Rapport sur l'état des technologies de contrôle de la sonie et de la normalisation à cet égard en matière de radiodiffusion

Rapport présenté au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes en lien avec l'Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2011-102

Préparé par : Scott Norcross, Michel Lavoie et Louis Thibault
Systèmes audio de pointe Centre de recherches sur les communications Canada

 

Rapport CRC-RP-2011-001 Ottawa,

le 18 mars 2011

 

Les opinions exprimées dans le présent rapport sont celles des auteurs. Le CRTC n’est pas intervenu dans la formulation des recommandations contenues dans le présent rapport et n’a pas non plus participé à l’examen des enjeux.


Sommaire

Les plaintes des téléspectateurs sur l’intensité sonore élevée du contenu télévisé, plus particulièrement les messages publicitaires, existent depuis les débuts de la télévision. Ce problème est en partie causé par l’utilisation non uniformisée de la gamme dynamique du signal sonore et par les pratiques de l’industrie qui visaient principalement à préserver l’intégrité du signal audio. Bien qu’il existait certaines directives qui portaient sur la sonie, l’absence de méthode reconnue dans l’industrie pour mesurer la sonie a compliqué les efforts investis pour la contrôler.

Le système de télévision numérique de l’Advanced Television Systems Committee (ATSC), quant à lui, comprend un mécanisme connu sous le nom de métadonnées permettant la gestion de la sonie, mais à moins d’être utilisé correctement dans l’ensemble de la chaîne de diffusion, le problème persistera.

En 2006, l’UIT-R a adopté une méthode éprouvée qui permet aux diffuseurs et aux créateurs de contenu de mesurer la sonie de leurs émissions. Par conséquent, certains organismes clés dans l’industrie de la télédiffusion telle que l’Advanced Television System Committee (ATSC) en Amérique du Nord, l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) en Europe, le Broadcast Committee of Advertising Standards au Royaume-Uni et FreeTV Australia en Australie, ont récemment mis à jour leurs règlements ou ont recommandé des pratiques pour intégrer l’utilisation du sonomètre de l’UIT-R dans l’intention de fournir des niveaux de sonie uniformes aux téléspectateurs. Ces efforts sont appuyés par la disponibilité croissante de produits commerciaux qui mesurent la sonie à l’aide de la méthode adoptée par l’UIT-R.

 

1.      Introduction

1.1     Terminologie

Certains termes clés décrivant différentes caractéristiques du son seront utilisés tout au long du présent document. Ces termes sont les suivants :

Un signal sonore à un niveau donné (en valeur efficace) produira, lorsqu'il est émis par des haut-parleurs, une intensité dans l'oreille qui, à son tour, sera perçue à une sonie donnée par l'auditeur. Une augmentation ou une diminution du niveau aura, à son tour, pour effet d'augmenter ou de diminuer l'intensité et la sonie.La relation entre ces trois paramètres est proportionnelle, mais non directe.

1.2     La sonie et l'oreille humaine

L'oreille humaine est un instrument remarquable. La différence entre le son le plus faible qu'elle peut détecter et le son le plus fort qu'elle peut tolérer sans subir de dommages est d'environ 120 dB, ce qui correspond à un rapport de l'ordre de 1 000 000 000,000:1! Bien que le présent rapport n'ait pas pour but de décrire en détail le système auditif humain, la présente section comprend néanmoins un résumé des principales caractéristiques de l'oreille humaine en lien avec la sonie.

Il a été démontré que la sensibilité de l'oreille humaine varie en fonction de la fréquence d'un son. Par conséquent, l'oreille a un comportement sélectif par rapport aux fréquences. Elle est plus sensible aux sons de fréquence moyenne compris entre 1 000 et 5 000 Hz, tandis que les sons de basse et de haute fréquence doivent varier progressivement en intensité afin que l’oreille puisse les percevoir à la même sonie que les sons de moyenne fréquence. Des études menées au CRC [3] ont démontré que l’oreille peut détecter des différences de sonie très minimes de 0.5 à 1.0 dB pour des sons réels (parole, pièce de théâtre, musique jazz).  

La sonie perçue d'un son dépend de l'intensité et du contenu fréquentiel du son, qu'il soit étroit ou étendu sur une plage de fréquences donnée. La sonie est également une quantité subjective. Par conséquent, pour être fiables, les méthodes utilisées pour la mesurer doivent être fondées sur une certaine forme de modélisation du système auditif humain.

2.     Problèmes liés à la sonie dans la radiodiffusion de contenu audio

2.1     Situation actuelle

Les variations de sonie entre les stations de télévision et les changements excessifs de sonie des émissions de télévision constituent un problème qui existe depuis de nombreuses années. Aux États-Unis, les enquêtes présentées par la Commission fédérale des communications (FCC) remontent à aussi loin que les années 1960 [4] . Au cours des dernières décennies, les radiodiffuseurs ont adopté divers dispositifs et pratiques dans le but de mesurer et d'atténuer les variations de la sonie; les résultats obtenus sont toutefois mitigés. Bref, le problème n'est toujours pas résolu.

La sonie est très difficile à mesurer en raison de sa nature subjective. Plusieurs algorithmes et méthodes ont été élaborés au fil du temps afin de mesurer la sonie. Parmi les plus connus, mentionnons le modèle de mesure de sonie de Zwicker (ISO 532-1975)[5], la méthode de sommation de la sonie des laboratoires CBS [6], Leq(m), Leq(A) et Leq(C). Toutefois, aucune de ces techniques n'a été normalisée ni généralement reconnue pour une utilisation dans l'industrie de la radiodiffusion.

En raison de l'absence de méthode reconnue pour mesurer les niveaux de sonie, les directives à l'intention de l'industrie de la télévision et de la radio ont été de limiter les niveaux crête ou quasi-crête des signaux audio; par conséquent, les diffuseurs peuvent, dans une certaine mesure, utiliser librement la gamme dynamique sonore disponible. Bien que ces directives soient efficaces pour réduire la distorsion et les interférences non voulues, elles ne traitent toutefois pas de la sonie. Par conséquent, lorsque différents télédiffuseurs utilisent différentes plages dynamiques, la sonie peut varier lorsque l'auditeur change de postes, ce qui l'oblige à régler manuellement le volume. Des variations dérangeantes de la sonie peuvent également survenir entre les émissions d'un même poste, étant donné que les directives actuelles et les pratiques recommandées ne tiennent pas suffisamment compte de la sonie.

Les signaux audio de la télévision numérique sont caractérisés par un plancher de bruit plus bas et une gamme dynamique plus large que ceux de la télévision analogique. Ces propriétés peuvent accroître la qualité audio et améliorer l'expérience de l'auditeur si elles sont utilisées efficacement. Une utilisation inconsistante de la gamme dynamique plus large de la télévision numérique, qu'il s'agisse d'une utilisation non intentionnelle ou d'une utilisation ayant pour but d'obtenir un avantage notable par rapport à la concurrence, peut entraîner des variations de la sonie encore plus importantes que celles qui existent avec la télévision analogique.

2.2     Compression de la gamme dynamique

La compression de la gamme dynamique est un processus qui réduit la différence entre les niveaux forts et faibles du signal audio.

Des dispositifs pour contrôler la gamme dynamique audio sont utilisés dans l'ensemble de la chaîne de diffusion. Dans le studio d'enregistrement, on compresse la gamme

dynamique afin de créer un effet artistique (c.-à-d. obtenir un équilibre entre les portions de faible et de forte intensité sonore d’une émission) et aussi afin de s’assurer que les niveaux du signal audio soient maintenus à l’intérieur de la gamme dynamique du médium d’enregistrement ou du canal de transmission. À l'émission, les compresseurs audio sont un mécanisme essentiel afin d'éviter une surmodulation de l’onde porteuse ou sous-porteuse.

La compression de la gamme dynamique peut également servir à accroître la sonie d'un signal par rapport à un autre. Le système auditif humain perçoit la sonie en fonction de la puissance du signal. On peut régler les compresseurs de gamme dynamique afin d'augmenter la puissance moyenne d'un signal, tout en maintenant la crête du signal sous les limites souhaitées. Le créateur de l'émission peut donc augmenter le niveau moyen global sans craindre de saturer le système. À l'opposé, on doit maintenir des niveaux de puissance moyens plus bas pour une émission qui nécessite davantage de marge. C'est pourquoi le volume des stations de télévision ou de radio qui maintiennent des niveaux de puissance moyens plus élevés sera plus fort que celui des stations qui maintiennent des niveaux moyens plus faibles, même si les niveaux de crête sont égaux. Dans la même optique et pour la programmation d'un diffuseur donné, le volume des émissions dont les niveaux moyens sont plus élevés sera plus fort que celui des émissions adjacentes enregistrées à des niveaux moyens plus bas.

2.3     Métadonnées sur la sonie

La télévision numérique aux États-Unis et au Canada [12] comprend un mécanisme connu sous le nom de métadonnées qui peut être utilisé pour corriger les différences de sonie entre les émissions. Les métadonnées sont de l’information qui décrit diverses caractéristiques du signal audio et qui voyage avec le flux binaire audio d’une émission donnée. Dans le système de l’ATSC, le paramètre des métadonnées qui indique la sonie du flux audio est appelé dialnorm. Il informe les appareils du niveau de la sonie du signal entrant, permettant ainsi à ces appareils (tels qu'un décodeur audio à la maison) de faire les corrections nécessaires afin de garantir que le contenu audio de toutes les émissions soit présenté à un même niveau de sonie préréglé.

Ce mécanisme permet aux fournisseurs d’émissions de les produire à des niveaux de sonie qui correspondent à leurs pratiques, pratiques qui peuvent varier d’un fournisseur à l’autre. Mais il repose également sur l’exactitude des métadonnées sur la sonie transmises et sur leur traitement adéquat dans l’ensemble de la chaîne de télédiffusion pour que la correction de la sonie puisse se faire correctement à la maison. Un mauvais réglage ou un réglage inconsistant du dialnorm peut entraîner des différences importantes de la sonie entre les émissions lors de la reproduction, même lorsque la sonie des émissions est identique. Voici des exemples d’utilisation non conforme des métadonnées :

2.4    Appareils de mesure des niveaux de signal

Le vumètre et le vumètre de crête sont les appareils les plus fréquemment utilisés pour surveiller ou mesurer le niveau des signaux audio variables dans le temps. En raison de leur réaction rapide, les vumètres de crête sont particulièrement utiles pour surveiller le niveau des signaux de crête et l'utilisation de la marge disponible. Par conséquent, les spécifications sur les mesures à l’aide de vumètres de crête constituent un élément important des lignes directrices sur la radiodiffusion. Cependant, aucun de ces instruments n'indique la sonie. L'exploitant doit donc déduire la sonie à partir des lectures des vumètres qui varient constamment; un processus qui requiert une excellente interprétation des données et qui peut engendrer des erreurs et des incohérences. Une autre lacune du vumètre et du vumètre de crête est qu'aucun des deux appareils ne tient compte du comportement sélectif de l'oreille humaine par rapport aux fréquences.

3.      UIT-R

3.1     Sélection et validation des sonomètres

En septembre 2000, le Secteur des radiocommunications de l'Union internationale des communications (UIT-R) a entrepris une démarche visant à adopter une méthode universelle de mesure de la sonie après avoir reçu l'approbation du Groupe de travail 6P et de la Commission d'études 6 en ce qui concerne la question UIT-R 2/6 intitulée « Caractéristiques de mesure audio à utiliser pour la production sonore numérique ». À cette question, l'UIT-R considère « que les connaissances actuelles dans le domaine de la psychoacoustique humaine peuvent permettre de créer un algorithme de mesure qui donnerait une indication de l’intensité sonore perçue » et « que, compte tenu de l'état du traitement des signaux numériques, il est possible de mettre en œuvre des algorithmes complexes dans des dispositifs peu coûteux. » L'UIT-R envisageait d'utiliser ce type de sonomètre principalement dans le but de faciliter les échanges et la distribution des émissions ainsi que de mesurer la sonie dans la production et la postproduction des émissions.

On a mis sur pied un Groupe rapporteur spécial (GRS) dont la tâche était d’identifier une méthode objective pour mesurer la sonie de contenu sonore typiquement utilisé en télédiffusion. La première étape de l'étude du GRS consistait à examiner la sonie perçue du contenu sonore typique en télédiffusion. Des séquences sonores ont été recueillies auprès des participants de l'étude et une méthode de test subjectif a été conçue. Une description générale des 96 séquences sélectionnées pour les tests est fournie au Tableau 1.

Tableau 1 : Répartition et description des séquences audio utilisés pour les tests subjectifs réalisés par l'UIT-R.

Description du contenu audio Nombre d'éléments
Paroles uniquement 16
Pièce de théâtre (dialogue avec sons en arrière-plan) 4
Paroles avec musique en arrière-plan 22
Paroles avec sons en arrière-plan 28
Instruments 14
Musique avec chanteur principal 6
Chant sans instruments 4
Effets sonores sans paroles 2

 

Une série de tests subjectifs formels ont été réalisés à cinq endroits distincts au Canada, au Royaume-Uni et en Australie. Dans le cadre de ces tests, les sujets avaient pour tâche d'associer la sonie de différents extraits sonores à une séquence parlée de référence. Au total, 97 sujets ont participé aux tests subjectifs. Les résultats ont ensuite été utilisés pour créer une base de données des valeurs de sonie perçue pour les 96 séquences audio monophoniques présentées dans le tableau 1.

En plus de réaliser les tests subjectifs, l'UIT-R a lancé un appel d'offres pour des sonomètres. Sept entreprises privées et organismes de recherche ont présenté dix sonomètres commerciaux. Le Centre de recherches sur les communications Canada (CRC) a pour sa part soumis deux sonomètres devant servir de référence. À partir de critères de performance définis par les membres du GRS et les proposants de sonomètres, le sonomètre ayant prédit la sonie subjective des items de la Table 1 avec la meilleure précision a été sélectionné pour formuler la recommandation de l'UIT-R [7] .

Afin d'évaluer davantage les performances du sonomètre sélectionné par le GRS, deux séries de tests subjectifs additionnels ont été menées au CRC sur ce sonomètre exclusivement. Un total de 96 nouvelles séquences sonores monophoniques ont été utilisées pour le premier des ces tests alors que 144 nouvelles séquences monophoniques, stéréophoniques et multicanaux ont été utilisées pour le deuxième [8].  Les résultats obtenus avec le sonomètre de l'UIT­R se trouvent à la Figure 1, qui illustre la sonie objective et la sonie subjective qui ont été mesurées lors des trois tests subjectifs à l'aide de 336 séquences sonores (mono, stéréo et multicanaux). La corrélation de 0.977 entre la sonie objective et la sonie subjective indique une très bonne similitude entre celles­ci. Des tests subjectifs qui ont été effectués par la suite par d'autres chercheurs ont permis de confirmer le rendement de l'algorithme de mesure de la sonie de l’UIT-R relativement aux modèles psychoacoustiques plus complexes [9].

 

Figure 1 : Comparaison entre la sonie objective et la sonie subjective pour le sonomètre de l'UIT-¬R. Une corrélation de 0.977 a été obtenue pour les 336 séquences sonores utilisées dans la comparaison

Figure 1  : Comparaison entre la sonie objective et la sonie subjective pour le sonomètre de l'UIT­R.

L'algorithme de mesure de la sonie, qui a été bonifié en fonction de commentaires d'autres organisations, a été adopté officiellement par l'UIT­R en 2006 avec la publication de la Recommandation UIT­R BS.1770 intitulée Algorithmes de mesure de l'intensité sonore des programmes audio et des niveaux de crête vrais des signaux audio. Des précisions supplémentaires ont été ajoutées dans une nouvelle version (BS.1770-1) de cette recommandation [10] en 2007 sans que l'algorithme de mesure de la sonie soit modifié.

En octobre 2010, une méthode de « gating » a été ajoutée à l’algorithme de mesure de la sonie afin d’assurer que les mesures soient exactes dans le cas particulier de séquences sonores qui contiennent des passages silencieux de longue durée. Ces modifications devraient paraître dans une version révisée de la Recommandation UIT­R BS.1770 qui est prévue pour le printemps 2011.

3.2     Algorithme de mesure de la sonie de l'UIT­R

L'une des caractéristiques distinctives de l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT­R est que le niveau de complexité de sa mise en œuvre est relativement faible. Un diagramme simplifié de l'algorithme se trouve à la Figure 2.

Figure 2 : Diagramme simplifié de l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT¬-R

Figure  2  : Diagramme simplifié de l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT­R.

L'algorithme de mesure de la sonie peut être utilisé pour mesurer des signaux sonores monophoniques, stéréophoniques et multicanaux. Il calcule la puissance moyenne (valeur quadratique moyenne) du signal pondéré selon la fréquence (Filtre K) de chaque canal d'entrée (gauche, droit, centre, surround gauche, surround droit) sur un intervalle de mesure donné. La puissance moyenne de chaque canal est ensuite additionnée après avoir appliqué un gain G particulier à chacun des canaux. Le filtre K imite la sélectivité fréquentielle de l'oreille humaine à basse fréquence. Le gain G tient compte de l’angle d’incidence du son par rapport à la tête. L'intervalle d'intégration n'est pas précisé, ce qui permet de comparer les mesures de programmes de différentes durées. En pratique, l'algorithme est généralement utilisé pour mesurer la sonie moyenne « à long terme » d'un programme (p. ex. une émission de télévision ou une publicité) pendant toute sa durée.

L'UIT­R a nommé l'unité de mesure de la sonie LKFS, où L signifie « Loudness » (sonie), K signifie « K-weighted » (mesure pondérée K) et FS signifie « relative to Full Scale » (relatif à la pleine échelle). Une variation de la sonie de 1 LKFS équivaut à une variation du niveau du signal de 1 dB.

3.3     Niveau cible de sonie de l'UIT­R

En mars 2010, l'UIT­R a publié la Recommandation UIT­R BS.1864 intitulée Operational practices for loudness in the international exchange of digital television programmes [11] . Dans ce document, l'UIT­R recommande un niveau cible de sonie de ­24 LKFS pour l'échange international d'émissions de télévision numériques.

4.   Advanced Television Systems Committee (ATSC)

Aux États-Unis et au Canada, la télévision numérique est régie par la norme A/53 de l'ATSC [12]. La publication en 2006 par l'UIT­R d'une méthode de mesure de la sonie  reconnue à l'échelle internationale a permis à l'industrie de la télédiffusion de mettre à jour ses pratiques opérationnelles afin de régler le problème relatif aux variations indésirables de la sonie.

 

En 2008, l'ATSC a commencé à rédiger des lignes directrices pour aider l'industrie de la télévision à fournir des niveaux de sonie uniformes aux téléspectateurs. Cet effort a mené à la publication du document A/85 intitulé ATSC Recommended Practice: Techniques for Establishing and Maintaining Audio Loudness for Digital Television [13]en novembre 2009.Ce document comprend une ligne directrice détaillée concernant la gestion de la sonie dans la création, la distribution et l'émission de contenu télévisuel au moyen d'appareils qui utilisent la technique décrite dans la Recommandation UIT­R BS.1770 pour mesurer la sonie. Un élément important de cette ligne directrice est une utilisation correcte de la métadonnée relative à la sonie (dialnorm) qui accompagne le flux binaire audionumérique (voir la section 2.2). En l'absence du dialnorm, la sonie d'un signal audio devrait être ajustée à ­24 LKFS. Lorsque le dialnorm est utilisé, la norme A/53 requiert que la valeur du dialnorm indique la sonie du « contenu audio (typiquement la valeur moyenne du dialogue parlé) » [12].

En décembre 2010, le gouvernement des États­Unis a adopté la Commercial Advertisement Loudness Mitigation Act [14] , qui mandate la Federal Communications Commission (FCC) de mettre en place une règlementation basée sur les pratiques de gestion de la sonie décrites dans le document A/85 de l'ATSC afin de contrôler et de limiter la sonie des publicités. En date de mars 2011, l'ATSC est en voie de réviser le document A/85 afin d'en faire un règlement plutôt qu'une pratique recommandée. Lorsque ces règlements seront adoptés, l'industrie de la télévision américaine disposera d'un an pour les appliquer.

5.   Union Européenne de Radio­Télévision (UER)

Parallèlement aux efforts déployés par l'ATSC, les membres de l'UER ont créé un groupe d'étude (P/LOUD) afin d'examiner les nouvelles pratiques en vue de fournir des niveaux de sonie plus uniformes aux téléspectateurs. La portée des travaux du groupe d'étude devait également comprendre les systèmes de radio et les systèmes de télévision qui n'utilisent pas de métadonnées audio. En outre, les travaux du groupe d'étude consistaient à examiner de nouvelles techniques de mesure de la sonie et des signaux de crête pour complémenter ou remplacer les vumètres et les vumètres de crête existants.

En août 2010, l'UER a publié la recommandation R128 intitulée Loudness Normalisation and Permitted Maximum Level of Audio Signals [15]. Dans ce document, l'UER recommande que la sonie des signaux sonores soit mesurée au moyen de la méthode décrite dans la Recommandation UIT­R BS.1770 mais dotée d’un mécanisme de « gating » pour éliminer les passages silencieux du signal dans le calcul de la sonie[1]. De plus, la sonie des émissions devrait être normalisée à un niveau cible de ­23 LKFS avec une tolérance de ± 1 LK. Cette valeur diffère de la cible de -24 LKFS recommandée par l’UIT-R et l’ATSC pour les programmes n’ayant pas de métadonnées.

Les documents à l'appui comprennent les documents techniques 3341 [16], 3342 [17], 3343 [18], and 3344 [19] de l'UER, lesquels décrivent plus en détail des aspects comme les méthodes de mesure, les caractéristiques de mesure de la sonie et les lignes directrices sur la production, la distribution et la transmission.  

6.      Lois et règlements dans d'autres pays

6.1     Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les radiodiffuseurs et télédiffuseurs reçoivent leur permis d’un organisme de réglementation indépendant Ofcom. En ce qui a trait aux niveaux sonores des messages publicitaires télévisés, les télédiffuseurs doivent respecter les règles établies dans le Code du Broadcast Committee of Advertising Standards (BCAP) [20]. La section 4.7 du Code du BCAP stipule :

« Les messages publicitaires ne doivent pas être excessivement bruyants ou stridents. La sonie maximale du son des messages publicitaires doit être uniforme et conforme à la sonie maximale des émissions et des messages interstitiels.

Les télédiffuseurs doivent tenter de minimiser la nuisance que pourrait causer le déséquilibre perçu, afin que l’auditoire n’ait pas à ajuster le volume de sa télévision durant les transitions. Pour des raisons de programmation cependant, les pauses publicitaires arrivent parfois durant des parties silencieuses d’une émission; dans ce cas, les messages publicitaires, dont le niveau sonore est normalement acceptable, semblent forts.

La mesure et l’équilibrage la sonie devraient préférablement être effectués à l’aide d’un sonomètre idéalement conforme aux recommandations de l’UIT2. Si un vumètre de crête est plutôt utilisé, le niveau maximal des messages publicitaires doit être d’au moins 6 dB inférieur au niveau maximal des émissions, afin de tenir compte de la gamme dynamique restreinte de la plupart des messages publicitaires.

Les recommandations pertinentes de l’UIT sont « Algorithmes de mesure de l'intensité sonore des programmes audio et des niveaux de crête vrais des signaux audio » (UIT-R BS.1770) et « Spécifications des appareils de mesure indiquant l'intensité sonore et les niveaux de crête vrais » (UIT-R BS.1771). »

Il est important de mentionner que le Code du BCAP ne précise aucun niveau cible pour la sonie des émissions ou des messages publicitaires mesurée à l’aide de la méthode de l’UIT-R BS.1770.

6.2    Australie

En Australie, Free TV Australia est l'organisme de l'industrie qui représente les télédiffuseurs captés gratuitement. En juillet 2010, cet organisme a publié un document intitulé Operational Practice OP-59 [21] décrivant une série de recommandations sur la

façon dont les radiodiffuseurs doivent gérer et contrôler la sonie des émissions et des messages publicitaires. Ce document se veut une ressource pour éviter les variations excessives de sonie qui peuvent être dérangeantes pour les consommateurs.

Free TV Australia reçoit son mandat dans ce domaine de l'autorité australienne chargée de délivrer les licences de télévision, soit l'Australian Communications and Media Authority. Bien que le respect des lignes directrices du document OP-59 soit facultatif, les radiodiffuseurs ont signalé qu'ils souhaitaient s'y conformer.

Le document OP-59 recommande que la sonie des émissions de télévision qui n'utilisent pas de métadonnées soit normalisée à ­24 LKFS et mesurée au moyen de l'algorithme BS.1770 de l'UIT­R. Lorsque des métadonnées de sonie sont utilisées, la valeur de celles­ci devrait correspondre à la sonie mesurée au moyen de l'algorithme de mesure BS.1770 de l'UIT­R.

7.    Sonomètres commerciaux

Le Tableau 2 contient une liste partielle des sonomètres disponibles qui utilisent l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT­R. Ils sont offerts sous forme de matériel ou de logiciels. Plus de 60 sonomètres conçus par 24 fabricants apparaissent sur cette liste. La variété et la disponibilité croissantes des sonomètres montrent que la demande pour ce type d'appareils a augmenté au sein de l'industrie et que l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT­R a été accepté de façon généralisée.

Tableau  2  : Liste partielle des sonomètres disponibles qui utilisent l'algorithme de mesure de la sonie BS.1770 de l'UIT­R

Fabricant Modèle Matériel/
Logiciel
Site Web
Broadcast Project Research LDB ITU M http://www.bpr.org.uk/
Cobalt Digital 9085 M http://www.cobaltdigital.com/
Cobalt Digital 9985 M http://www.cobaltdigital.com/
Day Sequerra iLM4ST M http://www.daysequerra.com
Day Sequerra iLM8 M http://www.daysequerra.com
Day Sequerra NLC4ST M http://www.daysequerra.com
Day Sequerra NLC5.1ST M http://www.daysequerra.com
Day Sequerra MHTV4ST M http://www.daysequerra.com
DK­Technologies MSD100C M http://www.dk-technologies.com
DK­Technologies PT0660M M http://www.dk-technologies.com
Dolby LM100 M http://www.dolby.com
Dolby DP600 M http://www.dolby.com
Dolby Media Meter L http://www.dolby.com
DVBControl DVBLoudness L http://www.dvbcontrol.com
Grimm Audio LevelOne L http://www.grimmaudio.com
Harris Corporation CMN­LA M http://www.broadcast.harris.com
Harris Corporation LLM­1770 M http://www.broadcast.harris.com
IK Multimedia T­RackS 3 L http://www.ikmultimedia.com
Image Line Software Wave Candy L http://www.image-line.com
Jünger Audio T*AP Television Audio Processor M http://www.junger-audio.com
Jünger Audio B46 M http://www.junger-audio.com
Linear Acoustic LAMBDA M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic LAMBDA­II M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic LQ­1000 M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic AERO.air M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic AERO.one M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic AERO.qc M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic AERO.mobile M http://www.linearacoustic.com
Linear Acoustic AERO.file L http://www.linearacoustic.com
Miranda KXS­X16­Loudness M http://miranda.com
Miranda KS­910 (Kaleido­Solo) M http://miranda.com
Nsaka Hindenburg Journalist L http://www.nsaka.com
NuGen Audio VisLM­H L http://www.nugenaudio.com
NuGen Audio VisLM­C L http://www.nugenaudio.com
OmniTek   M http://www.omnitek.tv
Orban Loudness Meter L http://www.orban.com/meter/
Pinguin LdnNormalizer L http://www.masterpinguin.de
Pinguin LdnServer L http://www.masterpinguin.de
Pinguin PG­AM + PG­AL L http://www.masterpinguin.de
Qualis Audio Sentinel M http://www.qualisaudio.com
RTW 31900 Series M http://www.rtw.de
RTW 31960 Series M http://www.rtw.de
RTW TouchMonitor TM9 M http://www.rtw.de
RTW DigitalMonitor M http://www.rtw.de
RTW SurroundMonitor 11900 M http://www.rtw.de
RTW SurroundMonitor 10600 M http://www.rtw.de
TC Electronic LM2 M http://www.tcelectronic.com
TC Electronic DB2 M http://www.tcelectronic.com
TC Electronic DB4/DB8 MKII M http://www.tcelectronic.com
TC Electronic P2 M http://www.tcelectronic.com
TC Electronic LM5D L http://www.tcelectronic.com
Tektronix AMM768 M http://www2.tek.com
Tektronix WVR7x20 M http://www2.tek.com
Tektronix WFM7x20 M http://www2.tek.com
Trinnov Audio Loudness Meter L http://www.trinnov.com/
Wohler Pandora M http://wohler.com
Wohler AMP1­16­3G M http://wohler.com
Wohler AMP1­E16­3G M http://wohler.com
Wohler AMP2­16V­3G M http://wohler.com
Wohler AMP2­E16V­3G M http://wohler.com

8.   Conclusions

Les variations indésirables de la sonie en télévision existent depuis longtemps. Les causes comprennent une utilisation inconsistante de la gamme dynamique des signaux audio, des spécifications et des pratiques de contrôle de la sonie inadéquates, et l'absence d'une méthode reconnue et acceptée de façon généralisée permettant de mesurer avec exactitude la sonie de signaux sonores. En télévision numérique, la gamme dynamique plus étendue des signaux audio permet une expérience auditive grandement améliorée. Cependant, l'utilisation inconsistante de cette une gamme dynamique plus large peut aggraver les problèmes de variations indésirables de la sonie qui existent actuellement avec les systèmes analogiques. L’efficacité des mécanismes de correction de la sonie qui utilisent les métadonnées dépendent de l’exactitude des valeurs de sonie transmises ainsi que du traitement approprié de ces métadonnées tout au long de la chaine de diffusion.

Par suite de l'adoption par l'UIT­R en 2006 d'une méthode objective de mesure de la sonie du contenu audio d'une émission, l'industrie de la radiodiffusion a commencé la transition de la normalisation des signaux sonores en fonction des niveaux de signal maximaux vers la normalisation des signaux sonores en fonction de la sonie moyenne tout en maintenant les niveaux maximaux en deçà des limites techniques du système audio.

La publication du document A/85 intitulé ATSC Recommended Practice: Techniques for Establishing and Maintaining Audio Loudness for Digital Television par l'ATSC en 2009 et de la recommandation R128 intitulée Loudness Normalisation and Permitted Maximum Level of Audio Signals par l'UER en 2010 témoigne des efforts qui ont été déployés en vue de modifier les pratiques et de mettre à jour les spécifications. La disponibilité croissante de produits commerciaux permettant de mesurer la sonie au moyen de la méthode décrite dans la Recommandation UIT­R BS.1770 a également contribué à ces efforts.

La principale raison qui a motivé l'ATSC à publier le document A/85 et l'UER à publier la recommandation R128 a été la volonté de régler le problème relatif aux variations indésirables de la sonie. Les publicités sont habituellement considérées comme la principale source des problèmes de sonie, mais les recommandations contenues dans ces documents s'appliquent à toutes les émissions.

 


Notes de bas de page :

1. Une version modifiée de la méthode de « gating » de l’UER a été adoptée récemment par l’UIT-R et sera incluse dans une version révisée de la Recommandation BS.1770 de l’UIT-R dont la publication est prévue au printemps 2011. L’UER prévoit à son tour modifier sa méthode mesure de la sonie pour être conforme à celle de l’UIT-R lorsque cette dernière aura révisé la Recommandation BS.1770.


Références

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17. Document technique 3342 de l'UER, Loudness Range: A Descriptor to Supplement Loudness Normalisation in Accordance with EBU R 128, Genève, 2010. [http://tech.ebu.ch/docs/tech/tech3342.pdf]

18. Document technique 3343 de l'UER, Practical Guidelines for Production and Implementation in Accordance with EBU R 128, Genève, 2011. [http://tech.ebu.ch/docs/tech/tech3343.pdf]

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21. Free TV Australia. Pratique opérationnelle OP­59, Measurement and Management of Loudness in Soundtracks for Television Broadcasting, premier numéro, juillet 2010.

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