Décision de Conformité et Enquêtes CRTC 2017-65

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Ottawa, le 9 mars 2017

Numéros de dossiers : 9094-2014-00313-001 et 9102-2014-00313-008

William Rapanos – Violations de la Loi canadienne anti-pourriel

Le Conseil impose une sanction administrative pécuniaire de 15 000 $ à William Rapanos concernant 10 violations de l’article 6 de la Loi canadienne anti-pourriel. Plus précisément, M. Rapanos a envoyé des messages électroniques commerciaux dans lesquels i) l’expéditeur n’était pas identifié, ii) il n’y avait pas les renseignements permettant aux destinataires de communiquer facilement avec l’expéditeur, iii) sans avoir préalablement obtenu le consentement des destinataires et iv) un mécanisme d’exclusion fonctionnel n’était parfois pas inclus.

Introduction

  1. Entre le 8 juillet et le 16 octobre 2014, le Conseil a reçu, du Centre de notification des pourrielsNote de bas de page 1 , de nombreux signalements en lien avec des messages électroniques commerciaux (MEC) envoyés par courriel, qui semblaient avoir été envoyés par William Rapanos. Ces messages faisaient la publicité d’un service de conception, d’impression et de distribution de prospectus commerciaux.
  2. Une enquête a été menée relativement à ces signalements, puis le 22 avril 2016, un procès-verbal de violation a été remis à M. Rapanos en vertu de l’article 22 de la Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications (Loi canadienne anti-pourriel [LCAP]) par une personne désignée à cette fin en vertu de l’article 14 de la LCAPNote de bas de page 2 . Le procès verbal de violation faisait état de trois campagnes de communication, pour lesquelles la personne désignée a des motifs raisonnables de croire que les 10 violations décrites ci-dessous ont été commises entre le 7 juillet et le 15 octobre 2014 :
    • trois violations de l’alinéa 6(1)a) de la LCAP, pour avoir envoyé un MEC à une adresse électronique sans avoir obtenu le consentement du destinataire;
    • trois violations de l’alinéa 6(2)a) de la LCAP, pour avoir envoyé un MEC ne comportant pas les renseignements réglementaires permettant d’identifier l’expéditeur du message;
    • trois violations de l’alinéa 6(2)b) de la LCAP, pour avoir envoyé un MEC ne comportant pas les renseignements permettant au destinataire de communiquer facilement avec l’expéditeur;
    • une violation de l’alinéa 6(2)c) de la LCAP, pour avoir envoyé un MEC ne comportant pas un mécanisme d’exclusion, conforme au paragraphe 11(1) de la LCAP, permettant au destinataire de signifier qu’il ne souhaite plus recevoir de MEC de l’expéditeur.
  3. Le procès-verbal de violation prévoyait une sanction administrative pécuniaire (SAP) de 15 000 $.
  4. M. Rapanos a d’abord eu jusqu’au 24 mai 2016, et ensuite jusqu’au 31 mai 2016, pour payer la SAP prévue dans le procès-verbal de violation ou pour présenter des observations au Conseil au sujet des violations en question ou du montant de la SAP. Le Conseil a reçu des observations de M. Rapanos, datées du 30 mai 2016.
  5. Conformément au paragraphe 25(1) de la LCAP, le Conseil doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si M. Rapanos a commis les violations en question et, le cas échéant, il peut imposer la SAP prévue dans le procès-verbal de violation, en réduire le montant ou y renoncer. Le Conseil peut également en suspendre le paiement aux conditions qu’il estime nécessaires pour l’observation de la LCAP.
  6. Compte tenu du dossier de l’instance, le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • Est-ce que les messages en cause sont visés par la LCAP?
    • M. Rapanos a-t-il commis les violations en question?
    • Si oui, le montant de la SAP est-il raisonnable?

Est-ce que les messages en cause sont visés par la LCAP?

  1. La LCAP interdit l’envoi de MEC à des adresses électroniques dans certaines circonstances. Par exemple, les violations alléguées concernent les alinéas 6(1)a), 6(2)a), 6(2)b) et 6(2)c) de la LCAP, lesquels nécessitent d’établir si des MEC ont été envoyés à des adresses électroniques :
    • sans le consentement des destinataires;
    • sans que l’expéditeur soit identifié;
    • sans fournir les renseignements permettant au destinataire de communiquer facilement avec l’expéditeur;
    • sans inclure un mécanisme d’exclusion.
  2. Les termes « adresse électronique » et « message électronique » sont définis au paragraphe 1(1) de la LCAP respectivement comme : « toute adresse utilisée relativement à la transmission d’un message électronique à l’un des comptes suivants : a) un compte courriel; b) un compte messagerie instantanée; c) un compte téléphone ou d) tout autre compte similaire » et « message envoyé par tout moyen de télécommunication, notamment un message textuel, sonore, vocal ou visuel ».
  3. Le terme « activité commerciale » est défini au paragraphe 1(1) de la LCAP comme : « tout acte isolé ou activité régulière qui revêt un caractère commercial, que la personne qui l’accomplit le fasse ou non dans le but de réaliser un profit (…) » Bien que cette définition mentionne plusieurs types d’actes ou d’activités faisant exception, aucune de ces exceptions ne s’applique au cas présent.
  4. Le terme « message électronique commercial » est défini au paragraphe 1(2) de la LCAP, comme suit :

    « Pour l’application de la présente loi, est un message électronique commercial le message électronique dont il est raisonnable de conclure, vu son contenu, le contenu de tout site Web ou autre banque de données auquel il donne accès par hyperlien ou l’information qu’il donne sur la personne à contacter, qu’il a pour but, entre autres, d’encourager la participation à une activité commerciale et, notamment, tout message électronique qui, selon le cas :

    a) comporte une offre d’achat, de vente, de troc ou de louage d’un produit, bien, service, terrain ou droit ou intérêt foncier;

    b) offre une possibilité d’affaires, d’investissement ou de jeu;

    c) annonce ou fait la promotion d’une chose ou possibilité mentionnée aux alinéas a) ou b);

    d) fait la promotion d’une personne, y compris l’image de celle-ci auprès du public, comme étant une personne qui accomplit — ou a l’intention d’accomplir — un des actes mentionnés aux alinéas a) à c). »

  5. Dans le cas qui nous occupe, 50 particuliers ont déposé au total 58 signalements auprès du Centre de notification des pourriels concernant les messages en question. Ces signalements comprenaient les messages faisant la publicité d’un service de conception, d’impression et de livraison de prospectus commerciaux par Postes Canada. Par exemple, voici le contenu d’un de ces messages : [traduction]

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  6. Chaque message utilise un langage identique ou similaire; offre ou fait la promotion de services de marketing, de conception et de services commerciaux; présente des devis pour différents volumes et dirige les destinataires à un site Web où de plus amples renseignements sont fournis. Les messages ont été envoyés à chaque compte de courriel des plaignants sans que ceux-ci y aient préalablement consenti. Le Conseil estime donc que ces messages sont visés par la LCAP, en ce qu’ils sont des MEC au sens de la LCAP et qu’ils ont été envoyés à des adresses électroniques comme indiqué par les plaignants.

M. Rapanos a-t-il commis les violations en question?

Rapport d’enquête

  1. Le procès-verbal de violation a été corroboré par un rapport d’enquête contenant la preuve recueillie par une personne désignée (enquêteur) sur laquelle le procès-verbal était fondé et contenant aussi une description des motifs à l’origine du procès-verbal et de l’application des facteurs pris en compte dans l’établissement du montant de la sanction. Le rapport d’enquête comprenait également des copies des signalements déposés auprès du Centre de notification des pourriels, ainsi que les déclarations de témoins, c’est-à-dire de deux particuliers ayant déclaré avoir reçu des MEC non sollicités à des adresses de courriel d’affaires uniquement gérées par eux. Ces particuliers ont confirmé n’avoir jamais consenti à recevoir des MEC de l’expéditeur.
  2. Le rapport d’enquête indiquait ce qui suit : les MEC en question contenaient tous des liens de redirection vers un site Web central à l’adresse http://firstunitedpartners.com; pour tous ces MEC, le même service de protection de domaine servait à bloquer les renseignements sur l’inscription et tous les MEC provenaient d’un seul expéditeur. Conformément à un avis de communication daté du 13 février 2015 et publié en vertu de l’article 17 de la LCAP, l’enquêteur a obtenu les journaux de serveur de l’hôte du domaine de ce site Web central et a découvert, dans ces journaux, les adresses IP utilisées pour accéder au site Web et pour gérer celui-ci. Ces adresses IP étaient inscrites sous l’adresse domiciliaire de M. Rapanos par Bell Canada. De la même façon, il a trouvé deux numéros de téléphone sur le serveur de courrier du site Web, qui étaient fournis comme coordonnées de la personne-ressource. Il a ensuite été confirmé que ces deux numéros de téléphone étaient inscrits au nom de M. Rapanos au moyen d’avis de communication adressés à WIND Mobile Corp., en date du 12 mai 2015 et à 7-Eleven Canada, en date du 22 mai 2015.
  3. L’enquêteur a adressé un avis de communication à M. Rapanos le 29 septembre 2015. Cet avis comprenait une exigence relativement à la production d’une liste de toutes les personnes ayant eu accès à la connexion Internet à l’adresse domiciliaire de M. Rapanos. Dans sa réponse d’octobre 2015, M. Rapanos a affirmé que des pensionnaires demeuraient à son adresse domiciliaire par le passé et présentement et qu’ainsi, il n’était pas en mesure de savoir exactement qui avait accès à sa connexion Wi-Fi non sécurisée. Il a donné le nom de deux de ces personnes sans plus. En novembre 2015, lors d’un entretien de suivi avec un enquêteur, M. Rapanos a mentionné un seul de ces noms en affirmant que le pensionnaire avait habité chez lui pendant quatre ans, mais qu’il avait déménagé il y a quelques semaines. Il n’a donné aucun renseignement quant au lieu où se trouve cette personne, à l’occupation de celle ci ou aux conditions du bail de celle-ci.
  4. La propriétaire de la maison où M. Rapanos demeure a également reçu un avis de communication lui demandant de fournir des renseignements concernant tous les locataires de sa maison. On lui a précisément posé des questions sur les noms des pensionnaires que M. Rapanos avait fournis, mais elle n’a donné des renseignements qu’au sujet de M. Rapanos et de la famille de ce dernier et n’a pas reconnu qu’une quelconque autre personne ait demeuré là.
  5. Malgré la demande de renseignements à l’appui présentée à M. Rapanos par l’enquêteur concernant l’identité des pensionnaires en question, la femme de M. Rapanos et la propriétaire de la maison où demeurent les Rapanos n’ont fourni aucun autre renseignement. L’enquêteur a conclu d’après le dossier que les personnes mentionnées comme étant des pensionnaires n’existaient pas et que les noms de ceux ci qu’avait fournis M. Rapanos étaient des pseudonymes employés par ce dernier.

Observations

  1. Dans les observations qu’il a fournies en réponse au procès-verbal de violation, M. Rapanos a allégué que quelqu’un d’autre avait envoyé les MEC et qu’il était possible qu’il ait été victime d’une vengeance personnelle ou d’un vol d’identité. Il a également affirmé qu’il n’y avait aucun moyen de confirmer qu’il avait personnellement inscrit le site Web (http://firstunitedpartners.com) parce qu’aucune vérification de l’identité n’est effectuée dans le cadre du processus d’inscription au registre de noms de domaines.
  2. Parce que son réseau Wi-Fi n’était pas sécurisé et qu’il n’y avait aucun mot de passe pour les ordinateurs de son domicile, M. Rapanos a affirmé que n’importe qui aurait pu avoir accès à ses renseignements personnels et aurait pu utiliser sa connexion Internet pour commettre les violations dont on présume qu’il est l’auteur.
  3. M. Rapanos a argué que l’enquêteur n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable qu’il avait commis les violations en question, ce qui contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Au cours de la période s’étendant du 8 juillet au 16 octobre 2014, le Centre de notification des pourriels a reçu 58 signalements. Ces signalements correspondaient à trois campagnes de communication par courriel distinctes :
    • 35 MEC ont été envoyés le 7 et le 16 juillet 2014 : quatre violations de la LCAP.
    • 15 MEC ont été envoyés le 22 septembre 2014 : trois violations de la LCAP.
    • 8 MEC ont été envoyés le 15 octobre 2014 : trois violations de la LCAP.
  2. Dans ses observations, M. Rapanos n’a pas remis en question les conclusions tirées par la personne désignée relativement aux violations des alinéas 6(2)a), 6(2)b) et 6(2)c) de la LCAP. Le Conseil a examiné le contenu des 58 signalements reçus, lesquels comprenaient des MEC comme celui mentionné plus haut au paragraphe 11 et il détermine ce qui suit : ces MEC ne contenaient ni l’identification de l’expéditeur ni les coordonnées de la personne-ressource et, dans le cas des MEC envoyés durant la première campagne, ceux-ci ne prévoyaient aucun mécanisme d’exclusion.
  3. Le Conseil a aussi examiné le rapport d’enquête, qui contenait deux déclarations signées par des particuliers. Ces deux particuliers avaient tous deux confirmé avoir reçu des MEC le 22 septembre 2014 (date correspondant à la deuxième campagne) faisant la publicité de services de distribution de prospectus commerciaux à des adresses de courriel d’affaires gérées uniquement par eux et avaient aussi confirmé n’avoir jamais consenti à recevoir des MEC de l’expéditeur.
  4. De plus, certains particuliers ayant déposé des signalements au Centre de notification des pourriels ont présenté des observations indiquant que les MEC ont été considérés comme du pourriel ou ont été envoyés sans consentement. Par exemple, un particulier qui a reçu un MEC le 7 juillet 2014 (date correspondant à la première campagne) a affirmé ce qui suit : [traduction] « Je n’ai jamais eu de relation d’affaires avec et je n’ai jamais consenti [sic] au courriel ci-dessous. » Un autre particulier qui a reçu un MEC le 15 octobre 2014 (date correspondant à la troisième campagne) a, de la même façon, confirmé n’avoir eu aucune relation d’affaires avec l’expéditeur et a dit être d’avis qu’aucune exemption ne s’appliquait.
  5. Les signalements faits au Centre de notification des pourriels et les déclarations signées appuient la conclusion tirée par la personne désignée, suivant laquelle, au cours des trois campagnes, les MEC ont été envoyés sans le consentement préalable des destinataires.
  6. L’idée selon laquelle M. Rapanos était peut-être victime d’un vol d’identité et celle selon laquelle quelqu’un qui lui est inconnu avait peut-être eu accès à la connexion Internet non sécurisée de son domicile ne sont pas convaincantes parce qu’elles ne sont appuyées par aucun indice de fraude ou élément prouvant que l’identité de M. Rapanos aurait été utilisée dans un dessein malicieux. Ni M. Rapanos ni aucun autre particulier à qui l’enquêteur a adressé un avis de communication n’ont fourni à ce dernier un quelconque document appuyant l’affirmation selon laquelle des pensionnaires ont habité chez M. Rapanos ou ont eu accès à la connexion Internet de ce dernier.
  7. M. Rapanos a affirmé que la conclusion de l’enquêteur, selon laquelle il aurait envoyé les MEC en question, semble reposer uniquement sur le fait que les quatre sites Web cités dans les MEC et le cinquième site vers lequel ils sont tous redirigés (http://firstunitedpartners.com) utilisent tous le même service de protection de domaine pour bloquer les renseignements sur l’inscription. Selon son interprétation, ce service est un service par défaut offert gratuitement à l’ensemble des clients, pendant un an, à l’inscription ou au renouvellement de l’inscription d’un site Web en vue de prévenir le vol d’identité. M. Rapanos n’a pas clairement dit comment cela démontrait qu’il n’était pas le propriétaire des sites Web, ou par extrapolation, qu’il n’était pas l’expéditeur des MEC, mais cela établit toutefois que le fait qu’un même service de protection de domaine soit utilisé pour cinq sites Web n’indique aucunement que la même personne a inscrit les sites Web ou qu’elle est propriétaire de ceux-ci, comme l’a affirmé l’enquêteur.
  8. Cependant, l’autre preuve relative aux numéros de téléphone constatés dans les registres de serveur indique que le site Web a été inscrit au nom de M. Rapanos. De la même façon, Bell Canada a confirmé que les adresses IP constatées dans les connexions d’accès pour la gestion du site Web étaient inscrites sous l’adresse domiciliaire de M. Rapanos.
  9. Il est très peu probable, compte tenu de la preuve au dossier, que M. Rapanos ait été victime d’un vol d’identité orchestré uniquement aux fins de l’envoi de MEC non sollicités faisant la publicité d’une entreprise de distribution de prospectus commerciaux.
  10. En ce qui concerne l’affirmation de M. Rapanos, selon laquelle il n’a pas été prouvé hors de tout doute raisonnable qu’il a commis les violations qu’on lui reproche, et que cela contrevient à la Charte, un tel niveau de preuve n’est pas exigé aux termes de la LCAPNote de bas de page 3 . La personne désignée doit avoir des motifs raisonnables de croire que les violations ont été commises par la personne ou l’entité nommée dans le procès-verbal de violation pour pouvoir remettre un procès-verbal. Si la personne ou l’entité nommée présente une demande de révision au Conseil, ce dernier examine la documentation produite par la personne désignée, nommément le procès-verbal de violation et le rapport d’enquête, ainsi que la preuve qui sous-tend cette documentation afin d’établir si le tout suffit pour conclure selon la prépondérance des probabilités que les violations en question ont eu lieu ou non. Si la documentation est suffisante, le Conseil évalue alors si les observations de la personne qui en appelle de la décision remettent en question la preuve constituée par la personne désignée ou si elles ouvrent la voie à une défense et l’étayent.
  11. Dans le cas qui nous occupe, selon la prépondérance des probabilités, le Conseil conclut que M. Rapanos a commis les 10 violations mentionnées dans le procès-verbal de violation. La preuve établit que les MEC en question ont été envoyés sans l’obtention préalable du consentement des destinataires, qu’ils n’étaient pas conformes aux exigences prescrites relativement à l’identification de l’expéditeur ou aux renseignements sur la personne-ressource et, dans le cas des messages envoyés durant l’une des campagnes, ceux-ci ne respectaient pas les exigences relatives à l’ajout d’un mécanisme d’exclusion. De plus, la preuve établit que les MEC provenaient de la connexion Internet du domicile de M. Rapanos. Étant donné que M. Rapanos n’a pas remis en question la preuve d’une manière crédible, le Conseil conclut qu’il a envoyé les messages en question.

Le montant de la SAP est il approprié?

  1. Le procès verbal de violation prévoit une SAP de 15 000 $.
  2. Le paragraphe 20(3) de la LCAP énonce les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer le montant de la SAP, à savoir :

    a) le but de la sanction (qui est de favoriser le respect de la LCAP et non de punir);

    b) la nature et la portée de la violation;

    c) les antécédents de l’auteur de la violation, à savoir violation à la LCAP, comportement susceptible d’examen visé à l’article 74.011 de la Loi sur la concurrence et contravention à l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques;

    d) ses antécédents au regard des engagements contractés en vertu du paragraphe 21(1) de la LCAP et des consentements signés en vertu du paragraphe 74.12(1) de la Loi sur la concurrence concernant des comportements susceptibles d’examen visés à l’article 74.011 de cette loi;

    e) tout avantage financier qu’il a retiré de la commission de la violation;

    f) sa capacité de payer le montant de la sanction;

    g) tout versement d’une somme qu’il a fait volontairement, à titre de dédommagement, à toute personne touchée par la violation;

    h) tout critère prévu par règlement;

    i) tout autre élément pertinent.

  3. M. Rapanos n’avait pas d’antécédents en matière de violation des lois pertinentes et n’avait contracté aucun engagement en vertu de ces lois. Aucun renseignement au dossier de l’instance n’indique qu’il a versé une somme à titre de dédommagement à une personne touchée par les violations et aucun autre critère applicable n’est prévu par règlement.
  4. Dans le rapport d’enquête, on a tenu compte des facteurs susmentionnés et on a cerné les facteurs suivants comme étant plutôt importants pour la détermination du montant de la SAP :
    • l’effet de la dissuasion générale associée à la SAP peut favoriser la conformité à la LCAP;
    • la conduite non conforme a été observée dans le cadre de trois campagnes distinctes qui se sont déroulées sur plusieurs mois;
    • la capacité de payer de M. Rapanos n’a pu être évaluée parce que celui-ci n’a pas fourni les renseignements financiers qu’il devait communiquer;
    • la tenue d’une quatrième campagne pendant que l’enquête avait cours dénote une faible probabilité que M. Rapanos se corrige lui-même.
  5. M. Rapanos s’est opposé au montant de la SAP, affirmant qu’il n’aurait jamais les moyens de le payer puisqu’il n’avait jamais occupé un emploi très longtemps en raison de problèmes de santé. Le Conseil a tenu compte des observations de M. Rapanos sur le montant de la SAP dans la mesure du possible, mais comme celui-ci n’a pas fourni de renseignements financiers à l’appui, ces observations ont généralement peu aidé le Conseil à déterminer le montant de la SAP.
  6. Dans l’analyse qui suit, le Conseil évaluera chacun des facteurs prévus par la LCAP dans la mesure où le dossier dont il dispose le permet.

But de la sanction

  1. La sanction vise à favoriser le respect de la LCAP et non à punir. Ainsi, le montant de la SAP doit être proportionnel à la nature de la non conformité et dissuader la récidive. Dans le rapport d’enquête, on a tenu compte du but de la sanction et on a conclu que, dans ce cas, l’effet de la dissuasion générale pouvait favoriser le respect de la LCAP et que la SAP proposée n’était pas disproportionnée par rapport à la non conformité observée.
  2. Dans le cas de M. Rapanos, le montant proposé de la SAP correspond à 1 500 $ par violation, ce qui est nettement inférieur à la sanction maximale permise de 1 000 000 $ par violation.
  3. De l’avis du Conseil, le montant proposé de la SAP est assez important pour inciter M. Rapanos à modifier son comportement. En revanche, il n’est pas d’une ampleur telle qu’il empêcherait M. Rapanos de continuer à commercialiser des services en ligne de manière à respecter la LCAP.

Nature et portée des violations

  1. Entre le 8 juillet et le 16 octobre 2014, le Centre de notification des pourriels a reçu 58 signalements qui visaient trois campagnes distinctes. Voici le détail des signalements :
    • 35 MEC envoyés les 7 et 16 juillet 2014, sans le consentement des destinataires, sans les renseignements permettant d’identifier l’expéditeur et de communiquer avec lui, et sans l’offre d’un mécanisme d’exclusion;
    • 15 MEC envoyés le 22 septembre 2014, sans le consentement des destinataires, et sans les renseignements permettant d’identifier l’expéditeur et de communiquer avec lui;
    • 8 MEC envoyés le 15 octobre 2014, sans le consentement des destinataires, et sans les renseignements permettant d’identifier l’expéditeur et de communiquer avec lui.
  2. Dans son évaluation des faits examinés, le Conseil a déterminé, comme indiqué ci dessus, que des violations multiples ont été commises durant chaque campagne. Le Conseil estime que le volume de signalements révèle l’existence d’un problème ayant causé des dérangements aux destinataires.
  3. Les Canadiens s’attendent vraisemblablement à ce que les MEC non sollicités, s’ils en reçoivent, contiennent les renseignements exigés par la LCAP. Les violations décrites ci dessus, dont bon nombre ont été commises à maintes reprises, témoignent d’un manque de considération à l’égard de quatre éléments principaux de la LCAP, ce qui laisse croire que M. Rapanos ne se souciait pas que ses activités de commercialisation soient menées conformément à la LCAP ou pas et qu’elles importunent les Canadiens. Selon le Conseil, l’imposition de la SAP proposée, dont le montant est établi à 15 000 $, est indiquée compte tenu de la nature et de la portée de la non conformité de M. Rapanos.

Capacité de payer

  1. Dans la politique réglementaire de Conformité et Enquêtes 2015 109, le Conseil a affirmé que si une partie demande l’examen d’un procès-verbal de violation en raison de son incapacité à payer, elle ne peut pas simplement invoquer l’incapacité à payer la SAP sans fournir de documents détaillés à l’appui.
  2. Le Conseil a énoncé cette ligne directrice dans le contexte des instances portant sur des procès-verbaux de violation liés au Registre de communication avec les électeurs, mais estime qu’il y aurait lieu, conformément à ses pratiques antérieures, d’en appliquer les principes généraux dans le cas présent égalementNote de bas de page 4 .
  3. Le rapport d’enquête fait état de diverses tentatives de la part du Conseil en vue d’obtenir des éléments de preuve qui auraient permis d’évaluer la situation financière de M. Rapanos. Par exemple, dans l’avis de communication qui a été signifié à M. Rapanos en vertu de l’article 17 de la LCAP et dans le procès-verbal de violation qui lui a également été signifié, il était indiqué que M. Rapanos devait fournir des documents justificatifs concernant sa situation financière. M. Rapanos n’a produit aucun renseignement pertinent en réponse à ces deux demandes, et ce, bien que la LCAP l’obligeait à le faire.
  4. Plutôt, dans les observations qu’il a présentées en réaction au procès-verbal de violation, M. Rapanos a simplement affirmé que la SAP était trop élevée parce qu’il était dans une situation financière difficile et, qu’en fait, il n’avait pas les moyens de payer une sanction, peu importe le montant. M. Rapanos a ajouté qu’il n’avait jamais eu de carrière en raison de problèmes de santé, et que lui et sa femme vivaient uniquement de l’aide sociale.
  5. Le Conseil est incapable d’évaluer à fond l’allégation d’incapacité à payer puisque M. Rapanos n’a fourni aucun document ou autre élément de preuve qui permettrait au Conseil de confirmer ou d’évaluer cette allégation. Le Conseil y a donc accordé peu d’importance. Dans les circonstances, il est impossible pour le Conseil de conclure qu’une SAP de 15 000 $ serait inappropriée au motif que le montant dépasse la capacité de payer de M. Rapanos.

Autres facteurs pertinents

  1. Dans le rapport d’enquête, on a cerné deux autres facteurs à prendre en considération en plus des facteurs imposés par la LCAP : le manque de coopération en ce qui concerne l’avis de communication et l’absence d’indices d’autocorrection. Le Conseil estime que ces deux facteurs, lorsqu’ils sont présents, peuvent contribuer à déterminer le montant de la SAP.
  2. Dans le rapport d’enquête, on cite plusieurs cas présumés d’absence de coopération. Essentiellement, on souligne que M. Rapanos a fourni une réponse incomplète à l’avis de communication parce qu’il a omis de produire des documents et des données exigés, sans expliquer pourquoi. On précise aussi que M. Rapanos a tenté d’empêcher l’enquêteur de parler à sa femme, à qui on avait également signifié un avis de communication, et à la propriétaire de la maison où il habite.
  3. S’il est vrai que M. Rapanos a répondu à l’avis de communication, le Conseil estime que les renseignements qu’il a produits sont incomplets. Plus précisément, malgré les nombreuses occasions offertes à M. Rapanos pour qu’il fournisse les éléments de preuve pertinents relatifs à sa capacité de payer, M. Rapanos n’a pas coopéré pleinement. Par conséquent, le Conseil n’a pu évaluer ce facteur imposé par la LCAP, ce qui a nui à l’application de la LCAP.
  4. En ce qui concerne les indices d’autocorrection, M. Rapanos a affirmé avoir pris des mesures pour éviter des violations futures. Il dit avoir sécurisé son accès au réseau et avoir doté ses ordinateurs de maison de mots de passe, et que grâce à ces mesures, aucune autre violation ne serait commise. Toutefois, outre ces affirmations, M. Rapanos n’a fourni aucun élément de preuve corroborant la prise de ces mesures. Qui plus est, comme le Conseil a déterminé que M. Rapanos avait envoyé les MEC en question, il est difficile de voir en quoi les efforts de M. Rapanos garantiraient le respect de la LCAP à l’avenir.
  5. De plus, le rapport d’enquête indique que M. Rapanos a appris le 8 juin 2015 qu’il y avait enquête, après que le premier avis de communication eut été envoyé à une personne qui résidait à son domicile. Entre cette date et le 23 juillet 2015, le Conseil a reçu six plaintes supplémentaires au sujet de MEC concernant l’impression et la distribution de prospectus, MEC qui semblaient avoir été envoyés par M. Rapanos.
  6. Bien que les signalements au Centre de notification des pourriels concernant les campagnes en question semblent avoir pris fin le 23 juillet 2015, le Conseil conclut que le maintien de la dénégation de M. Rapanos par rapport à son implication réduit la probabilité que M. Rapanos se corrige lui-même s’il recommençait à lancer des campagnes de marketing en ligne.
  7. Par conséquent, les facteurs relatifs au manque de coopération et à la probabilité d’autocorrection sont pertinents en l’espèce. Le Conseil estime que les éléments de preuve concernant l’absence de coopération suffisent à justifier l’imposition de la SAP prévue initialement dans le procès verbal de violation. Dans le même ordre d’idées, le Conseil estime qu’il est peu probable que M. Rapanos se corrige lui même et qu’il respecte la LCAP à l’avenir parce qu’il n’a pas précisé comment cela pourrait se faire. Par conséquent, dans les circonstances, le Conseil conclut que le montant de la SAP est approprié pour favoriser le respect de la LCAP.

Conclusion

  1. Comme il est indiqué dans la LCAP, la sanction vise à favoriser son respect et non pas à punir. Ayant pris en considération le rapport d’enquête et les observations de M. Rapanos dans l’analyse des facteurs prévus par la LCAP, et pour les raisons énoncées ci dessus, le Conseil conclut, selon la prépondérance des probabilités, que M. Rapanos a commis les 10 violations décrites dans le procès verbal de violation, et impose une sanction totale de 15 000 $.
  2. Le Conseil estime qu’une sanction totale de 15 000 $ est appropriée en l’espèce, et qu’il s’agit d’un montant raisonnable et nécessaire pour favoriser le respect de la LCAP.
  3. Par la présente, le Conseil avise M. Rapanos qu’il peut interjeter appel de la décision devant la Cour d’appel fédérale dans les 30 jours suivant la réception d’une copie de la présente décision. Un appel portant sur une question de fait est subordonné à l’autorisation de la Cour d’appel fédérale, et la demande d’autorisation doit être présentée dans les 30 jours suivant la signification de la décision.
  4. La somme de 15 000 $ doit être payée au plus tard le 10 avril 2017 et versée conformément aux instructions incluses dans le procès-verbal de violation. Tout montant en souffrance après le 10 avril 2017 sera assujetti à des intérêts composés calculés mensuellement au taux bancaire moyen en vigueur, majoré de 3 %. Ces intérêts s’appliqueront à toute la période comprise entre la date d’échéance susmentionnée et le jour précédant la date de réception du paiement.
  5. Si le paiement n’est pas reçu dans les 30 jours de la date de la présente décision, le Conseil entend prendre des mesures pour recouvrer le montant exigible, lesquelles pourraient inclure l’établissement d’un certificat et l’enregistrement de ce dernier à la Cour fédérale.

Secrétaire générale

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