Décision de télécom CRTC 2002-13

Ottawa, le 8 mars 2002

Plus grande accessibilité aux médias substituts par les personnes aveugles

Référence : 8638-C12-50/01

Sommaire

Dans une ordonnance d'août 2001 dans laquelle il a ordonné aux entreprises canadiennes de fournir en médias substituts l'information essentielle aux personnes aveugles, le Conseil a demandé aux entreprises pourquoi elles ne devraient pas, comme condition pour fournir des services aux revendeurs, faire en sorte que les revendeurs soient obligés de s'engager de la même façon à fournir l'information en médias substituts.

Dans la présente décision, le Conseil établit une condition de service que les entreprises doivent inclure dans les tarifs, les contrats et autres arrangements avec des revendeurs. Suivant cette condition, les factures et les encarts de facturation doivent être fournis en média substitut, aux abonnés qui sont aveugles, sur demande, et les renseignements concernant les tarifs, les modalités et les conditions d'un service doivent être fournis aux abonnés actuels ou éventuels qui sont aveugles.

Historique

1. Dans l'ordonnance Télécom CRTC 98-626 du 26 juin 1998, le Conseil a conclu qu'en violation de l'article 27(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi), les entreprises canadiennes faisaient preuve de discrimination injuste à l'endroit des abonnés malvoyants en ne leur fournissant sur demande ni les factures ni les encarts de facturation concernant de nouveaux services et des modifications apportées aux tarifs applicables aux services en place en médias substituts.

2. Par conséquent, dans l'ordonnance 98-626, le Conseil a ordonné aux entreprises canadiennes, y compris les entreprises de services sans fil et les entreprises non dominantes, de fournir aux abonnés malvoyants qui en font la demande, les factures, les encarts de facturation concernant les nouveaux services ou les modifications apportées aux tarifs applicables aux services en place, de même que les encarts de facturation exigés de temps à autre par le Conseil, en braille, en gros caractères, sur disquette ou en tout autre média substitut convenu entre l'entreprise et l'abonné.

3. Dans l'ordonnance CRTC 2001-163 intitulée Accès au service Fido de Microcell par les personnes aveugles, et dans l'ordonnance CRTC 2001-164 intitulée Accès au service UniContact de Bell Canada par les personnes aveugles, toutes deux datées du 26 février 2001, le Conseil a conclu que les clients actuels et éventuels doivent obtenir suffisamment de renseignements afin de pouvoir comparer les services disponibles et pour faire un choix éclairé. Le Conseil a fait remarquer qu'il était fondamental que la clientèle ait accès aux renseignements sur les tarifs, les modalités et les conditions d'un service. Le Conseil a conclu que les clients qui sont aveugles sont désavantagés par rapport à d'autres clients du fait qu'ils ne peuvent obtenir, sur demande et dans la forme qui leur convient, les tarifs, les modalités et les conditions du service. Le Conseil a conclu que ce désavantage était indu et contraire à l'article 27(2) de la Loi.

4. Par conséquent, le Conseil a ordonné à Microcell Connexions (à l'égard de son revendeur Microcell Solutions) et à Bell Canada (concernant son service appelé UniContact) respectivement de s'assurer que les renseignements sur les tarifs, les modalités et les conditions de ses services soient accessibles en médias substituts aux personnes aveugles qui en font la demande.

5. Dans l'ordonnance CRTC 2001-690 du 31 août 2001 intitulée Médias substituts pour les personnes aveugles, le Conseil a étendu les exigences des ordonnances 2001-163 et 2001-164 à toutes les entreprises canadiennes concernant leurs services de télécommunication et ceux des affiliées qui revendent les services des entreprises aux utilisateurs finals.

6. Dans l'ordonnance 2001-690, le Conseil a adopté comme position que les personnes aveugles devraient avoir accès à l'information dont elles ont besoin, quel que soit le fournisseur de services de télécommunication. Le Conseil a donc amorcé une instance dans le cadre de laquelle il a demandé aux parties de justifier pourquoi les conditions de service établies dans les ordonnances 2001-690 et 98-626 ne devraient pas s'appliquer aux services de télécommunication fournis par des entreprises à des revendeurs affiliés et non affiliés qui, à leur tour, fournissent des services aux utilisateurs finals.

Positions des parties

7. Le Conseil a reçu des observations de : Aliant Telecom Inc., Bell Canada, Bell Mobilité Cellulaire Inc., MTS Communications Inc., MT&T Mobility Inc., Northern Telephone Limited, Nortel Mobility Inc., Norouestel Inc., Northwestel Mobility Inc., Saskatchewan Telecommunications, Télébec ltée, Télébec Mobilité inc., TELUS Communications Inc., TELUS Communications (Québec) Inc. et TELUS Mobility Cellular Inc. (collectivement, les Compagnies), Microcell Connexions, Microcell Telecommunications Inc. (Microcell), Télésat Canada (Télésat) et TMI Communications (TMI).

8. Microcell et les Compagnies n'ont pas rejeté l'approche du Conseil. Les Compagnies ont déclaré qu'elles étaient disposées à inclure les dispositions requises dans leurs tarifs et leurs contrats avec les revendeurs.

9. Télésat et TMI ont indiqué que s'il arrivait qu'un client qui est aveugle leur demande de lui fournir en média substitut des renseignements sur la facturation ou sur d'autres services, elles essaieraient de donner suite rapidement à sa demande.

10. Les parties ont exprimé des inquiétudes au sujet de l'application des exigences.

11. Les Compagnies ont fait valoir qu'elles n'ont ni les moyens ni l'intention de surveiller, de contrôler ou de juger les pratiques des revendeurs à l'endroit des consommateurs. Elles ont proposé que dans sa décision, le Conseil établisse le libellé des dispositions en question devant être incluses dans les tarifs et les contrats avec les revendeurs de manière à assurer une uniformité dans l'ensemble de l'industrie.

12. Les Compagnies ont proposé que le Conseil précise les conséquences que pourrait entraîner une non-conformité de la part des revendeurs. Elles ont fait valoir que l'inclusion d'une condition portant sur les conditions de service susmentionnées permettrait au Conseil, le cas échéant, d'ordonner formellement à une entreprise de suspendre la fourniture de services de télécommunication à un revendeur lorsque ce dernier ne respecte pas ses obligations.

13. Microcell a déclaré que l'assurance de la conformité par les entreprises seules pourrait s'avérer problématique. En effet, Microcell a soutenu que l'entreprise n'a pas de rapport direct avec le client d'un revendeur et qu'elle ne serait probablement pas en mesure de déterminer s'il y a lieu d'imposer au revendeur une sanction pour non-conformité. Microcell a fait valoir que le Conseil doit participer directement dans le cadre de l'actuel processus relatif aux plaintes. Elle a proposé que le Conseil ordonne à l'entreprise de suspendre ou de résilier le service au revendeur si elle est convaincue, compte tenu des faits dont elle est saisie, que pareille sanction est justifiée. Microcell a fait remarquer qu'une sanction serait efficace si l'ordonnance du Conseil s'adressait à toutes les autres entreprises.

14. Télésat et TMI ont déclaré que le Conseil devrait publier une décision enjoignant à tous les revendeurs ou à toutes les entreprises de rendre ces renseignements accessibles en médias substituts aux clients qui en font la demande ou ils feront l'objet de mesures d'exécution de la part du Conseil en vertu de l'article 51 de la Loi. Télésat et TMI ont ajouté que dans le cadre de contrats à long terme, elles fournissent de nombreux services aux clients qui ont le droit de revendre de la capacité de réserve. Elles ont fait valoir que quiconque tente de rouvrir ces contrats de manière à inclure des conditions concernant la fourniture de renseignements en médias substituts rencontrera probablement une résistance sinon un refus catégorique.

15. Télésat et TMI ont également indiqué que légalement, elles n'ont pas le droit de forcer ces revendeurs à rouvrir ces contrats. À leur avis, résilier un service à un revendeur est une option qui n'est ni raisonnable ni pratique. Télésat et TMI ont soutenu que si un revendeur refuse tout simplement de fournir à un client des renseignements en médias substituts, il n'y a rien que l'entreprise puisse faire à ce sujet.

Conclusions

16. Le Conseil estime qu'en recourant au pouvoir que lui confère l'article 24 de la Loi d'imposer des conditions à l'offre et à la fourniture de services de télécommunication par des entreprises canadiennes, il peut traiter la question de la fourniture de renseignements essentiels en médias substituts. Le Conseil fait remarquer que l'imposition de conditions de service applicables aux clients, comme les revendeurs, est un outil de réglementation important qui lui permet de s'assurer que les entreprises fournissent des services de télécommunication conformément à la Loi.

17. Lorsque le Conseil s'est abstenu d'exercer son pouvoir d'approuver des tarifs pour des services de télécommunication, il a en général conservé le pouvoir d'imposer, conformément à l'article 24 de la Loi, des conditions relatives à l'offre et à la fourniture de services de télécommunication.

18. Le Conseil fait remarquer qu'il enquête sur les plaintes au sujet de la non-conformité avec les conditions qu'il a imposées en vertu de l'article 24 de la Loi. Il ajoute que la suspension ou la résiliation d'un service sont des exemples de mesures auxquelles il recourt pour assurer la conformité avec une condition de l'article 24.

19. Le Conseil souligne qu'aucune partie ne s'est opposée à ce que le Conseil impose, à tous les revendeurs, les exigences dans les ordonnances 2001-690 et 98-626. Le Conseil estime que les factures, les encarts de facturation sur les nouveaux services ou sur les modifications apportées aux tarifs ou aux services en place de même que les renseignements sur les tarifs, les modalités et les conditions sont d'une importance fondamentale parce qu'il s'agit d'éléments nécessaires du rapport contractuel qui existe entre l'abonné et le fournisseur de services.

20. Le Conseil estime également que tous les consommateurs devraient jouir d'une égalité d'accès raisonnable à ces renseignements. Pour ces raisons, ainsi que pour celles exposées dans les ordonnances antérieures susmentionnées, le Conseil conclut que tous les clients actuels des services de télécommunication et les clients éventuels, selon le cas, qui sont aveugles devraient avoir accès, sur demande, aux factures, aux encarts de facturation au sujet des modifications apportées aux tarifs ou sur les nouveaux services ainsi qu'aux renseignements sur les tarifs, les modalités et les conditions de service.

21. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il est dans l'intérêt public d'imposer, conformément à l'article 24 de la Loi, la condition ci-dessous relative aux médias substituts.

22. Le Conseil ordonne aux entreprises canadiennes, comme condition pour offrir et fournir tout service de télécommunication à des revendeurs qui fournissent des services aux utilisateurs finals, d'inclure dans leurs tarifs, contrats ou autres arrangements applicables, une condition exigeant que les renseignements ci-dessous soient disponibles, dans un laps de temps raisonnable, en braille, en gros caractères, sur disquette ou dans tout autre média substitut accepté mutuellement par les parties :

  1. sur demande aux abonnés qui sont aveugles :
    1. les factures;
    2. les encarts de facturation envoyés aux abonnés au sujet de nouveaux services ou de modifications apportées aux tarifs de services en place; et
    3. les encarts de facturation exigés de temps à autre par le Conseil; et
  2. sur demande des abonnés actuels ou éventuels qui sont aveugles, les renseignements sur les tarifs, les modalités et les conditions du service.

Toutefois, si une très grande quantité de renseignements est demandée, le fournisseur de services peut limiter le média substitut à une disquette ou à tout autre média électronique sur lequel les parties se seront entendues.

23. Pour ce qui est des services de télécommunication fournis par des entreprises canadiennes conformément à un tarif approuvé, le Conseil ordonne aux entreprises canadiennes de publier des tarifs révisés qui incluront les conditions établies ci-dessus, dans les 20 jours de la date de la présente décision.

24. De plus, en ce qui concerne les services de télécommunication offerts et fournis par des entreprises canadiennes autrement qu'en conformité avec des tarifs approuvés, c'est-à-dire lorsque le Conseil s'est abstenu d'approuver les tarifs, il est ordonné aux entreprises canadiennes d'inclure, dans les 30 jours de la date de la présente décision, la condition relative aux médias substituts énoncée au paragraphe 22 ci-dessus dans les contrats ou autres modèles de contrats ou d'ententes applicables entre des entreprises canadiennes et des revendeurs.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

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