Avis public de radiodiffusion CRTC 2006-160

Ottawa, le 15 décembre 2006

Politique en matière de radio numérique

Le Conseil énonce dans cet avis sa politique révisée à l'égard de la radio numérique.

Cet avis public est l'un des trois avis publiés par le Conseil à la suite de la révision de sa politique sur la radio commerciale annoncée dans Examen de la politique sur la radio commerciale, avis d'audience publique de radiodiffusion CRTC 2006-1, 31 janvier 2006, lequel a fait l'objet d'une audience publique dans la région de la Capitale nationale à partir du 15 mai 2006. Les deux autres avis sont Politique de 2006 sur la radio commerciale, avis public de radiodiffusion CRTC 2006-158, 15 décembre 2006, et Politique révisée concernant la publication d'appels de demandes de licence de radio et nouveau processus de demandes pour desservir les petits marchés, avis public de radiodiffusion CRTC 2006-159, 15 décembre 2006.

Historique

La politique de 1995 pour la transition à la radio numérique

1. Le 29 octobre 1995, le Conseil a publié sa Politique régissant l'implantation de la radio numérique, avis public CRTC 1995-184 (la Politique de transition vers la radio numérique). Cet avis faisait suite à la publication par le ministère de l'Industrie (le Ministère) en septembre 1995 d'un projet de plan d'attribution pour la bande L. Parce que la radio numérique au Canada en était encore au stade expérimental, le Conseil a proposé une démarche à deux volets pour son implantation. Le premier volet consistait à établir un processus d'attribution de licences à des services de radio numérique de nature transitoire en vertu duquel les licences seraient émises pour une durée de trois ans. Le second volet, prévu pour plus tard, exigerait qu'on se penche d'abord sur tous les aspects de la radiodiffusion audionumérique (DRB) à long terme, et mènerait au bout du compte à l'établissement d'un régime permanent d'attribution de licences pour les entreprises de radio numérique.

2. Le Conseil a aussi déclaré qu'il considérait la radio numérique comme une technologie de remplacement pour les services de radio AM et FM existants et décidé que les services de radio existants auraient priorité d'accès, mais pas l'accès exclusif, à la bande numérique.

Nécessité de réexaminer la politique

3. Depuis 1998, le Conseil a autorisé 76 entreprises de radio numérique de transition à Toronto, Windsor, Montréal, Vancouver, Victoria et Ottawa. De ces 76 licences, 57 ont été attribuées à des entreprises de programmation de radio commerciale déjà existantes. Le Conseil a également approuvé 18 demandes pour des entreprises de radio numérique de transition rattachées à des stations existantes de la Société Radio-Canada (SRC). En outre, le Conseil a approuvé une demande présentée par Sur Sagar Radio Inc. pour exploiter une nouvelle entreprise autonome de radio numérique de transition à caractère ethnique1. Cette station n'est pas encore en ondes. Pour l'instant, il y a plus de 60 stations de radio qui offrent un service de DRB dans la portion de la bande L réservée à la radiodiffusion, qui se situe au Canada entre 1452 et 1492 MHz. Toutes ces stations retransmettent des services de programmation analogiques existants.

4. Après des débuts prometteurs, la DRB tarde finalement à se déployer au Canada. En fait, l'adoption de la nouvelle technologie de radio numérique par les consommateurs, et le virage de l'industrie de la radio au mode numérique sont présentement au point mort. Non seulement n'offre-t-on plus de nouveaux services, mais personne ne se donne vraiment la peine de promouvoir les services de radio numérique qui sont déjà en ondes. De même façon, on investit assez peu dans la construction et l'exploitation d'installations pour transmettre la radio numérique à l'extérieur des marchés où ces services se sont d'abord établis. Certaines stations qui avaient commencé à diffuser en mode numérique ont cessé de le faire.

5. Il y a plusieurs causes à ce marasme. La première est la rareté des récepteurs DRB sur le marché et leur prix élevé. Cette rareté des récepteurs résulte de plusieurs facteurs. Dans une grande partie du monde, la radio numérique est transmise, non pas sur la bande L, mais sur la bande III des fréquences VHF. Dans les rares pays qui ont lancé des stations sur la bande L, le plan d'attribution des canaux est légèrement différent du plan canadien. Par ailleurs, les récepteurs vendus au Canada doivent avoir un affichage bilingue pour s'utiliser aussi bien en français qu'en anglais. Quoiqu'il ne s'agisse pas d'un grand défi technique, il reste que ces récepteurs doivent être fabriqués exclusivement, ou du moins adaptés pour le Canada. La décision des États-Unis d'adopter une technologie différente appelée In-Band-On-Channel (IBOC)2  pour convertir les stations de radio analogiques en stations numériques est un autre facteur qui empêche l'apparition d'une économie d'échelle pour la fabrication des récepteurs numériques pouvant convenir à la bande L sur le marché canadien.

6. La deuxième cause du marasme réside dans le fait que la radio numérique a été implantée uniquement dans les grands marchés, lesquels se situent à des distances considérables. L'industrie automobile s'attendait à ce que les émetteurs de DRB s'élèvent rapidement dans les corridors Windsor-Québec, Calgary-Edmonton, et Vancouver-Basses-terres continentales, ce qui aurait permis aux automobilistes de capter des signaux de DRB de haute qualité en voyageant entre ces villes importantes. Cela ne s'est pas produit et le résultat, c'est que l'industrie automobile s'est tournée vers la radio numérique par satellite par abonnement.

7. Il s'en trouve pour dire que si le déploiement de la DRB a ralenti, c'est à cause du manque de programmation originale sur la bande L. Tel que noté plus haut, la DRB sur bande L est considérée comme une technologie de remplacement pour les services analogiques AM et FM, ce qui fait que le consommateur se trouve à acheter un récepteur numérique passablement dispendieux pour finalement capter le même contenu que lui proposent les stations analogiques, avec pour unique avantage un son de qualité supérieure. Ce que l'on a vu jusqu'à maintenant incite à penser qu'il faut mettre le modèle de remplacement en question et que, si l'on veut motiver le consommateur à acheter un appareil numérique, il faut que les services de radio numérique se mettent à offrir une programmation distinctive.

8. L'émergence de technologies numériques et de plateformes de distribution nouvelles a aussi son rôle à jouer sur le déploiement de la DRB. Outre les services de radio par satellite, à l'origine disponibles uniquement sur le marché gris mais offerts maintenant par des exploitants canadiens autorisés, il existe plusieurs méthodes reliées à Internet pour distribuer du contenu sonore, comme le partage de fichiers, la baladodiffusion, le téléchargement et la lecture en transit de fichiers sonores. Tous ces modes de distribution donnent à l'auditeur de multiples choix de programmation captables sur toute une variété d'appareils, sans parler de la faculté d'adapter ces choix à ses habitudes et ses goûts personnels.

9. C'est cet ensemble de facteurs qui a amené le Conseil à conclure qu'il fallait revoir sa Politique de transition vers la radio numérique dans le contexte de son examen de la Politique de 1998 concernant la radio commerciale, avis public CRTC 1998-41, 30 avril 1998 (la Politique de 1998 sur la radio commerciale).

10. Dans Examen de la Politique sur la radio commerciale, avis d'audience publique de radiodiffusion CRTC 2006-1, 13 janvier 2006 (l'avis d'audience publique 2006-1), le Conseil déclare qu'il estime opportun de sonder le secteur de la radio commerciale et d'obtenir l'avis d'autres parties intéressées, telle la SRC, sur les conditions et le cadre de réglementation qui garantiraient le succès du passage au numérique de la transmission et de la réception des signaux.

11. Dans ce contexte, le Conseil posait les questions suivantes :

Positions des parties

12. Concernant la DRB, le Conseil a reçu les commentaires de plusieurs parties, dont entre autres l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), la SRC, CHUM limitée (CHUM), Corus Entertainment Inc. (Corus), la Canadian Association of Ethnic Broadcasters (CAEB), iBiquity Digital Corporation (iBiquity), l'Ontario Independent Radio Group (OIRG), et DRM. Les arguments soulevés par ces parties sont résumés ci-après.

L'ACR

13. L'ACR fait valoir qu'une politique de transition vers la DRB qui fournit très peu de nouvelles émissions n'est pas susceptible d'attirer le consommateur. Par conséquent, elle propose d'abandonner le concept de la DRB sur bande L comme étant tout simplement une technique de remplacement de la radiodiffusion AM et FM, pour lui substituer des mesures encourageant les radiodiffuseurs à mettre au point des services de programmation novateurs qui seraient distribués aux auditeurs uniquement par mode numérique.

14. L'ACR fait aussi valoir que les radiodiffuseurs AM et FM actuels devraient continuer à jouir d'un accès préférentiel au spectre de la bande L qui leur a été réservé, mais que ce privilège devrait être assorti d'un engagement ferme à long terme de fournir une programmation de plus en plus distincte sur la nouvelle installation. L'ACR soutient que les plages de programmation attribuées sur la bande L aux stations AM ou FM en place, à défaut d'être utilisées dans les sept années qui suivent, devraient être mises à la disposition des nouveaux venus sur le marché ou des radiodiffuseurs de DRB en place qui souhaitent augmenter leur capacité de transmission. De même, les règles pour avoir accès à la capacité de programmation auxiliaire en multi-diffusion, autant pour la bande L que pour l'IBOC, devraient être les mêmes que celles qui s'appliquent à l'exploitation multiplexe de communications secondaires (EMCS) sur FM.

15. L'ACR soutient de plus que le Conseil devrait se montrer ouvert à toutes sortes d'expérimentations et d'essais pratiques pour évaluer la capacité de la DMB et de la DVB-H à répondre aux objectifs des nouveaux services de DRB. Toutefois, avant d'autoriser des services permanents, il faudrait procéder à de nouvelles instances pour décider quelles bandes conviennent le mieux à ces types de transmission.

La SRC

16. La SRC est d'avis qu'il faut faire une distinction entre les bandes AM et FM lorsqu'on parle de transition vers la DRB, parce que leurs propriétés électromagnétiques sont différentes.

17. La SRC indique aussi qu'elle reste engagée dans la DRB sur bande L. Elle fait valoir que les applications et les appareils de nouvelle technologie qu'on trouve maintenant sur plusieurs marchés, en particulier celui du sans fil, pourraient être l'étincelle qui rallumera l'intérêt des Canadiens pour la DRB.

18. Toutefois, la SRC est d'avis que le Conseil devrait repenser son modèle de transition pour la radio numérique, car la DRB ne devrait pas être vue comme une technologie de remplacement, mais bien une technologie appelée à côtoyer les services analogiques actuels.

19. Par ailleurs, la SRC croit qu'il faut abolir l'exigence concernant un son de qualité CD et laisser les forces du marché décider de la qualité du contenu sonore. Cela pourrait consister par exemple à consentir trois nouveaux allotissements DRB ou un nouvel allotissement numérique multimédia dans chaque multiplex actuel de DRB, puisque, avec la norme Eurêka 1475, il est possible d'augmenter le nombre de stations sur un même canal, si l'on est prêt à des compromis au plan de la qualité sonore.

20. La SRC affirme que le Conseil devrait prendre d'autres normes en considération, comme la DRM, la DMB et même la DVB-H pour la radiodiffusion numérique au Canada, dont les applications pourraient s'ajouter à celles de la norme Eurêka 147. Selon la SRC, la DMB pourrait peut-être créer la synergie manquante avec l'industrie des fournisseurs de services de communications personnelles et de téléphones cellulaires en intégrant des récepteurs numériques aux appareils mobiles.

21. Avant d'autoriser l'utilisation de la technologie IBOC au Canada, la SRC propose de prendre des mesures pour s'assurer que l'IBOC ne créera pas de brouillage qui risque de nuire aux services canadiens en place.

22. La SRC indique que l'introduction du système AM sur IBOC obligerait toutes les stations AM, et non pas seulement celles qui adoptent ce système, à diminuer leur largeur de bande de moitié (4,5 kHz). Une démarche comme celle-là entraîne une sérieuse baisse de la qualité du son des stations AM. Même en adoptant ces mesures, la SRC allègue que les données d'IBOC, parce qu'elles débordent sur les fréquences porteuses des premières stations adjacentes qui ne sont pas protégées contre les ondes ionosphériques, rendent la transmission de nuit impraticable.

23. Quant à la fréquence FM, la SRC soutient que l'implantation du système FM sur IBOC exige aussi une coordination additionnelle avec les premières et secondes stations adjacentes. De plus, l'insertion d'une composante numérique IBOC dans la bande FM compliquerait la tâche de la SRC de coordonner son propre réseau.

CHUM

24. CHUM fait valoir que la radio numérique, à ce stade de son déploiement, ressemble beaucoup à la radio EMCS dans la mesure où ses exploitants vont devoir offrir un contenu distinctif s'ils veulent persuader les auditeurs d'acheter un récepteur spécial pour y avoir accès.

25. CHUM est d'avis que les canaux multi-diffusion reliés à la DRB sur bande L ne devraient pas être assujettis à des obligations de contenu.

Corus

26. Corus propose de ne pas réglementer la radiodiffusion numérique, sauf en ce qui concerne la propriété canadienne, jusqu'à ce que toutes les transmissions analogiques soient abandonnées. D'après elle, ce serait une façon de motiver les consommateurs à acheter des récepteurs numériques.

La CAEB

27. La CAEB recommande que le Conseil n'exerce aucune pression en faveur d'une transition à la transmission numérique jusqu'à ce qu'on ait une meilleure idée de la technologie à utiliser et que la vente de récepteurs à bon marché se généralise. Elle recommande aussi de réglementer la DRB de la même façon que les stations AM et FM existantes.

iBiquity

28. iBiquity est l'inventeur et le promoteur de la technologie IBOC qui sert à réaliser la transition vers la radio numérique aux États-Unis.

29. iBiquity recommande d'autoriser l'exploitation d'IBOC au Canada, car cette technologie étant compatible avec la présente infrastructure de radiodiffusion, elle permet de réutiliser le spectre des fréquences et une partie des équipements actuels. L'entreprise estime en même temps que l'introduction d'IBOC répondrait aux objectifs du Conseil de faire passer la radiodiffusion du mode analogique au mode numérique. De plus, iBiquity soutient qu'IBOC dessert l'intérêt public d'autres façons, comme en fournissant des services à des groupes ethnoculturels spécifiques grâce à la multi-diffusion et des services à la communauté des malentendants grâce au canal de données auxiliaires.

L'OIRG

30. L'OIRG recommande que les stations canadiennes qui souhaitent adopter la technologie IBOC soient autorisées à le faire sans devoir affronter un processus réglementaire compliqué ou des délais interminables. Elle recommande aussi que les stations canadiennes soient autorisées à multi-diffuser plusieurs différents formats de catégorie 2 sur les canaux numériques additionnels, comme le permet la technologie IBOC, sans être obligées de présenter une demande ou d'obtenir une approbation réglementaire.

DRM

31. DRM est un consortium d'exploitants et de fabricants constitué en vue de mettre au point une nouvelle norme ouverte et universelle pour la radio numérique. Bien que la norme ait d'abord été élaborée pour les ondes courtes et la bande AM, elle englobe maintenant la bande FM. DRM espère que le volet FM sera au point en 2007 et accessible sur le marché en 2009. Le Conseil remarque que la norme DRM réutilise le spectre analogique existant, comme le fait la norme iBiquity.

32. Selon DRM, sa propre technologie constitue la meilleure solution technique pour convertir les services analogiques actuels en services numériques. Par-dessus tout, il s'agit d'une norme ouverte à tous qui, par conséquent, n'oblige pas à acheter des droits d'utilisation.

Analyse et conclusions du Conseil

33. Le Ministère et le Conseil assument des rôles complémentaires au sein du système canadien de radiodiffusion. Le Ministère alloue un spectre de fréquences pour la radiodiffusion et autorise l'application de nouvelles normes techniques dans le spectre de fréquences attribué aux services de radiodiffusion. Le Conseil accorde des licences, règlemente et supervise le système de radiodiffusion d'une manière propre à favoriser les objectifs fixés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). Les objectifs relatifs à l'intégration de la DRB englobent ceux qui sont décrits à l'article 3(1)d)(iv), qui dit que le système canadien de radiodiffusion devrait « demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques », et à l'article 5(2)f) qui précise que ledit système devrait être réglementé et supervisé avec souplesse, de façon à « permettre la mise au point de techniques d'information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent ».

34. Dans les paragraphes qui suivent, le Conseil expose son point de vue à l'égard de la radio numérique à la suite de son examen de la radio. Dans le cas de la DRB offerte sur la bande L, il modifie la Politique transitoire sur la radio numérique dans le but d'accroître ses perspectives. Il reconnaît toutefois que ces modifications ne sont pas un gage de réussite, puisque la plupart des facteurs responsables de l'état actuel de la DRB sur bande L, comme la rareté des récepteurs par exemple, demeurent inchangés.

35. Le Conseil aborde aussi bon nombre des questions soulevées par les parties, dont plusieurs relèvent du Ministère, concernant IBOC et les autres technologies. Le Conseil décidera en temps et lieu d'un cadre spécifique pour la technologie IBOC ou d'autres technologies relatives à la radio numérique, si elles sont introduites au Canada. La politique du Conseil tiendra compte à ce moment-là de l'état où en sont la radio et la DRB sur bande L.

La DRB sur bande L

Le nouveau modèle de service

36. Le Conseil se rallie au consensus de l'industrie sur la nécessité de présenter de nouveaux services novateurs propres à stimuler l'intérêt des consommateurs pour la DRB sur bande L. Une meilleure qualité technique ne suffira pas à elle seule à aviver la demande pour des services audionumériques.

37. Si l'on se fie aux informations les plus récentes, il apparaît improbable que les bandes AM ou FM disparaissent dans un proche avenir. Le Conseil note que la bande FM, plus particulièrement, poursuit son puissant essor et que la demande croissante pour le peu qu'il reste du spectre constitue actuellement le principal problème technique de la radio FM. En revanche, l'avenir à long terme de la bande AM est moins certain, parce que les radiodiffuseurs continuent de convertir leurs installations AM à la bande FM. Mais même là, il se pourrait que la possibilité de passer du mode analogique au mode numérique avec la technologie IBOC ou peut-être avec la DRM, en dépit de leurs limitations, permette à la bande AM de bénéficier d'un sursis. En tout cas, la possible extinction de la bande en sera certainement retardée de quelques années. Ainsi que l'a relevé la SRC dans son mémoire, les services DRB ne remplaceront pas leurs contreparties analogiques et les deux vont coexister durant encore bon nombre d'années.

38. Pour tous ces motifs, le Conseil conclut que le modèle de remplacement qui sert actuellement pour la DRB sur bande L doit céder le pas à un nouveau modèle de service. En vertu de ce dernier, les nouveaux titulaires d'une licence de radio numérique auront toute latitude, sous réserve du cadre réglementaire défini plus loin pour les DRB de la bande L, d'instaurer les services de radiodiffusion qu'ils estiment servir au mieux les intérêts de l'auditoire. Les titulaires ne seront plus tenus de détenir une licence au titre d'entreprises de radio numérique de transition, mais bel et bien comme entreprises de radio numérique. En principe, les licences seront accordées pour une période de sept ans et la limite de 14 heures de programmation non dupliquée autorisées en vertu de la Politique transitoire sur la radio numérique sera éliminée.

Le cadre réglementaire du nouveau modèle de service

39. Plusieurs propositions ont été faites à propos du nouveau cadre réglementaire pour la DRB sur bande L. Selon l'une d'elles, le Conseil pourrait fixer temporairement un contenu canadien relativement bas, dans le but de stimuler la demande des consommateurs pour les récepteurs de DRB sur bande L. Simultanément, on pourrait soutenir le modèle d'affaires en abaissant les dépenses d'exploitation des radiodiffuseurs, par exemple en diminuant ou même en éliminant les exigences en matière de dépenses relatives à la promotion des artistes canadiens. D'autres parties au contraire ont proposé d'étendre à la DRB de la bande L le cadre réglementaire des actuels services de radio analogiques.

40. Le Conseil fait remarquer qu'il vient tout juste de terminer l'examen du cadre de réglementation de la radio. Celui-ci a été taillé sur mesure afin de satisfaire aux objectifs de la Loi, tout en accordant une certaine souplesse aux petites stations de radio dans des marchés de toutes tailles eu égard à leurs engagements envers le développement du contenu canadien. En outre, le Conseil juge peu fondé de procéder à une nouvelle étude de la DRB, étant donné qu'il s'agit là d'un nouveau service dont les effets ne se feront pas sentir avant quelques années. Il faudrait également faire preuve de flexibilité dans l'application de ce cadre aux jeunes stations numériques.

41. En conséquence de quoi, le Conseil décide d'étendre le cadre réglementaire régissant les actuels services analogiques de la bande FM aux titulaires qui fonctionnent selon le nouveau modèle de service sur la bande L. La politique révisée relative aux stations de radio FM est établie dans la Politique de 2006 sur la radio commerciale, avis public de radiodiffusion CRTC 2006-158, 15 décembre 2006. Cependant, afin d'encourager l'innovation dans la programmation, le Conseil étudiera les demandes des stations numériques qui proposent de faire exception à la clause de la politique sur la radio commerciale qui oblige les stations, par condition de licence, à se conformer à une formule de programmation spécialisée ou non spécialisée.

42. En ce qui concerne les exigences relatives à la propriété commune, le Conseil permettra à une personne de posséder ou de contrôler une entreprise de radio numérique pour chaque entreprise de radio analogique autorisée en vertu de la politique concernant la propriété commune définie dans la Politique de 1998 sur la radio commerciale. Par conséquent, dans un marché où la limite de propriété commune permise est de trois stations, une personne peut posséder ou contrôler un maximum de trois stations numériques et autant de stations analogiques, et dans un marché où cette limite est fixée à quatre stations, il sera possible de posséder ou de contrôler au maximum quatre stations numériques et quatre stations analogiques.

Le régime d'attribution des licences

43. Le Conseil attribuera des licences numériques pour la bande L selon les modalités déjà en vigueur pour la bande FM. Autrement dit, les requérants seront libres de demander des licences pour exploiter des stations de radio numérique utilisant le spectre de la bande L encore disponible. Chaque service de la bande L devra obtenir sa propre licence.

44. De plus, un processus accéléré sera adopté à l'intention des titulaires d'entreprises de radio numérique de transition qui présentent une demande de licence pour une pleine période d'application en vertu du nouveau modèle de service établi par ce cadre stratégique.

45. Le Conseil relève le fait que de nombreuses licences de radio numérique de transition ont été accordées, pour lesquelles les entreprises de radio numérique ne sont toujours pas exploitées. Le Conseil suivra la procédure habituelle voulant que l'autorisation prenne fin si une entreprise n'est pas exploitée dans le délai prescrit.

Le partage de la capacité de canal

46. Le plan d'attribution du Ministère répartit toutes les entreprises de radio situées dans une aire géographique donnée en groupes d'au plus cinq stations aux fins du partage d'un canal de 1,5 MHz de la radio numérique. Dans la Politique de transition vers la radio numérique, le Conseil précise que, dans le but d'accorder à tous les titulaires un accès juste et équitable à la capacité du canal numérique, chaque entreprise doit se limiter à utiliser au maximum 20 % de la capacité du canal de 1,5 MHz.

47. Dans l'esprit du Conseil, le principe de l'accès juste et équitable est la clé de voûte de sa politique sur la radio numérique. C'est pourquoi la limite de 20 % reste en vigueur. Dans l'éventualité où il deviendrait possible d'utiliser le spectre plus efficacement, par exemple si la technique de compression s'améliore à un point tel que 10 signaux audio pourraient être diffusés avec la même qualité technique que cinq actuellement, le Conseil serait prêt à revoir la question.

Les périmètres de rayonnement

48. Le périmètre de rayonnement proposé pour chacun des services de programmation partageant un canal de radio numérique sera inclus dans le processus de demande. Il pourra être fourni par un seul émetteur ou complété par un prolongement du périmètre et par des émetteurs de prolongement (émetteurs auxiliaires de rayonnement).

Les services auxiliaires de données et le contrôle des installations numériques

49. En ce qui a trait à la distribution des services auxiliaires de données ainsi qu'à la propriété et au contrôle des installations numériques, le Conseil maintient la position adoptée dans la Politique de transition vers la radio numérique.

Conclusion

50. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les modifications ci-dessus ne sont nullement un gage de réussite, puisque la plupart des facteurs responsables de l'état actuel de la DRB sur bande L, comme la rareté des récepteurs par exemple, demeurent inchangés. Le Conseil a toutefois voulu se montrer réceptif aux préoccupations exprimées par les radiodiffuseurs. Il est convaincu que le Ministère continuera d'examiner toute question relative au spectre susceptible de contribuer à l'utilisation optimale de la bande L.

La technologie In-Band On-Channel (IBOC)

Survol technique

51. On a vu que les États-Unis ont adopté la technologie IBOC pour la conversion au numérique des stations AM et FM analogiques à l'endroit même qui leur est alloué dans le spectre. Pour cette technologie, on a le choix entre deux grandes normes : la première est celle de la DRM et la seconde d'iBiquity. iBiquity a donné à sa technologie le nom de HD Radio et est en train de l'implanter aux États-Unis. Pour cette raison et parce qu'elle en est à un stade de déploiement plus avancé que la norme concurrente DRM, les radiodiffuseurs canadiens envisagent de l'adopter.

52. iBiquity est un système hybride qui met le signal numérique de chaque côté du signal analogique de la station AM ou FM, les deux signaux étant alors transmis ensemble. Pendant que les deux fonctionnent de pair, les récepteurs radio traditionnels continuent de capter le signal analogique, tandis que les nouveaux récepteurs numériques intègrent les deux modes de réception. Dans les cas où le signal numérique ne peut pas être décodé ou s'il est perdu, il y a moyen de ramener automatiquement les récepteurs au signal analogique si celui-ci est encore disponible. Lorsqu'il y aura suffisamment de nouveaux récepteurs parmi le public, les signaux analogiques seront supprimés. Cela dit, comme l'a signalé la SRC dans son mémoire, cette technologie, et plus particulièrement celle d'IBOC AM, souffre de plusieurs inconvénients qui découlent du fait qu'elle fonctionne simultanément en modes analogique et numérique à l'intérieur d'une largeur de bande relativement étroite et dans un environnement où l'utilisation des fréquences est encombrée.

53. À cause de ces inconvénients techniques, une station qui voudrait implanter la norme IBOC dans un marché donné devrait tenir compte de trois points. Tout d'abord, les signaux numériques de la norme IBOC ajoutent du bruit sur le signal analogique de la station, ce qui réduit quelque peu son périmètre de rayonnement effectif. Deuxièmement, le périmètre de rayonnement à la fois du principal signal numérique et des éventuels signaux de multi-diffusion est un peu plus restreint que celui du signal analogique correspondant. Troisièmement, les signaux de la norme IBOC risquent de détériorer le périmètre de rayonnement des stations reliées entre elles sur le plan technique et situées dans un même marché ou dans des marchés contigus. Le niveau de détérioration dépend de plusieurs facteurs, dont le lien de fréquence, l'emplacement relatif des périmètres de rayonnement et le fait que la seconde station ait ou non elle-même adopté la norme IBOC.

54. Les deux premiers points affectent uniquement le service de la station elle-même. Il appartient donc à la station de peser le pour et le contre et de décider d'adopter ou non la technologie IBOC. Par contre, le troisième point entraîne des répercussions sur le périmètre de rayonnement des autres stations au sein d'un même marché ou de marchés contigus.

L'adoption de la technologie IBOC au Canada

55. À la lumière des faits présentés au cours de cette instance publique, le Conseil en arrive à la conclusion que si les problèmes susmentionnés peuvent être solutionnés, en particulier le brouillage éventuel avec les autres stations, il pourrait envisager d'accorder des licences liées à l'utilisation de la technologie IBOC, laquelle permet de passer au numérique sans accaparer une part supplémentaire du spectre et de fournir davantage d'information sur la programmation et davantage de services de multi-diffusion.

56. En conséquence de quoi, si le Ministère autorise la norme IBOC pour la bande AM ou pour la bande FM en vertu de la Loi sur la radiocommunication, le Conseil serait prêt à autoriser à son tour les services qui l'utilisent, toujours en vertu de la Loi. Un processus accéléré serait adopté pour les stations qui proposent de diffuser en simultané le signal numérique de leur service analogique.

57. Le Conseil adoptera une démarche semblable si le Ministère décide plutôt d'opter pour une autre technologie, telle la DRM, pour la diffusion d'une radio numérique intra-bande.

La DMB, la DVB-H et les autres technologies multimédias

58. Le fait que le nouveau cadre stratégique du Conseil doive encourager l'innovation technique a fait l'objet d'un consensus général. Certaines parties ont proposé que le Conseil permette des expérimentations et des essais pratiques avec les technologies DVB-H ou DMB afin de fournir un mélange de services audio, vidéo et de données connexes sur la bande L.

59. Toutefois, certains étaient préoccupés par les ressources limitées du spectre. À ce propos, l'ACR a proposé que l'attribution de licences pour des services permanents soit différée en attendant qu'une nouvelle instance décide quelles bandes conviennent le mieux à ces types de transmission.

60. Le Conseil reconnaît le rôle déterminant des radiodiffuseurs dans l'élaboration de nouvelles technologies et convient que celles-ci pourraient déboucher sur une programmation novatrice dans plusieurs formats techniques susceptibles d'attirer les premiers adeptes, du moment que les questions de capacité du spectre auront été solutionnées et que le Ministère aura donné son autorisation pour les volets techniques.

Consultations

61. Le Conseil convoquera d'ici six mois une table ronde réunissant les chefs de direction des principaux groupes radiophoniques pour discuter du plan proposé par l'industrie, de l'échéancier de la DRB et d'autres sujets connexes.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Notes de bas de page

[1] Entreprise de radio numérique transitoire autonome à caractère ethnique à Toronto,décision de radiodiffusion CRTC 2003-118, 17 avril 2003.

[2] Les caractéristiques techniques de l'IBOC sont décrites au paragraphe 51 de cet avis public.

[3] La DRM est une technologie IBOC concurrente qui se sert du spectre analogique existant pour fournir des signaux numériques. La DRM est définie au paragraphe 31 du présent avis.

[4] La DMB et la DVB-H sont des normes de radiodiffusion concurrentes utilisées par les services numériques aussi bien vidéo que sonores.

[5] Eurêka 147 est la norme technique qui a été choisie par le Canada pour la DRB sur bande L. Le ministère de l'Industrie décrit et applique la norme Eurêka 147 dans son plan d'attribution pour la DRB sur bande L, lequel est disponible à http://spectrum.ic.gc.ca/infoback/dgse/français/rpm.html

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