Ordonnance de télécom CRTC 2019-38

Version PDF

Ottawa, le 7 février 2019

Numéros de dossiers : 8663-A182-201800467 et 4754-597

Demande d’attribution de frais concernant la participation de la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada et OpenMedia Engagement Network à l’instance ayant mené à la décision de télécom 2018-384

Demande

  1. Dans une lettre datée du 18 juillet 2018, la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada (CIPPIC) et OpenMedia Engagement Network (OpenMedia) [collectivement, CIPPIC/OpenMedia] ont présenté une demande d’attribution de frais pour leur participation à l’instance ayant mené à la décision de télécom 2018-384 (instance). Lors de l’instance, le Conseil a examiné une proposition pour un régime de blocage de sites Web afin de lutter contre le piratage de droits d’auteur. La proposition a été soumise par Asian Television Network International Limited (ATN), au nom de la coalition Franc-Jeu Canada (Franc-Jeu) Note de bas de page 1.
  2. Franc-Jeu a déposé une intervention, datée du 30 juillet 2018, en réponse à la demande de CIPPIC/OpenMedia. CIPPIC/OpenMedia ont déposé une réplique datée du 13 août 2018.
  3. CIPPIC/OpenMedia ont demandé que le Conseil modifie la date limite pour soumettre la demande d’attribution de frais, car le Conseil a reçu la demande après la date limite, soit le 27 juin 2018, établie dans une lettre procédurale datée du 15 juin 2018. CIPPIC/OpenMedia ont expliqué qu’ils n’ont pas reçu la lettre procédurale à l’adresse électronique au dossier de l’instance et qu’ils ont seulement été informés de son contenu le 4 juillet 2018. Une fois que CIPPIC/OpenMedia ont été informés de la lettre et de la date limite passée, il leur a fallu deux semaines pour préparer et soumettre leur demande d’attribution de frais, ce qui, selon eux, est un délai raisonnable.
  4. CIPPIC/OpenMedia ont aussi expliqué qu’ils croyaient comprendre que l’instance n’était pas terminée et qu’un autre processus serait mené. Pour conclure leur demande, CIPPIC/OpenMedia ont soutenu qu’une modification de la date limite ne serait préjudiciable à aucun intimé et que si le Conseil n’accorde pas cette modification, CIPPIC/OpenMedia subiraient un grand préjudice, étant donné qu’il leur serait impossible de recouvrer les coûts qu’ils ont engagés en raison de leur participation à l’instance.
  5. CIPPIC/OpenMedia ont indiqué qu’ils avaient satisfait aux critères d’attribution de frais énoncés à l’article 68 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure), car ils représentaient un groupe ou une catégorie d’abonnés pour qui le dénouement de l’instance revêtait un intérêt, ils avaient aidé le Conseil à mieux comprendre les questions examinées et ils avaient participé à l’instance de manière responsable.
  6. Plus particulièrement, CIPPIC/OpenMedia ont indiqué qu’ils représentent les intérêts de tous les abonnés canadiens aux services Internet dans toutes les régions du Canada. CIPPIC/OpenMedia ont signalé qu’ils représentent les intérêts de ce groupe ou de cette catégorie d’abonnés au moyen de leurs mandats respectifs de protection de l’intérêt public et d’une campagne de mobilisation en ligne organisée par OpenMedia, dans le cadre de laquelle plus de 80 000 commentaires de particuliers canadiens ont été reçus.
  7. CIPPIC/OpenMedia ont aussi fait valoir que leur participation a aidé le Conseil à mieux comprendre les questions soulevées durant l’instance. Ils ont indiqué que leurs observations au cours de l’instance ont souligné i) de quelle façon la proposition de Franc-Jeu pourrait se prêter à une censure excessive si elle était adoptée; ii) que des lacunes juridiques sous-tendent la proposition; et iii) que les commentaires obtenus durant la campagne de mobilisation en ligne ont offert des renseignements distincts de ceux des autres parties à l’instance, précisant que ces commentaires ont rehaussé l’instance.
  8. CIPPIC/OpenMedia ont aussi indiqué qu’ils ont participé de manière responsable à l’instance et que les coûts qu’ils ont engagés étaient raisonnables et nécessaires.
  9. CIPPIC/OpenMedia ont demandé au Conseil de fixer ses frais à 16 144,50 $, soit 9 682,00 $ en honoraires d’avocat et 6 462,50 $ en honoraires d’analyste. CIPPIC/OpenMedia ont joint un mémoire de frais à leur demande.
  10. CIPPIC/OpenMedia ont réclamé 47 heures en honoraires d’avocat externe au taux horaire de 206 $ et 13,75 jours en honoraires pour six analystes internes au taux quotidien de 470 $.
  11. CIPPIC/OpenMedia n’ont pas précisé les parties appropriées qui devraient être tenues de payer les frais attribués par le Conseil (intimés), mais ils ont indiqué que le Conseil a présenté une formule pour l’évaluation des intimés dans ses Lignes directrices pour l’évaluation des demandes d’attribution de frais (Lignes directrices), établies dans la politique réglementaire de télécom 2010-963.

Réponse

  1. Franc-Jeu a contesté le montant de 6 468,50 $ en honoraires d’analyste demandé par CIPPIC/OpenMedia. Franc-Jeu a fait valoir que la campagne de mobilisation en ligne ne représentait pas une participation responsable à l’instance et ne permettait pas de mieux comprendre les enjeux. Par conséquent, Franc-Jeu a demandé que le Conseil n’attribue aucun des frais demandés pour la campagne.
  2. Plus particulièrement, Franc-Jeu a indiqué que la campagne menée par OpenMedia comprenait des renseignements trompeurs et de nombreuses fausses déclarations à propos de la demande ayant donné lieu à l’instance. Franc-Jeu a allégué que la campagne menée par OpenMedia reposait sur la désinformation et avait publié des renseignements trompeurs, exagérés et erronés. De plus, Franc-Jeu a estimé qu’étant donné que l’intervention de CIPPIC/OpenMedia ne mentionnait pas la campagne et incluait simplement des lettres types, la campagne posait problème, n’avait pas produit des éléments de preuve fiables, et n’avait pas permis de mieux comprendre les enjeux.

Réplique

  1. Dans leur réponse, CIPPIC/OpenMedia ont soutenu que leur campagne de mobilisation en ligne a permis de recueillir des éléments de preuve exacts et fiables, et que Franc-Jeu avait mal interprété les éléments de preuve rassemblés grâce à la campagne de mobilisation en ligne. De plus, CIPPIC/OpenMedia ont affirmé que même si les mauvaises interprétations de Franc-Jeu étaient exactes, la déduction voulant que les documents fussent intentionnellement trompeurs devrait être rejetée. CIPPIC/OpenMedia ont aussi fait valoir que les éléments de preuve recueillis au moyen de la campagne de mobilisation en ligne avaient une valeur probante évidente indépendamment de la véracité des points précis auxquels Franc-Jeu s’objecte.

Lettre procédurale

  1. Le 28 novembre 2018, le personnel du Conseil a envoyé une lettre procédurale à CIPPIC/OpenMedia et aux intimés potentiels pour obtenir des commentaires sur la manière dont les frais devraient être attribués dans le cas présent. Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); la British Columbia Broadband Association (BCBA); la Canadian Communication Systems Alliance Inc. (CCSA); le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens inc. (CORC); Shaw Communications Inc. (Shaw); TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy); TELUS Communications Inc. (TCI); Xplornet Communications Inc. (Xplornet); le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); CIPPIC/Open Media; le Forum for Research and Policy in Communications (FRPC); et l’Union des consommateurs (Union) ont envoyé des observations supplémentaires.
  2. La BCBA, CIPPIC/OpenMedia, le CDIP et le FRPC ont soutenu que la pratique générale du Conseil pour la répartition des frais en fonction des revenus d’exploitation provenant d’activités de télécommunication (RET)Note de bas de page 2 devrait être maintenue pour des raisons telles que la commodité et la cohérence avec la pratique antérieure, et parce que tous les fournisseurs de services de télécommunications (FST) qui sont intervenus dans le cadre de cette instance étaient concernés par son dénouement. Par contre, le CORC, Eastlink, Shaw, TekSavvy, TCI, Xplornet et l’Union ont soutenu que Franc-Jeu devrait être tenue responsable de 100 % des frais attribués par le Conseil. Selon eux, à la base, l’instance, cherchait la protection du droit d’auteur et les FST qui ne faisaient pas partie de Franc-Jeu porteraient un fardeau déraisonnable et disproportionné dans la répartition de frais si le Conseil appliquait la pratique générale pour la répartition des frais en fonction des RET. La CCSA a fait remarquer qu’elle ne devrait pas être tenue responsable d’une attribution de frais parce que ses membres sont de petites organisations, ce qui entraînerait une perception des coûts difficile et inefficace, et que son intervention dans l’instance était très brève.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil est d’avis que le retard de la demande d’attribution de frais de CIPPIC/OpenMedia n’a été préjudiciable à aucune des autres parties à l’instance puisqu’elles ont été informées de la demande et qu’elles ont eu amplement la possibilité d’y répondre. Dans ces circonstances, il est approprié d’examiner la demande d’attribution de frais.
  2. Les critères d’attribution de frais sont énoncés à l’article 68 des Règles de procédure, qui prévoit :


    68.  Le Conseil décide d’attribuer des frais définitifs et fixe le pourcentage maximal de ceux-ci en se fondant sur les critères suivants :

    1. le fait que le dénouement de l’instance revêtait un intérêt pour le demandeur ou pour le groupe ou la catégorie d’abonnés qu’il représentait;
    2. la mesure dans laquelle le demandeur a aidé le Conseil à mieux comprendre les questions qui ont été examinées;
    3. le fait que le demandeur a participé à l’instance de manière responsable.
  3. Dans le bulletin d’information de télécom 2016-188, le Conseil a donné des directives sur la manière dont un demandeur peut démontrer qu’il répond au premier critère en ce qui a trait à la représentation d’abonnés intéressés. Dans le cas présent, CIPPIC/OpenMedia ont démontré qu’ils satisfont à cette exigence. Plus particulièrement, le Conseil estime que leurs mandats respectifs de protection de l’intérêt public et la campagne de mobilisation en ligne démontrent qu’ils représentent les intérêts des abonnés canadiens aux services Internet.
  4. CIPPIC/OpenMedia ont également satisfait aux autres critères par leur participation à l’instance. Plus particulièrement, le Conseil estime que la campagne de mobilisation en ligne a permis de faciliter la participation vaste et directe de milliers de Canadiens à l’instance. Il est important de souligner qu’un nombre important de personnes qui ont utilisé la campagne de mobilisation en ligne pour soumettre une intervention au Conseil ont aussi personnalisé le texte pour inclure leur opinion personnelle sur la proposition présentée par Franc-Jeu. La facilitation d’une participation vaste et la possibilité de soumettre une réponse individuelle ont créé un dossier de preuve diversifié qui a permis de mieux comprendre les enjeux présentés au Conseil. Même si Franc-Jeu peut estimer que certains éléments de la campagne étaient trompeurs, la participation globale à la campagne a permis de mieux comprendre les enjeux présentés au Conseil et ne constituait pas une représentation irresponsable de la part de CIPPIC/OpenMedia.
  5. De plus, le fait que CIPPIC/OpenMedia n’ont pas élargi la portée de la campagne de mobilisation en ligne pour inclure leur propre intervention ne signifie pas qu’ils ont participé à l’instance de façon irresponsable. Il aurait été préférable que l’intervention de CIPPIC/OpenMedia comprenne une autre analyse interprétative des éléments de preuve de la campagne, à la fois pour aider le Conseil à analyser les nombreuses interventions individuelles et pour établir un lien direct entre la campagne et le contenu de l’intervention de CIPPIC/OpenMedia. Toutefois, l’absence d’une telle analyse dans ce cas n’était pas irresponsable, et le lien évident entre la campagne et le contenu de l’intervention concernant les enjeux comme la neutralité du réseau a garanti que l’entière participation de CIPPIC/OpenMedia permette de mieux comprendre les enjeux présentés au Conseil.
  6. Par conséquent, le Conseil conclut que les demandeurs ont respecté le critère pour l’attribution de frais selon l’article 68 des Règles de procédure.
  7. Les taux réclamés au titre des honoraires d’avocat et d’analyste sont conformes aux taux établis dans les Lignes directrices. Le Conseil conclut que le montant total réclamé par CIPPIC/OpenMedia correspond à des dépenses nécessaires et raisonnables et qu’il y a lieu de l’attribuer.
  8. Il convient dans le cas présent de sauter l’étape de la taxation et de fixer le montant des frais attribués, conformément à la démarche simplifiée établie dans l’avis public de télécom 2002-5.
  9. Le Conseil détermine généralement que les intimés à une attribution de frais sont les parties qui sont particulièrement visées par le dénouement de l’instance et qui y ont participé activement.
  10. Le Conseil estime que les parties suivantes étaient particulièrement visées par le dénouement de l’instance et qu’elles y avaient participé activement : la BCBA, la CCSA, le CORC, Eastlink, Franc-Jeu, l’Independent Telecommunications Providers Association, Shaw, TCI, TekSavvy et Xplornet. Par conséquent, ces parties sont les intimés appropriés dans le cas de la demande d’attribution de frais déposée par CIPPIC/OpenMedia.
  11. Le Conseil fait remarquer que sa pratique générale est de répartir la responsabilité du paiement des frais entre les intimés en fonction de leurs RET. En général, le Conseil considère que les RET sont des indicateurs de la prépondérance et de l’intérêt relatifs des parties à l’instance. Cependant, si le Conseil appliquait son approche normale à l’attribution de frais parmi les intimés dans le cas présent, Franc-Jeu aurait la responsabilité de peu de ces frais, voire aucuns, étant donné que ses membres sont principalement des entreprises de radiodiffusion (plutôt que des entreprises de télécommunication) qui ne rapportent pas de RET importants, voire aucuns. Le Conseil considère qu’un tel résultat ne refléterait pas de manière appropriée l’important intérêt que les membres de Franc-Jeu avaient à l’égard du résultat de l’instance. Toutefois, répartir la responsabilité des frais entièrement à Franc-Jeu ignorerait les intérêts des FST qui ont participé à l’instance et dont les interventions ont généralement abordé la manière selon laquelle le régime de blocage de sites Web proposé aurait une incidence sur leurs entreprises de télécommunication.
  12. Dans le cas présent, le Conseil estime qu’il est approprié de répartir 85 % des frais à Franc-Jeu et 15 % des frais entre les autres intimés en fonction de leurs RET, comme indicateur de la prépondérance et l’intérêt relatifs des parties à l’instanceNote de bas de page 3.
  13. Toutefois, comme établi dans l’ordonnance de télécom 2015-160, le Conseil estime que 1 000 $ devrait être le montant minimal à payer par un intimé étant donné le fardeau administratif que l’attribution de petits montants impose autant au demandeur qu’aux intimés.
  14. Par conséquent, le Conseil conclut que la responsabilité du paiement des frais doit être répartie comme suit :
    Partie Pourcentage Montant
    Franc-Jeu 85 % 13 722,83 $
    TCI 15 % 2 421,67 $
  15. Conformément à l’approche générale énoncée dans l’ordonnance de frais de télécom 2002-4, le Conseil désigne ATN, qui a déposé la demande au nom de
    Franc-Jeu, responsable du paiement au nom des membres de Franc-Jeu. Le Conseil laisse aux membres de Franc-Jeu le soin de déterminer entre eux leur part respective.

Directives relatives aux frais

  1. Le Conseil approuve la demande d’attribution de frais présentée par CIPPIC/OpenMedia pour sa participation à l’instance.
  2. Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur les télécommunications, le Conseil fixe à 16 144,50 $ les frais devant être versés à CIPPIC/OpenMedia.
  3. Le Conseil ordonne que l’attribution de frais à OpenMedia, au nom de CIPPIC/OpenMedia, soit payée immédiatement par ATN et TCI, conformément aux proportions établies au paragraphe 30 ci-dessus.

Secrétaire général

Documents connexes

Date de modification :