Décision de télécom CRTC 2019-390

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Ottawa, le 2 décembre 2019

Dossier public : 8622-R28-201902940

Rogers Communications Canada Inc. – Demande concernant l’acheminement du trafic sans frais de la compagnie destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada

Afin d’accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes et de veiller à ce que les mesures réglementaires relatives aux ententes d’interconnexion de réseaux favorisent la neutralité sur le plan de la concurrence, le Conseil ordonne à Bell Canada, comme condition de la prestation de son service d’acheminement des appels 800/888 des entreprises de services locaux concurrentes, de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI dans les territoires d’exploitation de Bell Canada où RCCI fournit également des services. Ces circuits interurbains doivent être déployés pour l’acheminement du trafic sans frais en provenance de RCCI vers les clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada dans les 150 jours suivant la date de la présente décision. Le Conseil ordonne également à Bell Canada de déposer auprès du Conseil, au moins 30 jours avant la fin du déploiement des circuits interurbains, les pages de tarif révisées proposées indiquant que Bell Canada recevra le trafic sans frais en provenance de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada au moyen des circuits interurbains déployés aux commutateurs de RCCI.

Le Conseil refuse la demande de RCCI de commencer à facturer à Bell Canada, à compter du 1er avril 2019, toutes les minutes et tous les coûts liés au service sans frais en provenance de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada. Le Conseil détermine qu’il serait approprié que RCCI commence à facturer à Bell Canada le trafic en question à compter de la date à laquelle Bell Canada aura terminé le déploiement de ses circuits interurbains unidirectionnels aux commutateurs de RCCI.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), datée du 29 avril 2019, dans laquelle la compagnie soutenait que Bell Canada s’accordait une préférence indue en refusant de remplacer l’entente d’interconnexion de réseaux existante entre les deux compagnies pour l’acheminement du trafic sans frais (également appelé « trafic 800/888 ») par une entente qui selon RCCI serait plus équitable.
  2. RCCI a demandé à ce que le Conseil accorde le redressement suivant :
    • Confirmer que RCCI n’est pas obligée d’acheminer le trafic unidirectionnel sans frais destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada au moyen des circuits bidirectionnels de facturation-conservation de RCCINote de bas de page 1.
    • Ordonner à Bell Canada, agissant à titre d’entreprise de services intercirconscriptions (ESI)Note de bas de page 2, de déployer des circuits interurbainsNote de bas de page 3 pour se connecter aux commutateurs de RCCI afin de recevoir du trafic sans frais de RCCI destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell CanadaNote de bas de page 4.
    • Confirmer que, jusqu’à ce que les circuits interurbains de Bell Canada soient déployés (c.-à-d. jusqu’à la conclusion de la présente instance), RCCI pourra commencer à facturer à Bell Canada, à compter du 1er avril 2019, tous les coûts liés aux services sans frais (c.-à-d. les frais d’identification d’entreprise 800/888 de RCCI).
    • Confirmer que, jusqu’à ce que les circuits interurbains de Bell Canada soient déployés (c.-à-d. jusqu’à la conclusion de la présente instance), RCCI pourra commencer à facturer à Bell Canada, à compter du 1er avril 2019, toutes les minutes sans frais destinées au code d’identification d’entreprise de Bell Canada.
  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de RCCI de la part du Consortium des opérateurs de réseaux canadiens inc. (CNOC); de Distributel Communications Limited (Distributel); d’Iristel Inc. (Iristel); de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron); et de TELUS Communications Inc. (TCI).

Contexte

  1. Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a établi des règles d’interconnexion, y compris les modalités régissant les ententes d’interconnexion entre les réseaux des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et ceux des entreprises de services locaux concurrente (ESLC). Soulignant que ces réseaux varieraient à la fois sur le plan de l’architecture et des caractéristiques du trafic, le Conseil a donné aux entreprises la souplesse nécessaire pour négocier certaines modalités de leurs ententes d’interconnexion.
  2. Dans cette décision, le Conseil a ordonné le partage équitable des frais des circuits d’interconnexion entre les entreprises de services locaux (ESL) qui fournissent le service dans la circonscription d’une ESLT donnée. Le Conseil a déterminé que la méthode de facturation-conservation s’appliquerait lorsque le trafic est échangé et raccordé dans la circonscription d’une ESLT donnée, mais que les ESLC assumeraient les coûts associés au trafic échangé dans une circonscription, mais raccordé dans une autre. De plus, le Conseil a conclu que dans les cas où il est démontré que le trafic entre les ESL n’est pas équilibré durant une longue période, il faudrait mettre en œuvre une indemnisation réciproque et plafonner le tarif au tarif de l’ESLT, qui devrait égaler le tarif obligatoire pour les installations essentielles établi dans cette décision.
  3. Les ESI offrent une variété de services de numéros de téléphone sans frais pour lesquels l’appelé paie les appels. Lorsqu’un client passe un appel en utilisant l’un de ces services, une ESL doit acheminer l’appel vers l’ESI appropriée. Au moment de l’instance qui a mené à la décision de télécom 97-8, les appels placés aux numéros sans frais étaient tous reçus par une ESLT, qui consultait une base de données pour déterminer l’ESI fournissant le service de numéros de téléphone sans frais et y acheminer l’appel.
  4. Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a fait valoir que jusqu’à ce que d’autres dispositions soient prises, la seule façon d’acheminer les appels sans frais vers le fournisseur de services approprié était de passer par une compagnie membre du Centre de ressources Stentor Inc. (c.-à-d. une ESLT) qui avait accès au point de contrôle du service sans frais où se trouvait la base de donnéesNote de bas de page 5. Le Conseil a ordonné aux compagnies membres de Stentor de déposer des tarifs proposés, accompagnés de renseignements à l’appui sur les coûts, afin de permettre aux ESLT d’acheminer les appels sans frais.
  5. Dans un rapport de consensus présenté en mai 2001 au Conseil et intitulé Network to Network Interface for Toll Free Connection (NTRE010) [en anglais seulement], que le Conseil a approuvé dans sa décision 2001-640, le Groupe de travail Réseau (GTR) du Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion a précisé l’exigence relative aux interfaces entre les ESLT et les ESI pour le service sans frais. Dans son rapport, le GTR a déclaré que la responsabilité de l’identification de l’entreprise dans le cadre du service sans frais incombait à l’ESL de départ.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Bell Canada s’accorde-t-elle une préférence indue ou déraisonnableNote de bas de page 6, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi)?
    • Le Conseil devrait-il ordonner à Bell Canada de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI afin d’acheminer le trafic sans frais en provenance de RCCI aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada?
    • Le Conseil devrait-il permettre à RCCI de commencer à facturer à Bell Canada, rétroactivement au 1er avril 2019, toutes les minutes et tous les coûts liés aux services sans frais pour le trafic provenant de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada?

Bell Canada s’accorde-t-elle une préférence indue ou déraisonnable, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi?

Positions des parties

RCCI
  1. RCCI a fait valoir qu’à partir du moment où elle a commencé à exercer ses activités en tant qu’ESLC, elle a acheminé les appels sans frais unidirectionnels en provenance de RCCI et destinés aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada au moyen des circuits bidirectionnels de facturation-conservation de RCCI. Cette entente a été élaborée parce qu’à l’époque, Bell Canada était la seule entreprise dans la zone de desserte des ESLC de RCCI qui possédait une base de données des numéros de téléphone sans fraisNote de bas de page 7.
  2. Depuis 2018, RCCI a accès à sa propre base de données des numéros de téléphone sans frais, ce qui signifie qu’elle peut désormais la consulter pour tous les appels sans frais provenant de ses clients afin de trouver le bon code d’identification d’entreprise et les numéros d’arrivée à 10 chiffres. Grâce à ces renseignements, RCCI peut acheminer les appels sans frais directement aux ESI appropriées, y compris Bell CanadaNote de bas de page 8.
  3. RCCI a fait valoir que depuis qu’elle a déployé sa propre base de données des numéros de téléphone sans frais, elle a communiqué avec certaines ESI, dont Bell Canada, pour discuter des changements à apporter à la façon dont le trafic sans frais est échangé. Elle a informé Bell Canada que maintenant que RCCI a la capacité de consulter sa propre base de données des numéros de téléphone sans frais, le trafic unidirectionnel destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada ne devrait plus être acheminé par les circuits bidirectionnels de facturation-conservation de RCCI. Bell Canada (en tant qu’ESI) devrait plutôt faire comme RCCI (en tant qu’ESI), c’est-à-dire déployer des circuits unidirectionnels aux commutateurs de RCCI. RCCI a proposé que Bell Canada lui paie le tarif à la minute et les frais d’identification d’entreprise 800/888 de RCCINote de bas de page 9. RCCI a fait valoir qu’il s’agirait d’une entente plus équitable, mais qu’elle n’a pas été en mesure de résoudre son problème d’acheminement du trafic avec Bell Canada par la négociation.
  4. RCCI a fait valoir que, comme l’a décidé le Conseil à plusieurs reprises, la responsabilité de l’identification de l’entreprise en ce qui concerne les services sans frais incombe à l’ESL de départ. RCCI a fait valoir que le Conseil souhaitait s’assurer qu’une indemnisation adéquate était versée à ceux qui s’acquittaient d’une fonction nécessaire, à savoir établir correctement les appels sans frais.
  5. RCCI a fait valoir que le fait que Bell Canada est une ESLT et une ESI dans ses territoires d’exploitation des ESLT a donné lieu à des situations qui sont clairement injustes et non viables. RCCI a fait valoir que peu importe le rôle de Bell Canada dans un appel sans frais, que ce soit à titre d’ESLT, d’ESI ou d’administrateur de base de données, la compagnie est payée pour chaque appel sans frais. En même temps, tous les autres types d’entreprises, même lorsqu’elles exécutent exactement les mêmes fonctions d’interrogation de la base de données des numéros de téléphone sans frais et d’acheminement qu’exécute Bell Canada dans d’autres cas, sont tenues de payer Bell Canada. RCCI a fait valoir que Bell Canada est payée des deux côtés de l’équation et s’accorde donc une préférence indue.
  6. RCCI a décrit deux scénarios à l’appui de ses arguments. Dans le premier scénario, lorsque ses clients résidentiels composent les numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, RCCI achemine les appels par ses propres circuits bidirectionnels de facturation-conservation à Bell Canada. RCCI a fait valoir que cela crée un déséquilibre de trafic en faveur de Bell Canada, ce qui a pour conséquence que RCCI indemnise Bell Canada.
  7. Dans le deuxième scénario, lorsque les clients de Bell Canada composent les numéros de téléphone sans frais de RCCI, Bell Canada refuse d’acheminer ce trafic par ses circuits bidirectionnels de facturation-conservation. Bell Canada oblige plutôt RCCI à déployer des circuits interurbains unidirectionnels aux transits d’accès de Bell Canada. Par conséquent, RCCI paie les frais de raccordement de transit d’accès de Bell Canada de 0,0011 $ la minute plus les frais de raccordement direct de 0,00088 $ la minute (qui forment ensemble les frais de commutation et de groupement de Bell Canada), ainsi que les frais d’identification d’entreprise 800/888 de Bell Canada de 0,0024 $ par appel sans frais.
  8. RCCI a fait valoir que pour le trafic sans frais sortant (RCCI vers Bell Canada) et entrant (Bell Canada vers RCCI), Bell Canada insiste pour qu’il y ait deux arrangements d’acheminement distincts, selon la provenance du trafic. Cette situation est avantageuse pour Bell Canada, puisque la compagnie est payée par RCCI pour le trafic sans frais provenant de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, ainsi que pour le trafic sans frais de Bell Canada destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de RCCI. RCCI a soutenu que c’est clairement injuste.
  9. RCCI a fait valoir qu’il n’y a aucune justification rationnelle à ces arrangements unilatéraux. Cette situation était peut-être appropriée lorsque RCCI comptait sur la base de données des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada pour acheminer correctement les appels sans frais de RCCI. Cependant, maintenant qu’elle a accès à sa propre base de données des numéros de téléphone sans frais, RCCI peut désormais la consulter pour tous les appels sans frais provenant de ses clients, ce qui permet à la compagnie d’acheminer directement les appels aux ESI par ses propres moyens.
  10. RCCI a fait valoir que pour mettre fin à la préférence indue que Bell Canada s’accorde à elle-même, chaque ESL et chaque ESI devrait être traitée de la même façon et s’interconnecter de la même façon. RCCI a fait valoir que rien ne justifiait que Bell Canada l’oblige à acheminer le trafic sans frais destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada par les circuits bidirectionnels de facturation-conservation de RCCI. Le Conseil devrait donc ordonner à Bell Canada i) de déployer des circuits interurbains aux commutateurs de RCCI et ii) de payer RCCI pour la réception du trafic sans frais de RCCI, de la même manière que RCCI paie pour la réception du trafic sans frais de Bell Canada.
Bell Canada
  1. Bell Canada s’est opposée à toutes les mesures de redressement demandées par RCCI. Elle a fait valoir que l’introduction par RCCI d’un service facultatif de base de données des numéros de téléphone sans frais, comme solution de rechange à celui fourni par Bell Canada, ne contraignait pas les fournisseurs de l’industrie à réorganiser leurs arrangements d’acheminement du trafic sans frais ou à utiliser le service de base de données des numéros de téléphone sans frais de RCCI.
  2. Bell Canada a fait valoir qu’il n’y a rien d’inéquitable ou de discriminatoire dans le régime actuel d’acheminement du trafic sans frais. Elle a soutenu que bien que RCCI prétende que le régime actuel est inéquitable parce qu’il est ancré autour des ESLT, RCCI n’a énoncé aucune affirmation selon laquelle le traitement actuel par Bell Canada des appels sans frais représente une préférence indue ou une discrimination injuste aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi. Bell Canada a fait valoir que la discussion de RCCI sur les décisions applicables du Conseil reconnaît implicitement que la mise en œuvre actuelle par Bell Canada de l’acheminement du trafic sans frais est conforme aux exigences du Conseil en place depuis deux décennies.
  3. Bell Canada a fait valoir qu’elle ne s’accorde pas, en tant qu’ESI, un traitement préférentiel par rapport aux autres ESI qui lui sont directement connectées, ajoutant que l’acheminement des appels sans frais entrants de RCCI à Bell Canada (en tant qu’ESI) est exactement le même que celui des appels sans frais destinés à toutes les autres ESI qui ont choisi de ne pas se connecter directement à RCCI. Bell Canada a plutôt fait valoir que c’est la proposition de RCCI d’obliger Bell Canada (en tant qu’ESI) et seulement Bell Canada à se connecter directement à RCCI qui est injuste.
  4. Bell Canada a fait valoir qu’il n’y avait aucune indication, dans l’avis de modification tarifaire de RCCI concernant l’introduction de son service de base de données des numéros de téléphone sans frais, qu’il serait obligatoire de s’interconnecter avec RCCI en tant qu’ESINote de bas de page 10. Au lieu de cela, le libellé proposé, tel qu’il a été approuvé par le Conseil dans l’ordonnance de télécom 2018-323, énonce simplement ce qui suit : « Un circuit d’interconnexion avec accès côté réseau peut être aménagé pour assurer l’acheminement des appels 800/888 destinés au réseau du FSINote de bas de page 11 » [traduction]. Le Conseil n’a reçu aucune intervention au sujet de l’avis de modification tarifaire, ce qui n’est pas surprenant selon Bell Canada puisqu’à aucun moment avant de le soumettre RCCI n’a indiqué que son nouveau service créait des obligations pour les autres participants de l’industrie.
  5. Bell Canada a fait valoir qu’elle avait clairement indiqué au cours de ses négociations avec RCCI qu’elle ne croyait pas que le lancement du service de base de données des numéros de téléphone sans frais de RCCI créait des obligations réglementaires et que, par conséquent, une reconfiguration des circuits interurbains de Bell Canada ne pourrait refléter qu’une solution négociée convenue par les deux parties. Toutefois, RCCI n’a pas présenté à Bell Canada une proposition commerciale convaincante et, par conséquent, aucune entente n’a été conclue.

Intervenants

  1. Le CORC a fait valoir que l’insistance de Bell Canada pour que RCCI se conforme à des ententes d’acheminement non réciproques qui n’ont aucune justification technique ou réglementaire, et qui profitent à Bell Canada, est clairement un cas où Bell Canada s’accorde une préférence indue. Le CORC a soutenu que l’approbation de la mesure de redressement demandée par RCCI favoriserait la concurrence dans la prestation de services vocaux. Plus précisément, le nouveau service de base de données des numéros de téléphone sans frais de RCCI offrirait des solutions de rechange concurrentielles aux autres entreprises qui n’ont plus besoin de compter sur Bell Canada pour accéder à ce service dans les territoires d’exploitation d’ESLT de Bell Canada. Le CORC a également fait valoir que l’approbation de la mesure de redressement demandée par RCCI garantirait des ententes équitables d’acheminement du trafic sans frais pour les autres concurrents qui déploient des bases de données des numéros de téléphone sans frais. Le CORC a ajouté que les tentatives de Bell Canada de contraindre RCCI à des ententes non réciproques d’acheminement du trafic ne devraient pas nuire à la capacité des entreprises d’acheminer les appels à RCCI et à la capacité de RCCI d’offrir des tarifs concurrentiels pour le service d’interrogation de base de données des numéros de téléphone sans frais.
  2. Distributel a fait valoir que, lorsque deux ESL ont des opérations et des capacités similaires, l’arrangement par défaut devrait être que le trafic soit acheminé d’une manière réciproque. Distributel a fait valoir que le déploiement de bases de données des numéros de téléphone sans frais par les ESLC fournirait aux ESLC qui n’ont pas leur propre base de données un choix d’ESL à partir desquelles elles pourront obtenir des services d’interrogation de bases de données des numéros de téléphone sans frais afin qu’elles puissent déterminer le bon acheminement pour le trafic sans frais qu’elles génèrent.
  3. Distributel a fait valoir que le déploiement de bases de données des numéros de téléphone sans frais par une ESLC peut créer des occasions pour les ESI autonomes de s’interconnecter directement au commutateur interurbain de cette ESLC afin de recevoir le trafic sans frais provenant de l’ESLC (ainsi que tout trafic sans frais destiné à l’ESI autonome qui provient des autres ESLC qui utilisent le service d’interrogation de bases de données des numéros de téléphone sans frais de l’ESLC). Cet avantage potentiel des ESI autonomes est fondé sur l’existence d’un niveau suffisant de trafic sans frais destiné à l’ESI autonome et provenant de l’ESLC ayant la base de données des numéros de téléphone sans frais ou d’autres ESLC qui utilisent son service d’interrogation de base de données des numéros de téléphone sans frais. Distributel a fait valoir que si un tel niveau de trafic sans frais destiné à l’ESI n’existe pas, l’interconnexion directe avec l’ESLC qui a déployé une base de données des numéros de téléphone sans frais ne profitera pas à l’ESI autonome.
  4. Distributel a soutenu que toutes les ESLC qui déploient une base de données des numéros de téléphone sans frais et offrent une interconnexion directe à leurs commutateurs interurbains pour que les ESI autonomes puissent recevoir le trafic sans frais provenant d’une ESLC devraient être liées par l’exigence que, si une ESI autonome ne souhaite pas établir une interconnexion directe aux commutateurs interurbains des ESLC pour recevoir ce trafic, l’ESLC continuera de l’acheminer à l’ESI par l’intermédiaire de l’ESLT au moyen des circuits interurbains que l’ESI a déployés pour se connecter au réseau de l’ESLT. À ce titre, l’ESLT devrait continuer d’être l’entreprise de transit par défaut pour le trafic sans frais, à moins que d’autres dispositions ne soient prises.
  5. Iristel a fait valoir que Bell Canada s’accorde une préférence indue en refusant d’accepter une entente réciproque avec RCCI. Iristel a fait valoir que dans le cas où une ESLC n’a plus besoin de compter sur l’ESLT pour l’identification d’entreprise, toute entente entre cette ESLC et l’ESLT devrait être réciproque en ce qui concerne le trafic sans frais et les paiements liés à ce trafic. Iristel a également soutenu que l’octroi par le Conseil de la mesure de redressement demandée par RCCI favoriserait la réalisation des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c) et 7f)Note de bas de page 12 de la Loi. Iristel a exhorté le Conseil à accorder la mesure de redressement demandée par RCCI et à affirmer que toute ESLC qui n’exige plus que l’ESLT fournisse des services d’identification d’entreprise pour le trafic sans frais devrait avoir droit à une entente d’acheminement réciproque avec l’ESLT et à un régime de paiement qui reflète cette entente.
  6. Vidéotron a appuyé la demande de mesure de redressement de RCCI. Elle a fait valoir que, compte tenu du fait que RCCI a mis en œuvre les mêmes fonctions que Bell Canada pour trouver le code d’identification d’entrepriseNote de bas de page 13 pour les appels faits à partir de son réseau vers les numéros de téléphone sans frais, RCCI devrait être en mesure de profiter de la même efficacité d’acheminement que Bell Canada. En d’autres termes, RCCI devrait être en mesure d’acheminer le trafic sans frais vers l’ESI par l’entremise des circuits interurbains de l’ESI, y compris lorsque Bell Canada est l’ESI.
  7. Vidéotron a ajouté qu’en approuvant la demande de RCCI, le Conseil favoriserait l’émergence d’un marché concurrentiel des services d’acheminement du trafic sans frais. Les ESL qui ont choisi de ne pas mettre en œuvre la fonction qui leur permet de consulter par elles-mêmes la base de données des numéros de téléphone sans frais auraient le choix entre plusieurs fournisseurs avec lesquels elles pourraient s’interconnecter et qui seraient chargés de consulter la base de données des numéros de téléphone sans frais et d’acheminer les appels entrants des ESLC pour leur compte.
  8. TCI a fait valoir qu’elle appuyait, en principe, la position de RCCI selon laquelle une ESLC qui peut effectuer sa propre identification d’entreprise pour le trafic sans frais ne devrait pas avoir à payer d’autres entreprises pour exécuter cette fonction pour elle. TCI a soutenu qu’il est raisonnable pour RCCI de s’attendre à ne plus avoir à acheminer son trafic sans frais vers Bell Canada, puisque cette entente a été établie pour tenir compte de l’incapacité des ESLC à effectuer l’identification d’entreprise pour le trafic sans frais. TCI a fait valoir qu’il est également raisonnable pour les ESLT de s’attendre à ce que, à la suite de l’acquisition de cette capacité par les ESLC, les ESLT ne soient plus tenues d’exercer cette fonction pour le compte des ESLC. TCI a toutefois fait valoir que Bell Canada ne se confère pas une préférence indue en fournissant l’acheminement du trafic sans frais; elle n’enfreint pas la Loi en fournissant un service obligatoire exactement tel qu’il a été établi par le Conseil, quels que soient les tarifs, les modalités et les conditions du service.
Réplique de RCCI
  1. RCCI a répliqué que les commentaires de Bell Canada ne tenaient pas compte du principal problème, à savoir que Bell Canada oblige RCCI à acheminer ses appels sans frais au moyen de ses circuits de facturation-conservation qui sont raccordés au service de numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, ce qui crée un déséquilibre du trafic en faveur de Bell Canada. Dans le scénario inverse, Bell Canada refuse d’utiliser ses circuits de facturation-conservation pour se connecter à RCCI afin de raccorder ses appels sans frais qui sont destinés aux clients des numéros de téléphone sans frais de RCCI. RCCI doit plutôt déployer des circuits interurbains pour recevoir son trafic de Bell Canada.
  2. RCCI n’était pas d’accord avec l’argument de Bell Canada selon lequel RCCI veut forcer Bell Canada (et seulement Bell Canada) à déployer des circuits interurbains aux commutateurs de RCCI. RCCI a fait valoir que la principale différence entre Bell Canada et les autres ESI est que RCCI n’a pas de circuits de facturation-conservation avec d’autres ESI et que, par conséquent, il n’y a pas de situations injustes impliquant d’autres ESI.
  3. RCCI a ajouté que les interconnexions directes interurbaines avec d’autres ESI se feront naturellement parce que les ESI économiseront de l’argent en s’interconnectant directement avec RCCI. Les ESI ne paieront que les frais de raccordement direct approuvés de RCCI pour recevoir leur trafic sans frais, plutôt que les frais de raccordement direct plus les frais de raccordement de transit d’accès (qui forment ensemble les frais de commutation et de groupement de RCCI) si leur trafic est acheminé par Bell Canada. RCCI a fait valoir que si une ESI n’a pas suffisamment de trafic pour justifier des interconnexions directes avec RCCI, il est possible de continuer de passer par les ESLT. RCCI a estimé que, dans des circonstances normales, il y a suffisamment de trafic provenant des clients de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada pour que Bell Canada (en tant qu’ESI) puisse s’interconnecter directement avec RCCI.
  4. RCCI a fait valoir que l’ordonnance de télécom 98-486 stipule clairement que le trafic interurbain de départ devrait être acheminé des ESLC vers les ESLT par des circuits interurbains distincts, aux frais des ESI. RCCI a fait valoir que les exigences d’acheminement décrites dans cette ordonnance appuient entièrement sa demande, ajoutant que le trafic sans frais provenant de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada ne devrait pas être acheminé par des circuits bidirectionnels de facturation-conservation (entraînant des coûts partagés), mais plutôt par des circuits interurbains unidirectionnels payés par les ESI.
  5. RCCI a fait valoir qu’elle n’a aucun problème avec le fait que Bell Canada n’utilise pas le service d’identification d’entreprise 800/888 de RCCI; de même, RCCI n’a plus besoin d’utiliser le service équivalent de Bell Canada, puisque RCCI a maintenant une base de données des numéros de téléphone sans frais. RCCI a soutenu qu’elle est consciente que les ESI ne sont pas obligées de s’interconnecter avec les ESL et qu’elle veut simplement un traitement symétrique.
  6. RCCI a fait valoir que si Bell Canada ne veut pas déployer de circuits interurbains aux commutateurs de RCCI afin de recevoir le trafic sans frais, RCCI retirerait tous ses circuits interurbains raccordés aux commutateurs de Bell Canada, auquel cas le Conseil devrait ordonner à Bell Canada d’acheminer tout son trafic sans frais destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de RCCI au moyen des circuits de facturation-conservation de Bell Canada. Ce n’est qu’alors que RCCI aurait un arrangement entièrement symétrique avec Bell Canada.
  7. RCCI n’était pas d’accord avec TCI pour dire que Bell Canada ne s’accorde pas une préférence indue, soutenant que maintenant que RCCI a la capacité d’effectuer elle-même l’identification d’entreprise pour le trafic sans frais, Bell Canada crée une préférence indue par son refus de négocier avec RCCI une autre entente d’acheminement. RCCI a fait valoir qu’elle possède les mêmes fonctions de recherche de numéros de téléphone sans frais que Bell Canada, de sorte que le modèle d’acheminement des appels sans frais devrait être un arrangement réciproque entre les deux parties.

Résultats de l’analyse du Conseil

Évaluation de la préférence indue ou déraisonnable
  1. Les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi se lisent comme suit :

    27(2) Il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder — y compris envers elle-même — une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.
    27(4) Il incombe à l’entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir, devant le Conseil, qu’ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

  2. Pour déterminer s’il y a préférence indue ou déraisonnable, le Conseil doit d’abord déterminer s’il y a préférence.
  3. En vertu de son entente d’interconnexion de réseaux actuelle avec Bell Canada, RCCI se voit refuser des revenus qu’elle recevrait autrement de Bell Canada pour l’identification (en accédant directement à une base de données au lieu de compter sur Bell Canada pour exécuter cette fonction) et l’acheminement du trafic sans frais de Bell Canada destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell CanadaNote de bas de page 14, étant donné le refus de Bell Canada de déployer des circuits interurbains aux commutateurs de RCCI pour recevoir ce trafic. De plus, Bell Canada continue de facturer à RCCI les coûts liés au déséquilibre de trafic créé en exigeant que RCCI continue d’utiliser ses propres circuits bidirectionnels de facturation-conservation pour acheminer le trafic sans frais destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, coûts que RCCI n’encourrait pas si Bell Canada acceptait de déployer ses propres circuits interurbains unidirectionnels aux commutateurs de RCCI pour recevoir ce trafic.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Bell Canada, en exigeant que RCCI continue de se conformer à l’entente asymétrique d’acheminement d’appels sans frais entre les deux parties malgré le fait que RCCI a désormais la capacité d’effectuer ses propres recherches dans une base de données des numéros de téléphone sans frais, s’accorde une préférence et impose à RCCI un désavantage correspondant.
  5. Au moment où les politiques du Conseil concernant les arrangements de réseau entre les ESLT et les ESLC pour l’acheminement des appels sans frais ont été établies en vertu de la décision de télécom 97-8, seules les ESLT possédaient ou avaient autrement un accès direct aux bases de données des numéros de téléphone sans frais. Tel qu’il a été établi dans la décision de télécom 97-8, les ESLT assument la responsabilité et les dépenses associées à l’exploitation de ces bases de données ainsi qu’à l’identification et à l’acheminement corrects de tout le trafic sans frais acheminé par leurs réseaux, y compris tout le trafic sans frais provenant des ESLC et des autres fournisseurs de services intercirconscriptions (FSI). Par conséquent, il était approprié à l’époque que les ESLT soient indemnisées pour tout le trafic sans frais qu’elles acheminaient sur leurs réseaux, quelle que soit la direction du flux de trafic.
  6. Le Conseil a également précisé dans la décision de télécom 97-8 que ses décisions concernant l’acheminement du trafic sans frais entre les ESLT et les ESLC s’appliqueraient en l’absence d’« autres arrangements », sans préciser ce qu’ils pourraient être. Aucune décision du Conseil n’a été prise depuis au sujet de ces autres arrangements, y compris d’autres arrangements d’interconnexion de réseaux (et, par extension, de facturation) entre les ESLT et les ESLC expressément pour l’acheminement du trafic sans frais.
  7. Par conséquent, jusqu’à ce qu’une ESLC acquière un accès direct à une base de données des numéros de téléphone sans frais et puisse exécuter les fonctions d’identification d’entreprise et d’acheminement pour tout le trafic provenant de cette ESLC, la politique actuelle du Conseil concernant les arrangements de réseau pour l’acheminement des appels sans frais demeure appropriée.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Bell Canada a démontré que ses ententes d’acheminement d’appels sans frais actuelles avec RCCI sont entièrement conformes au cadre stratégique établi dans la décision de télécom 97-8 et au tarif de Bell Canada approuvé par le Conseil. Par conséquent, le Conseil conclut que la préférence que s’accorde Bell Canada n’est pas indue.

Le Conseil devrait-il ordonner à Bell Canada de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI afin d’acheminer le trafic sans frais en provenance de RCCI aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada?

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Depuis la publication de la décision de télécom 97-8, le marché canadien des télécommunications est devenu de plus en plus concurrentiel. Le Conseil estime que l’acquisition par RCCI de la capacité d’interroger directement une base de données des numéros de téléphone sans frais et d’acheminer le trafic sans frais en provenance de son réseau et destiné à une ESI représente un changement important de circonstances qui permet d’établir d’autres arrangements, comme le prévoit la décision de télécom 97-8.
  2. Compte tenu de ces changements, le Conseil estime que l’application continue de ses politiques actuelles concernant la structure des réseaux et les ententes de facturation entre RCCI et Bell Canada ne sert plus les objectifs de la politique établis aux alinéas 7c) et 7f) de la Loi, c’est-à-dire que ces ententes ne servent plus à accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes ni à assurer l’efficacité de la réglementation. De plus, le sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions de 2006Note de bas de page 15 exige que les ententes d’interconnexion de réseaux garantissent la neutralité sur le plan de la concurrence et ne favorisent pas artificiellement des entreprises canadiennes. De l’avis du Conseil, permettre à Bell Canada de maintenir ces arrangements irait à l’encontre de cette exigence en ce sens que cela maintiendrait inutilement un avantage concurrentiel pour Bell Canada par rapport à RCCI.
  3. Le Conseil estime donc que l’entente d’interconnexion de réseau et, par extension, l’entente d’indemnisation pour l’acheminement du trafic sans frais entre les compagnies devraient être symétriques, c’est-à-dire que les deux parties devraient utiliser le même type de circuit pour recevoir et acheminer le trafic sans frais de la partie de départ.
  4. Compte tenu du dossier de la présente instance, le Conseil est d’avis qu’il est peu probable que RCCI et Bell Canada parviennent à une entente concernant un arrangement révisé pour l’acheminement du trafic sans frais entre les deux parties.
  5. Par conséquent, conformément aux articles 24 et 40 de la LoiNote de bas de page 16, le Conseil ordonne à Bell Canada, comme condition à la prestation de son service d’acheminement des appels 800/888 des ESLC, de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI afin de recevoir tout le trafic sans frais provenant de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada. Ces circuits interurbains doivent être déployés dans les territoires d’exploitation de Bell Canada où RCCI fournit également des services, et doivent être déployés dans les 150 jours suivant la date de la présente décision.
  6. Le Conseil ordonne également à Bell Canada de déposer auprès du Conseil, au moins 30 jours avant la fin du déploiement des circuits interurbains, les pages de tarif modifiées proposées indiquant que Bell Canada recevra le trafic sans frais en provenance de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada au moyen des circuits interurbains déployés aux commutateurs de RCCI. Le Conseil estime que ces modifications tarifaires sont nécessaires, compte tenu de la constatation d’un changement important de circonstances, pour faire en sorte que les tarifs soient justes et raisonnables, conformément au paragraphe 27(1) de la LoiNote de bas de page 17.

Le Conseil devrait-il permettre à RCCI de commencer à facturer à Bell Canada, rétroactivement au 1er avril 2019, toutes les minutes et tous les coûts liés aux services sans frais pour le trafic provenant de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada?

Positions des parties

  1. RCCI a fait valoir que, puisqu’elle interroge sa propre base de données des numéros de téléphone sans frais pour tous les appels destinés aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada, RCCI a le droit de facturer à Bell Canada les frais d’identification d’entreprise 800/888, conformément au tarif de RCCI. RCCI a fait valoir que les frais devraient être appliqués à compter du 1er avril 2019 et qu’en attendant l’installation complète des circuits interurbains pour remplacer les circuits bidirectionnels existants, RCCI devrait avoir le droit de facturer à Bell Canada tous les coûts liés aux services sans frais énumérés dans le tarif de RCCI. RCCI a fait valoir que Bell Canada ne peut éviter arbitrairement et unilatéralement ces coûts approuvés par le Conseil. RCCI a fait valoir qu’elle est tenue de payer ce type de coûts à Bell Canada dans les mêmes circonstances; par conséquent, Bell Canada devrait également être tenue de les payer.
  2. RCCI a fait valoir que Bell Canada ne devrait pas tirer profit de son incapacité à conclure une nouvelle entente d’interconnexion à l’égard des circuits interurbains. RCCI a fait valoir que, même si le trafic peut continuer d’être acheminé par les circuits de facturation-conservation en attendant la décision du Conseil à ce sujet, RCCI devrait être indemnisée de façon appropriée pour l’acheminement du trafic sans frais de Bell Canada.
  3. Bell Canada a remis en question le pouvoir du Conseil d’accéder à la demande de facturation rétroactive de RCCI, ce qui forcerait essentiellement Bell Canada à payer pour un service qu’elle n’a jamais utilisé. Bell Canada a également fait valoir que la rétroactivité est une exception réglementaire, que la Cour suprême du Canada a limitée aux cas où les tarifs ont été établis sur une base provisoire. Bell Canada a fait valoir qu’il n’y a rien de provisoire, relativement aux tarifs ou autre, dans le contexte de la demande de RCCI. Bell Canada a fait valoir qu’elle se conforme entièrement au régime actuel des numéros de téléphone sans frais, dont les composantes ont toutes été approuvées de manière définitive.
  4. Bell Canada a également remis en question le pouvoir du Conseil de lui ordonner d’indemniser RCCI pour l’utilisation de la base de données des numéros de téléphone sans frais de RCCI. Bell Canada de plus a fait valoir que RCCI n’a pas précisé en vertu de quel pouvoir le Conseil agirait. Bell Canada a fait valoir que la demande de RCCI n’allègue pas que Bell Canada a violé l’article 27 de la Loi; toutefois, même si cet article était invoqué, le Conseil n’a pas le pouvoir d’ordonner des indemnités monétaires pour violation de l’article 27.
  5. Bell Canada a ajouté que RCCI n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle elle devrait être facturée rétroactivement au 1er avril 2019. Bell Canada a fait valoir que le choix de cette date semble arbitraire, puisque le nouveau service de base de données des numéros de téléphone sans frais de RCCI a été approuvé par le Conseil en août 2018 (bien que, Bell Canada a soutenu, la facturation à partir d’août 2018 ne soit pas plus appropriée qu’à partir du 1er avril 2019).
  6. Bell Canada a fait valoir que RCCI est libre d’attirer des clients pour des services sans frais auprès des ESI qui croient que le nouveau service de base des données de numéros de téléphone sans frais leur procurera des avantages commerciaux. Toutefois, Bell Canada est fondamentalement en désaccord avec le fait que RCCI, en vertu des règles existantes, puisse contraindre d’autres participants de l’industrie, à savoir Bell Canada, à utiliser le nouveau service et à forcer de nouvelles ententes d’interconnexion, même lorsque, comme dans le cas de Bell Canada, un fournisseur n’en a pas besoin. Bell Canada a fait valoir que le lancement du service ne donne pas à RCCI le droit à une forme quelconque de partage ou de redistribution des revenus de service sans frais au nom de l’équité.
  7. RCCI a répondu que, contrairement à ce qu’affirme Bell Canada, elle n’a pas demandé au Conseil de rendre une ordonnance rétroactive. RCCI a convenu avec Bell Canada qu’il n’existe aucun tarif provisoire qui justifierait une telle ordonnance. Toutefois, il y a des tarifs définitifs dans les tarifs de RCCI et de Fido Solutions Inc., que le Conseil a approuvés le 27 août 2018 dans l’ordonnance de télécom 2018-323. RCCI a fait valoir que son tarif devrait s’appliquer à Bell Canada chaque fois que Bell Canada reçoit des appels sans frais provenant du réseau de RCCI.
  8. Dans sa réplique à l’argument de Bell Canada selon lequel la date de facturation du 1er avril 2019 semble arbitraire, RCCI a fait valoir qu’alors qu’elle aurait pu demander des paiements rétroactifs remontant jusqu’à août 2018, elle a décidé de donner à Bell Canada un délai raisonnable pour construire les circuits interurbains demandés. RCCI a fait valoir qu’elle a tenté de négocier avec Bell Canada et que c’est seulement après que Bell Canada ait continué de refuser de négocier que RCCI a décidé de demander une mesure de redressement au Conseil.
  9. RCCI a fait valoir que si Bell Canada décide de contester les factures, RCCI refuserait également de payer les factures de Bell Canada pour la même période.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que, puisque Bell Canada n’avait pas de circuits interurbains unidirectionnels déployés aux commutateurs de RCCI pour recevoir le trafic sans frais en provenance de RCCI destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada à compter du 1er avril 2019, il ne serait pas approprié que RCCI fasse payer Bell Canada à compter de cette date ou à compter de toute autre date à laquelle Bell Canada n’avait pas de circuits interurbains déployés aux commutateurs de RCCI.
  2. Par conséquent, le Conseil refuse la demande de RCCI de commencer à facturer à Bell Canada, à compter du 1er avril 2019, toutes les minutes et tous les coûts liés aux services sans frais et associés au trafic sans frais en provenance de RCCI et destiné aux clients des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada.
  3. Le Conseil détermine qu’il serait approprié que RCCI commence à facturer à Bell Canada le trafic en question à compter de la date à laquelle Bell Canada aura terminé le déploiement des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu, dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi, de mettre en œuvre les objectifs de la politique exposés à l’article 7 de la Loi, conformément aux Instructions de 2006 et aux Instructions de 2019Note de bas de page 18. Le Conseil estime que ses conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions de 2006 et de 2019 pour les raisons mentionnées ci-dessous.
  2. Conformément au sous-alinéa 1a)(i) des Instructions de 2019, le Conseil estime que la mesure réglementaire énoncée ci-dessus – plus précisément, l’ordonnance donnée à Bell Canada de déployer des circuits interurbains unidirectionnels pour se connecter aux commutateurs de RCCI – encourage toutes les formes de concurrence et d’investissement en favorisant l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7c) de la Loi.
  3. Conformément au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions de 2019, le Conseil estime que l’ordonnance qu’il a donnée à Bell Canada de déployer des circuits interurbains pour se connecter aux commutateurs de RCCI promeut les intérêts des consommateurs en favorisant le caractère abordable et des prix plus bas en ce qui concerne la prestation de services d’interrogation des bases de données des numéros de téléphone sans frais et d’acheminement des appels sans frais aux fournisseurs de services de télécommunication, ce qui peut se traduire par des avantages pour les clients, et en ce qui concerne la prestation de services de numéros de téléphone sans frais aux clients finals.
  4. De plus, le Conseil estime que l’ordonnance donnée à Bell Canada de déployer des circuits interurbains pour se connecter aux commutateurs de RCCI est conforme aux Instructions de 2006, plus précisément au sous-alinéa 1b)(iii), qui exige que les mesures réglementaires de nature non économique soient, dans la mesure du possible, mises en œuvre de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence, et au sous-alinéa 1b)(iv), qui exige que les mesures réglementaires visant des ententes d’interconnexion des réseaux garantissent la neutralité sur le plan de la concurrence et ne favorisent pas artificiellement les entreprises canadiennes.

Secrétaire général

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