires totaux du marché, les petits acteurs de ce marché ressentiraient une incidence et celle-ci serait aggravée par les effets de la crise sanitaire actuelle. Selon l’intervenant, seuls les acteurs les plus importants et les plus dominants sur le marché ne seraient pas affectés par la modification demandée.
Réplique
  1. Dans sa réplique, JAZZ.FM91 indique que sa demande rapprocherait ses conditions de licence de celles que le Conseil a imposées aux stations communautaires lorsqu’il a supprimé la limite de minutes de publicité il y a plus de 20 ans pour soutenir les petites stations à but non lucratif offrant des services à des communautés diverses et uniquesNote de bas de page 5.
Analyse et décision du Conseil
  1. En 2019, les 35 stations de radio commerciale exploitées dans le marché radiophonique de Toronto ont généré 255 millions de dollars de revenus publicitaires et ont déclaré une marge bénéficiaire moyenne avant intérêts et impôts de 27,1 %. Ce chiffre reflète la situation des quatre plus grands exploitants du marché pour cette année (soit Bell, Corus, Rogers et Stingray), qui exploitent actuellement 13 stations de radio commerciale sur le marché. Bien que les 22 plus petites stations de radio commerciale restantes aient collectivement affiché une marge bénéficiaire positive en 2019, 11 de ces stations n’étaient pas rentables, un chiffre qui pourrait être encore plus élevé en 2020 en raison de la crise sanitaire actuelle. Selon le Conseil, toute incidence négative découlant de l’approbation de l’augmentation des minutes publicitaires demandée pour CJRT-FM serait plus lourdement ressentie par ces stations de petite taille déjà peu rentables, étant donné qu’elles ne bénéficieraient pas des synergies et des ressources auxquelles les grands radiodiffuseurs ont accès.
  2. Le Conseil note que la crise sanitaire actuelle a placé de nombreux exploitants de radio, dont JAZZ.FM91 pour sa station CJRT-FM, dans une situation économique difficile. Ce qui pourrait normalement être considéré comme une répercussion tolérable pourrait bien, pour l’année de radiodiffusion en cours, s’avérer excessif pour certains titulaires du marché radiophonique de Toronto. Selon le Conseil, le seuil de ce qui peut être considéré comme une incidence indue est donc inférieur à ce qu’il serait dans des circonstances plus normales. En outre, il serait possible pour JAZZ.FM91 de récolter des revenus plus importants si la modification demandée était approuvée. À cet égard, le Conseil note que bien que JAZZ.FM91 ne prévoie pas de vendre 100 % de son inventaire publicitaire au nouveau seuil, rien ne l’empêcherait de le faire.
  3. En ce qui concerne l’intention de JAZZ.FM91 d’utiliser une partie des minutes de publicité pour des contre-arrangements, qui n’auraient pas nécessairement été pris en compte dans les projections du titulaire, le Conseil note que de tels accords pourraient entraîner une incidence financière pour les acteurs en place dans le marché, tout comme les ventes publicitaires traditionnelles.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’approbation de la modification demandée par JAZZ.FM91 aurait une incidence financière négative indue sur les stations de radio titulaires du marché de Toronto, plus particulièrement sur les petits exploitants du marché.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse la demande de JAZZ.FM91 Inc. en vue de modifier la licence de radiodiffusion de l’entreprise de programmation de radio de langue anglaise CJRT-FM Toronto pour faire passer de 504 à 1 200 le nombre maximum de minutes de publicité qui peuvent être diffusées sur la station au cours de chaque semaine de radiodiffusion.

Secrétaire général

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